Genesis 32
CINQUANTE-HUITIÈME HOMÉLIE
« Et Jacob levant les yeux, vit le camp de Dieu ; et les anges de Dieu se présentèrent à sa rencontre ; Jacob les ayant vus dit : C’est là le camp de Dieu ; et il appela cet endroit le camp. » (Gen 32,1-2) ANALYSE.
- 1. Explication des versets 1-12 du chap. XXXII. – 2. Explication des versets 13-28. Jacob prie Dieu d’accomplir ces promesses ; il lutte avec un ange : son nain est changé en celui d’Israël ; pourquoi les Anges se montrent sous une forme humaine. —3. Continuation de l’explication du texte jusqu’au verset 4 du chap. XXXIII. L’incarnation est révélée. Monuments des bienfaits de Dieu dans l’Écriture. – 4. Explication des versets 5-17. Jacob triomphe de son frère par son humilité. – C’est une grande vertu que de se concilier ses ennemis ; que la douceur a pour cela une grande efficacité.
1. Je sais que vous avez été fatigués hier parce due mon discours s’est beaucoup prolongé ; mais, ayez confiance, votre fatigue n’est pas inutile, car elle a eu lieu dans le Seigneur, près de qui la moindre peine est payée d’une grande récompense : si le corps s’est fatigué, l’âme a été fortifiée. Ainsi moi-même, voyant l’ardeur de votre zèle et votre désir d’entendre, de nouveau éveillé, je veux resserrer mon enseignement, mais non le terminer avant d’en avoir atteint le terme, sachant bien que c’est le plus sûr moyen de vous être agréable. Car l’étendue de mon enseignement a fait voir combien est avide et insatiable votre désir d’entendre la parole sainte ; d’ailleurs mon ardeur à vous instruire s’accroît aussi, lorsque je vois chaque jour s’accroître votre empressement. Revenons donc aujourd’hui reprendre, dans la mesure de nos forces, la suite du sujet traité hier ; donnons à votre charité son aliment ordinaire, et voyons comment, après le départ de Laban, Jacob continue son voyage. Car rien n’est oiseux de ce que contient la divine Écriture ; mais toutes les actions des justes recèlent une grande utilité pour nous. En effet, puisque sans cesse le Maître de l’univers était présent pour les assister, qu’il allégeait pour eux les fatigues du voyage, le simple récit de ce voyage peut nous fournir un ample profit. Laban étant parti pour retourner dans sa demeure, Jacob poursuivit son chemin et, levant les yeux, il vit le camp de Dieu dressé ; et les anges de Dieu se présentèrent à sa rencontre. (Gen 32,1) Lorsque la crainte que lui avait inspiré Laban se fut pleinement dissipée, la crainte d’Esaü y succéda. C’est pour cela que le bon Maître, voulant encourager ce juste et dissiper toutes ses terreurs, offrit à ses yeux le camp des anges. Les anges de Dieu se présentèrent à sa rencontre, dit l’Écriture, et Jacob dit : C’est là le camp de Dieu. Et il appela cet endroit les camps (Id 1-2) ; en sorte que cette dénomination conservât perpétuellement la mémoire de la vision qu’il avait eue en ce lieu. Et après cette vision,il envoya devant lui, dit l’Écriture, des messagers vers sors frère Esaü, avec cette mission : Vous direz à mon seigneur Esaü. (Id 3-4) Voyez quelle crainte, même après cette vision, domine encore ce juste. Il redoutait la violence de son frère et s’inquiétait à la pensée que le souvenir de ce qui s’était passé autrefois pouvait l’exciter à marcher contre lui. Dites à mon seigneur Esaü : Voici ce que vous dit votre serviteur Jacob. J’ai demeuré près de Laban et j’y suis resté jusqu’ici ce temps ; je suis devenu possesseur de bœufs, d’ânes, dé brebis, de serviteurs et de servantes, et j’ai envoyé vers mon serviteur, afin que votre serviteur trouvât grâce devant vous. (Id 4-5) Considérez la crainte qu’il avait de son frère, et comment, désireux de