‏ Genesis 34

2. N’entendez-vous pas le Christ nous dire : Les soins de ce siècle et la séduction des richesses étouffent le jugement, et il devient stérile. (Mat 13,22) Ces soins et ces séductions sont ce qu’il nomme les épines, quand il dit qu’une partie de la semence tomba parmi les épines ; et il interpréta ensuite à ses disciples, ce qu’étaient ces épines en leur disant : Les soins de ce siècle et la séduction des richesses étouffent le jugement et il dévient stérile. C’est une belle comparaison que celle des soins de ce siècle aux épines. De même en effet qu’elles ne permettent pas au blé de s’élever, mais étouffent en le pressant celui qu’on a semé ; de même les soins de la vie ne laissent porter aucun fruit à la semence spirituelle répandue dans l’âme ; elles la consument et l’étouffent à la façon des épines et ne laissent point pousser la semence spirituelle. La séduction des richesses. Oui, elle est bien nommée, car c’est réellement une séduction. Est-il en effet besoin de tant d’or et de richesses ? Oui, dira-t-on, la possession des biens cause une grande joie. Quelle joie ? et pourquoi l’appeler joie ? N’est-ce pas plutôt là une cause d’abattement inexcusable et de mille chagrins ? Et je ne parle pas encore du châtiment suspendu sur la tête des coupables, mais seulement des maux de la vie présente, quand je dis que les affaires ne peuvent causer de plaisir, mais plutôt des troubles et des chagrins continuels. Les vagues soulevées de la mer ne sont qu’une image imparfaite de l’âme ainsi pressée par le raisonnement et la passion, et mal disposée envers tous, étrangers et proches. Et si – quelque jour on dérobe à ces hommes quelque, portion de leur richesse (et combien ne voit-on pas d’accidents de toute sorte, de ruses pour ravir les biens, de crimes chez les serviteurs, de violences chez les puissants), alors vous les verrez persuadés que la vie leur est intolérable. Combien donc n’est-il pas lamentable le sort de ces hommes qui mettent tant d’ardeur à se nuire de toute façon et qui se plaisent à ajouter tant de maux à la perte de leur âme !

Mais laissons-les de côté, s’il vous plaît, et revenons à l’histoire de ce juste ; voyons-en la suite : Jacob éleva un autel dans cette portion de terrain, et il invoqua le Dieu d’Israël, et il résolut d’établir désormais sa résidence chez les Sichémites. Mais voyez comment là encore ce juste montra sa douceur.Dina, elle de Lia, sortit pourvoir les filles des habitants. Et Sichem le fils de Bémor, l’ayant vue, dormit avec elle ; il aima cette jeune fille et l’entretint de ce qui plaisait à son esprit. (Gen 34,1-3) Vous avez vu comme la jeunesse est mauvaise, si elle n’a pour frein les pensées de la piété ? Il a vu cette jeune fille ; cette vue l’a rempli d’amour, et il a satisfait son désir. Et il l’entretint de ce qui plaisait à son esprit. Qu’est-ce qui plaisait à l’esprit de la jeune fille ? Parce qu’elle était jeune, il l’entretint de ce qui pouvait la séduire et l’entraîner. Et il dit à son père : donnez-moi cette jeune fille pour épouse. Jacob apprit ce qui s’était passé et il prit patience, attendant que les frères de Dina fussent de retour, car ils étaient dans leurs bergeries. Jacob se tut, dit le texte, jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés. Et quand Hémor fut venu trouver les frères de Dina parurent aussi ; et ayant appris ce qui était arrivé à leur saur, ils en furent vivement blessés. (Id 5, 7) Blessés, oui, ils se désolèrent et ne jugèrent pas le fait tolérable, mais très-douloureux, et ils s’en affligèrent. Il leur était très-pénible, dit l’Écriture, que Sichem eut fait outrage à la famille d’Israël, en dormant, avec la fille de Jacob. (Id. 7) Voyez-vous la chasteté de ces jeunes gens ? Ils ont compris que c’était là un fort grand outrage. Vous voyez comment ce juste a formé ses enfants à la vertu, et comment le fils de Hémor, ayant cédé à son désir, a été pour son père et sa ville entière une cause de ruine. Mais d’abord écoutons ce que leur dit Hémor, et vous connaîtrez ensuite la cruelle ardeur des frères de Dina à venger le crime commis contre leur sœur. Hémor leur dit Sichem, mon fils, a choisi dans son âme votre fille. Voyez comment il annonce la calamité qui va l’envelopper. Il a choisi dans son âme ; comme s’il disait : il a donné sa vie pour votre fille. Il le disait pour faire entendre le désir que Sichem avait dé l’obtenir ; mais bientôt il apprit que ce serait la cause de sa perte et de la perte de toute la population, Puis donc, dit Hémor, qu’il brûle ainsi pour elle, donnez-la-lui pour femme et alliez-vous à notre famille. Donnez-nous vos filles et recevez nos filles pour vos fils, et demeurez parmi nous. Voilà que la terre est vaste devant vous ; habitez-la et parcourez-la, et acquérez-y des possessions. (Id 8, 10) Voyez ce père qui, par tendresse pour son fils, se montre bienveillant pour ces étrangers et veut les gagner en leur donnant la faculté de disposer du pays. Le père parlait ainsi ; mais le fils ayant vu l’amour que lui témoignait son père et comment il était disposé, à tout faire pour réaliser les désirs de son enfant, ajoute quelque chose encore et dit à ainsi qu’aux frères de Dina : Que je trouve grâce devant vous, et nous vous donnerons tout ce que vous désignerez. Portez la dot bien haut et je payerai tout ce que vous voudrez, mais donnez-moi celle jeune fille pour femme. (Id 11, 12) Vous avez entendu les demandes instantes que fait le père par affection pour son fils, et le fils lui-même offrant tout avec empressement pour obtenir la jeune fille.

