Hebrews 4
HOMÉLIE VI.
C’EST POUR CELA QUE LE SAINT-ESPRIT DIT : SI VOUS ENTENDEZ AUJOURD’HUI SA VOIX, N’ENDURCISSIEZ POINT VOS CŒURS, COMME AU TEMPS DE MA COLÈRE ET AU JOUR DE LA TENTATION DANS LE DÉSERT, OU VOS PÈRES ME TENTÈRENT, OU ILS VOULURENT ÉPROUVER MA PUISSANCE, ET OU ILS VIRENT LES CHOSES QUE JE FIS PENDANT QUARANTE ANNÉES. AUSSI ME SUIS-JE IRRITÉ CONTRE CETTE GÉNÉRATION, ET J’AI DIT : ILS SE LAISSENT TOUJOURS EMPORTER PAR L’ÉGAREMENT DE LEURS CŒURS, ILS NE CONNAISSENT POINT MES VOIES ; C’EST POURQUOI J’AI JURÉ, DANS MA COLÈRE, QU’ILS N’ENTRERAIENT POINT DANS LE LIEU DE MON REPOS. (III, 7, 8, 9, 10, 11, JUSQU’À IV, 10)
Analyse.
- 1. Repos du sabbat, représentation temporelle du repos éternel.
- 2. L’incrédulité attire la colère de Dieu.
- 3. Conservons l’espoir tant que nous vivons.
- 4. Bonheur réservé aux élus dans le royaume des cieux.
1. Après avoir parlé de l’espérance, après avoir dit : « Nous serons de sa maison, si nous conservons une ferme confiance en lui et la glorification de l’espérance », Paul nous montre qu’il faut savoir attendre avec confiance, et il le prouve par les Écritures. Mais faites attention ; car ce passage est tant soit peu difficile et obscur ; c’est pourquoi nous devons vous exprimer notre opinion et vous exposer en peu de mots le sujet dans son ensemble, avant d’arriver au texte. Vous n’aurez plus besoin de nous une fois que vous connaîtrez le but et le plan de l’apôtre. C’était de l’espérance qu’il parlait ; il nous disait qu’il faut espérer dans l’avenir, et que ceux qui auront souffert ici-bas trouveront ailleurs leur récompense, le fruit de leurs fatigues et le repos. II le prouve en se servant des paroles du prophète, et en nous disant. « C’est pour cela que le Saint-Esprit dit : Si vous entendez aujourd’hui sa voix, n’endurcissez pas votre cœur, comme au temps de ma colère et au jour de la tentation dans le désert, où vos pères me tentèrent, où ils voulurent éprouver ma puissance, et où ils virent les choses que je fis pendant quarante jours. Aussi me suis-je irrité contre cette génération, et j’ai dit : Ils se laissent toujours emporter par l’égarement de leurs cœurs, ils ne connaissent point mes voies ; c’est pourquoi je leur ai juré, dans ma colère, qu’ils n’entreraient point dans le lieu de mon repos ». (Psa 95,8-11) Il y a, dit-il, trois sortes de repos. Il y a le repos de Dieu après la création, le repos de la Palestine où les Juifs devaient entrer, pour se reposer de tant de jours d’afflictions et de leurs travaux, enfin (et c’est bien là le repos), il y a le royaume des cieux où les élus se reposent éternellement de leurs travaux et de leurs afflictions. C’est de ces trois sortes de repos qu’il fait ici mention. Et pourquoi cette mention, s’il ne parle que d’un seul ? C’est pour montrer que le prophète parle de cette troisième espèce de repos. Le premier, dit-il, il ne s’en occupe pas. Pourquoi remonter jusqu’aux premiers temps ? Le repos de la Palestine, il n’en, parle pas non plus, puisqu’il est arrivé à sa fin. Reste le troisième repos, et ici nous devons ouvrir l’histoire, pour que nos paroles soient plus claires. Après la sortie d’Égypte, et les fatigues d’une longue route, après avoir en Égypte, sur la mer Rouge et dans le désert, reçu d’innombrables témoignages de la puissance divine, les Juifs se décidèrent à envoyer des éclaireurs, chargés d’explorer la nature du sol. Les éclaireurs revinrent et, pleins d’admiration pour la contrée qu’ils avaient parcourue, ils se répandaient en éloges sur la fertilité du sol, tout en disant qu’il était habité par une nation courageuse et indomptable. Alors les Juifs, peuple ingrat et insensible, au lieu de se souvenir des anciens bienfaits de Dieu qui, lorsqu’ils étaient cernés partant d’armées égyptiennes leur barrant le passage, les avait arrachés aux périls ; au lieu de penser au rocher du désert, ouvert par la baguette de Moïse, à l’eau jaillissante, à la manne, et à tant d’autres miracles bien faits pour affermir leur foi, perdirent complètement la mémoire. Frappés d’étonnement et de stupeur, ils voulaient revenir en Égypte en disant : Dieu nous a amenés ici, pour nous faire périr avec nos femmes et nos enfants. Dieu donc, dans sa colère contre ces ingrats qui avaient sitôt oublié ses bienfaits, jura que la génération qui avait proféré de telles paroles n’entrerait pas dans le lieu du repos, et tous périrent dans le désert. Plus tard, quand cette génération n’était plus, David disait : « Aujourd’hui, si vous écoutez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs, comme autrefois dans des jours de colère ». Pourquoi ? – C’est pour que vous ne soyez pas punis comme vos pères, c’est pour que vous ne soyez pas privés du repos. – Il parle ainsi, sans doute en faisant allusion à l’asile du repos véritable. Car, s’ils avaient déjà trouvé le repos, pourquoi leur dirait-il encore : « Aujourd’hui, si vous écoutez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs, comme autrefois, en des jours de colère ? » Quel est donc ce lieu de repos, si ce n’est le royaume des cieux dont l’image et la représentation est le jour du sabbat ? Il cite donc, je le répète, le témoignage du prophète en ces termes : « Aujourd’hui, si vous écoutez sa voix, ne vous, endurcissez pas comme en des jours de colère, comme à l’époque de la tentation dans le désert, lorsque vos aïeux me tentèrent, firent l’épreuve de mes puissances et virent, durant quarante ans, ce que je pouvais faire ; c’est pour cela que je me suis irrité contre cette génération, et j’ai dit : Leurs cœurs sont toujours égarés : ils n’ont pas connu mes voies ; et je leur ai juré, dans ma colère, qu’ils n’entreraient pas dans mon lieu de repos ». Puis il ajoute : « Prenez garde, mes frères, que quelqu’un de vous ne tombe dans un dérèglement de cœur et dans une incrédulité qui le sépare du Dieu vivant (12) ». Car c’est la dureté du cœur qui produit l’incrédulité. Semblables à ces membres raides et couverts d’un talus, qui résistent à la main du médecin, les âmes endurcies résistent à la parole de Dieu. Car il y a probablement des hommes qui ne croient plus et pour qui les miracles opérés sont comme s’ils n’avaient pas eu lieu ; c’est pour cela qu’il dit « Prenez garde que quelqu’un d’entrevous ne tombe dans un dérèglement de cœur, et dans « une incrédulité qui le sépare du Dieu vivant ». Quand on parle de l’avenir, on rencontre plus d’incrédules que lorsqu’on parle du passé. Voilà pourquoi il leur rappelle l’histoire et les circonstances dans lesquelles ils ont manqué de foi. Si vos pères, dit-il, ont souffert pour n’avoir pas espéré comme ils le devaient, à plus forte raison, vous, vous souffrirez ; car il s’adresse à eux, aux hommes du temps présent. C’est toujours ce que veut dire ce mot « aujourd’hui ». – « Mais exhortez-vous chaque jour les uns les autres, pendant ce temps que l’Écriture appelle aujourd’hui (13) » ; c’est-à-dire ; édifiez-vous les uns les autres, encouragez-vous pour qu’il ne vous arrive pas la même chose qu’à vos pères, « de peur que quelqu’un de vous, étant séduit par lé péché, ne tombe dans l’endurcissement ». 