‏ John 17

HOMÉLIE LXXX.

JÉSUS AYANT DIT CES CHOSES, LEVA LES YEUX AU CIEL, ET DIT : MON PÈRE, L’HEURE EST VENUE, GLORIFIEZ VOTRE FILS, AFIN QUE VOTRE FILS VOUS GLORIFIE. (CHAP. 17, VERS. 1, JUSQU’AU VERS. 5)

ANALYSE.

  • 1. Saint Chrysostome réfute les Ariens et les Anoméens qui niaient la divinité de Jésus-Christ 2. Le Fils est Dieu de même que le Père.
  • 3. Nous participerons à la gloire de Jésus-Christ selon notre mesure, selon notre foi et nos œuvres. – Combien on est misérable de se priver soi-même de cette gloire : souffrir tout avec joie pour l’acquérir. – Mépris des richesses qu’il faudra nécessaire ment quitter un jour. – Les biens que nous possédons ne sont point à noirs. – Nous faisons tout pour le corps : nous ne faisons rien pour l’âme. – Contre le faste. – Autant de gens dont on a besoin, autant de maîtres qu’on se donne. Multiplication de besoins, multiplication de servitudes. – Un maître est esclave de ses serviteurs. – Servitude de la grandeur et du faste. – La véritable liberté consiste à n’avoir besoin de personne : celle qui en approche, avoir besoin de peu. Ne se point servir des biens qu’on a ; ce n’est pas les posséder, c’est en être possédé.

1. « Celui qui fera et enseignera », dit Jésus-Christ, « sera grand dans le royaume des cieux » (Mat 5,19) ; et c’est avec raison. Il est aisé de philosopher en paroles, mais mettre en pratique les règles de la sagesse, c’est là ce qui est grand et d’une âme forte et généreuse. Voilà pourquoi Jésus-Christ, parlant de la patience, se propose lui-même pour exemple et nous ordonne de le prendre pour notre modèle. Voilà pourquoi, après nous avoir donné cet avis et cette instruction, il se met à prier, pour nous apprendre que clans les tentations et les afflictions il faut se détacher de tout et mettre en Dieu son refuge et sa confiance. Car, après avoir dit à ses disciples : « Vous aurez à souffrir bien des afflictions dans le monde », et avoir ébranlé leur âme, il la relève par une prière, attendu qu’ils le regardaient encore comme un homme. C’est aussi pour condescendre à leur faiblesse qu’il fait cette prière, de même qu’il en avait fait une dans la résurrection de Lazare, pour la raison qu’il indique en ces termes : « Je dis ceci pour a ce peuple qui m’environne, afin qu’il croie a que c’est vous qui m’avez envoyé ». (Jn 11,42)

C’est fort bien, direz-vous ; il était à propos que Jésus-Christ agît de la sorte devant les Juifs ; mais pourquoi fait-il de même pour ses disciples ? Il convenait encore qu’il en usât ainsi à l’égard de ses disciples. Des gens qui, après avoir vu tant et de si grands miracles, disaient : « Nous voyons bien à présent que vous savez toutes choses » (Jn 16,30), avaient plus besoin d’instructions et de preuves que tous les autres. Mais faites attention, mes frères, que l’évangéliste n’appelle pas cette action une prière, il dit : « Jésus leva les yeux au ciel ». Par où il fait entendre que c’était là plutôt un entretien que le Fils avait avec son Père, qu’une prière. Que si ailleurs il parle de prière, s’il représente le Seigneur, tantôt se mettant à genoux, tantôt levant les yeux au ciel, ne vous en troublez point ; c’est pour nous apprendre que nous devons persévérer dans la prière, que, nous tenant debout, nous devons regarder le ciel, non seulement avec les yeux de la chair, mais encore avec ceux de l’esprit ; et aussi que nous devons nous mettre à genoux et briser nos cœurs. Car Jésus-Christ n’est pas seulement venu pour se faire voir à nous, mais aussi pour nous enseigner l’ineffable vertu. Un maître ne doit pas se contenter d’enseigner du bout des lèvres, il doit enseigner aussi d’exemple et par ses œuvres.

