Genesis 8
VINGT-SIXIÈME HOMÉLIE.
« Et Dieu se souvint de Noé, de toutes les bêtes sauvages, de tous les animaux domestiques, de tous les volatiles et de tous les reptiles qui étaient avec lui dans l’arche. Et Dieu fit venir un vent sur la terre et l’eau arrêta. » (Gen. 8, 1) ANALYSE.
- 1. L’orateur nous montre la bonté de Dieu s’exerçant envers l’homme jusque dans le châtiment du déluge, comme en toute rencontre. Telle est l’idée fondamentale à laquelle saint Chrysostome revient sans cesse : lorsque Dieu punit il le fait autant par bonté que par justice. – 2. Apolication de cette thèse à Caïn. Dieu est plus indulgent pour les fautes commises contre lui que pour celles qui offensent le prochain ; rendons à Dieu la pareille. – 3. Explication du texte : Dieu se souvint. Dieu ne prolonge jamais l’épreuve au delà des forces de celui, qui la subit. – 4. Noé laisse partir d’abord le corbeau, puis la colombe. Explication du mot jusqu’à ce que. – 5. Noé reçoit la même bénédiction qu’autrefois Adam. – 6. Exhortation.
1. La grande et ineffable bonté de Dieu, l’excès de sa bienveillance nous est déjà montré par ce qui vient d’être lu, puisqu’elle s’est manifestée, non seulement envers l’animal raisonnable, c’est-à-dire l’homme, mais aussi envers les bêtes de toute espèce. Car étant le Créateur de tout, il montre sa bonté à propos de toutes les créatures : il nous fait voir ainsi tout l’intérêt qu’il porte au genre humain, puisqu’il a tout fait et depuis le commencement pour notre salut. Aussi, même quand il punit, quand il s’irrite, c’est toujours une suite de sa bonté. S’il envoie des châtiments, ce n’est point par haine ou colère ; il veut seulement arracher la racine du mal pour qu’elle ne se multiplie pas. Aussi, comme je vous le dis, il n’a fait le déluge que par intérêt pour ceux qui s’étaient livrés à l’iniquité. Mais, direz-vous, quel est cet intérêt qui consiste à noyer ? Imprudent, ne parlez point témérairement, mais acceptez avec reconnaissance toutes les actions de Dieu, et sachez qu’il y a là justement la plus grande preuve d’intérêt. Ces pécheurs incurables qui, chaque jour, élargissent leurs blessures et se font des plaies que rien ne peut guérir, n’était-ce pas un grand bienfait de les arracher à un état si déplorable ? Et la manière de les punir n’est-elle pas pleine de douceur ? Eux qui devaient de toute manière payer leur dette à la nature, leur faire, en guise de punition, abandonner la vie sans avoir le sentiment de la mort, et sans aucune souffrance, n’était-ce pas beaucoup, de sagesse et de bonté ? Si nous faisons à ce sujet de pieuses réflexions, nous verrons qu’une pareille punition a été un bienfait, non seulement pour ceux qui l’ont subie, mais pour leurs successeurs qui en ont remporté deux grands avantages ; d’abord de ne pas être enveloppés dans la même destruction, ensuite d’en avoir tiré une leçon de prudence et de sagesse ; aussi, que de grâces ne doivent-ils pas à Dieu ! En effet, par la punition de leurs prédécesseurs et par la crainte d’en subir une pareille, ils sont devenus meilleurs ; de plus, tout le levain du mal a été supprimé, et il n’est plus resté personne pour enseigner le vice et l’iniquité. Voyez comment même les punitions et les supplices deviennent des bienfaits et annoncent la providence de Dieu à l’égard de la nature humaine. Si l’on veut, dès l’origine énumérer tous les châtiments, on trouvera que c’est dans ces intentions qu’ils ont été infligés aux pécheurs. Par exemple, quand Adam a pêché, son exil du paradis n’était pas seulement une punition, mais un bienfait. Et comment, direz-vous, peut-on considérer comme un bienfait ce renvoi du paradis ? Ne jugez pas uniquement d’après les faits, mes bien-aimés, n’étudiez pas légèrement les actions de Dieu, mais creusez au fond de l’abîme de sa bonté et tout s’expliquera comme je vous l’ai dit. Dites-moi si Adam, après sa faute, avait encore pu jouir des mêmes biens, jusqu’où ne serait-il pas tombé ? Après les ordres qu’il avait reçus, il n’en a pas moins écouté le serpent tentateur et succombé aux pièges que le diable lui tendait ainsi, afin de le faire tomber dans le péché de désobéissance, en le flattant de devenir l’égal de Dieu ; si donc il était resté dans le même état d’honneur et de bonheur, n’aurait-il pas ensuite accordé au démon perfide plus de croyance qu’au Créateur de l’univers, et n’aurait-il pas eu sur lui-même des idées encore plus exagérées ? Car telle est la nature des hommes si rien ne s’oppose à leurs fautes, si rien ne les inquiète, ils se laissent entraîner à l’abîme. Je puis encore vous montrer d’une autre manière que l’exil d’Adam et sa condamnation étaient des preuves de clémence, car, en le renvoyant du paradis et en le plaçant dans les environs, Dieu le corrigea pour le moment et l’affermit pour la suite en lui faisant voir par cette preuve combien le démon était trompeur. Dieu porta contre lui la sentence de mort pour ne pas l’exposer à pécher continuellement pas désobéissance. Ne voyez-vous pas que ces punitions de l’exil et de la mort étaient, en effet, des marques de clémence ? Je puis ajouter encore autre chose. Et quoi donc ? C’est que Dieu, en déployant ainsi sa colère contre Adam, a voulu, non seulement le favoriser par une punition salutaire, mais aussi corriger sa postérité par son exemple. Car si par la suite son fils Caïn, après avoir vu son père chassé du paradis, privé de sa gloire ineffable et frappé d’une malédiction terrible : tu es terre et tu rentreras dans la terre (Gen 3,19) ; si Caïn n’est pas devenu meilleur, mais encore plus coupable, à quelles criminelles folies ne serait-il pas arrivé s’il n’avait pas vu le sort de son père ? Et, ce qui est bien digne d’admiration, en punissant celui qui commit de tels crimes et souilla la terre d’un homicide, Dieu mêla encore la miséricorde au châtiment. 2. Comprenez la grandeur de la bonté divine relativement à Caïn ! quand il eut gravement offensé et méprisé Dieu par son sacrifice (en effet, il ne faisait point un partage convenable, mais il offrait sans choix), Dieu ne lui dit rien de dur ni de pénible, quoique sa faute ne fût pas commune et ordinaire, mais très-importante, car si ceux qui veulent honorer des hommes, c’est-à-dire leurs semblables, tiennent à leur offrir et à leur donner ce qu’il y a de meilleur et de plus beau, combien était-il plus obligatoire à un homme d’offrir à Dieu tout ce qu’il avait de plus rare et de plias précieux ! Eh bien ! tandis qu’il péchait ainsi et le méprisait à ce point, Dieu ne le punit pas, ne lui infligea aucune peine ; mais il lui dit, avec la douceur d’un ami parlant à un ami : Tu as péché, tiens-toi en repos. (Gen 4,7) Ainsi il lui signala son péché et lui conseilla de ne pas continuer. Voyez-vous quelle bonté parfaite ? Mais non seulement Caïn ne profita pas d’une pareille patience, mais il ajouta de nouvelles fautes aux premières et alla jusqu’à assassiner son frère ; or, même en ce moment Dieu lui montrait encore une grande douceur en commençant par l’interroger et lui permettant de se justifier ; mais comme il persista dans son impudence, Dieu le punit, mais pour le corriger et mêlant toujours beaucoup de miséricorde à son arrêt. Vous voyez que Dieu pardonna une faute qui s’adressait à lui-même, quoiqu’elle fût grave ; mais quand Caïn s’arma contre son frère, il le blâma et le maudit. Faisons de même et imitons le Seigneur ; si quelqu’un a péché contre nous, pardonnons-lui et remettons cette faute à celui qui l’a commise, ne punissons que si la faute regarde Dieu. Mais je ne sais comment il se fait que c’est tout le contraire ; nous laissons impunis tous les péchés qui offensent Dieu, mais pour la moindre faute qui nous touche nous devenons des accusateurs et des juges sévères, sans songer que nous excitons ainsi le Seigneur contre nous-mêmes. Pour reconnaître que c’est souvent l’usage de Dieu de remettre les péchés qui le touchent et de rechercher sévèrement ceux qui touchent le prochain, écoutez saint Paul : Si un homme a une femme infidèle, mais qu’elle désire cohabiter avec lui, qu’il ne la renvoie pas. Et si une femme a un mari infidèle, mais qu’il désire cohabiter avec elle, qu’elle ne le renvoie pas. (1Co 7,12-13) Voyez quelle condescendance ! Être gentil, infidèle, n’est pas un obstacle à la cohabitation quand on la désire. Qu’une femme soit de la religion des Gentils et infidèle, si elle veut cohabiter