2. Voyez-vous comme le péché engendre l’incrédulité ? Si l’incrédulité produit la vie criminelle, l’âme, arrivée au fond de l’abîme, méprise, et dans son dédain elle ne veut plus rien croire, pour se délivrer de toute crainte. Nous lisons dans le Psalmiste : « Ils ont dit : Le Seigneur ne nous verra pas, et le Dieu de Jacob n’en saura rien ». (Psa 94,7) Et ailleurs : « Nos lèvres sont à nous, qui donc est notre Seigneur ? » (Psa 12,5) Et encore : « Pourquoi l’impie a-t-il irrité Dieu ? » (Psa 11,13) Et ailleurs : « L’insensé a dit en son cœur : Il n’y a pas de Dieu. Ils se sont corrompus et ils ont contracté des penchants abominables ». (Psa 14,1) Et ailleurs : « La crainte de Dieu n’est plus devant leurs yeux ». Et ailleurs : « Il a usé de ruse devant lui ; Dieu a découvert et détesté l’iniquité de l’impie ». (Psa 36,2-3) Le Christ aussi parle en ces termes : « Tout homme qui agit mal craint la lumière et la fuit ». (Jn 3,20) Puis il ajoute : « Nous sommes entrés dans la participation du Christ » : que veut dire ce mot ? Nous ne faisons qu’un, lui et nous. Il est la tête, nous sommes le corps, nous sommes ses cohéritiers et nous ne faisons avec lui qu’un même corps. Nous ne sommes qu’un seul corps, dit-il, formé de sa chair et de ses os ; « à condition toutefois de conserver jusqu’à la fin ce commencement de substance nouvelle qu’il a mis en nous ». – « Qu’est-ce que ce commencement de substance nouvelle ? » C’est la foi par laquelle nous subsistons, par laquelle nous avons été régénérés, par laquelle nous sommes consubstantiels au Christ. Puis il ajoute : « Pendant que l’on « nous dit : aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs comme il arriva au temps du murmure qui excita ma colère. » (15). – Il y a ici une transposition, voici quelle est la suite des idées : « Craignons donc que, négligeant la promesse qui nous est faite d’entrer dans le repos de Dieu, il n’y ait quelqu’un d’entre vous qui en soit exclu ? » (4, 1) – « Car on nous l’a annoncé aussi bien qu’à eux (2) ». – « Pendant que l’on nous dit : Aujourd’hui si vous entendez sa voix ». – « Aujourd’hui » signifie « en tout temps » : ensuite il dit : « Mais la parole qu’ils entendirent ne leur servit de rien, n’étant pas accompagnée de la foi dans ceux qui l’entendirent(2) ». Il montre pourquoi cette parole est restée inutile ; c’est qu’elle n’était point accompagnée de la foi. Il prouve cette vérité par les exemples qu’il expose : « Quelques-uns », dit-il, « ayant entendu sa voix, irritèrent Dieu par leurs murmures ; mais cela n’arriva pas à tous ceux que Dieu avait fait sortir de l’Égypte (16) ». – « Or qui sont ceux que Dieu supporta avec peine pendant quarante ans, sinon ceux qui avaient péché, dont les corps demeurèrent étendus dans le désert (17) ? » – « Et qui sont ceux à qui Dieu jurait qu’ils n’entreraient jamais dans son repos, sinon ceux qui ne crurent pas en lui (18) ? ». – « En effet, nous voyons qu’ils ne purent y entrer, à cause de leur incrédulité (19) ». Après avoir cité le témoignage de l’histoire, il emploie la forme interrogative, pour donner plus d’éclat à sa parole. « Il a dit, en effet », s’écrie-t-il, « aujourd’hui si vous écoutez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs, comme au jour de sa colère ». Quels sont ces cœurs endurcis dont il se souvient ? Quels sont ceux qui n’ont pas cru en lui ? Ne sont-ce pas les Juifs ? Voici le sens de ces paroles : Ils ont entendu comme nous ; mais cela ne leur a servi de rien. N’allez donc pas croire qu’il vous suffira d’entendre la parole de Dieu pour en profiter ! Eux aussi, ils l’ont entendue, mais sans profit, parce qu’ils n’ont pas cru. Chaleb et Jésus n’ayant pas fait cause commune avec les incrédules, ont évité le châtiment qui leur a été infligé. Et voyez ce qu’il y a ici d’admirable. Il n’a pas dit : Ils n’ont pas fait cause commune ; il a dit « Ils ne se sont pas mêlés à eux ». Ils se sont séparés de ces séditieux unis dans une même pensée. Ici, selon moi, il nous fait entendre que cette pensée était une pensée de révolte. « Nous entrerons dans son repos », dit-il, « nous qui avons cru » ; et pour confirmer cette proposition, il ajoute : « Dans ce repos dont il parle en disant : J’ai juré dans ma colère qu’ils n’entreraient pas dans mon repos », et Dieu parle du repos qui suivit l’accomplissement de ses ouvrages, dans la création du monde (3). On pouvait peut-être lui dire : Cela ne signifie pas que nous n’entrerons pas dans le repos ; cela signifie que ces hommes d’autrefois n’y sont pas entrés. Que fait-il, pour prévenir cette objection ? Il s’étudie à prouver que ce repos des premiers temps n’empêche pas de parler d’un autre ; que ce repos n’empêche pas de parler du repos qui nous attend au royaume des cieux. Il veut donc montrer qu’ils n’ont point obtenu ce lieu du repos. Pour que vous sachiez que c’est bien là ce qu’il veut dire, il ajoute : « Car l’Écriture dit en quelque lieu, parlant du septième jour : Dieu se reposa le septième jour, après avoir achevé toutes ses œuvres (4) ». Et il est dit encore ici :« Ils n’entreront point dans mon repos (5) ». Vous voyez qu’un repos n’exclut pas l’autre. « Puisqu’il faut donc », dit-il, « que quelques-uns y entrent, et que ceux à qui la parole en fut premièrement portée, n’y sont point entrés à cause de leur incrédulité (6), Dieu n détermine encore un jour particulier qu’il appelle aujourd’hui, en disant tant de temps après par David, ainsi que je viens de dire (7) ». Que veut-il dire ici ? Puisque, dit-il, quelques élus doivent entrer dans le repos de Dieu et que les anciens Hébreux n’y sont pas entrés, voici une troisième espèce de repos qu’il établit. Mais comment prouve-t-il que certains élus doivent entrer dans ce repos de Dieu ? Écoutons-le : « C’est que », dit-il, « après tant d’années », voilà David qui répète : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs, comme aux jours de sa colère. Car, si Jésus les avait établis dans ce repos, l’Écriture n’aurait jamais parlé, après cela, d’un autre jour (6) ». Ce langage est clair et nous fait entrevoir quelqu’autre récompense. « Il y a donc encore un sabbat réservé au peuple de Dieu (9) » ; d’où résulte cette conclusion, ce précepte : « N’endurcissez pas vos cœurs ». Car si un sabbat n’existait pas, et s’ils n’étaient pas exposés à subir les mêmes châtiments, à quoi bon ce précepte, à quoi bon cette recommandation de ne pas retomber dans les mêmes fautes, pour ne pas retomber dans le même abîme de souffrances ? Et comment ceux qui étaient en Palestine pouvaient-ils subir les mêmes supplices, s’il n’y avait pas encore un repos ? 