Genesis 35
4. Mais considérez ensuite, je vous prie, l’ineffable providence de Dieu envers ce juste. Voyant qu’il craignait, à cause de ce qu’avaient fait ses fils, de demeurer dans cette contrée, Dieu lui dit, continue le texte : Lève-toi et monte à Béthel pour y habiter. (Gen 35,1) Puisque tu crains les habitants de cette contrée, retire-toi et va habiter Béthel. Élevé là un autel au Seigneur, que tu as vu, quand tu fuyais de devant la face d’Esaü, ton frère. Et Jacob dit à sa famille et à tous ceux qui étaient avec lui : faites disparaître les dieux étrangers du milieu de vous, et purifiez-vous et changea vos vêtements ; levons-nous, montons à Béthel, élevons-y un autel au Seigneur, qui m’a écouté au jour de la tribulation ; il était avec moi et m’a sauvé dans mon voyage. (Id 1-3) Considérez encore ici l’obéissance et la piété de ce juste. Quand il a entendu cet ordre : monte à Béthel, élève là un autel, il appelle tous ses enfants et leur dit : faites disparaître les dieux. Quels dieux, me dira-t-on ? car on ne voit nulle part qu’il ait eu des dieux : dès les premiers jours de sa vie ce juste fut un pieux serviteur du vrai Dieu. Peut-être il entendait par ces paroles les dieux de Laban que Rachel avait dérobés ; aussi dit-il : Puisque nous allons rendre des actions de grâces au vrai Dieu, qui m’a toujours accordé sa protection, faites disparaître les idoles que vous pourriez avoir. Purifiez-vous et changez vos vêtements ; allons ainsi à cette ville et trouvons-nous-y tous ensemble, purifiés au-dehors et au dedans. Ne vous montrez pas seulement purs par l’éclat de vos vêtements, mais purifiez les pensées de votre esprit en faisant disparaître vos idoles, et montons ainsi à Béthel. Et ils donnèrent à Jacob, dit le texte, les dieux étrangers, car ce n’étaient pas leurs dieux, et les pendants d’oreilles qu’ils portaient. (Id. 4) C’étaient peut-être des symboles idolâtriques se rapportant à ces dieux ; aussi les apportent-ils à leur père avec les idoles. Et Jacob les cacha sous le térébinthe de Sichem, et il les fit disparaître jusqu’à ce jour. Il les cacha, dit le texte (Id), et il les fit disparaître, en sorte que les esclaves de l’égarement eux-mêmes fussent soustraits à cet égarement et que personne désormais n’en reçût de dommage. Après que ce juste eût accompli tous ces soins, il partit du pays de Sichem et se mit en route pour Béthel. Mais voyez encore le soin que Dieu prend de lui, et comment l’Écriture nous en instruit clairement. Ce juste étant parti, la crainte de Dieu se répandit dans les villes d’alentour, et ils ne poursuivirent point les enfants d’Israël. (Id. 5) Vous avez vu combien est grande cette providence et combien manifeste est son secours ? La crainte saisit les habitants et ils ne les poursuivirent point. Parce que ce juste l’avait redouté et avait dit : Nous sommes en bien petit nombre et nous serons écrasés, l’Écriture nous apprend que la crainte qui saisit les habitants empêcha cette poursuite. Dieu en effet, lorsqu’il veut prêter son assistance, rend les faibles plus forts que les puissants, le petit nombre plus puissant que le grand nombre, et rien ne saurait être plus heureux que celui qui a obtenu l’assistance d’en haut. Et Jacob, dit l’Écriture, arriva à Luzon, qui est dans la terre de Chanaan et est nommé Béthel, et toute la tribu avec lui. Il y éleva un autel et appela ce lieu Béthel, car c’est là que Dieu lui était apparu, tandis qu’il fuyait de devant la face d’Esaü, son frère. (Id 6-7) Arrivé là, il accomplit l’ordre du Seigneur en élevant un autel, et donne à ce lieu le nom de Béthel. Déborra, nourrice de Rébecca, mourut et fut ensevelie au-dessous de Béthel, sous le chêne ; et Jacob le nomma le chêne du deuil. (Id. 8) Vous le voyez, il donnait aux lieux des noms tirés des événements afin d’en conserver la mémoire. Et comment, me direz-vous, la nourrice de Rébecca était-elle avec lui, nouvellement arrivé de Mésopotamie, et n’ayant point encore revu son père ? Il n’est pas difficile de répondre qu’elle avait voulu accompagner lorsqu’il revint de chez Laban, pour revoir Rébecca, après une si longue séparation, et qu’avant de l’avoir rencontrée elle mourut à Béthel. 