avec son mari, qu’il ne la repousse pas. Et il ajoute : que sais-tu, femme, si tu ne dois pas sauver ton mari ? que sais-tu, mari, si tu ne dois pas sauver la femme ? (1Co 7,7,16) Écoutez encore le Christ qui dit à ses disciples : Je vous le dis, tout homme qui renverra sa femme, excepté pour cause de fornication, l’expose a l’adultère. (Mat 5,32) Quel excès de bonté ! Même si elle est de croyance infidèle, de race étrangère, gardez-la si elle y consent ; mais si elle a péché contre vous, si elle a oublié ses promesses et qu’elle ait préféré une autre union, vous pouvez la repousser et la renvoyer. Songeons à tout cela et cherchons pour tant de bienveillance à rendre à Dieu la pareille ; comme il remet les péchés qui sont faits contre lui et qu’il punit sévèrement ceux qui s’adressent à nous, nous, de même, remettons toutes les offenses que nous souffrons du prochain, mais ne négligeons jamais de venger les offenses faites à Dieu. Cela sera extrêmement avantageux pour nous et rie le sera pas moins pour ceux qui seront ainsi corrigés. Peut-être mon préambule a-t-il été un peu long aujourd’hui. Mais qu’y faire ? Cela m’est arrivé malgré moi, et le courant du discours m’a entraîné. Puisque nous avions à parler du déluge, il était nécessaire d’expliquer à votre charité que les punitions infligées par Dieu sont plutôt des miséricordes que des punitions : c’est ce qui a lieu pour le déluge. Car de même qu’un père chérit toujours ses enfants, de même Dieu fait tout par intérêt pour les hommes. Pour apprendre par le discours d’aujourd’hui et par la lecture d’hier l’étendue de cette bienveillance, écoutez les paroles de l’Écriture sainte. Hier vous avez entendu celles du bienheureux Moïse ; L’eau s’éleva sur la terre pendant cent cinquante jours (Gen 7,24) (c’est là que nous en étions restés) ; voici la suite : Dieu se souvint de Noé, et de toutes les bêtes, de tous les animaux, domestiques, de tous les volatiles, de tous les reptiles qui étaient avec lui dans l’arche. 3. Voyez encore comme l’Écriture sainte s’abaisse jusqu’à nous. Dieu, dit-elle, se souvint. Comprenons cela, mes bien-aimés, d’une manière digne de Dieu et n’expliquons pas la vulgarité de ces paroles avec la faiblesse de notre nature. Considéré par rapport à Dieu, ce mot est indigne de son ineffable nature, mais il a été dit pour se conformer à notre faiblesse. Dieu se souvint de Noé : Car après avoir raconté, comme je l’ai déjà exposé à votre charité, qu’il avait plu pendant quarante jours et autant de nuits, que l’eau était restée pendant cent cinquante jours, élevée de quinze coudées au-dessus des montagnes, et que pendant tout ce temps le juste était resté dans l’arche ; sans pouvoir respirer l’air et habitant avec toutes les brutes, alors Dieu se souvint de Noé. Qu’est-ce à dire ? il se souvint ! C’est-à-dire il eut pitié du juste et de sa position dans l’arche ; il eut pitié d’un homme souffrant tant d’ennuis et d’embarras et ignorant quand ces désagréments finiraient. Songez, je vous prie, aux pensées qu’il devait avoir dans quarante jours et quarante nuits pendant lesquels se déchaînaient les eaux impétueuses, et voyant que durant cent cinquante jours elles restaient à la même hauteur sans commencer à descendre ; le plus fâcheux, c’est qu’Il ne pouvait voir ce qui s’était passé ; enfermé comme il l’était et ne pouvant juger par ses yeux de l’étendue du mal, sa douleur s’en augmentait, et chaque jour il supposait les désastres plus horribles. Pour moi, je m’étonne comment il ne fut pas lui-même englouti par la douleur, en réfléchissant à la destruction du genre humain, à l’isolement de sa famille et à l’existence pénible qu’elle allait mener. Mais la cause de tous ses biens, ce fut sa foi en Dieu, qui lui donna la force de résister et de tout supporter ; nourri de cet espoir, il était insensible à toutes les afflictions. D’un côté, s’il fit ce qui dépendait de lui en montrant beaucoup de foi, de résignation et de courage, de l’autre voyez quelle est la bonté de Dieu à son égard. Dieu se souvint de Noé. Ce n’est pas sans raison qu’il est dit : se souvint. Comme l’Écriture sainte a déjà rendu témoignage pour le juste, en lui disant : Entre dans l’arche parce que j’ai vu que tu étais juste dans cette génération (Gen 7,1), elle dit maintenant : Dieu se souvint de Noé, c’est-à-dire du témoignage qu’il lui avait rendu. Il n’abandonne pas le juste longtemps, il ne diffère pas sa délivrance au-delà de ce qu’il pouvait supporter et quand cette heure est venue il le comble toujours de ses bienfaits. Sachant l’infirmité de notre nature, s’il permet que nous soyons tentés, il proportionne l’épreuve à notre faiblesse et fait en sorte que ses récompenses prouvent notre courage et sa miséricorde. Aussi saint Paul dit : Dieu est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de vos forces, mais en même temps que l’épreuve, il vous donnera un moyen d’en sortir et de n’y pas succomber. (1Co 10,13) Mais le juste conservait toujours son courage et sa résignation, en supportant par sa confiance en Dieu le séjour et les ennuis de l’arche ; aussi est-il dit : Dieu se souvint de Noé. Ensuite, pour vous faire connaître l’abîme de la divine miséricorde, l’Écriture sainte ajoute : Et de toutes les bêtes, de tous les animaux domestiques, de tous les volatiles, de tous les reptiles qui étaient avec lui dans l’arche. Voyez comme Dieu atout fait pour l’homme. Avec les hommes qui ont péri par le déluge, il a fait périr la généralité des animaux ; mais, voulant montrer sa miséricorde envers le juste, il a voulu aussi, par égard pour lui, étendre ses soins et sa bonté jusque sur les êtres sans raison, les quadrupèdes, les volatiles et les reptiles. Dieu se souvint de Noé, de, toutes les bêtes, de tous les animaux domestiques, de tous les volatiles et de tous les reptiles qui étaient avec lui dans l’arche. Et Dieu fit souffler un vent sur la terre, et l’eau cessa de monter. Se rappelant Noé et tout ce qui était avec lui dans l’arche, il fit arrêter l’impétuosité de l’eau pour montrer peu à peu sa bonté. Le juste alors pouvait respirer et calmer ses inquiétudes, puisqu’il recouvrait à la fois l’air et la lumière. Dieu fit souffler un vent sur la terre, et l’eau cessa de monter. Les fontaines de l’abîme et les cataractes du ciel furent fermées. Voyez comment tout cela est exprimé dans le style des hommes. Les fontaines de l’abîme et les cataractes du ciel furent fermées, et, la pluie du ciel fut arrêtée. Cela signifie que le Seigneur avait ordonné aux eaux de revenir à leurs places et de ne plus en sortir, mais de baisser graduellement. L’eau descendait de la terre et diminuait pendant cent cinquante jours. Comment la raison pourra-t-elle jamais comprendre cela ? Soit, la pluie a cessé, les sources n’ont plus coulé et les cataractes du ciel ont été fermées ; mais comment toute cette eau a-t-elle disparu ? L’abîme s’étendait sur toute la terre. Comment donc une si grande masse d’eau a-t-elle pu tout à coup diminuer ? Qui pourra jamais l’expliquer par la raison humaine ? Que nous reste-t-il à dire ? C’est l’ordre de Dieu qui a tout fait. 4. Ne cherchons donc pas trop curieusement à explorer comment tout s’est passé : croyons seulement. C’est la volonté de Dieu qui a ouvert l’abîme ; c’est encore sa volonté qui l’a fermé et a fait revenir les eaux à la place que le Seigneur leur a marquée et que lui seul connaît. L’arche s’arrêta le septième mois et le vingt-septième jour de ce mois sur les monts d’Ararat. L’eau décrut jusqu’au dixième mois et l’on commença à voir les sommets des montagnes le premier jour du dixième mois. Voyez quel changement rapide et combien les eaux étaient baissées pour que l’arche s’arrêtât sur les montagnes. L’Écriture avait dit que l’eau dépassait les montagnes de quinze coudées : maintenant elle dit que l’arche s’est arrêtée sur les montagnes d’Ararat, que l’eau a décru peu à peu jusqu’au dixième mois jusqu’à laisser voir alors les sommets des montagnes. Réfléchissez, je vous prie, à la fermeté du juste quia été tenu, pendant tant de mois, renfermé dans les ténèbres. Il arriva, après quarante jours, que Noé ouvrît la fenêtre qu’il avait faite à l’arche, et il envoya un corbeau pour voir si l’eau avait quitté la terre. Le juste n’ose pas encore regarder par lui-même, mais il envoie un corbeau pour apprendre de cette manière s’il y avait un heureux changement. Mais le corbeau