‏ Genesis 47

3. Voyez son intelligence dans le conseil qu’il leur donne ; ce n’est point à la légère qu’il leur prescrit ainsi la conduite à suivre ; c’est tout à la fois pour leur procurer plus de sécurité, et afin qu’ils ne se confondent point avec les Égyptiens. Comme les Égyptiens abhorraient et méprisaient les hommes adonnés à la vie pastorale, en tant qu’adonnés eux-mêmes à l’étude des sciences de leur pays, Joseph conseille à ses frères de faire profession de ce métier, afin d’avoir lui-même un prétexte honnête de leur assigner en propre la plus belle portion de la contrée où ils vivraient sans être inquiétés. Et ayant pris avec lui cinq de ses frères, il les introduisit auprès de Pharaon. (47, 2) Et Pharaon leur demanda : Quel est votre métier ? Ils répondirent : Nous sommes éleveurs de troupeaux. (Id. 3) Ainsi nous habiterons maintenant dans la terre de Gésem. (Id. 4) Pharaon dit : Qu’ils y habitent. Mais si tu connais quelques-uns d’entre eux qui soient des hommes capables, établis-les intendants de mes troupeaux. (Id. 6) Ainsi les frères de Joseph ayant répondu suivant ses avis à Pharaon, obtinrent la permission d’habiter le pays de Gésem. De plus, Pharaon voulant montrer sa bienveillance pour Joseph, ajoute : Si tu connais parmi eux quelques hommes capables, établis-les intendants de mon bétail. Joseph introduisit aussi son père devant Pharaon. (Id. 7) Et Pharaon dit à Jacob : Combien d’années les jours de ta vie font-ils? (Id. 8) Voyant ce vieillard à cheveux blancs, il s’informe de son âge. Et Jacob répondit : Les jours des années de ma vie depuis que j’habite ici-bas… (Id. 9) Ainsi chacun des justes se considérait dans cette vie comme en pays étranger. David dira de même : Je suis étranger et exilé sur la terre. (Psa 39,13) Et Jacob dit ici : Les jours des années de ma vie depuis que j’habite ici-bas. Aussi Paul disait-il de ces justes qu’ils faisaient profession d’être étrangers et exilés sur la terre. (Heb 11,31) Les jours des années de ma vie depuis que j’habite ici-bas, font cent-trente années courtes et misérables, et ils ne sont point arrivés au nombre des jours qu’ont vécu mes pères. Les années que j’ai passées ici-bas ont été courtes et misérables ; par là, il fait allusion aux années de l’esclavage qu’il avait enduré chez Laban, par suite de l’exil auquel son frère l’avait forcé ; ensuite au long deuil que lui avait causé après son retour la mort de Joseph, et aux autres infortunes qui l’avaient assailli dans l’intervalle. En effet, quelles n’avaient pas dû être ses alarmes, quand, pour venger leur sœur, Siméon et Lévi saccagèrent la ville de Sichem, exterminèrent ses défenseurs et emmenèrent en captivité le reste des habitants. (Gen 34,25) Il disait alors, manifestant les angoisses qui l’agitaient : « Vous m’avez rendu odieux, de sorte que je serai un méchant aux yeux des habitants de la terre ; car ma famille est peu nombreuse. Ils se réuniront contre moi pour me massacrer, et je serai exterminé avec ma maison. » (Gen 34,30) Voilà ce qui lui fait dire : Les jours des années de ma vie ont été courts et misérables. Et Joseph installa son père et ses frères, et leur donna un domaine au pays d’Égypte, dans la terre de Ramessé, qui était la plus fertile, selon les ordres de Pharaon (Id 11) ; et Joseph distribua du blé par tête à son père, à ses frères, et à toute la maison de soit père. (Id 12) On se rappelle, en effet, ce qu’il avait dit à ses frères : Dieu m’a envoyé ici avant vous, afin que vous puissiez avoir des vivres pour subsister. (Gen 45,7) et encore : Dieu m’a envoyé ici avant vous, afin que vous viviez. (Gen 45,5) Il leur distribuait donc du blé par tête.