l’adoucir, il lui envoie annoncer son retour, la richesse qu’il a acquise et le lieu où il a vécu jusque-là, afin de calmer sa colère et de pouvoir le rendre doux et facile ; ce qui arriva en effet, Dieu ayant calmé son cœur, éteint sa colère, et l’ayant adouci. Car, si Dieu avait inspiré par ses paroles tant de crainte à Laban, tandis qu’il poursuivait Jacob avec tant d’impétuosité, à bien plus forte raison, il inspira au frère du juste de la douceur envers lui. Ces messagers revinrent en disant : Nous avons trouvé votre frère, et il vient à votre rencontre avec quatre cents hommes armés. (Id. 6) Voyez comment cette nouvelle redouble les craintes de Jacob. Il ne connaissait pas, en effet, avec certitude le dessein de son frère ; mais apprenant lé grand nombre de ceux qui étaient avec lui, il conjecturait avec effroi que, parce qu’il était préparé pour le combat, il ne venait pas à lui pour une rencontre pacifique. Jacob, dit le texte (Id. 7), fut effrayé, et il ne savait ce qu’il devait faire. La crainte troublait son esprit, il ne savait que faire, au milieu de son anxiété ; il lui semblait qu’il avait tout à redouter et que la mort était devant ses yeux. Il divisa toute sa troupe en deux camps, bar il disait : S’il marche contre un camp et le, détruit, l’autre pourra être sauvé. (Id 7, 8) Voilà ce que lui suggéraient la crainte et l’épouvante. Se voyant comme pris dans un filet, il a recours au Maître invincible, et il réclame auprès du Dieu de l’univers l’accomplissement de ses promesses, comme s’il lui disait : Maintenant, voici le temps où, à cause de la vertu de mes pères et à cause de votre promesse, je dois obtenir votre pleine assistance, dit le texte, parla ainsi : Vous, le Dieu de mon père Abraham et de mon père Isaac, vous qui m’avez dit : Retourne dans la terre de ta naissance (Id. 9) ; c’est vous qui m’avez fait partir de la terre étrangère, et qui m’avez ordonné (le revenir vers mon père et vers la terre de ma naissance. Que je sois sauvé par la justice et la vérité dont vous avez usé envers votre serviteur. (Id 10) Qu’elles soient mon assistance en cette conjoncture. Car vous qui, jusqu’à présent, avez pris de moi tant de soin, voit pouvez, en ce moment encore, m’arracher aux dangers qui me menacent ; car je n’ignore pas que j’ai passé ce fleuve du Jourdain, avec une simple baguette. (Id) Et maintenant, par votre providence, moi qui ne portais qu’un bâton, en partant pour la terre étrangère, je reviens avec deux camps. (Id) Vous donc, ô mon Maître, vous qui m’avez donné tant de richesses, qui m’avez fait monter à ce point, maintenant Sauvez-moi de la main d’Esaü, mon frère, parce que je crains qu’il ne me frappe, avec la mère et les enfants. Vous avez dit : Je te ferai dit bien et je multiplierai ta race comme le sable de la mer et sa multitude sera innombrable. (Id 11,12) 2. Voyez la piété de ce juste et sa profonde reconnaissance, qui lui font tenir pour certain que le souverain Maître ne peut ne pas accomplir ses promesses. C’est après avoir montré sa gratitude pour les bienfaits antérieurs, et reconnu que Dieu l’a pris pauvre et banni pour le combler de richesses, qu’il le supplie de l’arracher au péril : Vous m’avez dit : Je multiplierai ta race comme le sable de la mer, et on ne pourra la comptera. Ayant donc adressé au souverain Maître son appel et son humble prière, il fait ce qui dépend de lui. Il prend des présents parmi ce qu’il apportait de la terre étrangère et les adresse à son frère, les divisant en plusieurs envois et recommandant de le fléchir par des paroles et de lui annoncer son approche. Dites-lui : Voilà que votre serviteur vous suit de près, en sorte qu’il puisse