ne revint pas jusqu’à ce que les eaux fussent séchées sur la terre. L’Écriture ajoute ce mot jusqu’à ce que ; ce n’est pas que le corbeau soit revenu plus tard, mais tel est le langage propre de l’Écriture sainte. Il serait facile de trouver d’autres exemples de cette habitude et de vous en indiquer beaucoup ; mais pour ne pas vous rendre négligents en vous disant tout, nous vous laissons à sonder l’Écriture et à chercher dans quelles circonstances elle emploie des locutions semblables. Il s’agit maintenant de vous dire pourquoi cet oiseau n’est pas revenu. Peut-être cet oiseau immonde, après la retraite des eaux, avait trouvé des cadavres d’hommes et de bêtes, et, rencontrant une nourriture qui lui convenait, s’y était arrêté, ce qui même donnait au juste une bonne raison pour espérer, car si le corbeau n’avait rien trouvé pour se soutenir, il fût revenu. Pour savoir s’il en était ainsi, le juste, dont la confiance s’augmentait, envoya une colombe, oiseau privé et familier, d’une grande douceur et qui ne se nourrit que de graines ; aussi il est compté parmi les oiseaux purs. Et il envoya la colombe pour voir si l’eau avait cessé de couvrir la face de la terre. Mais la colombe n’ayant pas trouvé où poser ses pieds, retourna vers lui dans l’arche, parce que l’eau était sur toute la face de la terre. Ici il faut chercher comment l’Écriture sainte, après avoir dit plus haut que l’on voyait les sommets des montagnes, dit maintenant que la colombe est revenue à l’arche parce qu’elle n’avait pas trouvé où se poser : et que l’eau couvrait toute la face de la terre. Lisons ce passage avec attention et nous en saurons la cause : il n’est pas dit simplement où se poser, mais où poser ses pieds, ce qui nous montre que malgré la retraite des eaux et la réapparition des sommets des montagnes, l’abondance de l’inondation avait laissé sur ces sommets une grande masse de limon. Aussi la colombe ne pouvant s’arrêter nulle part, ni trouver la nourriture qui lui convenait, revint à l’arche, montrant au juste par son retour qu’il y avait encore une grande quantité d’eau. Ayant étendu la main, il la prit avec sa main et la ramena à lui dans l’arche. Voyez quelle douceur dans cet oiseau, comment son retour montra au juste qu’il fallait prendre encore un peu de patience. Et ayant attendu encore sept jours, il fit partir la colombe de l’arche. Et la colombe revint vers lui le soir, portant dans son bec une feuille cueillie à un olivier. Ce n’est pas au hasard ni sans raison qu’il est écrit le soir : nous voyons par là, qu’après s’être nourrie tout le jour de la nourriture qui lui convenait, elle revenait le soir portant dans son bec ce qu’elle avait cueilli sur un olivier. Cet animal est doux et très-familier. Aussi revint-il, et par cette feuille d’olivier, il apporta au juste une grande consolation. Mais l’on dira peut-être : où a-t-il trouvé cette feuille ? Tout cela est arrivé conformément aux desseins de Dieu, d’après lesquels la colombe a trouvé l’arbre, a cueilli là feuille et l’a rapportée au juste. Du reste, l’olivier est toujours vert, et il est probable qu’après la retraite des eaux, cet arbre avait encore ses feuilles. Ayant attendu encore sept autres jours ; il fit partir la colombe et 'elle ne revint plus à lui. Voyez que le juste reçoit toujours la consolation dont il a besoin. Quand la colombe rentre avec la feuille d’olivier dans son bec, il conçoit déjà de grandes espérances : maintenant quand elle fut sortie pour ne plus rentrer, c’était la meilleure preuve qu’elle avait trouvée ce qu’il lui fallait et que les eaux avaient complètement disparu. Et pour voir qu’il en était ainsi, écoutez la suite : Il arriva, dans la six-cent et unième année de la vie de Noé, le premier mois, que l’eau se retira de la face de la terre. Et Noé enleva la couverture de l’arche qu’il avait construite et vit que l’eau avait quitté la surface de la terre. 5. Ici encore je ne puis m’empêcher d’admirer avec stupéfaction là vertu du juste et la bonté de Dieu. Comment, en effet, respirant l’air après si longtemps et ouvrant les yeux à la vue du ciel, n’a-t-il pas été ébloui et aveuglé ? Car vous savez que c’est ce qui arrive d’ordinaire à ceux qui ont passé, même peu de temps, dans l’obscurité et les ténèbres, lorsqu’ils revoient l’éclat du jour. Mais ce juste, pendant une année entière et des mois si pénibles passés dans l’arche presque sans, lumière, en revoyant tout-à-coup les splendeurs du soleil, n’éprouva aucun accident semblable. C’était la grâce de Dieu et la patience qu’il lui avait accordée, qui avaient donné plus de vigueur même à ses facultés corporelles, et les avaient élevées au-dessus de leur nature. Au second mois la terre fut séchée, le vingt-septième jour, de ce mois. Ce n’est pas sans raison que l’Écriture sainte raconte tout avec tant d’exactitude : c’est – pour rions montrer que tout fut terminé à cet anniversaire, pour faire briller, la patience du juste et compléter la purification de la terre. Ensuite, après que toute la création eut été comme lavée de tout ce qui la souillait, eut effacé les taches qu’y avait laissées la perversité humaine, et que sa figure fut devenue radieuse, c’est alors que le juste put enfin sortir de l’arche, et se délivrer de sa cruelle prison. Le Seigneur dit à Noé : Sors de l’arche, toi et tes fils, et ta femme, et les femmes de tes fils avec toi, ainsi que tous les animaux qui sont avec toi, toute chair, depuis les volatiles jusqu’aux bestiaux et aux reptile qui se meuvent sur la terre : fais-les sortir avec toi ; croissez et multipliez sur la terre. Voyez comment Dieu, dans sa bonté, donne au juste toute sorte de consolations. Il le fait sortir de l’arche, avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, avec tous les animaux ; et pour ne pas le laisser ensuite dans un profond découragement s’il pouvait se demander avec anxiété quelle serait sa vie dans ce désert, habitant seul une si vaste étendue sans y rencontrer d’êtres vivants, après lui avoir dit sors de l’arche et emmène tout ce qui est avec toi, il ajoute : Croissez et multipliez sur la terre. Voyez comment le juste reçoit cette bénédiction d’en haut, qu’Adam avait reçue avant le péché ; car aussitôt après là création, Dieu les bénit en disant : Croissez, multipliez et gouvernez la terre. De même, il est dit à Noé : Croissez et multipliez sur la terre. De même que le premier est l’origine et la racine de tous ceux qui ont précédé le déluge, de même notre juste est comme le levain, l’origine et la racine de tout ce gui a suivi le déluge. C’est de lui que viennent nos générations actuelles, pour lui que la création tout entière a recouvre sa beauté propre, que la terre a pu donner des fruits et que tout a été réorganisé pour servir l’homme. Noé sortit, lui et sa femme et les femmes de ses fils avec lui ; et tous les animaux, les bestiaux, les oiseaux, les reptiles se mouvant sur terre, tous suivant leur espèce, sortirent de l’arche. Après avoir reçu l’ordre du Seigneur et sa bénédiction dans ces termes : Croissez et multipliez, il sortit de l’arche avec tout ce qui s’y trouvait. Et ensuite il vivait seul sur la terre avec sa femme, ses fils et les femmes de ses fils. Mais sitôt qu’il fut sorti, il montra sa reconnaissance naturelle en rendant grâce au Seigneur tant pour le passé que pour l’avenir. Mais, si vous le voulez bien, afin de ne pas être trop long, nous renverrons à demain ce qui regarde la reconnaissance du juste et nous n’en parlerons pas maintenant ; nous vous supplions de porter sans cesse vers ce bienheureux votre attention et votre zèle, pour étudier la perfection de sa vertu et pour chercher à l’égaler. Considérez, je vous en conjure, combien est grand le trésor de sa vertu, puisque, après tant de jours que j’ai consacrés à vous en parler, je n’ai pu encore terminer ce que j’avais à vous en dire. Que parlé-je de terminer ! Nous n’y parviendrons jamais, quoique nous puissions dire : nous et nos successeurs, nous aurons beau parler, nous n’épuiserons pas ce sujet : telle est l’excellence de la vertu ! L’exemple de ce juste suffirait, si nous le voulions bien, pour instruire la nature humaine et l’engager à imiter cette vertu. Car si Noé, seul au milieu de tant de méchants et n’ayant pas un ami, est parvenu à ce comble de vertu, quelle sera notre excuse, à nous qui ne rencontrons pas lés mêmes obstacles, et qui ce, pendant sommes