5. Arrêtons-nous aussi là, s’il vous plaît ; terminons ce discours en exhortant votre charité au zèle pour la vertu et à prendre soin de la chasteté des jeunes gens. Car c’est de là, pour ainsi dire, que proviennent tous les maux. L’habitude de la dépravation, gagnant avec le temps, produit un tel ravage que nul avis ne peut désormais gagner ceux qui y sont une fois abandonnés ; ils sont conduits comme des captifs là où le veut le démon. C’est lui qui désormais est leur maître et qui leur donne ces ordres funestes que les jeunes gens exécutent avec joie, ne considérant que le plaisir du moment et ne réfléchissant pas à la douleur qui suivra. Je vous exhorte donc à tendre la main à nos jeunes gens, de peur que nous n’ayons à rendre compte de leur conduite. Ne savez-vous pas ce qui arriva au vieil Héli, qui n’avait pas convenablement redressé les défauts de ses enfants ? En effet, quand un mal a besoin qu’on emploie le fer, si un médecin veut le traiter par un liniment, il le rend bientôt incurable, parce qu’il n’y a pas appliqué le remède qui convenait ; de même ce vieillard, qui devait traiter ses enfants avec une sévérité proportionnée à leurs fautes, s’étant montré mou à leur égard, eut part à leur châtiment. Redoutez donc cet exemple, je vous en prie, vous qui avez des enfants, et veillez à leur éducation ; que chacun des gens de la maison partage sincèrement vos soins et comprenne que le gain le plus grand, c’est le service dit prochain ; en sorte que chacun, instruit à la vertu, puisse échapper à la tentation du vice, et que, choisissant la vertu, il obtienne l’assistance d’en haut. Que chacun de vous en soit favorisé, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel soient, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant, et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit il. SOIXANTIÈME HOMÉLIE.
« Et il y établit un autel, et il donna à ce lieu le nom de Béthèl ; car c’est là que Dieu lui était apparu, lorsqu’il fuyait de devant son frère Esaü. » (Gen 35,7) ANALYSE.
- 1. Explication des versets 7-13 du chapitre XXXV. —2. Explication des versets 14-27. —3. Exhortation morale à la mortification de la chair, au sacrifice spirituel de soi-même ; à la vigilance et à l’examen de conscience.
1. Aujourd’hui, s’il vous plaît, nous allons reprendre la suite de notre dernier discours, et faire l’instruction en continuant d’expliquer le même texte. Car aujourd’hui encore l’histoire de Jacob peut nous enseigner combien était grande la bienveillance de Dieu envers lui, et comment il l’affermit de nouveau par ses promesses, pour le récompenser de sa vertu. L’Écriture après nous avoir raconté dans les versets précédents, comment sur l’ordre de Dieu, quitta Sécime à cause des crimes que ses fils y avaient commis et se rendit à Luzan, ajoute : Et il y bâtit un autel, et il donna à ce lieu le nom de Béthel ; car c’est là que Dieu lui était apparu, lorsqu’il fuyait de devant son frère Esaü. Après avoir donné un tel ordre à ce juste, et l’avoir délivré de la crainte, dont il avait été saisi à cause du massacre des Sécimites, Dieu, dit l’Écriture, frappa de terreur les habitants de ces villes, et les empêcha de le poursuivre. Voyez quelle est la providence de Dieu, avec quelle sollicitude il veille sur Jacob. Il remplit de terreur, dit l’Écriture, les esprits de ceux qui habitaient les villes voisines, et les empêcha de le poursuivre : car ils voulaient sans doute venger les Sécimites. Mais comme le sang avait été répandu malgré la volonté de ce juste, et que Siméon et Lévi avaient commis ce crime pour venger l’outrage fait à leur sœur, non seulement il le délivre lui et ses fils de la crainte qui les agitait, mais il arrête encore l’impétuosité des peuples voisins en semant la terreur parmi eux. Sentez-vous combien il importe de jouir de l’assistance divine ? Lorsque Dieu a de la bienveillance