Qu’est-ce à dire par tête ? C’est-à-dire à chacun ce qui lui était nécessaire. Car l’Écriture désigne l’homme tout entier tantôt par son corps, tantôt par son âme. Plus haut, elle disait : Jacob vint en Égypte avec soixante-quinze âmes ; pour désigner soixante-quinze hommes ou femmes ; ici, elle dit par tête pour dire par personne. Et quand toute l’Égypte et tout Chanaan souffraient de la faim, la famille de Jacob avait du blé en quantité, comme si elle était à la source de l’abondance. Le blé manquait par toute la terre ; en effet, la disette sévit fortement. La terre d’Égypte et celle de Chanaan furent épuisées par la disette. (Id 13)

4. Considérez l’ineffable providence de Dieu, et comment il amena le juste en Égypte, avant que la famine eût redoublé, pour qu’il n’eût aucun sentiment de la détresse qui allait affliger la terre de Chaman. Et comme tout le monde accourait en Égypte, Joseph amassa tout l’argent de ceux qui étaient en Égypte et en Chanaan, et ainsi il leur fournissait du blé. (Id 14) Et l’argent vint ensuite à manquer, car il avait tout amassé dans le palais de Pharaon. Et tous les Égyptiens venaient dire Donne-nous du pain : pourquoi mourons-nous en ta présence ? L’argent nous fait défaut. (Id 15) Nous n’avons plus de quoi acheter et à cause de cela nous mourons de faim. Ne nous délaisse pas tandis que la mort nous assiège : fournis-nous du pain, afin que nous demeurions en vie. Et Joseph leur dit : Amenez vos troupeaux et je vous donnerai du pain. (Id 16) Si vous manquez d’argent, je reçois aussi le bétail. Si l’argent vous fait défaut, conduisez ici vos troupeaux, et vous aurez du pain. Ils amenèrent donc leurs troupeaux, et reçurent de Joseph du pain en échange de leurs chevaux, de leurs brebis, de leurs bœufs, de leurs ânes, et il les nourrit pour la valeur de leurs bestiaux. (Id 17) Et ils revinrent auprès de lui la seconde année, et lui dirent : Ne nous laisse point périr, faute d’argent et de bestiaux, tout est allé à notre maître. Il ne nous reste plus rien, hormis notre personne et nos terres. (18) Ainsi donc, pour que nous ne mourions point, achète-nous avec nos terres contre du pain, et nous serons, nous et nos terres, serfs de Pharaon. Donne-nous du grain pour semer et pour vivre : ainsi nous ne mourrons point, et la terre ne sera pas dépeuplée. (Id 19) Ils se réduisent eux-mêmes en servitude, ils vendent leurs terres, afin de pouvoir subsister : telle était la détresse causée par la famine. Et Joseph acheta les terres des Égyptiens pour Pharaon. Car ils les lui vendirent contraints par la famine. Et les terres appartinrent à Pharaon.(Id 20) Et il s’asservit le peuple en qualité d’esclaves, depuis une extrême frontière d’Égypte, jusqu’à l’autre (Id 21),les terres des prêtres exceptées. Car aux prêtres Pharaon donna des vivres, et ils mangeaient : aussi ils ne vendirent point leurs terres. (Id 22) Voyez combien de sagesse et d’intelligence chez Joseph. Il ne permit pas que le peuple ressentît la faim, et en même temps il assura à Pharaon la propriété de toutes les terres avec autant de serviteurs qu’il y avait d’Égyptiens. Et veuillez remarquer la sollicitude extrême qu’il leur témoigne. Il dit aux Égyptiens : Voilà que je vous possède aujourd’hui ainsi que vos terres pour le compte de Pharaon. Prenez maintenant du grain, et ensemencez la terre ; et si elle donne des fruits, vous donnerez la cinquième partie de la récolte à Pharaon ; les quatre autres parties seront à vous pour ensemencer la terre, et pour vous nourrir ainsi que vos familles. (Id 23, 24) Noble générosité, grande prévoyance, inexprimable sollicitude. Aussi les Égyptiens, touchés de cette bienfaisance, disent-ils : Tu nous a sauvés, nous avons trouvé grâce devant notre maître, et nous serons serviteurs de Pharaon. (Id 25) Vous avez observé la libéralité de Joseph : il voit ces hommes épuisés de besoin, et se représentant les peines et les maux que va leur causer le labourage, il dit : Je vous fournirai le grain ; vous, donnez tous vos soins. Et s’il vient des fruits, vous en livrerez le cinquième : les quatre autres cinquièmes seront pour vous, comme le salaire (le vos fatigues, et pour fournir à vos besoins. Et tel fut l’ordre que leur donna Joseph, de réserver le cinquième à Pharaon, les terres des prêtres exceptées. (Id 26)