si négligents pour les bonnes œuvres ? Il ne s’agit pas seulement de cette existence de cinq cents ans pendant laquelle il était forcé de vivre au milieu ries méchants qui le raillaient et l’insultaient ; cette année qu’il passa tout entière dans l’arche me parait valoir tout le reste. Ce juste y éprouvait une infinité d’afflictions et d’angoisses, par la privation d’air et le voisinage de tant d’animaux : au milieu de tout cela son esprit restait inébranlable, sa volonté inflexible, ainsi que sa foi envers Dieu, qui lui rendait tout facile et léger à supporter. Il est vrai que, s’il faisait beaucoup de lui-même ; Dieu avait été prodigue envers lui. Malgré les tourments qu’il supportait dans l’arche, du moins il évitait une terrible catastrophe et il échappait à la destruction universelle. Aussi en échange de ces angoisses et de cette insupportable prison, il avait le repos et la sécurité, en même temps que la divine bénédiction : aussi montra-t-il sa reconnaissance, et vous le verrez toujours commencer par là. Dans les premiers temps de sa vie, il a pratiqué toutes les vertus et fui tous les vices dont ceux qui vivaient alors étaient infectés, ce qui lui a épargné loué punition et l’a fait sauver lui seul pendant que tous les autres étaient submergés : de même aussi, comme il a conservé la foi et qu’il a supporté avec reconnaissance son séjour dans l’arche, il a reçu encore une nouvelle effusion de grâce divine ; à peine sorti de l’arche et revenu à ses premières habitudes il a obtenu a bénédiction, et montrant toujours la même reconnaissance il a rendu grâce à Dieu qui l’a encore honoré de plus grands bienfaits. Car c’est ce que fait Dieu : ce que nous lui offrons peut-être sans importance ni valeur ; mais enfin, si nous l’offrons, il nous récompense libéralement. Et pour vous faire voir toute la pauvreté humaine et toute la munificence de Dieu, écoutez bien ceci : si nous voulons faire une offrande à Dieu, que pouvons-nous faire de plus que de lui offrir des paroles d’action de grâces ? Ce qu’il fait pour nous, au contraire, nous le voyons par des œuvres. Or, quelle différence entre les paroles et les œuvres ! Le Seigneur n’a pas besoin de nous et ne nous demande rien que des paroles : Si même il exige cette reconnaissance verbale, ce n’est pas qu’il en ait besoin, mais c’est pour que nous ne soyons point ingrats et que nous reconnaissions l’Auteur de tant de bienfaits. Aussi saint Paul nous dit : Soyez reconnaissants. (Col 3,15) C’est là surtout ce que Dieu nous demande. Ainsi ne soyons point ingrats ; ne montrons point de paresse pour remercier Dieu, puisque nous recevons ses bienfaits : il nous en reviendra de nouveaux avantages. Si nous sommes reconnaissants des bienfaits passés, nous en recevrons encore de plus grands, et de plus nous donnerons des forces à notre confiance. Seulement, je vous en conjure, méditons, méditons en nous-mêmes, chaque jour et à chaque heure, s’il est possible, non seulement les bienfaits que nous avons reçus du Créateur et que nous partageons avec toute la nature humaine, mais ceux que nous recevons chaque jour et en particulier. Que parlé-je de bienfaits quotidiens et particuliers ? Remercions encore Dieu de tous ceux qu’il nous accorde et que nous ne connaissons pas. Quand il est inquiet pour notre salut, il nous oblige sauvent à notre insu, souvent même il nous sauve des dangers et nous accorde encore d’autres grâces. C’est une source de clémence qui répand sans cesse ses flots sur le genre humain : Méditons à ce sujet et cherchons à remercier le Seigneur de ses bienfaits passés et à nous préparer à ceux de l’avenir de manière à ne pas en paraître indignes : c’est alors que nous pourrons bien diriger notre existence et fuir le vice. Car le souvenir des bienfaits est une excellente préparation à une vie vertueuse il nous empêche de tomber dans l’indifférence et l’oubli, et de tourner au mal. Un esprit attentif et vigilant remercie toujours, dans les mauvais succès comme dans les bons, et ne se laisse point abattre par les vicissitudes de la vie ; il s’en fortifie davantage, et il considère l’ineffable providence de Dieu qui déploie, même dans nos adversités, assez de sagesse et de ressources, quoique nous ne puissions pas comprendre toute la profondeur de ses desseins, pour montrer qu’il veille encore sur nous. 6. Aussi soyons toujours disposés à lui rendre sang cesse grâce de toutes choses, quoi qu’il arrive. C’est pour cela qu’il a fait de nous des êtres raisonnables et différents des animaux ; c’est pour louer, célébrer, glorifier sans cesse le Seigneur créateur de toutes choses. C’est pour cela que son souffle a fait naître notre âme et qu’il nous a accordé la parole, afin d’apprécier ses bienfaits, de reconnaître sa puissance et de montrer que nous ne sommes point ingrats en le remerciant selon nos forces. Car si les hommes, c’est-à-dire nos semblables, exigent de nous des remerciements pour le moindre bienfait, non pas qu’ils s’inquiètent de notre reconnaissance, mais pour en tirer gloire, combien ne devons-nous pas remercier Dieu qui ne veut que nous rendre service ? Notre reconnaissance glorifie les hommes qui nous ont obligés ; celle que, nous marquons à Dieu nous glorifie nous-mêmes. En effet, quoiqu’il n’ait pas besoin de nos remerciements, il les désire, mais c’est pour en faire retomber sur nous tout l’avantage et nous rendre dignes d’une protection encore plus grande. Sans doute nos louanges ne sont pas dignes de lui ; comment cela se pourrait-il avec la faiblesse de la nature qui nous enchaîne ? Mais pourquoi parler de la nature humaine ? Pas même les intelligences incorporelles et invisibles, les puissances et les dominations, les chérubins et les séraphins ne pourraient célébrer dignement sa gloire. Nous n’en devons pas moins, selon nos forces, lui exprimer notre reconnaissance et glorifier sans cesse notre Seigneur par les louanges que lui adresse notre voix et par la pureté de notre vie. Car la meilleure glorification de Dieu consiste à le faire célébrer par des milliers de langues. Or, tout homme vertueux engage tous ceux qui le voient à célébrer le Seigneur ; et cette glorification dont il est cause loi attire de la part de Dieu une grande et ineffable bénédiction. En effet, peut-il y avoir rien de plus glorieux pour nous, non seulement de célébrer par nos propres voix la gloire du bon Dieu, mais d’engager tous nos semblables à le glorifier avec nous ? Pour cela, mes bien-aimés, rien ne vaut une conduite irréprochable. Aussi le Seigneur dit : Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Dieu qui est aux cieux. (Mat 5,16) De même que la lumière dissipe les ténèbres, de même l’éclat de la vertu repousse le mal et écarte les ténèbres de l’erreur en excitant à louer Dieu ceux devant qui elle brille. Aussi faisons nos efforts pour que nos œuvres aient cet éclat qui fait glorifier le Seigneur. Si le Christ a parlé ainsi, ce n’est pas pour que nous fassions montre de nos actions ; loin de là ! C’est pour que nous veillions sur notre vie avec assez de soin, pour qu’il nous approuve, pour ne donner à personne occasion de blasphémer, et que nos bonnes actions excitent tous ceux qui nous voient à glorifier le Dieu tout-puissant. C’est alors, en effet, c’est alors que nous attirerons sur nous toute sa bienveillance, que nous pourrons éviter les châtiments et obtenir les biens ineffables, par la grâce et la bonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, soient gloire, puissance et honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. VINGT-SEPTIÈME HOMÉLIE.
« Et Noé dressa un autel au Seigneur, et il prit de tous les oiseaux purs, et il offrit un holocauste sur l’autel. » (Gen 8,20) ANALYSE.
- 1. Les bienfaits de Dieu envers notre race sont innombrables ; le plus grand, le plus incompréhensible de tous, c’est la venue de son Fils unique en ce monde. – 2. Dieu agrée les sacrifices que lui offrent les hommes pour exercer leur reconnaissance. – 3. La foi et la bonne intention donnent à nos œuvres leur mérite. – 4. La bonté de Dieu se manifeste dans la promesse qu’a fait de ne plus détruire le genre humain par le déluge, par la permission qu’il accorde à l’homme de se nourrir de la chair des animaux. – 5. La défense de manger le sang des animaux a été faite pour adoucir la naturelle cruauté de l’homme. – 6-8. Exhortation au pardon des injures et a l’amour des ennemis.