3. C’est que cette passion désastreuse persuade à celui qu’elle possède dé tout endurer, jusqu’à ce qu’elle l’ait conduit au fond de l’enfer. Or considérez ce qui se passe. Le vieux Jacob écoute ces paroles en silence, et suivant sa douceur accoutumée, il ne prononce pas un mot, mais supporte avec patience l’outrage fait à sa fille :Mais les fils de Jacob parlèrent avec dissimulation à Sichem et ci ; Hémor son père, et ils leur dirent qu’ils avaient déshonoré leur sœur. (Id 13) Examinez, je vous prie, comment, pour l’impudicité d’un seul, tous les habitants d’une ville partagent son malheur. Comme, quand un embrasement a lieu, ceux qui habitent auprès ont part au péril, parce que le feu ravage tout ; de même la passion effrénée de ce jeune homme a fait périr non seulement son père, mais toute la cité. Que font donc les enfants de Jacob ? ils leur répondent avec dissimulation. Il est important de les entendre, afin de se rendre compte de la douleur qu’ils ressentaient au sujet de leur sœur. Siméon et Lévi, frères de Dina et fils de Lia, répondirent : nous ne pouvons accueillir votre demande et donner notre saur à un homme qui n’est pas circoncis. Si donc vous vous faites circoncire, nous vous donnerons nos filles, et nous accepterons les vôtres et nous ne formerons plus qu’une seule race. (Gen 13,16) Celle déclaration était raisonnable et logique ; mais, dit le texte, ils parlaient avec dissimulation. Si vous ne voulez pas le faire, continue le texte, nous reprendrons notre fille et nous nous retirerons. (Id 17) Voilà ce que proposèrent Siméon et Lévi, qui méditaient le meurtre de tous les habitants. Mais Sichem et sort père, les yeux fixés sur le but qu’ils voulaient atteindre et désireux d’obtenir la jeune fille, accueillirent ces paroles et agréèrent cette proposition. Ce langage leur plut, et le jeune homme ne différa point à s’y conformer, car il était épris de la, fille de Jacob. (Id 18-19) Il était tout entier livré à sa passion pour cette jeune fille. Et lui et son père, s’étant rendus à la porte, parlèrent à tout le peuple de la ville (Id 20) ; et ils leur conseillèrent d’accepter la circoncision, selon la déclaration qui leur était faite, et à consentir à vivre avec la famille d’Israël. Et les habitants se conformèrent sans retard aux paroles de Hémor et de Sichem ; et tous ensemble reçurent sur leur corps le signe de la circoncision. Siméon et Lévi, l’ayant appris, se, hâtent d’exécuter le dessein qu’ils méditaient. Ayant pris chacun leur épée, ils entrèrent sans danger dans la ville. (Id 25) Comment donc, sans danger ? ils n’étaient que deux contre un si grand nombre. Mais leur sûreté était garantie, parce que les habitants gisaient là blessés. C’est ce que nous apprend la sainte Écriture, quand elle dit : le troisième jour tandis qu’ils étaient dans la souffrance. (Id) Voilà ce qui faisait la sûreté de Siméon et de Lévi et ce qui rendait deux hommes plus forts qu’une multitude. Et ils tuèrent, dit le texte, tout ce qui était mâle. (Id), c’est-à-dire tous les hommes qui, gisaient dans les douleurs de la circoncision et qui étaient en quelque sorte préparés pour le massacre ; et, ayant tué avec les autres : le jeune homme qui avait outragé leur sœur, ils se retirèrent. Les enfants de Jacob ne se – contentèrent même pas de cette vengeance, mais le texte nous apprend qu’ils enlevèrent les brebis et tout le bétail, et se retirèrent ayant dépeuplé et détruit la ville. Vous avez vu, mon bien-aimé, quels maux a causé l’emportement d’un jeune homme ? quel désastre il a attiré sur tous les habitants de, cette ville ? A la vue de cet exemple, réprimons donc les passions de nos enfants et mettons plus d’un frein à la jeunesse, celui de la crainte et celui des conseils ; veillons sur leur chasteté, n’épargnons ni soins ni démarches pour que le jeune âge puisse échapper aux passions coupables. C’est pour cela que notre Maître commun, voyant la faiblesse de la nature humaine, a institué le mariage, pour nous détourner des relations illicites.