pour nous, il éloigne de notre âme toute affliction. Car s’il a rendu le courage à ce juste, il a glacé d’effroi ses ennemis. Comme il est le souverain Maître, il dirige les événements à son gré, et il fait éclater dans toute chose sa sagesse et sa toute-puissance. Il n’est rien de plus fort que l’homme qui a su obtenir l’aide de Dieu, comme aussi il n’est rien de plus faible que celui qui en est privé. Voyez ce juste, ses auxiliaires sont faciles à compter et très-peu nombreux, mais il est protégé par la main de Dieu, et il a repris confiance et il a échappé au complot tramé contre lui ; ceux-là au contraire, bien qu’ils se fussent réunis en foule considérable, et qu’ils eussent été, d’accord dans leur entreprise, n’ont pas même pu mettre leurs projets à exécution. Car, dit l’Écriture, Dieu frappa de terreur les villes qui étaient autour d’eux. Après que ce juste fut délivré de toute crainte et de la poursuite des habitants de ce pays, voyez combien est grande l’affection que Dieu lui témoigne de nouveau ; Dieu, dit l’Écriture, lui apparut une seconde fois à Luza. Pourquoi l’Écriture ajoute-t-elle ce mot : une seconde fois ? Ce n’est pas sans motif : c’est pour nous apprendre que Dieu lui est déjà apparu autrefois dans ce même lieu, lorsqu’il fuyait son frère et qu’il se dirigeait vers la Mésopotamie. Voici ce que veut faire entendre l’Écriture : De même qu’autrefois Dieu lui est apparu au moment de sa fuite, de même aujourd’hui il se montre à lui dans le même lieu, au moment de son retour ; il lui renouvelle les promesses qu’il lui a faites lorsqu’il s’en allait, et par là il veut que ce juste ait confiance dans sa parole, et qu’il n’en doute pas à cause du long espace de temps qui s’est écoulé dans l’intervalle. Et il le bénit, et lui dit : Tu ne t’appelleras plus Jacob : désormais ton nom sera Israël. Bien qu’il l’eût déjà appelé de ce nom, lorsque Jacob traversait Jaboch, il veut aujourd’hui mettre dans son cœur une plus grande assurance, et il lui donna la même bénédiction, et il lui dit : Ton nom sera Israël ; augmente et multiplie. Des nations et des multitudes de nations naîtront de toi, des rois même sortiront de ta race. Voyez la grandeur de cette bénédiction. Il lui prédit non seulement que sa race se multipliera, mais encore qu’elle sera illustre. Des rois naîtront de ta race ; il lui révèle ainsi dès ce jour la gloire de ses descendants. Je te donne le pays que j’ai donné à Abraham et à Isaac, et je le donnerai à ta postérité après toi. Après que Siméon et Lévi eurent massacré les Sécimites, Jacob disait : Nous sommes en petit nombre ; ils s’assembleront donc contre moi, et ils me frapperont, et ils me détruiront, moi et ma maison ; et dans toutes ses paroles, il montrait sa pusillanimité, et la violente crainte qui le possédait : aujourd’hui donc le Seigneur plein de bienveillance pour ce juste, lui dit Puisque tu t’es écrié : nous sommes en petit nombre, apprends que ta race croîtra et se multipliera, et qu’elle sera tellement illustre, que d’elle sortiront une multitude de nations, et même des rois ; non seulement tu ne seras pas détruit, mais toi et ta race vous recevrez en héritage ce pays tout entier. Et après lui avoir fait ces promesses, Dieu, dit l’Écriture, remonta d’avec lui du lieu où il lui avait parlé. Voyez comment la sainte Écriture, dans son langage, s’abaisse au niveau de là nature humaine. Dieu, dit-elle, remonta d’avec lui : elle ne nous donne pas à entendre que Dieu puisse être limité dans l’espace, mais elle veut nous montrer l’étendue de sa bonté : car l’Esprit-Saint s’abaisse au niveau de la faiblesse humaine pour nous raconter toutes choses. Ces mots, descendre et monter, ne peuvent convenir à Dieu ; mais comme c’est là la plus grande preuve qu’il puisse nous donner de son ineffable bonté, que de se servir de pareils termes pour notre instruction, il a recours au langage humain ; aussi bien il serait impossible aux oreilles de l’homme de comprendre la sublimité de son langage, s’il était en rapport avec la dignité du Seigneur. 