1. Vous avez vu hier comment la bonté du Dieu clément fit sortir le juste de l’arche et le délivra d’une pareille habitation, d’une prison si triste et si pénible, et comment il récompensa sa patience en disant : Croissez et multipliez. Apprenons aujourd’hui combien Noé a été sensible et reconnaissant, et comment il s’est ainsi attiré de la part de Dieu des grâces encore plus grandes. C’est ce que fait Dieu quand il rencontre des cœurs touchés de ce qu’il a déjà fait, il leur prodigue encore de nouvelles faveurs. Cherchons donc à remercier le Seigneur Dieu de tous les biens qu’il nous a déjà accordés, afin d’en mériter de plus grands encore n’oublions jamais les faveurs que Dieu nous a faites, et songeons-y constamment pour lui offrir sans cesse nos actions de grâces, quoiqu’elles soient si nombreuses que notre mémoire ne suffise pas pour retenir et compter tous les biens que nous en avons reçus, Qui pourrait en effet examiner tout ce que nous avons déjà reçu, tout ce qui nous est promis et tout ce que nous recevons chaque jour ? Dieu nous a tirés du néant à l’être, il nous a donné un corps et une âme, nous a créés raisonnables, nous a donné cet air que nous respirons, a formé création pour le genre humain : il avait voulu, dans l’origine, que l’homme vécût dans le paradis sans douleur ni travail, égal aux anges et aux puissances incorporelles et supérieur aux exigences de la chair, malgré le corps qui l’enveloppait. Ensuite quand l’homme, par sa négligence, eut succombé au piège diabolique que lui tendait le serpent, Dieu ne cessa point d’être bon pour ce pécheur, ce coupable : par sa punition même, comme nous l’avons dit hier, il montra l’excès de sa bonté et lui accorda encore une infinité d’autres bienfaits. Par la suite des temps, la race s’étant accrue et se détournant vers le mal, quand Dieu eut vu que les plaies étaient incurables, il détruisit tous ces artisans du vice, comme un mauvais levain, laissant ce juste pour en faire la racine et l’origine du genre humain. Voyez encore quelle est sa bonté envers ce juste. C’est par lui et ses fils qu’il a fait multiplier l’humanité en foule innombrable : peu à peu, choisissant des justes, je veux dire les patriarches, il les a établis comme les précepteurs du genre humain, capables d’entraîner tout le monde par l’exemple de leurs vertus, et comme des médecins, de guérir les maladies morales. Il les a conduits ; tantôt en Palestine, tantôt en Égypte, afin de montrer à découvert, d’un côté la patience de ses serviteurs, et, de l’autre, de déployer toute sa puissance : ainsi, il s’est toujours montré empressé pour le salut de la race humaine, en suscitant des prophètes, et leur faisant accomplir des signes et des miracles. En un mot, de même que nous ne pourrions pas, avec mille efforts, compter le nombre des flots de la mer, de même nous ne pourrions énumérer la variété des bienfaits que Dieu a épanchés sur notre nature. Enfin, quand il vit qu’après tant de bienveillance de sa part et sa miséricorde inouïe, la race humaine était encore retombée, sans avoir pu être retenue par les patriarches, les prophètes, les miracles les plus frappants, les châtiments et les avertissements si souvent répétés, enfin par les captivités consécutives, Dieu ayant pitié de notre race, pour guérir nos âmes et nos corps, nous envoya son Fils unique, sortant, pour ainsi dire, des bras paternels ; il lui fit prendre la forme d’un esclave dans le sein d’une Vierge, vivre avec nous et supporter toutes nos misères pour enlever de la terre au ciel notre race abattue sous le poids de ses péchés. Le fils du tonnerre, frappé de l’excès de bonté que Dieu avait déployé à l’égard du genre humain, nous disait à haute voix : C’est ainsi que Dieu a aimé le monde. (Jn 3,16) Voyez quels prodiges renferme ce mot : C’est ainsi ! Il fait comprendre la grandeur de ce qui va suivre, et c’est pourquoi l’Écriture commence ainsi. Donnez-nous donc, ô saint Jean, l’explication de ce mot, c’est ainsi dites-nous l’étendue, la grandeur, l’excellence d’un pareil bienfait. C’est ainsi que Dieu a aimé le monde, au point de nous donner son Fils unique, pour que tout homme croyant en lui ne meure pas, mais ait la vie éternelle. Voilà la cause de la venue du fils de Dieu en ce monde, il y est venu pour que les hommes qui allaient périr, trouvassent une occasion de salut dans la foi en lui. Qui pourra concevoir cette grande et admirable libéralité qui dépasse notre raison, par laquelle le don du baptême, accordé à notre nature, efface tous nos péchés ? Mais que dis-je ? Si l’esprit ne le conçoit pas, la parole peut encore moins le rendre, et quoi que je dise, il m’en restera encore plus à dire. Qui aurait pu imaginer cette voie de pénitence que Dieu, par son inexprimable bonté, a ouverte à notre race, en nous donnant, après la grâce du baptême, ces admirables préceptes par lesquels, si nous le voulons bien, nous pourrons rentrer en grâce avec lui. 2. Vous avez vu, mes bien-aimés, l’abîme de ses bienfaits, vous avez vu combien nous en avons comptés, mais nous n’avons pu vous en dire encore qu’une faible partie. Comment une langue humaine pourrait-elle exposer tout ce que Dieu a fait pour nous ? Quels que soient ses bienfaits dans cette vie, il en a promis de plus grands et d’inexprimables dans l’autre vie à ceux qui auront marché sur terre dans le sentier de la vertu. Saint Paul nous en indique la grandeur en quelques mots : Dieu a préparé à ceux qui l’aiment des biens que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, que le cœur de l’homme n’a pas devinés. (1Co 2,9) Quels dons inouïs, quelle magnificence au-dessus de toute pensée humaine ! Il dit : que le cœur de l’homme n’a pas deviné. Méditons ces paroles, et rendons grâce à Dieu suivant nos forces, nous pourrons bien mieux nous concilier sa bienveillance et devenir plus capables d’être vertueux. Car le souvenir des bienfaits de Dieu suffit pour nous rendre supportables les efforts de la vertu, nous préparer à mépriser toutes les choses présentes et pour nous attacher à Celui qui nous comble de ses faveurs, en nous pénétrant d’un amour chaque jour plus ardent. Ainsi Noé a obtenu tant de bienveillance et de grâce d’en haut, parce qu’il avait montré sa reconnaissance pour les bienfaits déjà reçus. Mais, pour que cette instruction soit plus claire, il faut que je rappelle à votre charité le commencement de ce qu’on a lu aujourd’hui. Après que le juste fut sorti de l’arche, selon l’ordre de Dieu, avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, ainsi que tous les animaux et les volatiles, et qu’il eut reçu de Dieu, après sa sortie, cette bénédiction qui le consolait si bien : croissez et multipliez, l’Écriture, pour montrer sa reconnaissance, nous dit : Noé dressa un autel au Seigneur et il prit de tous les quadrupèdes purs et de tous les volatiles purs, et il offrit un holocauste sur l’autel. Observez avec soin, mes bien-aimés, d’après les paroles présentes, comment le Créateur de toutes choses a mis dans notre nature une idée précise de la vertu. D’où serait venue à ce juste, dites-moi, une pareille idée ? Il n’y avait là personne qu’il pût prendre pour exemple. Mais de même que dans l’origine, Abel, le fils du premier homme, a offert avec dévotion un sacrifice sans être averti par d’autres que par lui-même ; de même aujourd’hui ce juste, par la rectitude de sa volonté et de son jugement, offrit au Seigneur, suivant ses forces et comme il croyait devoir le faire, un sacrifice d’actions de grâce. Voyez avec quelle sagesse il avait tout disposé ! Il n’avait pas d’édifice splendide, de temple, ni même de maison habitable ni rien de semblable : il savait, en effet, il savait que Dieu ne demande que les cœurs. Il éleva un autel à la hâte, prit quelques animaux purs et quelques oiseaux purs et offrit son holocauste, montrant ainsi sa reconnaissance autant qu’il le pouvait : aussi le Dieu de bonté couronna sa bonne volonté et lui montra de nouveau sa bienveillance ; car l’Écriture dit : Et le Seigneur en sentit l’odeur agréable. Voyez comme l’intention du sacrificateur change en parfum la fumée, l’odeur de graisse et toute la puanteur qui s’en exhalait. Aussi Paul disait : Nous sommes la bonne odeur du Christ pour ceux qui sont sauvés et pour ceux qui périssent : pour les uns c’est une odeur de mort qui fait mourir, pour les autres une odeur de vie qui fait vivre (2Co 2,15), c’est là cette odeur agréable. Ne vous choquez pas d’un mot vulgaire : ces expressions, mises à la portée de notre faiblesse, signifient seulement que Dieu accepta l’offrande du juste. On peut voir par cela même que Dieu n’a besoin de rien et qu’il a permis les sacrifices pour exercer les hommes à la reconnaissance. Aussi ce qui lui était offert était brûlé par le feu, afin que les hommes qui l’offraient comprissent que tout cela n’avait d’usage que pour eux. Mais pourquoi, direz-vous, l’a-t-il permis autrefois ? C’était encore pour avoir égard à la faiblesse de notre raison : les hommes, tombant peu à peu dans le relâchement, devaient se faire d’autres dieux et leur offrir aussi des sacrifices : il voulut donc qu’on lui en offrît à lui-même, afin d’arrêter du moins les hommes sur la pente de cette erreur funeste. Et pour vous montrer que c’était une concession faite à notre faiblesse, observez que, dans l’époque qui nous précède, il avait fait une loi de la circoncision, non qu’elle pût servir en rien au salut de l’âme, mais comme une marque de reconnaissance, comme un signe ou un cachet que les Juifs portaient avec eux et qui leur défendait de se mêler aux gentils. 