Écoutons donc ce qu’il dit maintenant « Mon Père, l’Heure est venue, glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie ». Par ces paroles, le divin Sauveur nous montre encore qu’il ne va point à la mort malgré lui. Comment irait-il malgré lui à la mort et involontairement, lui qui la demande et prie pour cela, lui qui l’appelle la gloire, non seulement de celui qui doit être crucifié, mais encore de son Père ? Car c’est là ce qui est arrivé : non seulement le Fils a été glorifié, mais encore le Père. Avant la croix, les Juifs ne connaissaient même pas le Père : « Israël », dit le Seigneur, « ne m’a point connu » (Isa 1, 3) ; mais après la croix, tout l’univers a accouru.

Jésus-Christ nous apprend ensuite de quel genre de gloire et de quelle manière il glorifiera son Père : « Comme vous lui avez donné puissance sur tous les hommes, afin que nul de tous ceux que vous lui avez donnés ne périsse (2) ». Faire continuellement du bien, c’est là en quoi Dieu fait consister sa gloire
« Dieu fait consister sa gloire ». (Act 14,16) Le Seigneur, dit l’Écriture, n’a point cessé de rendre toujours témoignage de ce qu’il est, en faisant da bien aux hommes, en dispensant les pluies du ciel, et les saisons favorables pour les fruits, en nous donnant la nourriture avec abondance, et remplissant nos cœurs de joie.
. Que veut dire ceci : « Comme vous lui avez donné puissance sur tous les hommes ? » Par là, le Sauveur montre que la prédication ne sera point renfermée dans la Judée seulement, mais qu’elle se répandra dans tout le monde ; et il jette les premiers fondements de la vocation des gentils. Comme il avait dit : « N’allez « point vers les gentils (Mat 10,5), et comme il devait dire dans la suite : « Allez et instruisez tous les peuples (Mat 28,19), il fait voir que c’était aussi la volonté de son Père, attendu que cela choquait et scandalisait extrêmement les Juifs et même les disciples. En effet, quand dans la suite les gentils se joignaient à eux, ils ne les souffraient pas patiemment, « et ils ne les reçurent de bon cœur et avec joie », que lorsqu’ils eurent reçu la grâce et les instructions du Saint-Esprit ; car cette union déplaisait fort aux Juifs. Après donc que le Saint-Esprit fut descendu sur les disciples avec tant d’éclat et de célébrité, Pierre, de retour à Jérusalem, eut bien de la peine à éviter les reproches des Juifs, lorsqu’il leur fit le récit de ce qui lui était arrivé et de cette nappe qu’il avait vue. (Act 10) Act 10)

Mais que signifient ces paroles : « Vous lui avez donné puissance sur tous les hommes ? » Je ferai cette question aux hérétiques : Quand est-ce que Jésus-Christ a reçu cette puissance sur tous les hommes ? Est-ce avant de les avoir formés ou après ? Car c’est après avoir été crucifié et s’être ressuscité qu’il a dit : « Toute puissance m’a été donnée. Allez et instruisez tous les peuples ». (Mat 28,18-19) Quoi donc ? Il n’avait pas en son pouvoir ses ouvrages ? II avait fait les hommes, et, après les avoir faits, il n’avait point d’autorité sur eux ? Mais, dès le commencement, l’Écriture nous le représente comme faisant toutes choses ; on l’y voit punir les uns comme pécheurs, corriger, châtier les autres, afin qu’ils s’amendent et se convertissent. Il dit : « Je ne cacherai point à mon serviteur Abraham ce que je vais faire ». (Gen 18,17) A d’autres, il donne des louanges et des récompenses pour avoir fait le bien. Est-ce donc qu’alors le Fils avait cette puissance, qu’ensuite il l’a perdue, et que maintenant il la reçoit de nouveau ? et quel démon oserait parler de la sorte ? Mais si, et alors, et à présent, il a toujours une égale et même puissance (car il dit : « Comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le « Fils donne ta vie à qui il lui plaît) » (Jn 5,21) ; que signifie cette parole ? Le voici : Il devait envoyer ses disciples vers les gentils ; de peur donc qu’ils ne crussent qu’il innovait, à cause de ce qu’il avait dit auparavant : « Je « n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël qui se sont perdues » (Mat 15,24), il montre que c’est aussi la volonté de son Père. Que si le divin Sauveur parlé avec tant de modestie et d’humilité, vous ne devez pas vous en étonner, parce que c’est de cette manière qu’il instruisait alors ses disciples, et ceux aussi qui devaient venir après eux. Et encore, comme je l’ai dit, par ces expressions si basses et si humbles, il faisait sensiblement connaître qu’il ne s’abaissait si fort que pour proportionner ses discours à la portée et à la faiblesse de ses auditeurs.