3. C’est bien conclure que d’employer le mot de « sabbat », et non celui de « repos'», que d’employer ici le nom du jour où le peuple de Dieu courait se réjouir. Le sabbat, selon l’apôtre, c’est le royaume des cieux. Au jour du sabbat, les Hébreux doivent, se garder de tout péché, ils ne doivent songer qu’à adorer Dieu, comme faisaient les prêtres ; ils ne doivent songer qu’aux œuvres spirituelles. Voilà quelle doit être leur occupation au jour du sabbat : voilà quelle sera l’occupation des élus dans le royaume des cieux. Paul n’a pas précisément tenu ce langage, mais voici ce qu’il a dit : « Celui qui est entré dans le repos de Dieu se repose aussi lui-même, en cessant de « travailler, comme Dieu s’est reposé après ses ouvrages (10) ». Dieu, dit-il, s’est reposé après ses ouvrages, et l’homme qui est entré dans le repos de Dieu, se repose comme lui ; il leur parlait du repos, et ils voulaient savoir quand ce repos aurait lieu. Il répond donc à leurs désirs, en finissant. Quant à ce mot « aujourd’hui », il le leur dit pour les sauver du désespoir. Exhortez-vous les uns les autres, dit-il, exhortez-vous chaque jour, tant que vous pouvez dire : « Aujourd’hui ». Cela veut dire que le pécheur même, tant qu’il peut dire « aujourd’hui », doit espérer. Loin de nous le désespoir, tant que nous vivons ! Veillons seulement, dit-il, à ce que notre cœur ne soit jamais en proie à l’incrédulité. Et encore, si cela arrive, ne nous désespérons pas ; mais ranimons-nous. Tant que nous sommes de ce monde ; tant que nous pouvons dire a aujourd’hui », nous avons du temps devant nous. Dans ce passage, il parle non seulement de l’incrédulité, mais des murmures. « Des murmures de ces hommes dont les cadavres sont étendus dans le désert ». (Heb 3,17) Puis, pour que ses auditeurs n’aillent pas s’imaginer que le châtiment du coupable se bornera à la privation du repos, il met devant leurs yeux le supplice gui lui est réservé et il ajoute : « La parole de Dieu est vivante et efficace, et elle perce plus qu’une épée à deux tranchants ; elle pénètre jusque dans les replis de l’âme et de l’esprit, jusque, dans les jointures et la moelle des os ; et elle démêle les pensées et les mouvements du cœur (12) » ; c’est du supplice de la géhenne qu’il parle ici. C’est un supplice, dit-il, qui pénètre jusque dans les replis de notre cœur et qui dessèche notre âme. Il ne s’agit point ici de cadavres étendus dans le désert, sans sépulture ; ils ne sont pas privés de la terre ; ils sont privés du royaume des cieux ; ils sont livrés pour toujours à la géhenne ; ils sont livrés à une peine, à un supplice qui n’aura pas de fin. Mais exhortez-vous les uns les autres ». (Heb 3,13) Remarquez la douceur de ce langage. Il ne dit pas : Adressez-vous des réprimandes, mais exhortez-vous les uns les autres. C’est ainsi que nous devons nous comporter envers ceux que le chagrin accable : c’est ce qu’il dit dans sa lettre aux habitants de Thessalonique : « Donnez des avis à ceux dont l’âme est inquiète ». Quant aux esprits pusillanimes, voici ce qu’il dit : « Consolez ceux qui ont l’esprit abattu ; supportez les faibles ; soyez patients envers tous ». (1Th 5,14) Que veut dire ce mot « consolez ? » Il veut dire : Ne les faites pas tomber dans le désespoir ; ne leur faites pas perdre courage ; car ne pas consoler l’homme que l’affliction accable, c’est le jeter dans l’endurcissement. Il ne faut pas, dit-il, que vous vous endurcissiez, dans les pièges du péché. Les pièges du péché sont peut-être les pièges du démon, car c’est tomber dans le piège et l’erreur que de ne rien attendre de l’avenir, que de croire que nous n’avons pas de comptes à rendre ; que nous n’expierons pas nos fautes, que nous ne ressusciterons pas un jour. Une erreur encore, c’est l’indifférence ou le désespoir. Une erreur c’est de tenir ce langage : J’ai péché et il n’y a plus d’espoir pour moi. Puis il les fait espérer en leur disant : « Nous sommes entrés dans la participation de Jésus-Christ ». (Heb 3,14) C’est comme s’il leur disait : Celui qui nous a assez aimés, celui qui nous a assez estimés pour se revêtir de notre chair, ne nous laissera pas, périr. Réfléchissons, dit-il, à l’honneur qu’il a daigné nous faire. Le Christ et nous, nous ne faisons qu’un ; gardons-nous donc de ne pas croire en lui. Et il revient encore sur ce qu’il a dit ailleurs : « Si nous souffrons avec lui, nous régnerons avec lui » (2Ti 2,12), c’est-à-dire : Nous sommes entrés en « participation avec lui », en participation des biens du Christ. Après avoir exhorté ses auditeurs par ces paroles qui leur montrent la récompense et le prix, après nous avoir dit : « Nous sommes entrés en participation avec le Christ », il les exhorte, en les affligeant et en les inquiétant : « Craignons », dit-il, « que négligeant la promesse qui nous est faite d’entrer dans le repos de Dieu, il n’y ait quelqu’un d’entre nous qui en soit exclu ». Voici en effet qui est clair et certain. « Ils voulurent éprouver ma puissance et me virent à l’œuvre durant quarante jours ». Voyez-vous ? Il ne faut pas demander de comptes à Dieu, qu’il nous défende, ou non telle ou telle chose, il faut le croire, car Paul accusé ici ceux ; qui ont tenté Dieu. Exiger de lui dés preuves de son pouvoir, de sa Providence, de sa sollicitude, c’est n’être pas, encore bien sûr de sa puissance, de sa bonté et de sa clémence : C’est ce qu’il fait entendre aux Hébreux dans cette épître. Peut-être, voulaient-ils dans leur tentation, peser et mettre à l’épreuve son pouvoir, sa sollicitude et sa Providence. Voyez-vous aussi comme l’incrédulité irrite Dieu et attire sa colère ? Que dit-il maintenant ? « Il y a donc encore un sabbat réservé au peuple de Dieu ». Voyez comme il raisonne et comme il conclut. Il a juré, dit-il, que vos pères n’entreraient pas dans son repos, et ils n’y sont pas entrés. Puis, longtemps après, il s’adresse aux Juifs et leur dit : « N’endurcissez pas vos cœurs comme vos pères ». C’est une preuve évidente qu’il s’agit ici d’une nouvelle espèce de repos. Car le repos de la Palestine, nous ne pouvons plus en parler ; les Hébreux y étaient arrivés. Quant au repos du septième jour, il ne peut ici en être question ; c’était une histoire des anciens jours. Il est donc ici question d’un autre repos qui est le repos véritable. 