3. Aussi saint Paul l’appelle-t-il un signe, en disant : Il donna le signe de la circoncision comme un sceau. (Rom 4,11) Ce n’est pas que cela justifie, car notre juste, avant que la circoncision eût été établie, parvint à une si haute vertu : Mais que dis-je ? Le patriarche Abraham lui-même, avant de recevoir la circoncision, a été justifié par sa foi seule. Car avant la circoncision, dit saint Paul, Abraham crut en Dieu et cela lui fut imputé en justice. (Rom 4,3) Pourquoi donc, ô juif, t’enorgueillir de ta circoncision ? Apprends que bien des hommes ont été justes avant qu’elle fût connue. Ainsi, Abel fut conduit par sa foi à faire son offrande, et Paul dit : C’est par la foi qu’Abel fit à Dieu une offrande plus agréable que celle de Caïn. (Heb 11,4) Enoch fut enlevé au ciel, et Noé, par sa grande justice, évita les horreurs du déluge : enfin, Abraham même, avant sa circoncision, fut vanté par Dieu pour sa vertu. C’est ainsi que, dès l’origine, le genre humain a trouvé son salut dans la foi. De même le Dieu de bonté a permis qu’on lui offrît des sacrifices, à une époque où notre nature était plus imparfaite, pour que l’homme pût lui exprimer sa reconnaissance et fuir le culte funeste des idoles. Si, en effet, malgré tant de condescendance de Dieu, bien des hommes n’ont pas évité cette chute, qui aurait pu l’en garantir sans cela ? Le Seigneur en sentit l’odeur agréable. Il n’en dit pas autant des Juifs ingrats : pourquoi cela ? Écoutez le Prophète : Le parfum m’est en abomination (Isa 1, 13), pour montrer que ceux qui l’offrent ont une volonté perverse. De même que la vertu du juste a changé en parfum la fumée et l’odeur de viande rôtie, de même leur méchanceté changeait les parfums en infection. Aussi, efforçons-nous, je vous en conjure, d’apporter des intentions pures, c’est la source de tous les biens. Le bon Dieu n’a pas l’habitude de regarder nos actions elles-mêmes, il considère la pensée intérieure qui nous fait agir : d’après cela il blâme ou il approuve nos actions. Ainsi, soit que nous priions, soit que nous jeûnions, soit que nous fassions l’aumône (car ce sont là nos sacrifices spirituels), soit que nous fassions toute autre œuvre spirituelle, faisons-la toujours dans une bonne intention, afin de recevoir une palme digne de nos efforts. En effet, il est absolument impossible que nos travaux ne soient pas récompensés, s’ils ont été dirigés suivant les règles de la vertu. Il peut même se faire que, par l’extrême bonté de Dieu, nous soyons récompensés pour la seule intention, quoique notre œuvre n’ait pas été accomplie. Remarquez, par exemple, ce qui arrive à propos de l’aumône. Si, en voyant un homme étendu sur la place et réduit à la dernière misère, vous compatissez à son sort, et si vous élevez votre pensée au ciel, en remerciant le Seigneur qui vous a épargné ces souffrances et qui donne au pauvre le courage de les supporter, quand même vous ne pourriez apaiser et rassasier sa faim, vous serez néanmoins complètement récompensé pour l’intention. Voilà pourquoi le Seigneur dit : Celui qui aura donné seulement un verre d’eau froide à quelqu’un parce qu’il est mon disciple, en vérité, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense. (Mat 10,42) Qu’y a-t-il de moins précieux qu’un verre d’eau froide ? Mais l’intention qu’on y joint mérite une récompense. Nous pouvons prendre l’exemple opposé. Je dois présenter ces contrastes à votre charité pour que vous puissiez apprécier le mérite avec assurance. Écoutez ce que dit le Christ : Celui qui regarde une femme pour la désirer a déjà commis l’adultère dans son cœur. (Mat 5,28) Vous voyez ici qu’une mauvaise pensée entraîne une condamnation, et qu’un regard imprudent est puni comme si l’adultère avait été consommé ! Puisque nous savons tout cela, affermissons partout et toujours notre intention dans le bien, afin que nos actions soient bien reçues. Car si une bonne intention change en parfum la fumée et la mauvaise odeur, que ne peut-elle pas faire d’un culte spirituel, et quelles grâces du ciel ne peut-elle pas attirer sur nous ! Le Seigneur en sentit l’odeur agréable. Vous voyez ce qui est arrivé au juste dont l’action, à en juger par l’apparence, avait peu de valeur, mais qui en avait une très-grande par la pureté de son intention. Voyez encore l’infinie bonté du Dieu de clémence. Le Seigneur Dieu dit en réfléchissant : je ne maudirai plus la terre à l’occasion des œuvres des hommes, car la pensée des hommes est sujette à tomber dans le mal dès leur jeunesse. Je ne frapperai plus toute chair vivante, comme je l’ai fait, tant que la terre vivra. 4. Quelle quantité de bienfaits, quelle étendue de bonté, quel excès de clémence ! Le Seigneur Dieu dit en réfléchissant. Ce mot en réfléchissant est tout à fait humain et adapté à notre nature. Je ne maudirai plus la terre à l’occasion des œuvres des hommes. En effet, il avait dit au premier homme créé. La terre t’engendrera des épines et des chardons. (Gen 3,8, et 4, 12), et il avait parlé de même à Caïn. – Maintenant ; après la destruction universelle, il s’adresse au juste pour le consoler, lui rendre confiance et l’empêcher de te dire à soi-même : À quoi servira cette bénédiction, croissez et multipliez, s’il nous faut encore périr après nous être multipliés ? Car il avait aussi dit autrefois à Adam : Croissez et multipliez ; cependant le déluge est venu. Pour lui éviter ces tourments perpétuels de la pensée, voyez quelle est la bonté de Dieu : Je ne maudirai plus la terre à propos des œuvres des hommes ! D’abord il déclare que c’est à propos de leur perversité qu’il a ainsi bouleversé la terre. Ensuite, pour nous montrer que s’il fait cette promesse, ce n’est pas qu’il s’attende à voir les hommes se mieux conduire ; il ajoute : Car la pensée des hommes est sujette à tomber dans le mal dès leur jeunesse. Voilà un rare exemple de bonté. Puisque, dit-il, la pensée de l’homme est sujette à tomber dans le mal depuis sec jeunesse, à cause de cela, je ne maudirai plus la terre. J’ai usé deux fois, dit-il, de tout mon pouvoir puisque je vois la méchanceté si prompte à s’accroître, je promets de ne plus détruire la terre. Ensuite, pour montrer toute l’étendue de sa bonté, il ajoute : Je ne frapperai plus toute chair vivante, comme je l’ai fait, tant que la terre vivra. Voyez, je vous prie, quelle consolation il apporte au juste, et même à d’autres qu’au juste ! car, dans sa bonté, il embrasse toute la race des hommes de l’avenir, puisqu’il dit : Je ne frapperai plus toute chair vivante, et qu’il ajoute : comme je t’ai fait, et aussi tant que la terre vivra ; il déclare ainsi qu’il n’y aura plus de déluge, et que jamais une pareille catastrophe n’envahira le globe. Il dit même comme preuve de son éternelle bienveillance : Tant que la terre vivra, c’est-à-dire : Je promets qu’à aucune époque je ne déploierai à ce point mon indignation et que je ne causerai jamais une pareille perturbation dans la marche des saisons, ni dans l’ordre des éléments. Aussi, dit-il à la suite : Les semailles et les moissons, le froid et la chaleur, l’été et le printemps ne cesseront ni jour ni nuit. Cet ordre, dit-il, sera immuable : jamais la terre ne cessera de donner à l’homme sa subsistance et de récompenser les labeurs de l’agriculture ; les saisons ne seront plus bouleversées, mais le froid et le chaud, l’été et le printemps reviendront à leur tour dans l’année. En effet, pendant le déluge, tout cela avait été confondu, et le juste dans l’arche était presque dans une nuit complète ; aussi Dieu lui dit : Le jour et la nuit ne cesseront pas leur course et, jusqu’à la fin des siècles, leurs fonctions seront immuables. Voyez quel puissant encouragement bien capable de relever le courage du juste ; voyez quelle récompense il a reçue de ses mérites. Mais cette ineffable libéralité se montre encore dans ce qui suit : Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : Croissez et multipliez, et remplissez la terre et dominez-la. Vous serez craints et redoutés de toutes les bêtes de la terre et de tous les oiseaux du ciel, de tous les animaux qui se meuvent sur terre et de tous les poissons de la mer : je les ai livrés tous entre vos mains. Tout ce qui se meut et qui est vivant sera votre nourriture ; je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. Cependant ne mangez pas la chair avec son sang, qui est son âme. Il faut ici admirer la suprême bonté du Seigneur vous voyez que le juste reçoit de nouveau la même bénédiction qui avait déjà été donnée à Adam ; cette supériorité que l’homme avait perdue, il la recouvre par sa vertu et surtout par l’inexprimable clémence du Seigneur. Car, de même qu’il avait dit autrefois : Croissez et multipliez, et gouvernez la terre ; dominez sur les poissons de la mer, les reptiles, les volatiles et les quadrupèdes ; il dit maintenant : Vous serez craints et redoutés de toutes les bêtes de la terre et de toutes les volatiles. Tout ce qui se meut et vit sur terre sera votre nourriture ; je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. Cependant ne mangez pas la chair avec son sang, qui est son âme. C’est la même loi que celle qui avait été donnée au premier homme, sauf une observation. Quand l’empire du monde a été donné à Adam, ainsi que la jouissance de tout ce qui était dans le paradis, il y eut cependant un arbre auquel il lui fut défendu de toucher ; il en est de même pour Noé ; Dieu le rend terrible aux animaux de la terre et met encore sous sa puissance les oiseaux et les volatiles ; il dit aussi : Tout ce qui se meut et vit sur terre sera votre nourriture : je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. C’est alors qu’a commencé l’usage de manger de la viande, non pas pour satisfaire notre gourmandise, mais parce que les hommes, devant sacrifier des animaux, afin de rendre grâce au Seigneur, il ne fallait pas qu’ils parussent rejeter les choses consacrées : aussi Dieu leur accorde l’usage de cette nourriture et leur permet d’y recourir abondamment. Je vous ai tout donné comme les plantes des jardins. Ensuite, de même que, tout en jouissant du fruit de