2. Mais que veut dire cela : « Sur tous les hommes ? » Tous les hommes n’ont pas cru. Mais Jésus-Christ a fait pour eux tout ce qu’il a pu, afin qu’ils crussent tous. Que s’ils n’ont pas tous reçu sa parole, ce n’était point la faute du Maître, c’est la faute de ceux qui n’ont pas voulu la recevoir, « Afin qu’il donne la vie a éternelle à tous ceux que vous lui avez donnés ». Si le Sauveur se sert encore ici d’expressions humaines, n’en soyez point surpris ; il en use de la sorte pour les raisons que nous avons déjà expliquées ailleurs et pour éviter de parler magnifiquement de soi : ce qui aurait choqué ses auditeurs, qui n’avaient pas encore de lui une grande opinion. Saint Jean néanmoins, quand il parle en son propre nom, n’en use pas de la sorte, il se sert de termes plus relevés et plus sublimes : « Toutes choses ont été faites par lui » ; et : « Il était la lumière » ; et : « Il est venu chez soi ». (Jn 1,3 et suiv) Où l’on voit, non qu’il n’aurait point eu la puissance, s’il ne l’avait reçue, mais qu’il donnait aussi aux autres « le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ». Saint Paul de même le déclare égal à Dieu.

Mais le Sauveur fait sa demande d’une manière plus humaine en ces termes : « Afin qu’il donne la vie éternelle à tous ceux que vous lui avez donnés. Or la vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé (3) ». Jésus-Christ dit : « Le seul Dieu véritable », à la différence de ces dieux qui ne sont point de véritables dieux ; et il fait cette observation à ses disciples, parce qu’il les allait envoyer vers les gentils.

Que si les hérétiques n’admettent pas cette explication, et s’ils persistent à nier que Jésus-Christ soit vrai Fils de Dieu, à cause de ce terme, « seul » ; en raisonnant de la sorte, ils arrivent à nier aussi qu’il soit Dieu ; car Jésus-Christ dit : « Vous ne rechercherez point la gloire qui vient de Dieu seul ». (Jn 5,44) Quoi donc ! le Fils ne sera point Dieu ? Mais si le Fils est Dieu, et le Fils du seul Père, il est évident, et qu’il est vrai Dieu, et qu’il est Fils de celui qui est dit seul vrai Dieu. Quoi donc ! lorsque saint Paul dit : « Serais-je seul, et Barnabé

« Serais-je seul et Barnabé ? » La suite du discours de mon auteur, et l’application qu’il fait de ce passage, m’obligent de traduire ainsi littéralement. Il faut traduire : « Serions-nous les seuls, Barnabé et moi ? »

 » (1Co 9,6) est-ce qu’il exclut Barnabé ? Nullement, ce mot n’est mis que par opposition à ce que font les autres. Que si le Fils n’est pas vrai Dieu, comment est-il la vérité ? car dire « la vérité », c’est dire beaucoup plus que « vrai ». Celui qui n’est pas vrai homme, due dirons-nous, je vous prie, qu’il est ? ne dirons-nous pas qu’il n’est point homme ? De même, si le Fils n’est point vrai Dieu, comment est-il Dieu ? comment nous fait-il dieux, et fils de Dieu, n’étant point vrai Dieu