Ne négligeons donc point les jeunes gens, mais voyant comment brûle cette fournaise, efforçons-nous, avant qu’ils aient roulé dans l’abîme du libertinage, de les engager, conformément à, la loi de Dieu, dans les liens du mariage, afin que leur chasteté soit maintenue, et qu’ils ne soient pas atteints par le mal de l’impudicité, pourvus qu’ils seront d’un remède suffisant, pouvant réprimer les assauts de la chair et demeurer à l’abri du châtiment. Mais voyons quelle impression fit sur le vieux Jacob la conduite de ses enfants.Jacob leur dit, reprend l’Écriture (Id 30) : Vous m’avez rendu odieux et criminel aux yeux des habitants de ce pays. Pourquoi, leur dit-il, avez-vous tiré une telle, vengeance ? Ce que', vous avez fait va m’attirer une, haine profonde de la part de tous les habitants du pays. Puis, témoignant la crainte qu’il éprouvait, il ajouta : Nous, nous sommes peu nombreux ; réunis contre nous, ils nous tailleront en pièces et nous écraseront (Id), comme s’il disait : ne savez-vous pas que, peu nombreux comme nous le sommes, nous éprouverons à notre tour ce que vous avez voulu faire à d’autres ? Et de même que Sichem a été cause de ce désastre pour son père et pour tous les habitants de sa ville, ainsi serez-vous pour moi. Car, à cause de vous, je vais être un objet de haine, et rien n’empêchera que, par suite de votre témérité, nous ne soyons écrasés. Ils lui répondirent, dit le texte: mais, outragera-t-on ainsi notre sœur ? (Id 31) Vous le voyez : c’est un sentiment de chasteté qui a porté les enfants de Jacob à la vengeance : leur apologie envers leur père consiste à dire : ils nous ont déshonorés par l’outrage fait à notre sœur, et c’est pour cela que nous avons été contraints d’agir ainsi, afin que cette leçon prévienne à l’avenir une telle audace.

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