tous les arbres, Adam devait s’abstenir d’un seul, de même aussi, tout en accordant à Noé la permission de manger de tout ce qu’il voudrait, Dieu lui dit néanmoins : Ne mangez pas la chair avec le sang, qui est son âme. Qu’est-ce donc qu’un animal où l’on a laissé le sang qui est son âme ? Cela signifie une bête étouffée ; car l’âme d’un animal n’est autre chose que son sang. Comme les sacrifices se faisaient en immolant des animaux, voici l’enseignement qui résulte dé ce commandement. Le sang est mis à part pour moi, et vous gardez la chair. Dieu agit ainsi pour modérer par ses ordres la cruauté et le penchant à l’homicide. Pour prouver qu’il a voulu ainsi rendre les hommes plus pieux, écoutez ce qui suit : Je demanderai compte de votre sang, de vos âmes, à tous les animaux. Et je demanderai compte à l’homme et au frère de l’âme de l’homme. Quoi donc ! l’âme de l’homme est-elle du sang ? Dieu ne veut pas le dire ; loin de là ! mais il parle conformément aux habitudes humaines, comme si un homme disait à un autre : Ton sang est en mes mains : c’est-à-dire, je puis te tuer. Pour voir que l’âme de l’homme n’est pas le sang, écoutez le Christ, qui dit : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme. (Mat 10,28) Et voyez la distinction que Dieu fait ; : Celui qui aura répandu le sang de l’homme, son sang sera répandu par compensation ; car j’ai fait l’homme à mon image. Méditez, je vous prie, sur la terreur qu’inspirent ces paroles. Si l’idée de frapper ton semblable, celui qui est de même nature que toi, ne suffit pas pour te détourner de ton odieuse entreprise, si tu repousses toute sympathie fraternelle pour te livrer à cette criminelle audace, songe que ta victime a été faite à l’image de Dieu, que Dieu lui a accordé ses plus hautes prérogatives, et abandonne ton horrible projet. Mais supposons un homme qui ait commis une infinité de meurtres et versé des flots de sang : comment pourra-t-il tout compenser en répandant le sien ? Ne vous arrêtez pas à cela, mais songez que bientôt il recevra un corps incorruptible qui pourra être puni sans cesse pendant l’éternité. Voyez aussi comme le précepte est précis. Il est dit de l’homme : tu ne verseras pas son sang ; à propos des animaux il n’est point dit tu ne verseras pas, mais seulement : Tu ne mangeras pas la chair avec le sang ; qui est son âme. D’un côté Dieu dit : tu ne répandras pas ; de l’autre : tu ne mangeras pas. Vous voyez que ces lois n’ont rien de pénible, combien ces préceptes sont simples et faciles, comment Dieu ne demande à notre nature rien de gênant et de fâcheux. Plusieurs personnes disent que lé sang des animaux est lourd, grossier et cause des maladies : nous pensons que si nous devons observer ce précepte, ce n’est pas à cause de la raison que nous venons de dire, si savante qu’elle soit, mais pour accomplir l’ordre du Seigneur. Du reste, pour savoir que s’il nous a fait cette recommandation c’est pour modérer nos instincts sanguinaires, il dit : Quant à vous, croissez, multipliez, remplissez la terre et dominez la. Ce n’est pas sans raison qu’il dit : Quant à vous. Vous qui êtes si peu nombreux ; si faciles à compter, remplissez la terre et gouvernez-la, c’est-à-dire ayez-y tout empire, toute puissance et recueillez-en les fruits. Voyez, je vous prie, toute la bonté de Dieu qui, en échange d’immenses bienfaits, n’impose qu’une facile et unique obligation. De même qu’après avoir placé Adam dans le paradis et lui avoir accordé de jouir de tout, il lui défendit cependant de toucher à un arbre ; de même ici encore, après avoir promis qu’il ne détruirait plus l’univers et qu’il ne s’irriterait pas à ce point, mais que les éléments ne seraient plus bouleversés jusqu’à la consommation, des siècles et garderaient toujours leur marche et leurs lois, après avoir donné sa bénédiction à ceux qu’il avait sauvés, et leur avoir accordé toute puissance sur les animaux et le droit de manger leur chair, Dieu leur dit : Cependant vous ne mangerez pas la chair avec le sang, qui est son âme. Vous voyez qu’après avoir montré tant de bonté et d’ineffable libéralité, il finit par un ordre : ce n’est pas là l’habitude des hommes. Les hommes veulent, avant fout, que leurs ordres soient exécutés, ils exigent beaucoup de douceur et d’exactitude chez ceux qu’ils chargent de leurs commandements, et ce n’est qu’à la fin qu’ils songent à récompenser ceux qui leur ont montré tant d’obéissance. Le Maître de toutes choses agit tout autrement : il commence par répandre ses bienfaits, il nous séduit par leur abondance, puis enfin il donne quelques préceptes simples et faciles, afin que leur facilité même se joigne aux bienfaits antérieurs pour assurer notre obéissance. N’ayons donc jamais, mes bien-aimés, ni répugnance, ni négligence pour remplir ses commandements : songeons à ses bienfaits antérieurs et à la facilité de ses ordres, ainsi qu’à la grandeur des récompenses qui bous sont promises quand nous les aurons remplis : veillons et empressons-nous d’exécuter tout ce que Dieu nous a commandé ; ne quittons pas la route qu’il nous a tracée pour parvenir au salut de nos âmes, faisons un bon usage du temps qui nous reste encore à vivre, purifions-nous de nos péchés et fortifions notre confiance, surtout dans les jours gui restent encore jusqu’à la fin du carême. 6. Ce nombre de jours est encore suffisant, si nous voulons l’employer à la pénitence. Si je vous parle ainsi, ce n’est pas que ce temps soit en réalité suffisant pour nous corriger de tous nos péchés, mais c’est parce que nous avons un Maître doux et clément qui n’exige pas beaucoup de temps : il suffit de s’approcher de lui avec ferveur et vigilance en rejetant tous les soins du monde et ne s’appuyant que sur la force d’en haut. Les habitants de Ninive, écrasés sous une multitude de péchés, mais faisant une grande et véritable pénitence, n’eurent pas besoin de plus de trois jours pour réveiller la bonté de Dieu et rendre vaine la sentence qu’il avait portée contre eux. Mais pourquoi parler des Ninivites ? Le larron sur la croix n’a pas eu besoin d’un jour. Et que dis-je, d’un jour ? pas même d’une heure, tant est grande là bonté de Dieu pour nous ! Car, dès qu’il voit que nous venons à lui avec une volonté ferme et un désir fervent, if ne tarde pas, il ne diffère point ; il s’empresse, au contraire, et avec sa générosité habituelle, il s’écrie : Tu parleras encore quand je te dirai : Me voilà ! (Isa 58,9) Il nous écoutera donc si nous voulons, pendant ces quelques jours, montrer un certain zèle, puiser du secours dans un jeûne convenable, secouer notre paresse pour implorer le Seigneur, verser des larmes brûlantes ; confesser fréquemment nos péchés, montrer les plaies de notre âme comme celles du corps à un médecin, nous livrer à cette cure spirituelle et faire, du reste, tout ce qui dépend de nous, c’est-à-dire apporter un cœur contrit, une véritable componction, faire de larges aumônes, refréner les passions qui troublent notre raison et les chasser de notre âme, au point de ne plus être assiégé par l’amour des richesses, par des rancunes contre notre prochain, par des haines contre nos semblables. Il n’est rien, en effet, rien' que Dieu déteste et repousse, comme un homme qui conserve constamment dans son âme de la rancune et de la haine contre son prochain. Cette faute est d’autant plus funeste qu’elle s’oppose à la miséricorde de Dieu. Pour vous l’apprendre, je vous rappelle la parabole évangélique, où cet homme, qui devait à son maître dix mille talents, tomba à ses pieds, le supplia et l’implora, et obtint remise du tout. Son maître, ému de pitié, lui remit sa dette. (Mat 18,27) Voyez quelle est la miséricorde du maître. Le débiteur tombe à ses pieds et lui demande une échéance plus éloignée. Donne-moi du temps et je te payerai tout. Mais le maître bon et miséricordieux, touché de sa prière, lui accorda non-seulement ce qu’il demandait, mais plus qu’il n’osait espérer. C’est ce que fait Dieu, pour dépasser et prévenir nos prières. Cet homme implorait l’indulgence et promettait de tout payer ; mais ce maître, dont la bonté dépasse encore nos fautes, est assez touché pour le tenir quitte et lui remettre sa dette. Vous avez vu ce que le serviteur demandait et combien le maître lui a remis : voyez maintenant la folie du serviteur. Il devait, après avoir été l’objet d’une si grande bonté et d’une pareille munificence, être porté lui-même à l’indulgence envers le prochain ; c’est tout le contraire. Il s’en va ensuite, il s’agit de l’homme à qui on avait remis dix mille talents. Écoutez, je vous en conjure, avec attention, car ce qui suit suffit pour entraîner nos âmes et nous persuader d’en arracher une maladie aussi grave ; il s’en va ensuite trouver un de ses compagnons de servitude qui lui devait cent deniers. Voyez quelle différence ! Ici ce compagnon devait cent deniers ; de l’autre côté le maître réclamait dix mille talents, et cependant il avait abandonné la dette aux supplications de son débiteur. Mais ce débiteur lui-même, prenant son compagnon, l’étouffait en disant : rends-moi ce que tu me dois. Son compagnon de servitude tomba à ses pieds. Voyez comme l’évangéliste répète ce mot de compagnon, non sans motif, mais pour que nous comprenions qu’ils étaient égaux. Cependant, ce compagnon le suppliait comme l’autre avait supplié son maître, en disant : Donne-moi du temps et je te rendrai tout. Mais celui-ci s’en alla, et fil jeter le débiteur en prison jusqu’au paiement de la dette. Quel excès d’ingratitude ! Il avait encore le souvenir récent de la libéralité que son maître avait déployée à son égard, et il n’a pas pitié d’un autre ; il veut d’abord l’étrangler et enfin le jette en prison. 