Les Ariens abusaient de ces paroles du divin Sauveur : « Seul vrai Dieu » et « Que vous avez envoyé », pour l’exclure de la vraie divinité, prétendant que véritablement « il était Dieu et Fils de Dieu », mais non pas « vrai Dieu, ni vrai Fils de Dieu par nature », mais seulement par grâce et par adoption. C’est sur quoi le saint Docteur pousse ces hérétiques, leur faisant voir que si, selon eux, le mot : SEUL exclut Jésus-Christ de la vraie divinité et filiation du Père, il l’exclut aussi de toute divinité ; ce qui était contre leurs principes et leurs opinions. Il les réfute encore en disant que Jésus-Christ « est la vérité » : s’il n’est pas vrai Dieu, dit-il, il ne peut pas être la vérité s’il est la vérité, comme il l’est véritablement, il est donc vrai Dieu.

Quand Paul a dit : moi seul, et Barnabé, il n’a point exclu Barnabé ; car ce mot SEUL n’est pas employé à ce dessein, mais pour faire voir qu’il avait avec Barnabé le même privilégie que les autres apôtres : de même Jésus-Christ, en nommant le Père SEUL vrai Dieu, ne s’est point exclu de la divinité, mais il en a seulement exclu les faux dieux, vers lesquels il envoyait les apôtres, en les envoyant vers les gentils. Le Sauveur dit donc : Seul vrai Dieu, pour prémunir ses apôtres contre les idoles, ou contre les faux dieux.

 ? Mais nous avons traité plus exactement ailleurs

Ailleurs : dans ses premières Homélies, comme on peut le voir.

cette matière ; c’est pourquoi, poursuivons notre sujet.

« Je vous ai glorifié sur la terre (4) ». Jésus-Christ dit fort bien : « Sur la terre », car le Père était glorifié dans le ciel, ayant la gloire que sa nature lui donne, et étant adoré des anges. Le Sauveur ne parle donc pas de la gloire qui est propre à son essence. Cette gloire, encore que personne ne le glorifie, il l’a toute pleine et entière ; mais il parle de la gloire que lui doivent rendre les hommes par leur culte et leurs adorations. C’est pourquoi ce mot : glorifiez-moi, doit être entendu de même.

Pour vous montrer qu’il parle de cette sorte de gloire, écoutez ce qu’il dit ensuite : « J’ai achevé l’ouvrage que vous m’aviez donné à faire ». Mais il en était encore au commencement, ou même, à peine l’avait-il commencé. Comment dit-il donc : « J’ai achevé l’ouvrage ? » Il le dit : ou parce qu’il avait fait tout ce qu’il lui appartenait de faire, ou parce qu’il parle de ce qui doit arriver, comme étant déjà arrivé ; ou plutôt disons que tout était déjà fait, du moment qu’il avait planté la racine du bien, d’où devait nécessairement naître le fruit ; et qu’il assistait, qu’il secondait ceux qui viendraient dans la suite. Voilà pourquoi il dit encore dans des termes de condescendance : « Que vous m’avez donné à faire
L’ouvrage que vous m’avez donné à faire : c’est-à-dire, la prédication, dont vous m’aviez chargé pour faire connaître votre nom.
 ». Si ç’eût été en écoutant et en apprenant que le Fils eût achevé l’ouvrage, son ouvrage aurait été beaucoup au-dessous de la gloire qu’il devait procurer à son Père. Mais, un grand nombre de témoignages démontrent d’une manière visible et manifeste que Jésus-Christ s’est volontairement porté à faire tout ce qu’il a fait. Écoutez, par exemple, ce que saint Paul déclare : « Il nous a tant aimés, « qu’il s’est livré lui-même pour nous ». (Gal 2,20) Et : « Il s’est anéanti lui-même, en prenant la forme de serviteur ». (Phi 15,9) Et encore ce que dit saint Jean : « Comme mon Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés ».