2. Si nous faisons cette réflexion, loin d’insister sur la bassesse des termes, nous admirerons l’ineffable bonté de Dieu qui ne dédaigne pas de s’abaisser ainsi, à cause de la faiblesse de notre nature. Mais voyez ce juste témoigner de nouveau sa reconnaissance. Jacob, dit l’Écriture, éleva une colonne de pierre dans le lieu où Dieu lui avait parlé, et il fit dessus une aspersion, et il y répandit de l’huile, et il donna le nom de Réthel au lieu où Dieu lui avait parlé. Voyez comment ce juste, parle nom qu’il donne à ce lieu, rend impérissable le souvenir de la vision dont il y fut favorisé, et en fait passer la mémoire aux générations suivantes : Et Jacob partit, et il planta sa tente au-delà de la citadelle de Gader. Ainsi, ce juste poursuit de nouveau sa route, et peu à peu se hâte d’arriver dans le lieu qu’habitait Isaac. Et l’Écriture ajoute : Lorsqu’il approcha d’Ephrath, Rachel enfanta, et elle fut dans un grand travail. Et comme elle avait beaucoup de peine à accoucher, la sage-femme lui dit : Prends courage, car tu as un fils. Ne crains point, dit-elle, car tu enfanteras un fils. Bien que tu sois déchirée de douleurs, cependant tu enfanteras un fils. Et en expirant, car elle mourait, elle l’appela fils de mes douleurs ; mais son père lui donna le nom de Benjamin. Celle-ci consacre, par le nom qu’elle donne à son fils, le mal qu’elle avait ressenti ; mais son père l’appela Benjamin. Et après qu’elle eut enfanté, elle mourut, dit l’Écriture, elle fut ensevelie au chemin d’Ephrath, qui est Bethléem. Et Jacob éleva un monument sur sa tombe. La naissance de cet enfant calma le chagrin que la mort de Rachel causait à et l’aida à supporter la perte de Rachel. C’est alors que Ruben se rendit coupable d’un grand crime : Il vint, dit l’Écriture, et dormit avec Balla, concubine de son père, et Israël en fut averti, et le crime fut prouvé en sa présence. Or, c’était là un grand crime. Aussi, dans la suite, Moïse défendit-il dans ses lois que le père et le fils eussent commerce avec la même femme. Dans la crainte qui peu à peu ce fait ne devienne une habitude, le législateur se hâte de déclarer que celui qui se rend coupable d’un pareil crime mérite un châtiment. Cependant alors vaincu par l’amour paternel, se montra indulgent pour la faute de son fils. Mais dans la suite, au moment où il allait quitter la vie, il flétrit Ruben, consigne par écrit son crime, et le maudit, afin que ce châtiment serve d’exemple à la postérité. Puis, le bienheureux Moïse fait le dénombrement des fils de Jacob, et par ses paroles, il nous apprend quelle était la vertu de ce juste. Et ne croyez pas que ce fut au hasard et sans raison qu’il eut commerce avec, Rachel, Lia et les deux servantes. L’Écriture, au contraire, nous montre que Jacob obéissait aux secrets conseils de la Providence, et qu’il vécut avec ces femmes, pour que les douze tribus sortissent de lui : Aussi l’Écriture ne dit-elle pas qu’un autre fils lui soit né, afin de tous apprendre que ce n’était pas là un fait imprévu et fortuit. Les fils de Jacob étaient au nombre de douze. Puis l’Écriture nomme séparément les enfants de Lia et de Rachel, et ceux des deux servantes, et elle ajoute : Voilà les fils qui naquirent à Jacob en Mésopotamie. Et cependant Benjamin fut mis au monde dans les environs de Bethléem. Pourquoi donc l’Écriture dit-elle : Voilà les enfants qui naquirent à Jacob en Mésopotamie? Peut-être Rachel l’avait-elle conçu avant son départ. Et Jacob vint vers Isaac, son père. Voyez ici encore, somment Dieu, dans sa bonté, voulait inspirer me pleine confiance à ces justes. La venue de Jacob vers son père, après un si grand nombre d’années, fut pour tous deux une douce consolation : pour parce qu’il revoyait on père, et pour Isaac, parce qu’il pouvait contempler la richesse de son fils, et le grand ombre d’enfants qui étaient sortis de lui. C’est alors, dit l’Écriture, que mourut Isaac, âgé et rassasié de jours. Si, en effet, au moment où Jacob surprit la bénédiction de son père, les