Écoutez, hommes d’aujourd’hui, quels privilèges étaient accordés autrefois aux prêtres des idoles : et apprenez à conférer au moins des honneurs égaux, à ceux à qui est confié le culte du Dieu de l’univers. Si des hommes égarés, qui faisaient profession d’adorer les idoles décernaient de pareilles prérogatives à leurs ministres, parce qu’ils y voyaient le meilleur moyen d’honorer les idoles, quelle condamnation ne méritent pas ceux qui retranchent aux prêtres d’aujourd’hui une partie de leurs honneurs ? Ne savez-vous pas que ces hommages ne font due passer par leurs mains pour arriver au Maître de l’univers ? Ne considère donc point celui qui reçoit l’hommage. Ce n’est pas pour lui que vous devez remplir vos obligations : c’est pour celui dont il est prêtre, si vous voulez que celui-là même vous dédommage magnifiquement. De là ces paroles : Celui qui a fait quelque chose à un de ceux-ci, l’a fait à moi-même, et encore : Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète, recevra la récompense d’un prophète. (Mat 25,40 ; 10, 41) Est-ce sur le mérite ou l’indignité de ceux que vous honorez que le Seigneur mesurera votre récompense ? C’est d’après votre zèle qu’il vous couronne ou vous condamne. Et de même que les hommages qui passent par ce canal procurent un grand crédit (en effet, Dieu prend pour lui le bien qu’on fait à ses ministres), ainsi le mépris de ces mêmes personnes sera frappé là-haut d’un rigoureux châtiment. En effet, si Dieu prend pour lui les honneurs, il prend aussi le mépris. Convaincus de cette vérité, gardons-nous de manquer à nos devoirs envers les prêtres de Dieu. Et si je parle de la sorte, ce n’est pas tant dans leur intérêt que dans celui de vos charités, et pour que vous ne négligiez aucun moyen d’augmenter votre richesse. En effet, quand égalerez-vous par vos dons ceux que vous recevez du Seigneur ? quels devoirs si grands rendez-vous ? Néanmoins, si peu de chose que ce soit, si périssables que soient vos offrandes, vous en serez rémunérés par des récompenses immortelles et par des biens ineffables.

5. En conséquence, bâtons-nous de leur prêter ce concours ; en songeant moins à la dépense qu’au profit et au revenu qu’elle nous rapporte. Voyons-nous, en effet, un homme étroitement lié avec un personnage haut placé dans le monde, nous avons hâte de lui témoigner la plus grande déférence, pensant que les hommages rendus au client seront transmis par lui à son patron, que le client, en nous signalant au patron, augmentera sa bienveillance à notre égard : à plus forte raison en sera-t-il ainsi pour ce qui regarde le maître de l’univers. A-t-on montré de la bonté et de la compassion pour le premier venu de ces mendiants dont la place publique est jonchée, le Maître prend le bienfait à son comble, et promet l’entrée du royaume des cieux à ceux qui ont fait quelque bien à ces infortunés ; Venez ici, leur dira-t-il, les bénis de mon père, parce que j’ai eu faim, et que vous m’avez donné à manger. (Mat 25,34) Dès lors, comment celui qui aura traité honorablement ceux qui souffrent pour Dieu et qui sont décorés de la prêtrise, comment celui-là n’obtiendrait-il pas une récompense, je ne dis pas égale à ce qu’il aura fait, mais bien supérieure, car le bon Dieu est assez riche pour rester toujours au-dessus de ce que nous pouvons faire ? Ainsi donc, prenons garde de nous montrer pires que ces infidèles qui dans leur zèle pour l’erreur témoignent tant de déférence aux ministres des idoles : au contraire, que nos hommages surpassent ceux des idolâtres autant que la vérité est au-dessus de l’erreur, et les prêtres de Dieu au-dessus des prêtres des idoles, si nous voulons que le ciel nous dédommage au centuple. Je continue : Jacob s’établit en Égypte : ils prospérèrent et se multiplièrent beaucoup. C’est l’exécution de la promesse que Dieu avait faite à Jacob : Je t’y rendrai le chef d’un grand peuple. Et Jacob vécut encore dix-sept ans. Et les jours de Jacob firent un nombre de cent quarante-sept ans. (Id 20) Si Dieu lui accorda ce surcroît considérable de jours, c’est afin que, avant de mourir, il recueillît une consolation suffisante des infortunes qu’il avait endurées durant toute son existence.