le fléchir avant de paraître en sa présence. Ensuite, dit le texte, je verrai son visage ; peut-être m’accueillera-t-il. Et il envoya ses présents pour être remis à son frère. (Id 20, 21) Considérez encore ici l’ineffable bonté de Dieu, et comme elle témoigne bien de l’ordre de sa Providence. A Laban, quand Jacob ne soupçonnait pas le péril et ne savait pas qu’il allait tomber entre les mains de Laban, qui accourait pour se venger de son départ secret, Dieu se montre, réprime sa colère et lui défend d’adresser à Jacob une parole amère : N’adresse à Jacob aucune parole coupable, lui dit-il. Il régla ainsi les choses pour que le juste l’apprît par la bouche de Laban lui-même, afin que, connaissant la providence de Dieu à son égard, il fût plus rempli de confiance. Et maintenant, parce qu’Esaü s’est calmé avec le temps, et que sa colère, son ressentiment contre Jacob se sont apaisés, tandis que celui-ci est rempli d’inquiétude, et frémit de crainte au moment de rencontrer son frère, ce bon Maître ne s’adresse point à Esaü, car celui-ci n’avait nul mauvais dessein contre Jacob ; mais il relève ce juste. Après avoir fait partir les porteurs de ses présents et dormi quelque temps, il se leva cette nuit même, il fit passer le Jaboch à ses deux femmes et à ses enfants : il les prit et les fit passer au-delà du torrent. Jacob reste seul, et un homme lutte avec lui. (Id 22, 24) O grande bonté de Dieu l Parce que Jacob allait rencontrer son, frère, et afin qu’il eût une preuve sensible qu’il n’éprouverait rien de fâcheux, il daigne lutter avec lui, sous la figure d’un homme. Ensuite, Jacob voyant qu’il avait le dessous, le saisit par la largeur de sa cuisse. (Id 25) Dieu ne s’abaissait ainsi que pour délivrer de crainte l’âme de ce juste, et lui persuader de n’avoir aucune angoisse à la rencontre de son frère. Jacob l’ayant saisi par la largeur de sa cuisse, la largeur de la cuisse de Jacob s’engourdit en luttant avec lui. (Id) Ensuite, afin que Jacob apprît quelle était la puissance de celui qu’il croyait lutter contre lui, le mystérieux lutteur lui dit : Laisse-moi partir, car le matin se lève. (Id 26) Ce juste donc s’apercevant quelle était la puissance de celui qui lui parlait, répondit : Je ne vous laisserai point partir que vous ne m’ayez béni. (Id) J’ai été jugé digne de grands bienfaits et au-dessus de mon mérite. Je ne vous laisserai donc point que vous ne m’ayez béni. – Quel est ton nom ? (Id 27) Voyez encore jusqu’où Dieu s’abaisse. Ne savait-il pas, sans le demander, le nom de ce juste ? Assurément il le savait, mais il veut augmenter sa foi par cette demande et lui apprendre quel est celui qui s’entretient avec lui. Lors donc qu’il eut répondu Dieu lui dit : Tu ne t’appelleras plus mais Israël sera ton nom, parce qu’ayant été fort avec Dieu, tu seras puissant parmi les hommes. (Id 28) Vous avez compris comment Dieu lui a révélé la cause d’une telle condescendance ; en même temps il enseigne à ce juste, par le nom qu’il lui donne, quel est Celui qu’il a vu et qui a daigné se laisser retenir par lui : Tu ne t’appelleras plus mais Israël. Or, Israël se traduit par voyant Dieu. Puis donc que Dieu a daigné se montrer à toi, autant qu’il est possible à un homme de le voir, je te donne ce surnom, afin que désormais il soit manifeste à tous de quelle vision tu as été honoré. Et il ajoute : Parce que tu as été fort avec Dieu, tu seras puissant parmi les hommes. Ne crains donc plus et n’appréhende plus de mal de la part de personne. Car celui qui a reçu une force telle qu’il puisse lutter avec Dieu, à plus forte raison l’emportera sur les hommes et sera invincible à tous. Voir le début du chapitre 33.