4. Oui : c’est bien là le lieu de repos d’où la tristesse, la douleur et les gémissements sont bannis, où l’on ne connaît plus les soucis, les fatigues, les angoisses, les craintes qui frappent et ébranlent l’âme. En fait de crainte, il n’y a là que la crainte de Dieu, crainte pleine dé charmés. On n’entendra point en ce lieu retentir ces paroles : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». il n’y a là ni épines, ni ronces. Là, on n’entend pas répéter : « Tu enfanteras dans la douleur. Tu te tourneras vers ton époux et il sera ton maître ». (Gen 3,19, 18,16) Là tout respire la paix, la joie, la gaieté, le plaisir, la bonté, la douceur, l’équité, la charité. Il n’y a là ni rivalité, ni jalousie, ni maladie, ni mort corporelle, ni mort spirituelle, ni ténèbres, ni nuit partout le jour, partout la lumière, partout le repos. Là point de fatigues, point de dégoût, là toujours un bonheur nouveau en perspective. Voulez-vous que je vous trace ici l’image du sort réservé aux élus, en ce lieu ? C’est impossible ; mais je m’efforcerai de vous en offrir une ombre. Levons les yeux au ciel, quand il n’y a pas de nuages à l’horizon, quand le ciel nous montre sa coupole azurée ; puis, après avoir longtemps contemplé dans l’immobilité de l’extase ce ravissant spectacle, considérons le sol que nous aurons sous nos pieds, sol aussi supérieur à notre sol, que l’or est supérieur à la boue ; puis élevons encore nos yeux vers le pavillon qui s’étend au-dessus de nos têtes. Contemplons là-haut les anges, les archanges, la foule innombrable des puissances immatérielles, le palais même de Dieu, le trône du Père. Mais ici, je le répète, la parole est impuissante à tout décrire, à tout peindre. Il faudrait ici l’expérience et la connaissance qui en est le fruit. Vous figurez-vous, dites-moi, l’existence d’Adam, au milieu du Paradis ? Entre cette existence et la nôtre, il y a la distance du ciel à la terre. Mais cherchons une autre comparaison. Que l’empereur aujourd’hui régnant ait le bonheur de soumettre à son sceptre l’univers entier, qu’il soit affranchi des maux de la guerre et des soucis, qu’il soit entouré d’honneurs, qu’il passe sa vie dans les délices, qu’il ait une foule de satellites, que l’or afflue vers lui de tous côtés, qu’il commande l’admiration, quel sera, selon vous, la joie de ce souverain qui verra la guerre disparaître de la surface du globe ? voilà ce qui aura lieu alors. Mais nous ne sommes pas encore parvenus à donner une idée exacte du bonheur céleste ; il faut chercher une autre image. Figurez-vous donc un fils d’empereur qui, après avoir été enfermé dans le sein de sa mère, après être resté dans un état complet d’insensibilité, parait tout à coup à la lumière, monte sur le trône impérial et se trouve en état de goûter non successivement, mais tout à coup et à la fois toutes les joies du rang suprême : tel sera l’élu de Dieu. Il sera encore comme un captif qui, après avoir été chargé de fer, après avoir été en proie à d’innombrables souffrances, se verrait tout à coup transporté dans un palais. Mais non : cette image n’est pas encore fidèle. Ce bonheur, quoique ce soit un bonheur de roi, celui qui le possède le goûtera avec délices deux ou trois jours ; avec le temps, il y trouvera encore du plaisir ; mais ce plaisir sera moins vif, car ici-bas le sentiment de la félicité, quelle qu’elle soit, s’émousse par l’habitude, là-haut ce sentiment, loin de diminuer, ne fait, que croître. Réfléchissez en effet au bonheur de l’âme parvenue à ce séjour où elle a devant elle une félicité sans fin, une félicité immuable et toujours croissante, une immortalité qui ne connaît ni les chagrins, ni les périls, une immortalité pleine de joies spirituelles et de délices innombrables. Quand nous voyons dans la plaine les tentes des soldats formées de riches tapisseries, quand nous voyons briller les lances, les casques et les boucliers, nous voilà ; tout ébahis et immobiles d’étonnement ; quand nous voyons le roi traverser le camp avec son armure d’or, et pousser son cheval avec ardeur, rien ne manque à notre admiration. Qu’éprouverons-nous donc, je vous le demande, quand nous verrons les tabernacles des saints dressés pour toujours dans le ciel ? « Ils vous recevront », dit l’Évangile, « dans leurs tabernacles éternels ». Que direz-vous, quand vous verrez tous ces saints plus resplendissants que les rayons du soleil, et environnés non pas de l’éclat du bronze ou du fer, mais de cette gloire dont l’œil de l’homme ne peut supporter les lueurs ? Je parle ici des saints, c’est-à-dire des hommes. Mais que direz-vous à l’aspect de ces milliers d’anges, d’archanges, de chérubins, de séraphins, de trônes, de dominations de principautés, de puissances dont la beauté surpasse l’imagination ? Mais quand cesserai-je d’énumérer des merveilles que l’on ne peut comprendre?, « Jamais l’œil n’a vu, jamais l’oreille n’a entendu, jamais l’esprit n’a pénétré ce que Dieu prépare à ceux qui l’aiment ». (1Co 11, 9) Qu’ils sont donc malheureux ceux qui n’obtiennent pas ce bonheur ! Qu’ils sont heureux ceux qui l’obtiennent ! Soyons donc du nombre des heureux, pour acquérir la félicité éternelle en Jésus-Christ Notre-Seigneur, auquel conjointement avec lé Pète et le Saint-Esprit, gloire, honneur et puissance, maintenant et toujours et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. HOMÉLIE VII.
EMPRESSONS-NOUS DONC D’ENTRER DANS CE REPOS, DE PEUR QUE QUELQU’UN DE NOUS NÉ TOMBE DANS UNE DÉSOBÉISSANCE SEMBLABLE A CELLE DE CES INCRÉDULES. CAR ELLE EST VIVANTE ET EFFICACE LA PAROLE DE DIEU ; ELLE PERCE PLUS QU’UNE ÉPÉE A DEUX TRANCHANTS ; ELLE PÉNÈTRE JUSQUE DANS LES REPLIS DE LAME ET DE L’ESPRIT, JUSQUE DANS LES JOINTURES ET DANS LA MOELLE DES OS ; ELLE DÉMÊLE LES PENSÉES ET LES MOUVEMENTS DU CŒUR. NULLE CRÉATURE NE LUI EST CACHÉE, CAR TOUT EST A NU ET A DÉCOUVERT DEVANT LES YEUX DE CELUI AUQUEL NOUS PARLONS. (IV, 11, 12, 13, JUSQU’À LA FIN DU CHAPITRE) Analyse.
- 1. Combien la foi est salutaire. – Dangers de l’incrédulité. – Rien n’échappe à l’œil de Dieu.