Mais, si vous le voulez, afin de ne pas encombrer votre mémoire, nous réserverons pour demain, ce qu’il nous reste à dire, et nous terminerons ici ce discours, après avoir exhorté vos charités à prêter une exacte attention à nos paroles, à en conserver un souvenir durable, à les repasser continuellement en esprit, à se représenter la patience de ces justes, leur longanimité, la foi qu’ils montraient à l’égard des promesses de Dieu, sans se laisser troubler par les accidents qui pouvaient survenir ensuite, la résignation avec laquelle, confiants dans la puissance de Celui qui leur avait donné sa parole, ils enduraient toutes les épreuves, et en sortaient à leur gloire. Par exemple, ce juste qui avait pleuré durant tant d’années la mort de Joseph, ce même juste le vit souverain maître de l’Égypte : et cet admirable Joseph, après avoir passé par la servitude, la captivité et tant d’autres infortunes, Joseph fut investi d’un pouvoir absolu sur tout le pays. Que si nous voulions passer en revue toutes les histoires qui sont racontées dans l’Écriture, nous trouverions que tous les hommes vertueux ont marché par la voie des tentations, et que c’est par là qu’ils ont pu attirer sur eux en abondance les grâces d’en haut. Par conséquent, si nous voulons, nous aussi, mériter la bienveillance divine, ne perdons point courage dans les tentations, endurons sans nous plaindre tous les accidents. Mais plutôt, soutenus par la foi, réjouissons-nous, soyons heureux, dans la persuasion que le meilleur moyen, pour nous, d’obtenir l’appui de la Providence, c’est de nous appliquer à rendre grâces de tout ce qui nous arrive. – Puissions-nous tous, après avoir passé dans la vertu ta vie présente, être admis au partage des biens futurs, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

SOIXANTE-SIXIÈME HOMÉLIE.

« Le temps de la mort d’Israël approchait, il appela son fils Joseph et lui dit ; Si j’ai trouvé grâce devant toi, place ta main sous ma cuisse, jure-moi que tu me feras une faveur et que tu me tiendras parole : ne m’enterre point dans la terre d’Égypte. Je veux reposer à côté de nos pères ; tu me transporteras hors de l’Égypte, et tu m’enseveliras dans leur tombeau. – Joseph répondit : J’accomplirai tes volontés. – Jure-le-moi, dit Israël. Et il le jura. Et Israël s’inclina profondément devant, le bâton de commandement que portait Joseph. » (Gen 47,29-31)

ANALYSE

  • 1. Pourquoi Jacob voulut être enseveli dans sa patrie. : Mourir sur une terre étrangère n’a rien de malheureux. Précieuse est devant le Seigneur la mort de ses saints. Saint Jean-Baptiste, décollé, saint Paul de même, saint Pierre crucifié la tête en bas. – 2. Que la vie présente est une mène. Israël s’incline devant son fils Joseph, Explication des versets 1-12 du chap. XLVIII. – 3. Verset, 13-20. Jacob voyait des yeux de l’âme. Les yeux de la foi plus pénétrants que ceux du corps. – 4. Les richesses font obstacle à la vertu.

1. Finissons aujourd’hui l’histoire de Jacob et voyons quels ordres il donne au moment où il va quitter la pie : N’allons pas, en jetant les yeux sur l’état présent des choses, exiger des justes qui vivaient alors, ce que les fidèles doivent pratiquer aujourd’hui : mais jugeons d’après les temps et les circonstances. Ce préambule se rapporte aux paroles du patriarche à son fils Joseph. Écoutons quelles sont ses dernières dispositions : Le temps de la mort d’Israël approchant, il appela son fils Joseph et lui dit : Si j’ai trouvé grâce devant toi, place ta main sous ma cuisse ; jure-moi que tu me feras une faveur et que tu me tiendras parole ; ne m’enterre point dans la terre d’Égypte. Je veux reposer à côté de mes pères ; tu me transporteras hors de l’Égypte, et tu m’enseveliras dans leur tombeau. Joseph répondit : J’accomplirai tes volontés. Jure-le-moi, dit Israël. Et il le jura. Et Israël s’inclina profondément devant le bâton de commandement que portait Joseph.