Mon Père, « glorifiez-moi en vous-même de a cette gloire que j’ai eue en vous, avant que le monde fût (5) ». Et où est cette gloire ? Qu’il ait été sans gloire devant les hommes à cause de la chair dont il s’était revêtu, soit ; cela n’est point étonnant – mais pourquoi demande-t-il à être glorifié devant Dieu ? Le Sauveur parle ici de son incarnation, et il veut dire que sa nature charnelle n’a point encore été glorifiée, qu’elle n’a point encore acquis l’incorruptibilité, qu’elle n’a point encore participé au trône royal. Voilà pourquoi il n’a pas dit : Glorifiez-moi sur la terre, mais « en vous-même ».

3. Nous aussi nous participerons à cette gloire selon la mesure qui nous est propre (Eph 4,16), si nous sommes vigilants. Voilà pourquoi saint Paul dit : « Pourvu toutefois que nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés avec lui ». (Rom 8,17) Donc ils sont dignes de toutes nos larmes, ceux qui, ayant en perspective une si grande gloire, se dressent à eux-mêmes des embûches par, leur lâcheté et leur assoupissement. Et, n’y eût-il point d’enfer, ils seraient encore les plus misérables de tous les hommes, puisque pouvant régner avec le Fils de Dieu et jouir de sa gloire, ils se privent volontairement eux-mêmes d’un bien si grand et si excellent. Et, en effet, fallût-il subir mille morts, livrer tous les jours mille corps et mille vies, ne devrions-nous pas souffrir toutes ces choses pour acquérir une gloire si brillante et si immense ?

Mais maintenant nous ne méprisons même pas les richesses : ces richesses, qu’un jour enfin il nous faudra quitter, même malgré nous. Nous ne méprisons point les richesses, lui nous accablent d’une infinité de maux et les multiplient chaque jour ; qui resteront ici, et qui ne sont point à nous. Nous ne faisons que gérer des biens dont nous n’avons pas la propriété, encore que nous les tenions de nos pères. Mais lorsque l’enfer s’ouvrira sous nos pieds, comment pourrons-nous supporter ce ver qui ne meurt point, ce feu qui ne s’éteint point, et ce grincement de dents ? Jusques à quand différerons-nous d’ouvrir les yeux ? Jusques à quand passerons-nous nos jours dans des querelles, dans des contestations et des guerres, dans des entretiens vains et inutiles ? Nous cultivons la terre, nous engraissons nos corps, et nous négligeons notre âme nous n’avons aucun soin du nécessaire, et nous nous inquiétons pour des choses frivoles et superflues. Nous construisons de magnifiques mausolées, nous achetons de superbes palais, nous nous faisons accompagner d’un grand cortège de domestiques de toute nation ; nous préposons des intendants et des surintendants à la garde de nos terres, de nos maisons, de nos trésors ; et nous n’avons aucun soin de notre âme, et nous la laissons dans l’abandon ! Quelle sera la fin de toutes ces choses ? Avons-nous plus d’un ventre à remplir ? Avons-nous à entretenir plus d’un corps ? Pourquoi donc tant de tracas et de tumulte ? Cette âme, que le Seigneur nous a donnée, pourquoi la divisons-nous, pourquoi la partageons-nous entre tant d’offices et de ministères, nous créant à nous-mêmes de cruelles servitudes ? Celui qui a besoin de beaucoup de choses est esclave de beaucoup de choses, quoiqu’il semble être au-dessus : il est lui-même serviteur de ses serviteurs, et il en dépend plus qu’ils ne dépendent de lui, se faisant un autre genre de servitude plus dure que la leur. Il est esclave d’une autre manière, n’osant aller ni à la place ni au bain sans ses domestiques et ses serviteurs ; mais eux, ils vont souvent de tous côtés sans leur maître. Celui qui semble être le maître n’ose sortir de sa maison, s’il n’a son monde avec lui ; et s’il parait même un instant hors de chez lui sans son cortège, il se croit ridicule.