yeux d’Isaac étaient déjà appesantis (et c’est ce qui explique qu’il ait pu être trompé), songez quelle devait être sa vieillesse, puisqu’un si grand nombre d’années s’étaient écoulées dans l’intervalle. Esaü et Jacob, dit l’Écriture, l’ensevelirent. Mais, après la mort d’Isaac : Esaü prit ses femmes, ses fils, toutes les personnes de sa maison, et tous les biens qu’il avait acquis dans la terre de Chanaan, et il partit. Car le pays qu’ils habitaient comme étrangers, ne pouvait pas les contenir, à cause de la grande quantité de leurs biens. Et il habita désormais sur la montagne de Séir. La sainte Écriture énumère ensuite les enfants qui naquirent à Esaü et les nations qui sortirent de lui, et elle ajoute : Quant à il demeura au pays où son père avait habité comme étranger, c’est-à-dire au pays de Chanaan. Vient ensuite un autre récit sur l’admirable Joseph. 3. Mais, si vous le voulez, nous terminerons ici notre discours, et nous réserverons pour une autre instruction l’histoire du fils de Jacob. Cependant voici ce que j’exigerai de votre charité, c’est que vous écoutiez mes paroles avec attention, que vous retiriez le plus grand fruit des enseignements que nous donne la sainte Écriture, et que vous ne passiez sur aucun sans réflexion. Car les paroles divines sont véritablement un trésor spirituel ; si, d’un trésor matériel, quelqu’un dérobe à son profit une seule pierre précieuse, par là souvent il peut acquérir une fortune immense ; de même les vertus des justes, si nous voulons nous y attacher, pourront nous être d’une utilité telle que nous-mêmes nous serons portés à les imiter. C’est ainsi qu’il nous sera possible à nous aussi d’obtenir la faveur divine dont ces justes ont joui. Car Dieu n’a point d’égard aux diverses conditions des personnes ; ruais en toute nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes, lui est agréable. Aussi rien ne nous empêche, si nous le voulons, de jouir autant et même plus que ces justes, de la protection divine. Car si seulement il voit que nous faisons tout ce qui dépend de nous, et que nous préférons aux plaisirs mondains la pratique de ses préceptes, il montre pour nous une si grande sollicitude qu’il nous rend invincibles en toute chose. Nous avons en effet à combattre continuellement un ennemi qui nourrit contre nous une haine implacable. Aussi avons-nous besoin d’une grande vigilance, afin de pouvoir triompher de ses artifices et mépriser ses coups. Et nous ne remporterons la victoire que si nous savons, par une conduite irréprochable, nous attirer le secours de Dieu. Or qu’est-ce qu’une conduite irréprochable ? C’est aine vie pure. C’est là la base et le fondement de la vertu : celui qui l’établit d’une façon inébranlable, surmontera facilement tous les obstacles ; un tel homme ne se laissera dompter ni par le désir des richesses, ni par l’amour de la gloire, ni par l’envie, ni par aucune autre passion. Et pourquoi ? Je vais le dire. Lorsqu’un homme a la conscience pure, et exempte de toute tache, le Maître de l’univers peut habiter dans son cœur. Car Jésus a dit : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu ! Lorsque quelqu’un mérite que Dieu établisse sa demeure en lui, il vivra dans la suite comme s’il était simplement revêtu d’un corps et il montrera un souverain mépris pour toutes les jouissances humaines. En effet, toutes les choses terrestres, il les regardera comme une ombre, comme un rêve ; et, de même que s’il habitait dans les cieux, il ne désirera aucun des biens présents. Tel était saint Paul, l’apôtre qui a enseigné l’univers ; il s’écriait Est-ce que vous voulez éprouver la puissance de Jésus-Christ qui parle par ma bouche ? Il disait encore : Je vis, ou plutôt ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi. Et ensuite : Si je, vis maintenant dans ce corps mortel, j’y vis en la foi. Voyez-vous cet homme, quoique revêtu d’un corps parler comme s’il jouissait d’un repos incorporel ? 