Beaucoup de gens dont les sentiments sont peu élevés, lorsque nous les exhortons à ne pas tenir grand compte du lieu de leur sépulture, et à regarder comme une affaire de peu d’importance dise les restes des morts soient ramenés d’une terre étrangère dans leur patrie, nous opposent ce récit, et nous disent que ce fut l’objet des soucis même d’un patriarche. Mais d’abord, comme je me suis hâté de le dire, il faut considérer que l’on ne doit pas exiger des patriarches qui vivaient alors au tant de sagesse que des fidèles de nos jours ; ensuite, ce n’était pas sans motif que ce juste voulait que ses ordres fussent exécutés : c’était pour entretenir dans lé cœur de ses enfants le doux espoir, qu’un jour eux aussi retourneraient dans la terre promise. Et son fils nous apprend d’une façon plus claire que c’était là son intention, lorsqu’il dit : Dieu vous visitera, et alors vous emporterez d’ici mes ossements. (Gen 1,24) Pour comprendre qu’ils prévoyaient tous deux l’avenir par les yeux de la foi, écoutez Israël s’écrier déjà que la mort est un sommeil ; il dit en effet Je dormirai à côté de mes pères. C’est pourquoi saint Paul disait : Tous ces patriarches sont morts dans la foi, quoiqu’ils n’aient pas reçu l’effet de la promesse, mais ils l’ont vu, et l’ont salué de loin. (Heb 11,13) Et comment ? Ils l’ont vu par les yeux de la foi. Que l’on ne regarde donc pas cette dernière volonté comme de la pusillanimité, mais que l’on considère l’époque et la prévision qu’il avait de leur prochain retour, et qu’on absolve ce juste de toute accusation. Mais maintenant que les préceptes de la sagesse se sont accrus depuis la venue du Christ, on aurait raison de blâmer celui qui ferait de semblables recommandations.

Il ne faut pas regarder comme malheureux celui qui meurt sur la terre étrangère, ni celui qui sort de cette vie dans la solitude. Non, ce n’est pas celui-là qui mérite qu’on le plaigne, c’est celui qui est mort dans le péché, quand même il aurait rendu le dernier soupir, étendu sur son lit, dans sa maison, et entouré de ses amis. Et qu’on ne vienne pas me tenir ce langage, aussi froid que ridicule et insensé Cet homme est mort plus misérablement qu’un chien, aucune de ses connaissances n’assistait à ses derniers moments, et n’a pu lui fournir une sépulture, mais c’est au moyen d’une quête à laquelle ont contribué un grand nombre de personnes qu’on a pu suffire aux frais doses funérailles, Non, ô homme, ce n’est pas là finir plus misérablement qu’un chien. Quel dommage en a-t-il ressenti ? Il n’y a qu’une mort qui soit misérable, c’est de mourir sans être couvert du manteau de la vertu. Et pour nous prouver qu’une pareille mort ne déshonore en rien l’homme vertueux, sachez que nous ignorons même où la plupart des justes, je veux parier des prophètes et des apôtres, à l’exception d’un petit nombre, ont été ensevelis. Les uns en effet ont eu la tête tranchée, les autres ont expiré sous une grêle de pierres, d’autres enfin, enflammés par leur piété, se sont livrés à mille supplices différents, et ont tous péri martyrs de leur amour pour le Christ qui oserait dire que leur mort est ignominieuse ? Écoutons plutôt ces paroles de la sainte Écriture La mort des saints est précieuse devant les yeux dit Seigneur. (Psa 116, 15) Et si elle déclare que la mort des saints est précieuse, entendons-la maintenant, quand elle dit que la mort des pécheurs est misérable. La mort des pécheurs, dit-elle, est misérable. (Psa 34,22) Aussi quand même un homme mourrait dans sa maison, assisté de sa femme et de ses enfants, entouré de ses amis et de ses connaissances, s’il n’est pas vertueux, sa fin sera misérable. Mais en retour celui qui meurt sur un sol étranger, dont le corps gît étendu sur les pavés ; que dis-je ? sur le sol étranger et sur les pavés ! celui-là même qui tombe entre les mains des brigands ; qui devient la proie des bêtes sauvages, s’il est doué de vertu, sa mort sera précieuse. Dites-moi, le fils de Zacharie n’a-t-il pas eu la tête tranchée ? Étienne, qui le premier a ceint la couronne du martyre, n’a-t-il pas été lapidé ? Quant à Paul et à Pierre, le premier n’a-t-il pas eu la tête tranchée ? l’autre n’a-t-il pas subi le supplice de la croix, attaché au gibet en sens contraire de son Maître ? N’est-ce, pas précisément à cause d’une telle mort que leurs louanges sont chantées et célébrées par toute la terre ?

Copyright information for FreChry