Peut-être quelques-uns rient de nous, cri nous entendant parler de la sorte : mais c’est en cela même qu’ils sont plus dignes de nos pleurs. Et pour vous montrer que c’est là une véritable servitude, je veux vous faire une question : voudriez-vous avoir besoin de quelqu’un pour vous mettre les morceaux à la bouche ou la coupe aux lèvres ? Ne vous regarderiez-vous pas alors comme digne de pitié ? Que si, pour faire un pas, vous aviez toujours besoin d’aide et de porteurs, ne vous croiriez-vous pas le plus malheureux de tous les hommes ? Voilà les sentiments que vous devriez avoir : voilà ce que vous devriez penser de votre faste. Car, que ce soient des hommes ou des animaux qui vous portent, cela ne fait rien, c’est toujours une égale servitude. Dites-moi, je vous prie, qu’est-ce qui distingue les anges de nous, sinon qu’ils ne sont pas pressés de besoins comme nous ? Ainsi, moins on en a, plus on approche de leur état, plus on en a, plus on est éloigné d’eux et plongé dans cette vie périssable. Et pour savoir si je dis vrai, interrogez les vieillards, demandez-leur quelle époque de leur vie ils estiment heureuse, ou celle dans laquelle ils étaient follement esclaves de tous ces besoins ; ou celle dans laquelle ils en sont heureusement affranchis ? Si nous vous les citons, c’est que les jeunes gens, enivrés de leurs passions, ne sentent point le poids de la servitude. Interrogez ceux qui sont sujets à la fièvre, demandez-leur quand ils se croient heureux, si c’est lorsqu’étant altérés, ils boivent beaucoup, lorsqu’ils ont besoin de beaucoup de choses ; ou lorsqu’ayant repris leur santé, ils n’ont plus ces pressants besoins ? Ne voyez-vous pas qu’en quelque état que l’on soit, c’est être malheureux que d’avoir beaucoup de besoins, et que la misérable servitude et la violente cupidité nous éloignent fort de la vraie philosophie et de la vertu ?

Pourquoi donc augmentons-nous volontairement notre misère ? Dites-moi, je vous prie, si vous pouviez commodément vivre sans maison, ne préféreriez-vous pas cet état à l’assujettissement d’une maison ? Pourquoi donc multipliez-vous à plaisir les marques de votre infirmité ? Ne disons-nous pas Adam heureux, pour n’avoir eu besoin de personne, ni de maisons, ni d’habits ? Oui, certes, me répondrez-vous ; mais maintenant nous sommes dans cette nécessité. Et pourquoi donc l’augmentons-nous ? Si plusieurs se retranchent beaucoup de choses et de celles même qui sont nécessaires, comme domestiques, argent, maison, quelle excuse aurons-nous, nous qui passons bien au-delà du nécessaire ? Plus vous accroissez votre cortège, plus vous vous enfoncez dans la servitude : plus vous vous créez de besoins, plus vous diminuez votre liberté.

N’avoir besoin de personne, c’est en quoi consiste la véritable liberté : et n’avoir besoin que de peu de chose, c’est ce qui en approche le plus ; telle est la liberté dont jouissent les anges et ceux qui les imitent. Pensez donc combien il est louable de se procurer cette liberté dans un corps mortel. Saint Paul y exhortait les Corinthiens, en disant : « Or, je voudrais vous les épargner » ; et : « De peur que ces personnes ne souffrent dans leur chair des afflictions et des peines
Saint Chrysostome accommode ce passage à son sujet. Le voici tel qu’on le lit dans le texte sacré : Que si vous épousez une femme, vous ne péchez point : et si une fille se marie, elle ne pèche pas aussi. Mais ces personnes souffriront dans leur chair des afflictions et des peines. Or, je voudrais vous tes épargner. (1Co 7,28)
 ». (I, 7,28) La raison pour laquelle on appelle l’argent « bien », c’est afin que nous nous en servions dans nos besoins, et non afin que nous le gardions et nous le cachions en terre : car ce n’est point là posséder, mais c’est être possédé. Si nous cherchons à entasser les richesses, et non à les mettre à profit, nous renversons l’ordre. Nos richesses nous possèdent, et ce n’est point nous qui les possédons.