4. Imitons-le donc tous, mortifions les membres de notre corps, et rendons-les incapables de pécher ; car c’est surtout ainsi que nous pourrons offrir à Dieu un, sacrifice qui lui sera agréable. Voyez-vous combien ce sacrifice est nouveau et étonnant ? Lorsque les membres sont morts, Dieu en accueille plus favorablement le sacrifice. Pour quel motif ? Parce que c’est un sacrifice spirituel ; qui n’a rien de sensible. Car, dans un sacrifice sensible, non seulement on doit rejeter la victime qui est privée de vie, mais celle même qui est vivante, si elle a quelque tache, ne pourrait jamais être acceptée à l’autel. Et ç’a été dès le principe l’objet d’une loi, non pas sans motif, mais afin que cet examen de victimes privées de raison, nous apprît à offrir, avec non moins de circonspection, ce sacrifice spirituel et cette victime raisonnable. Dans l’ancienne loi, c’était une tache que d’avoir les oreilles ou la queue coupée ; dans la nouvelle loi, c’est une tache que d’être pervers, libertin et débauché, d’aimer les richesses et ; en un mot, de pécher, Autrefois, la victime devait être pure et exempte de toute souillure, aujourd’hui, il faut mourir au monde pour être propre au sacrifice spirituel. Ne passons pas trop légèrement sur ces considérations, mais gravons-les profondément dans notre esprit, et tâchons de ne pas paraître inférieurs aux Juifs qui, dans les ténèbres, montrent une attention si scrupuleuse. Si les Juifs, assis auprès d’une faible lumière, ont fait preuve d’une si grande vigilance, à plus forte raison, nous, qui avons été juges dignes d’être éclairés par le Soleil de justice, qui avons quitté les ténèbres et qui avons été conduits comme par la main vers la vérité, devons-nous apporter la même prudence dans ce sacrifice spirituel. Ne passons pas légèrement sur ce que nous croyons de petits péchés ; mais demandons-nous compte, chaque jour, de nos paroles et de nos regards, et punissons-nous nous-mêmes, si nous voulons éviter les châtiments d’en haut. C’est pourquoi saint Paul dit : Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés de Dieu. (1Co 11, 31) Car, si nous nous jugeons nous-mêmes ici-bas pour les fautes que nous commettons chaque jour, nous diminuons d’autant la sévérité du jugement de Dieu. Et, si nous sommes insouciants, lorsque nous sommes jugés de la sorte, dit l’Apôtre, c’est le Seigneur qui nous châtie. Auparavant, donc, condamnons-nous avec une grande sincérité, et descendons, à l’insu de tous, au tribunal de notre conscience ; alors examinons nos pensées, et portons une sentence juste, afin que notre esprit, frappé du péril qui nous menace, ne se laisse plus tromper, qu’il ré prime nos passions, et que, toujours vigilant, il ferme tout accès au diable. Car nous n’éprouvons d’échec, que par notre nonchalance, c’est l’expérience même qui nous l’enseigne. Si nous voulions nous réveiller un peu, nous pourrions faire tomber en poussière les embûches de notre ennemi ; et même, quand il nous fait tomber, si nous restons dans le même état, ce n’est pas à cause de sa tyrannie, mais à cause de notre peu d’énergie. Car ses victoires, il ne les doit pas à une force invincible, mais à sa ruse seule. Or, nous ne nous laisserons pas tromper, si nous voulons nous réveiller un peu et user de prudence ; c’est nous qui en sommes maîtres ; je ne veux pas dire que, seuls, nous ayons en nous-mêmes une assez grande force pour cette lutte, mais c’est que alors nous sommes favorisés dit secours d’en haut. Lorsque nous faisons ce qui dépend de nous, Dieu nous vient toujours en aide. Soyons donc prudents, je vous y exhorte ; puisque nous connaissons les ruses de notre ennemi, veillons sans relâche et demandons à Dieu de nous secourir dans ce combat. Ainsi nous deviendrons invincibles, nous éviterons les pièges que nous tendra le démon, nous jouirons de l’assistance divine, et nous obtiendrons les biens éternels ; puissions-nous tous les obtenir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; qui partage, avec le Père et le Saint-Esprit, la gloire, la puissance et l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.