- 2. Images énergiques et terribles employées par saint Paul pour peindre la puissance de la parole divine.
- 3. La miséricorde de Dieu est une munificence royale. – Les vieillards doivent, comme les jeunes gens, courir dans la carrière de la vertu. – Vices des vieillards contemporains de Chrysostome.
- 4. La vieillesse est honorable par elle-même.
1. La foi est une vertu grande et salutaire ; sans elle, nous ne pouvons être sauvés. Mais la foi ne suffit pas, il faut encore mener une vie pure. Voilà pourquoi Paul, s’adressant à ces hommes initiés aux mystères du Christ, leur parle en ces termes. « Empressons-nous d’entrer dans son repos ». – « Empressons-nous », dit-il, « appliquons-nous ». La foi ne suffit pas, il faut y joindre une vie pure et un zèle ardent. Car il faut avoir un zèle véritable et ardent pour monter au ciel. Si des hommes qui avaient enduré dans le désert tant de souffrances et de calamités n’ont – pas été jugés dignes d’entrer dans la terre promise et n’ont pu atteindre cette terre, parce qu’ils s’étaient livrés à la fornication, comment serions-nous jugés dignes du ciel, nous qui menons une vie inconsidérée ; lâche et inactive ? Il faut donc avoir beaucoup de zèle. Mais remarquez que, selon lui, la punition du pécheur ne consiste pas uniquement à ne pas entrer dans le repos de Dieu. Il ne s’est pas borné à dire : Efforçons-nous d’entrer dans ce repos, pour ne pas nous voir privés de si grands biens. Il a ajouté quelque chose qui est bien capable d’éveiller nos esprits. Qu’a-t-il donc ajouté ? Il a continué en ces ; termes : « De peur « que quelqu’un De tombe dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules », ce qui veut dire que nous devons nous appliquer, nous arranger de manière à ne pas tomber, comme, eux. Il nous donne là un exemple, de l’incrédulité humaine. Ne tombons pas où ils sont tombés, dit-il. Mais n’allez pas vous appuyer sur ces mots pour croire que Dieu se bornera à vous punir, comme il les a punis ; écoutez ce que l’apôtre ajoute : « La parole de Dieu est vivante et efficace ; elle perce plus qu’une épée à deux tranchants ; elle pénètre jusque dans les replis de l’âme et de l’esprit, jusque dans les articulations, jusque dans la moelle des os ; elle démêle les pensées et les mouvements du cœur ». Il montre ici la puissance de cette parole de Dieu toujours vivante et immortelle. Ce n’est pas une simple parole, ne le croyez pas, ne vous bornez pas à ce mot : Cette parole est plus perçante qu’un glaive.- Voyez comme il poursuit, et apprenez ici pourquoi les prophètes ont été obligés de parler du glaive, de l’arc et de l’épée de Dieu. « Si vous ne vous convertissez pas », dit le Psalmiste, « il dirigera contre vous son glaive ; son arc est déjà tendu ; son arc est déjà prêt ». (Psa 7,13) Si aujourd’hui, après tant d’années, lorsque tant d’événements se sont accomplis, il ne suffit pas à l’apôtre de ce seul mot, la parole de Dieu, pour frapper son auditoire, s’il a besoin de tout cet attirail d’expressions, pour montrer par la compas raison combien la parole de Dieu est puissante, cela était nécessaire à plus forte raison, au temps des prophètes. « Pénétrant jusque dans les replis, de l’âme et de l’esprit ». Que signifient ces mots ? Quelque chose de terrible. L’apôtre nous montre la parole de Dieu séparant l’âme de l’esprit ou pénétrant même les substances immatérielles, et ne se bornant pas à percer les corps, comme le glaive. Il montre ici la punition de l’âme, la parole de Dieu qui en fouille les profondeurs et qui pénètre l’homme tout entier. « Elle démêle les pensées et les mouvements du cœur, et nulle créature ne lui est cachée ».. C’est par là surtout qu’il les épouvante. Vous avez beau avoir la foi, leur dit-il, si cette foi n’est pas accompagnée d’une persuasion pleine et entière, ne soyez pas pleinement rassurés. Dieu jugera ce que vous avez dans le cœur ; car c’est jusque-là qu’il pénètre, pour vous examiner et vous punir. Et pourquoi parler des hommes ? Passez en revue les anges, les archanges, les chérubins, les séraphins, les créatures quelles qu’elles soient, tout, pour l’œil de Dieu, est à découvert, tout est clair et manifeste pour lui, rien ne peut lui échapper. « Tout est à nu et dépouillé devant les yeux de Celui dont nous parlons ». Ce mot « dépouillé » est une métaphore tirée des victimes écorchées. Quand un sacrificateur, après avoir égorgé la victime, sépare la peau de la chair, il met à nu les moindres fibres qui apparaissent alors à nos yeux : c’est ainsi que, sous l’œil de Dieu, apparaissent clairement et dans un jour complet, les moindres fibres de notre âme. Voyez comme saint Paul a toujours besoin de recourir à des images matérielles ; c’est que ses auditeurs étaient faibles d’esprit. Ce qui prouve cette faiblesse, c’est qu’il les traite quelque part d’êtres maladifs, auxquels il faut, du lait, auxquels il ne faut pas une nourriture solide. « Tout est nu et dépouillé », dit-il, « aux yeux de Celui « duquel nous parlons ». Mais que signifient ces mots : « Dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ? » lis ont pour but de répondre à ceux qui demanderaient pourquoi ces hommes n’ont point vu la terre promise. Ils avaient reçu un gage de la puissance de Dieu et, au lieu de croire en lui, ils ont cédé à la crainte, et, sans que Dieu leur donnât aucun avis qui pût, les effrayer, ils ont péri victimes de leur pusillanimité et de leur découragement. On peut dire encore qu’après avoir fait la plus grande partie du chemin, sur le seuil même de la terre promise, en arrivant au port, ils ont sombré. Voilà ce que je crains pour vous, dit l’apôtre, et tel est le sens de ces paroles : « Dans une à désobéissance semblable à celle de ces incrédules », car eux aussi ils ont beaucoup souffert, et c’est ce qui est attesté par saint Paul, quand il dit : « Souvenez-vous de ces anciens jours où vous avez été éclairés par les combats que vous avez eu à soutenir contre la souffrance ». (Heb 10,32) Loin de nous donc la pusillanimité et l’abattement ! Ne perdons pas courage à la fin de la lutte il y a des athlètes en effet qui sont tout feu et tout flamme, en commençant le combat, et qui, pour n’avoir pas voulu faire encore quelques efforts, ont tout perdu. L’exemple de vos pères, dit saint Paul, suffit pour vous instruire et pour vous empêcher de souffrir ce qu’ils ont souffert eux-mêmes. Voilà ce que veulent dire ces mots : « Ne tombez pas dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ». Ne nous relâchons pas, dit l’apôtre, ne perdons pas nos forces. Et c’est ce qu’il dit encore en terminant : « Relevez vos mains languissantes et fortifiez vos genoux affaiblis ». (Hébreux, 12,12) « Il ne faut pas », dit-il, « que vous tombiez dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ». C’est là en effet une chute bien réelle. Puis, pour que vous ne vous attendiez