7. Mais voyez la suite : Quand les compagnons de servitude virent cela, ils furent attristés, et, venant vers leur maître, ils lui dirent tout. Ce n’est pas celui qui avait été maltraité (comment aurait-il pu le faire, puisqu’il était en prison ?), mais les autres compagnons qui souffraient de cette injustice, qui pourtant ne les, touchait pas ; dans leur tristesse ils vont voir le maître et lui racontent tout. Voyez maintenant la colère du maître. Il le fit venir et lui dit : méchant serviteur. C’est ici que l’on peut voir combien il est funeste de se rappeler les injures. Quand il devait dix mille talents, le maître ne l’a pas appelé méchant ; mais aujourd’hui, après qu’il a été cruel avec son compagnon : Méchant serviteur, lui dit-il, je t’ai remis toute ta dette parce que tu m’as supplié. Voyez comme il lui fait sentir sa perversité ! Qu’as-tu fait de plus avec moi, que ton compagnon avec toi, lui dit-il ? Tu m’as dit quelques mots, j’ai accueilli ta prière et je t’ai remis ton immense dette. Ne devais-tu pas avoir pitié de ton compagnon comme j’ai eu pitié de toi. Quel pardon mérites-tu, si moi, le maître, je t’ai remis une dette aussi considérable pour quelques paroles ; tandis que toi, tu n’as pas eu pitié de ton compagnon, de ton égal ? rien n’a pu te fléchir, tu ne t’es pas rappelé mes concessions, tu n’as montré aucune commisération, tu as été inhumain et cruel, tu es resté impitoyable envers ton camarade. Aussi tu vas connaître tous les maux que tu as attirés sur toi. Et le maître irrité le livra aux bourreaux. Vous voyez que maintenant il se fâche contre l’inhumanité de son serviteur et le livre aux bourreaux, il fait actuellement ce qu’il n’avait pas voulu faire quand il ne s’agissait que d’une dette. Il le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il rendît toute la dette, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il comptât les dix mille talents qui lui avaient été remis. Sans doute la clémence de Dieu est grande et ineffable : quand c’était lui-même qui réclamait la dette, il a tout remis sur de simples prières ; mais quand il voit le débiteur aussi cruel et aussi inhumain envers son compagnon, il révoque sa libéralité, et montre par ses actions que ce n’est pas ce compagnon qui a été maltraité, mais que c’est lui-même. Et de même que cet homme avait jeté son compagnon en prison jusqu’à ce qu’il s’acquittât de sa dette ; de même il le livre aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait aussi payé sa dette. Dans tout cela, il n’est pas seulement question de talents et de deniers, mais de péchés et de la grandeur de nos fautes : cela nous montre que si nous sommes chargés devant Dieu d’une infinité de péchés, cependant, par son ineffable miséricorde, il peut nous les remettre. Mais si nous devenons cruels et inhumains envers nos compagnons de servitude, nos semblables, ceux qui sont de notre nature, si nous ne remettons pas les fautes qu’ils ont commises contre nous, si nous les tourmentons pour une cause frivole (quelles que soient ces offenses, elles seront toujours dans la proportion de cent deniers à dix mille talents avec celles que nous avons commises envers le Seigneur) ; alors l’indignation du Seigneur tombe sur nous, et les dettes qu’il nous avait déjà remises, il nous force de nouveau à les payer dans les tourments. Pour être bien certains que dans cette parabole le Seigneur fait en réalité allusion au salut de nos âmes, écoutez ce qui la termine : C’est ce que votre Père céleste vous fera, si chacun de vous ne pardonne pas du fond du cœur à son frère les offenses qu’il en a reçues. Cette parabole peut nous être d’une grande utilité, si nous y faisons attention. Comment pourrions-nous avoir à pardonner autant que le Seigneur nous pardonne ? Du reste, si nous voulons que Dieu nous pardonne, nous n’avons qu’à accorder notre pardon à nos compagnons d’esclavage, nous obtiendrons celui de Dieu. Voyez toute la précision de ces paroles. Il ne dit pas simplement : si vous ne remettez pas les fautes des hommes, mais : si chacun de vous ne pardonne pas du fond du cœur à son frère les offenses qu’il en a reçues. Remarquez comme il veut que notre cœur soit calme et tranquille, que notre âme ne soit pas troublée et se délivre des passions, en conservant pour notre prochain des sentiments d’affection. Dans un autre passage, il dit aussi : Si vous remettez aux hommes leurs péchés, votre Père céleste vous remettra les vôtres. (Mat 6,14) Ne croyons donc pas, quand nous obéissons à cet ordre, être bien généreux envers les autres et leur faire de grandes concessions. C’est nous-mêmes qui jouissons du bienfait et nous en retirons un avantage immense. Si nous agissons autrement, nous ne pourrons faire aucun mal à nos ennemis, et nous préparons pour nous-mêmes les peines intolérables de l’enfer. Aussi, je vous en conjure, méditons là-dessus, et s’il est quelques personnes qui nous ont affligés ou nous ont fait un tort quelconque, gardons-nous de conserver contre elles ni rancune ni haine ; considérons plutôt quelle occasion cela nous donne de mériter les bienfaits et l’affection de Dieu, puisque la meilleure manière d’effacer nos péchés est de nous réconcilier avec ceux qui nous ont offensés. Soyons donc actifs et empressés pour recueillir un pareil avantage, et soyons aussi bien disposés pour ceux qui nous ont fait tort que pour ceux qui nous ont véritablement servis. Car, si nous y réfléchissons, ceux qui ont été bons pour nous et qui ont cherché à nous rendre service de toute manière, ne pourront nous être aussi utiles que nos bons procédés envers nos ennemis pour gagner la bienveillance d’en haut et nous débarrasser du fardeau de nos péchés. 8. Méditez avec moi, mes bien-aimés, sur l’importance de cette vertu, et connaissez-la d’après les récompenses que le Seigneur de l’univers y a attachées. Il dit : Chérissez vos ennemis, bénissez ceux qui vous persécutent, priez pour ceux qui vous calomnient. (Mat 5,44) Comme ces préceptes sont élevés et touchent le sommet de la vertu, il ajoute : Afin que vous soyez semblables â votre Père qui est aux cieux parce qu’il fait lever son soleil sur les bons et les méchants, et qu’il fait tomber la pluie sur les justes et les pervers. Voyez à qui peut ressembler l’homme, autant que sa nature le comporte, quand il consent, non seulement à ne pas se venger de celui qui l’a offensé, mais encore à prier pour lui ? Que notre négligence ne nous fasse donc pas perdre de vue de si grands biens et ces récompenses incomparables, mettons tous nos soins à une œuvre si méritante, habituons et forçons notre esprit à obéir aux ordres de Dieu. C’est pour cela que je vous ai fait cette exhortation et que je vous ai rapporté cette parabole. Vous avez vu quelle était l’importance de cette œuvre et quel avantage nous pouvons en retirer ; je vous l’ai montré pour que celui d’entre vous qui aurait un ennemi s’empresse de se réconcilier avec lui pendant qu’il en est encore temps. Qu’on ne me dise pas je l’ai prié une première et une seconde fois de se réconcilier, et il a refusé. Si nous le voulons sincèrement, nous n’aurons pas de repos avant d’avoir remporté cette victoire, de nous l’être rendu favorable et de lui avoir fait oublier ses inimitiés avec nous. Lui donnons-nous quelque chose ? c’est sur nous que retombent les bienfaits ; nous méritons la faveur de Dieu, nous obtenons le pardon de nos péchés, nous augmentons notre confiance en Dieu. Si nous agissons ainsi, nous pourrons approcher avec confiance de cette table si sainte et si redoutable et dire avec fermeté toutes les paroles des prières. Les initiés savent ce que je veux dire. Aussi, j’abandonne à la conscience de chacun de vous la question de savoir si nos devoirs auront été assez bien remplis pour dire à ce moment terrible ces paroles avec confiance. Si nous sommes négligents, quelle cause de condamnation ce sera pour nous qui prononcerons des paroles contraires à nos actions, qui aurons l’audace de répéter ces prières, d’attiser le feu qui nous menace et de provoquer la colère de Dieu ! Je suis transporté de joie quand je vois quel plaisir vous prenez à mes paroles, quand vos applaudissements me prouvent que vous êtes remplis de zèle et disposés à accomplir le précepte du Seigneur. C’est là ce qui guérit nos âmes, ce qui panse nos blessures, c’est la route qui plaît surtout à Dieu, c’est la meilleure preuve de l’amour d’une âme pour Dieu que de tout entreprendre pour suivre la loi du Seigneur sans être arrêté par la pensée de notre faiblesse, mais de commander à ses passions en réfléchissant aux bienfaits dont Dieu nous comble chaque jour. Quoi que nous nous efforcions de faire, nous ne pourrions vous exposer même la moindre partie de tous ceux que nous avons reçus ou que nous recevons chaque jour, et surtout de ceux qui nous sont promis pour l’avenir, si nous voulons accomplir les ordres de Dieu. Aussi, en sortant d’ici, telle doit être notre première préoccupation ; nous devons nous y livrer comme à la recherche d’un trésor, sans différer d’un seul instant. Peu importent les fatigues, les recherches, la longueur de la route et les ennuis de toute espèce, triomphons de tous ces obstacles. N’ayons qu’un souci, celui d’accomplir l’ordre du Seigneur, et notre obéissance sera récompensée. Est-ce que j’ignore combien il est embarrassant et pénible d’aller trouver celui qui est en hostilité avec nous, de rester et de parler avec lui ? Mais si vous songez à l’autorité du précepte et à la magnificence de la récompense, si vous réfléchissez que vos bienfaits retomberont sur vous plutôt que sur lui, tout vous paraîtra simple et facile. Soutenus par cette méditation, mettons-nous au-dessus de nos habitudes et accomplissons avec piété les ordre, du Seigneur. Méritons, ainsi d’être récompensés, par la grâce et la miséricorde du Christ, auquel soient ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance et honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Traduction de M. HOUSEL.