Délivrons-nous donc de cette cruelle servitude, et mettons-nous enfin en liberté. Pourquoi nous faisons-nous tant de chaînes et de tant d’espèces ? N’êtes-vous pas déjà assez enchaînés par les liens de la nature, par les nécessités de la vie, par une foule d’affaires ? Faut-il que vous vous tendiez encore des filets, pour vous y prendre les pieds ? Et comment pourrez-vous vous élever au ciel et vous tenir dans une si grande élévation ? Ce serait déjà un grand point de gagné que d’avoir rompu tous ces liens, afin de pouvoir entrer dans la céleste cité d’en haut. Tant d’autres obstacles s’y opposent : mais voulons-nous les surmonter et les vaincre tous, et tout à la fois, embrassons la pauvreté. C’est la voie pour obtenir la vie éternelle, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE LXXXI.

J’Al FAIT CONNAÎTRE VOTRE NOM AUX HOMMES QUE VOUS M’AVEZ DONNÉS, EN LES SÉPARANT DU MONDE. ILS ÉTAIENT A VOUS, ET VOUS ME LES AVEZ DONNÉS, ET ILS ONT GARDÉ VOTRE PAROLE. (VERS. 6, JUSQU’AU VERS. 13)

ANALYSE.

  • 1. Nouvelles paroles de condescendance quine prouvent rien, sinon l’union du Père et du Fils. – Autre texte qui montre l’égalité du Père et du Fils.
  • 2. Jésus-Christ, s’accommodant à la portée de ses disciples, les recommande à son Père comme s’il ne pouvait les défendre lui-même.
  • 3. N’être pas enfant en sagesse : suivre l’avis de l’apôtre, non seulement pour en acquérir l’intelligence, mais encore pour bien régler sa vie. – On n’écoute point les choses célestes : la plupart des hommes courent comme des enfants aux choses terrestres, et se conduisent comme eux. – Quelles sont les véritables richesses. – Exhortation à l’aumône : l’aumône est un grand remède qu’on peut appliquer à toutes sortes de plaies. – Eloge et effets de l’aumône.

1. Le Fils de Dieu est appelé l’ange du Grand Conseil
« L’Ange du Grand Conseil ». (Isa 9,6) Cette dénomination et se trouve pas dans notre Vulgate, où on lit « un petit enfant ». Mais elle est dans les Septante de l’édition de Rome et de Complute. Celle-ci porte : « Il sera appelé Ange du Grand Conseils Admirable, Conseiller, Dieu fort, Puissant, Prince de paix, Père du siècle futur. » On lit les mêmes mots dans saint Irénée, Eusèbe, saint Ignace, Épître au peuple d’Antioche, et dans plusieurs anciens manuscrits des Septante, etc.
 : et à cause de la doctrine qu’il a enseignée, et surtout parce qu’il a fait connaître le Père aux hommes ; c’est ce qu’il dit maintenant : « J’ai fait connaître votre nom aux hommes (4) ». Ayant dit qu’il avait achevé l’ouvrage, il déclare ensuite quel est cet ouvrage. Ce n’est pas que le nom de Dieu ne fût connu ; Isaïe dit : « Vous avez juré au nom du vrai Dieu
Au nom du vrai Dieu ; ou bien : Au nom du vrai Dieu de vérité. C’est-à-dire, on ne prendra à témoin que le Dieu de vérité, on ne reconnaîtra que ce Dieu ; il n’y aura plus ce partage de culte qui faisait qu’on jurait au nom de Baal et de Melohem, aussi bien qu’au nom du Seigneur. Le Seigneur sera seul connu pour le vrai Dieu, etc.
 ». (25, 16) Mais comme je l’ai dit et je le répète encore, le nom de Dieu était connu des Juifs, et non de tous les peuples. Or, le Sauveur parle maintenant des gentils, et il marque qu’ils ne le connaissent pas seulement comme Dieu, mais aussi comme Père savoir qu’il est le Créateur, et savoir qu’il a un Fils, ce n’est point là une même chose. Jésus-Christ a fait connaître le nom de son Père, et par ses paroles et par ses œuvres. « Que vous avez pris du monde pour me les donner ». Comme le Sauveur a dit auparavant : « Personne ne peut venir à moi, s’il ne lui est donné, et si mon Père ne l’attire » ; de même il dit ici : « Que vous m’avez donné ». (Jn 6,66) Or, il a dit qu’il était la voie (Id 44) ; d’où il paraît clairement que par ces paroles il veut marquer deux choses : l’une qu’il n’est point contraire au Père, l’autre que c’est la volonté du Père qu’ils croient en son Fils. « Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés ». Par là Jésus-Christ veut nous apprendre qu’il est beaucoup aimé de son Père car qu’il n’ait pas eu besoin que le Père les donnât, cela est visible, et parce que c’est lui qui les a créés, et parce que c’est lui qui en a continuellement soin par sa divine providence. Comment lui ont-ils été donnés ? Mais, comme j’ai dit, cela montre son union avec son Père.