pas à subir seulement, comme peine de cette chute, le même genre de mort qu’eux, voyez ce qu’il ajoute : « La parole de Dieu est vivante et efficace ; elle est plus perçante qu’un glaive à deux tranchants ». Oui : la parole de Dieu est le mieux affilé de tous les glaives ; elle perce les âmes ; elle leur porte des coups mortels et leur fait de mortelles blessures. Ce qu’il dit là, il n’est pas nécessaire qu’il le démontre, qu’il le prouve et qu’il l’établisse ; l’exemple qu’il cite en dit assez. À quelle guerre en effet, sous quel glaive ont-ils succombé ? Ne sont-ils pas tombés d’eux-mêmes ? Si nous n’avons pas souffert autant qu’eux, ne soyons pas exempts de crainte : tant que nous pouvons dire « aujourd’hui », relevons-nous et réparons nos forces. Après avoir ainsi parlé, de peur que ses auditeurs, en apprenant ces châtiments de l’âme, ne restent froids et languissants, il ajoute à ces châtiments des peines corporelles, en faisant entendre que Dieu, armé du glaive spirituel de sa parole, fait comme un souverain qui punit ses officiers coupables de quelque grande faute. Il leur ôte le droit de servir dans ses armées, il leur ôte leur ceinturon et leur grade, et les condamne à une peine proclamée par la voix du crieur public. Puis, à propos du Fils, il laisse tomber ces mots terribles : « Celui auquel nous parlons » : c’est-à-dire, celui auquel nous devons rendre compte. Ainsi ne nous laissons pas abattre, ne nous décourageons pas. Ce qu’il a dit suffisait bien pour nous instruire ; mais pour lui, ce n’est point assez et il ajoute : « Nous avons un grand pontife qui est monté au plus haut du ciel : c’est Jésus, Fils de Dieu (14) ». 2. Il veut par là soutenir notre courage et voilà pourquoi il ajoute : « Le pontife que nous avons n’est pas tel qu’il ne puisse compatir à nos faiblesses ». C’est encore pour cela qu’il disait plus haut : Par cela même qu’il a souffert et qu’il a été mis à l’épreuve, il est à même de secourir ceux qui sont éprouvés. Vous voyez qu’il a toujours le même but. Ce qu’il dit là revient à dire : La voie dans laquelle il était entré était encore plus rude que la nôtre ; car il a fait l’expérience de toutes les misères humaines. Il avait dit : « Nulle créature ne lui est cachée », pour faire allusion à sa divinité. Mais, lorsqu’il arrive à l’Incarnation, il prend un langage plus modeste et plus humble. « Nous avons », dit-il, « un grand pontife qui est monté au plus haut du ciel », et il montre sa sollicitude pour défendre et protéger les siens, pour les préserver de toute chute. Moise, dit-il, n’est pas entré dans le repos de Dieu ; mais lui, il y est entré, et comment ? Je vais vous le dire. Que l’apôtre n’ait tenu hautement dans aucun passage, le langage que je lui prête, il n’y a rien d’étonnant à cela c’est pour qu’ils ne croient pas avoir trouvé dans l’exemple de Moïse un moyen de défense, qu’il attaque indirectement Moïse lui-même ; c’est pour ne pas avoir l’air de l’accuser, qu’il ne dit pas tout cela ouvertement. Car si, malgré sa discrétion, ils lui reprochaient de parler contre Moïse et contre la loi, ils se seraient récriés bien davantage, s’il avait dit : Le lieu de repos dont je parle ce n’est pas la Palestine, c’est le ciel. Mais il ne se repose pas entièrement du soin de notre salut sur le pontife ; il veut aussi que nous agissions de notre côté : il veut que nous demeurions fermes dans la foi dont nous avons fait profession. « Ayant », dit-il, « pour grand pontife, Jésus le Fils de Dieu, qui est monté au plus haut des cieux, demeurons fermes dans la foi dont nous avons fait profession ». Qu’entend-il par – là ? Il veut dire que nous devons croire fermement à la résurrection, à la rémunération, aux biens innombrables que Dieu nous promet, à la divinité du Christ, à la vérité de notre foi : voilà les croyances dans lesquelles nous devons rester fermes. Ce qui prouvé d’une manière évidente que la vérité est là ; c’est le caractère de notre pontife. Nous ne sommes pas encore tombés ; restons fermes dans notre foi quand les événements prédits né seraient pas encore arrivés, restons fermes dans nos croyances : s’ils étaient déjà arrivés, ce serait un démenti donné aux livres saints. S’ils tardent à s’accomplir, cela prouve encore que les livres saints disent la vérité. Car notre pontife est grand. – « Notre pontife n’est pas tel qu’il ne puisse compatir à nos faiblesses ». Il ne peut pas ignorer notre situation, comme tant de pontifes qui ne savent pas quels sont ceux qui sont dans l’affliction, qui ne savent pas ce que c’est que l’affliction. Car ; chez nous autres hommes, il est impossible que l’on connaisse les tribulations de celui qui est persécuté, si l’on n’a pas fait soi-même l’épreuve du malheur, si l’on n’a pas souffert. Notre pontife à nous a tout souffert. Il a souffert, il est monté aux cieux ; pour compatir à nos douleurs : « Il a éprouvé, comme nous, toutes sortes de tentations, hormis le péché ». Voyez comme il revient sur ce mot « comme nous » ; c’est-à-dire qu’il a été persécuté, conspué, accusé, tourné en ridicule, attaqué par la calomnie, chassé et enfin crucifié. « Il a souffert, comme nous, toutes sortes de tentations, hormis le péché ». Il y a encore ici une chose qu’il fait entendre, c’est que les souffrances ne sont pas incompatibles avec l’innocence, et que sans péché on peut souffrir. C’est pourquoi quand il dit « en prenant un corps semblable au nôtre », l’apôtre ne veut pas dire que cette ressemblance fût absolue, il a voulu seulement parler de l’Incarnation. Pourquoi donc ces mots : « Comme nous ? » Il a voulu faire allusion à la faiblesse de la chair, il s’était fait homme « comme nous », matériellement par là ; mais, en ce qui concerne le péché, sa nature n’était pas la nôtre. « Allons donc nous présenter avec confiance devant le trône de la grâce, afin d’y recevoir miséricorde et d’y trouver le secours de sa grâce, dans nos besoins (16) ». Quel est ce trône de la grâce ? C’est ce trône royal dont il est dit : « Le Seigneur a dit, à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied ». (Psa 110,1) C’est comme s’il disait : Marchons avec confiance, puisque nous avons un pontife exempt de péché, qui a vaincu le monde. « Ayez confiance », dit-il, « j’ai vaincu le monde » (Jn 16,33) ; ce qui veut dire qu’il a connu toutes les souffrances, sans connaître le péché. Mais si nous sommes soumis au péché et s’il en est affranchi, comment ferons-nous pour nous présenter avec confiance ? C’est qu’il s’agit ici du trône de la grâce et non du tribunal suprême. « Approchons donc avec confiance », dit-il, « pour recevoir cette miséricorde que nous demandons ». Cette miséricorde est de la munificence ; c’est un don royal : « Et afin d’y trouver le secours de sa grâce, quand nous le demanderons à propos ». Il a raison de dire : « Quand nous le demanderons à propos ». Approchez-vous