Genesis 49:3
SOIXANTE-SEPTIÈME HOMÉLIE.
« Israël dit à Joseph : Voici que je meurs, et Dieu vous fera retourner de cette contrée au pays de vos pères. Je te donne de plus qu’à tes frères Sichem, que j’ai prise avec mon glaive et mon arc. » (Gen 48,21-22) ANALYSE.
- 1. Résumé de l’instruction précédente. Suite de la prophétie de Jacob. Les talents naturels sont inutiles où manquent les bonnes mœurs. Explication des versets 1-4 du XLIXe chap. – 2. Explication des versets 5-11. – 3. Le mystère de l’Eucharistie préfiguré. Explication des versets 12-29. – 4. Suite de l’explication du texte jusqu’au verset 18 du #Rem Le chapitre. Pourquoi ces grandes lamentations qui accompagnent la mort, dans l’Ancien Testament. – 5. Fin de l’histoire de Joseph. Il console et comble de biens ses frères, il prédit, au moment de mourir, le retour des Juifs.
1. Je vous avais promis l’autre jour de terminer l’histoire de Jacob ; mais notre discours s’étant prolongé, il ne nous a pas été possible de réaliser cette promesse. Je veux donc, aujourd’hui, mettre sous vos yeux la partie qui n’a pas été traitée l’autre jour, afin que, cette fois du moins, si Dieu le permet, nous finissions notre tâche. Mais il faut d’abord rafraîchir la mémoire de votre charité, et vous fixer le point précis du sujet où s’est arrêtée notre instruction. Vous n’ignorez pas, vous vous rappelez que c’est au moment où le juste voulant bénir les enfants de Joseph, préfère Ephraïm à Manassé, nonobstant le mécontentement du père, auquel il dit ces paroles : Je le sais bien, mon fils ; celui-ci sera aussi chef dépeuple, et il sera exalté ; mais son frère qui est le plus jeune, sera plus grand que lui, et de sa race une foule de peuples sortiront. Et il les bénit en ce jour, disant : En vous sera béni Israël, et l’on dira : Que Dieu te fasse comme à Ephraïm et à Manassé ! et il mit Ephraïm devant Manassé. Parvenu à cet endroit, de peur d’encombrer votre mémoire, nous avons conclu l’instruction ; mais si bon vous semble, nous verrons la suite aujourd’hui. Israël dit à Joseph : Voici que je meurs, et Dieu sera avec vous, et Dieu vous fera retourner de cette contrée au pays de vos pères. Je le donne de plus qu’à tes frères Sichem, que j’ai prise avec mon glaive et mon arc. Après qu’il a béni les enfants, et que, dans sa prévoyance, il a préféré le plus jeune à l’aîné, voulant convaincre Joseph qu’il n’a point agi ainsi par caprice ni sans raison, mais en vue de l’avenir qui lui était révélé, il lui prédit à lui-même sa fin, lui annonce que sa famille quittera la terre étrangère pour revenir dans la contrée de Chanaan, pays de leurs pères, et joint à cela des paroles d’espérance, propres à les soulager dans leur attente. En effet, l’espérance allège toujours les peines d’ici-bas. Puis, montrant jusqu’au moment de la mort la tendresse qu’il avait pour Joseph, il lui dit : Je te donne de plus qu’à tes frères, Sichem ; indiquant assez clairement par là que son dire ne pouvait manquer de se réaliser, que ses enfants retourneraient au pays selon sa prédiction, et qu’ils hériteraient du pays de leurs pères ; à telles enseignes qu’il donnait à Joseph Sichem en héritage de plus qu’à ses frères, Sichem qu’il avait ravie aux mains des Amorrhéens avec son glaive et son arc. Qu’est-ce à dire ? C’est qu’il revendique l’expédition de Siméon et de Lévi contre ceux de Sichem, et de là ces mots : Que j’ai prise avec mon glaive et mon arc. Mais ici il ne serait pas hors de propos de rechercher pourquoi, s’il revendiquait cette action, et devait plus tard tester en ces termes, il prononce ailleurs contre Siméon et Lévi une accusation que l’Écriture nous a conservée ? En cet endroit le juste ne se contredit point ; il montre seulement la douceur de son caractère, et déclare que cette extermination s’est faite malgré lui ; en effet, non content de blâmer cet acte – lorsqu’il s’exécutait, il le réprouva quand il eut été commis. Maintenant voulant montrer sa tendresse pour Joseph, il lui cède Sichem qu’il a prise, ajoute-t-il, avec son glaive et son arc. L’action a été faite par eux, mais la ville m’appartient. Car si le père est le maître de ses enfants, à plus forte raison peut-il disposer de leurs biens ; et s’il peut en disposer, il peut aussi faire le partage à sa volonté. Voulant donc montrer sa bienveillance pour Joseph, il ne se borne point pour cela à bénir Ephraïm et Manassé, dans la même intention, il laisse Sichem à son fils à part du commun héritage. Jacob fit venir ses fils et leur dit : Réunissez-vous, afin que je vous annonce ce qui vous arrivera dans les derniers temps. (49, 1) Assemblez-vous, et écoutez votre père Israël. (Id. 2) Venez ici, leur dit-il, et apprenez de ma bouche non les choses du présent, ni celles qui doivent arriver sous peu, mais celles qui s’accompliront dans les derniers temps. Et ce n’est pas moi, à vrai dire, qui vous les révélerai, ce sera l’inspiration du Saint-Esprit. C’est grâce à elle que je puis, dès à présent, vous prédire ce qui aura lieu après une longue suite de générations. En effet, sur le point de finir mes jours, je veux en chacun de vous, comme sur une table d’airain, graver mon souvenir. Voyez maintenant comment ce juste, en présence de ses enfants réunis, observant l’ordre des générations postérieures, accompagne chaque nom de la bénédiction ou de la malédiction qui lui convient, et montre en cela même l’excellence de sa vertu. Il commence par le premier. Ruben, dit-il, mon premier-né, ma force et le chef de mes enfants, dur à supporter, dur et obstiné. (Id. 3) Considérez la sagesse du juste. Afin de renforcer l’accusation portée contre Ruben, il parle d’abord des prérogatives qu’il tient de la nature, de la préséance dont il a joui en tant que chef des enfants, et comme ayant le rang d’aîné ; puis il inscrit pour ainsi dire sur une table d’airain les péchés où il est tombé, volontairement, montrant par là que les avantages naturels ne servent de rien, si l’on n’y joint les bonnes œuvres et la vertu ; car c’est là ce qui procure la louange ou attire le blâme. Dur à supporter, dur et obstiné. Tu es déchu, lui dit-il, par ta témérité, du rang que t’avait donné la nature. Puis il enregistre jusqu’à l’espèce du péché, afin que les descendants trouvent une grande leçon propre à les détourner de toute action pareille dans la condamnation prononcée contre Ruben. Tu t’es révolté, comme l’eau ne déborde point. Car tu es monté sur le lit de ton père : alors tu as souillé la couche où tu es monté. (Id. 4) Il fait allusion au commerce de Ruben avec Balla.