de lui maintenant ; il vous fera grâce et miséricorde, parce que vous arriverez à temps. Mais si, vous vous présentez aujourd’hui, c’est inutilement ; votre arrivée est inopportune ; vous ne pouvez plus vous présenter devant le trône de la grâce. Vous pouvez comparaître devant ce trône, tante qu’il est occupé par le souverain dispensateur des grâces, mais une fois que les temps sont accomplis, voilà votre juge qui se dresse devant vous ! « Levez-vous, mon Dieu », dit le Psalmiste, « et venez juger la terre ». Psaume, 81,8) Disons encore avec l’apôtre : « Approchons-nous avec confiance », c’est-à-dire, sans avoir de reproche à nous faire, sans hésitation ; car celui qui a quelque chose à se reprocher, ne peut pas se présenter avec confiance. C’est pourquoi il est dit ailleurs : « J’ai exaucé votre prière faite en temps opportun, et je vous ai secouru au jour du salut ». (Isa 49,8) En effet, si ceux qui pèchent, après avoir reçu le baptême, ont la ressource de la pénitence, c’est là un don de la grâce : ne croyez point, parce que vous avez entendu dire que Jésus est un pontife, qu’il reste debout ; saint Paul dit qu’il est assis, quoique le prêtre ordinairement ne soit pas assis, mais se tienne debout. Vous voyez que, s’il a été fait pontife, ce n’est pas là un don de la nature, mais un don de la grâce, un effet de son abaissement volontaire et de son humilité. Disons, il en est temps encore : Approchons-nous de lui avec confiance et demandons. Nous n’avons qu’à lui offrir notre foi ; il nous accordera tout. Voici le moment des libéralités ; qu’on ne désespère pas de soi-même. Il sera temps de désespérer, quand la salle sera fermée, quand le roi sera entré pour voir ceux qui sont assis au festin, quand les patriarches auront reçu dans leur sein ceux qui en sont dignes. Mais aujourd’hui ce n’est pas l’heure du désespoir. Le théâtre est encore là ; c’est encore le moment du combat la palme est encore incertaine. 3. Hâtons-nous donc. C’est Paul qui nous le dit : « Pour moi, je ne cours pas au hasard. (1Co 9,26) Il faut courir et courir, avec ardeur. Quand on court, on ne fait pas attention aux objets environnants, aux prés dans lesquels on entre, aux chemins arides et âpres que l’on traverse. Quand on court, on ne voit pas les spectateurs, on ne voit que le prix. Qu’on ait autour de soi des riches ou des pauvres, qu’on soit en butte aux moqueries ou qu’on reçoive des éloges, qu’on vous adresse des outrages, qu’on vous lance des pierres, qu’on pille votre maison, qu’on voie devant soi ses fils, son épousé, n’importe quoi, on n’est pas distrait, à cette vue ; on ne fait attention qu’à une chose, à courir, à remporter le prix. Quand on court, on ne s’arrête pas, car la moindre lenteur, la moindre halte peut vous faire perdre tout le fruit de vos efforts. Quand on court, on ne se ralentit pas avant d’arriver au but ; que dis-je ? C’est quand on est près du but qu’on redouble d’ardeur. Ce que j’en dis s’adresse à ceux qui répètent : Nous nous sommes exercés dans notre jeunesse ; nous avons jeûné dans notre jeunesse ; aujourd’hui, nous voilà vieux !… Ah ! c’est alors surtout qu’il faut redoubler de piété. Ne racontez pas en détail vos bonnes actions. Voici le moment de vous montrer jeune et vigoureux, comme si vous étiez dans : la fleur de l’âge. Les athlètes qui disputent le prix de la course, quand la vieillesse chenue vient à les glacer, ne sont plus agiles, mais leur vigueur à eux n’est autre chose qu’une vigueur physique. Mais vous ; pourquoi ralentir votre course ? Ce qu’il faut ici ; c’est la vigueur de l’âme, la vigueur d’une âme toujours éveillée. Or c’est dans la vieillesse que l’âme, se fortifie ; c’est alors qu’elle a le plus de vigueur ; c’est alors qu’elle s’élance. Le corps a beau être fort et robuste ; tant qu’il est en proie aux fièvres, aux assauts fréquents et successifs de la maladie, les maladies minent ses forces ; mais il les recouvre, quand il est délivré des maladies qui l’assiègent. Il en est de même de l’âme. Tant que dure la jeunesse, elle a la fièvre, elle est en proie à l’amour de la gloire et des plaisirs et à une foule d’autres affections. Mais la vieillesse, en arrivant, chasse tous ces penchants matériels ; ses remèdes pour nous en guérir, sont le temps et la philosophie. En détendant les ressorts de la matière, la vieillesse ne permet pas à l’âme de s’en servir ; quand même elle le voudrait ; mais, comme si elle domptait ses ennemis de tout genre, elle l’élève à des hauteurs que le tumulte dès passions ne peut atteindre, elle lui donne un calme profond et lui inspire surtout une terreur salutaire. Mieux que personne en – effet les vieillards savent qu’ils doivent mourir et qu’ils sont tout près de la mort. Lors donc que les passions et que les désirs mondains s’éloignent, quand on attend à chaque instant l’heure du jugement, quand cette attente triomphe de notre obstination et de notre désobéissance, comment l’âme, pour peu qu’elle soit bien disposée, ne deviendrait-elle pas plus attentive ? Mais quoi ? me direz-vous, ne trouve-t-on pas des vieillards plus corrompus que des jeunes gens ? Vous considérez ici le vice à ses dernières limites. Ne voyons-nous pas aussi des fous furieux qui d’eux-mêmes vont se jeter dans un précipice ? Quand donc un vieillard a les maladies de la jeunesse, c’est un grand mal : un vieillard de cette espèce ne peut pas donner son âge pour excuse ; il ne peut pas dire : « Ne vous souvenez plus des fautes et de l’étourderie de ma jeunesse ». (Psa 25,1) Car celui qui, dans sa vieillesse, ne change pas, montre que les fautes de sa jeunesse, viennent, non de, l’ignorance, non de l’inexpérience, non l’âge, mais d’un défaut de cœur. Pour avoir, le droit de dire : « Ne vous souvenez plus des fautes de ma jeunesse et de mon inexpérience », il faut se conduire comme un vieillard doit le faire, il faut que là vieillesse nous change : Mais si, dans notre vieillesse, notre conduite est toujours aussi honteuse, aussi déshonorante, méritons-nous le nom de vieillards, alors que nous ne respectons pas notre âge ? Lorsqu’on dit : « Ne vous souvenez pas des fautes de ma jeunesse et de mon étourderie », on parle en vieillard honnête. Ne perdez donc point l’occasion que : vous offre votre vieillesse de faire excuser les fautes de votre jeune âge. N’est-elle pas absurde et inexcusable la conduite de ce vieillard qui s’enivre, qui hante les cabarets, qui va voir les courses, qui monte, sur un théâtre, qui court avec la foule, comme un enfant ? C’est grande honte et c’est chose bien ridicule d’avoir des cheveux blancs sur la tête, et la légèreté de l’enfance dans le cœur. Si la jeunesse vous outrage, vous parlez aussitôt de vos cheveux blancs : Soyez donc le premier à les respecter : Si vous ne les respectez pas, vous ; vieillard, comment voulez-vous que la jeunesse les respecte ? Loin de les respecter, vous les couvrez d’opprobre et d’ignominie. Dieu, en vous donnant cette couronne de cheveux blancs, a mis sur` votre front un diadème. Pourquoi méconnaître cet honneur ? Comment voulez-vous que la jeunesse vous respecte, quand vous êtes encore plus dissipé, encore plus débauché que les Jeunes gens ? Les cheveux blancs sont respectables, quand celui qui les porte fait ce qu’ils commandent ; mais quand le vieillard se conduit en jeune homme, il est, avec ses cheveux blancs, plus ridicule que lui. Comment oserez-vous donner des avis à la jeunesse, vous antres vieillards ivres et dissolus ? Ce que j’en dis n’est pas pour accuser tous les vieillards, Dieu m’en garde ! je n’accuse ici que le vieillard qui agit en jeune homme. Ceux qui agissent ainsi ; en effet, fussent-ils centenaires, ne sont à mes yeux que des jeunes, gens, de même que les jeunes gens, quand ils seraient tout jeunes, valent mieux, selon moi, que des vieillards, quand ces jeunes gens ont la modestie et la tempérance en pariage. Et ce que je dis là n’est pas de moi ; c’est l’Écriture qui établit cette distinction. « Ce qui rend la vieillesse respectable », dit-elle, « ce n’est pas le nombre des années, le grand âge ; c’est un grand nombre d’années passées dans la vertu ». (Sag 4,9) 4. Honneur aux cheveux blancs, non que nous ayons une prédilection pour cette couleur, mais parce que c’est la couleur de la vertu, et parce que, cet extérieur vénérable nous fait conjecturer que l’homme intérieur a aussi des cheveux blancs ! Mais un vieillard qui donne à ses cheveux blancs un démenti par sa conduite, n’en est que plus ridicule. Pourquoi honorons-nous la royauté, la pourpre, le diadème ? C’est que ce sont là les emblèmes du commandement. Mais que ce roi vêtu de pourpre vienne à être conspué, foulé aux pieds par ses satellites, saisi à la gorge, jeté en prison et déchiré, respecterons-nous encore cette pourpre et ce diadème, et ne plaindrons-nous pas cette majesté outragée ? N’exigez donc pas qu’on respecte vos cheveux blancs, quand vous les outragez vous-même ; c’est vous rendre coupable envers eux que d’avilir une parure si imposante et si précieuse. Mes reproches ne s’adressent pas à tous les vieillards, et ce n’est pas la vieillesse en général que j’attaque ; je ne suis point assez insensé pour cela ; je m’en prends à ce caractère juvénile qui déshonore la vieillesse ; j’adresse ces paroles amères non pas aux vieillards, mais à ceux qui déshonorent leurs cheveux blancs. Un vieillard est roi, s’il le veut ; il est plus roi que le souverain revêtu de la pourpre, s’il commande à ses passions, s’il foule aux pieds les vices, comme de vils satellites. Mais s’il se laisse entraîner, s’il se dégrade, s’il se rend l’esclave de l’avarice, de l’amour, de la vanité, des raffinements de la mollesse, du vin, de la colère et dès plaisirs, s’il se parfume les cheveux, si de gaieté de cœur il fait lui-même injure à sa vieillesse, quel châtiment ne mérite-t-il pas ? Quant à vous, jeunes gens, n’imitez pas les vices de ces vieillards ; vous n’êtes pas excusables non plus, quand vous vous égarez. Pourquoi ? C’est que dans la jeunesse on peut être mûr, et s’il y a des vieillards toujours jeunes, il y a des jeunes gens déjà vieux. Les cheveux blancs ne sont pas toujours un préservatif ; mais les cheveux noirs ne sont pas un obstacle. Les vices que j’ai signalés sont plus honteux chez un vieillard que chez un jeune homme, sans que, pour cela, le jeune homme vicieux soit complètement à l’abri du blâme. La jeunesse n’est une excuse que lorsque le jeune homme est appelé au maniement des affaires. Dans ce cas son jeune âge et son inexpérience peuvent lui faire pardonner son inhabileté. Mais faut-il déployer une sagesse virile, faut-il triompher de l’avarice, le jeune âge n’est plus, une excuse. Il y a des cas en effet ou la jeunesse est plus répréhensible que la vieillesse. Le vieillard affaibli par l’âge a grand besoin de se ménages ; mais le jeune homme qui peut, s’il le veut, se suffire à lui-même, est-il excusable de se montrer plus rapace qu’un vieillard, d’avoir plus de rancune que lui, de se montrer négligent, de ne pas être plus prompt que le vieillard à protéger les faibles, de parler sans cesse à tort et à travers, d’avoir l’injure, et la médisance à la bouche, de se livrer à l’ivrognerie ? S’il croit qu’on doit lui passer toute espèce de contravention aux lois de la tempérance et de la continence, il faut remarquer qu’il a de bons moyens d’observer aussi ces deux vertus. En admettant que les désirs et les passions aient plus d’empire sur lui que sur le vieillard, on doit pourtant convenir qu’il a, pour leur résister, plus de moyens, et qu’il peut, comme par magie, endormir le monstre. Ses moyens sont les travaux, la lecture, les veilles et le jeûnez Nous ne sommes pas des moines, m’objecterez-vous, pourquoi nous tenir ce langage ? Eh bien ! adressez cette objection à Paul, quand il vous dit : « Persévérez et veillez dans la prière ». (Col 4,2) « Ne cherchez point à contenter votre sensualité, en satisfaisant vos désirs ».(Rom 13,14) Ses avis en effet ne s’appliquent pas seulement aux moines, mais aux habitants des villes. Un homme du monde en effet ne doit avoir sur le moine qu’un seul avantage : celui de pouvoir cohabiter avec une épouse légitime. Il a ce droit-là, mais du reste, il a les mêmes devoirs à remplir que le moine. La béatitude dont le Christ a parlé n’est pas le privilège des moines ; autrement le monde aurait péri et nous accuserions Dieu de cruauté. Si la béatitude n’est faite que pour le moine, si l’homme du monde ne peut y atteindre, et si Dieu lui-même a permis le mariage, c’est Dieu qui nous a tous perdus.. Si en effet on ne peut, quand on est marié, remplir les devoirs des moines, tout est perdu et la vertu est réduite aux : dernières extrémités. Comment donc serait-ce chose honorable crue le mariage, quand il devient pour nous un si grand obstacle ? Que faut-il conclure ? Il faut dire qu’il est possible et très-possible, quand on est marié, de suivre le chemin de la vertu, et de la pratiquer si l’on veut. Ayons une femme ; mais soyons comme si nous n’en avions pas ; ne nous enivrons pas de nos richesses ; usons du monde, sans en abuser. (1Co 7,31) Si pour certains hommes le mariage est un obstacle, ça n’est pas la faute du mariage, qu’ils le sachent, bien ; c’est la faute de leur volonté qui leur a fait abuser du mariage. Ce n’est pas non plus la faute du vin, si l’ivresse arrive, c’est la faute de nos goûts dépravés et, de l’abus de cette liqueur. Usez avec modération du mariage, et vous occuperez la première place dans le royaume des cieux, et vous jouirez de tous les biens. Puissions-nous tous des obtenir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur. Jésus-Christ auquel, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, honneur, etc.