Que si cette donation que le Père a faite à son Fils, on veut la prendre au sens littéral et d’une manière humaine, il se trouvera que ceux que le Père a donnés ne lui appartiennent plus. Car si, lorsque le Père les avait, le Fils ne les avait point, il est évident qu’en donnant à son Fils, il s’est démis de sa propriété : et il suit de là quelque chose de plus absurde : c’est que, quand ils appartenaient au Père, ils étaient imparfaits, et que quand ils sont tombés entre les mains du Fils, ils sont devenus parfaits. Mais vous sentez bien le ridicule de ce discours. Que veut donc dire Jésus-Christ par ces paroles ? Il veut montrer que c’est la volonté du Père même qu’ils croient au Fils.

« Et ils ont gardé votre parole. Et ils savent présentement que tout ce que vous m’avez donné vient de vous (7) ». Comment ont-ils gardé votre parole ? En croyant en moi, et non pas aux Juifs. « Celui qui croit en lui », dit l’Écriture, « a attesté que Dieu est véritable ». (Jn 3,33) Quelques-uns tournent et expliquent ainsi ce passage : je sais présentement que tout ce que vous m’avez donné vient de vous ; mais cette explication est contraire à la raison. Comment, en effet, le Fils aurait-il pu ignorer ce qui venait de son Père ? Ces paroles regardent les disciples. Aussitôt que j’ai dit ces choses, dit le Sauveur, mes disciples ont appris que tout ce que vous m’avez donné vient de vous. Je n’ai rien qui ne soit en même temps à vous, je n’ai rien de propre et de particulier. Car dire que l’on a quelque chose en propre et eu particulier, cela marque une possession distincte.

Mes disciples ont donc appris que ma doctrine et mes instructions viennent de vous. Et d’où l’ont-ils appris ? De mes paroles : voilà comment je les ai instruits, et non seulement je leur ai appris cela, mais encore que je suis sorti de vous. En effet, c’est là à quoi le Sauveur s’est le plus attaché dans tout son Évangile.

« C’est pour eux que je prie (9) ». Que dites-vous, Seigneur ? Vous instruisez votre Père comme s’il ignorait quelque chose ? Vous lui parlez comme à un homme qui ne sait point ? Que signifie donc cette différence que vous mettez là ? Ne voyez-vous pas, mes frères, que le Sauveur ne prie qu’afin de montrer à ses disciples l’amour qu’il a pour eux ? Car celui qui non seulement fait ce qu’il peut, mais qui invite encore un autre à faire de même, donne sûrement en cela un témoignage d’un plus grand amour. Que signifie donc cette parole : « Je prie pour eux ? » Je prie, dit-il, non pour tout le monde, mais pour ceux que vous m’avez donnés. Jésus-Christ emploie très-souvent ces termes : « Vous m’avez donnés », pour apprendre à ses disciples que telle est la volonté de son Père. Ensuite, comme il avait dit souvent. « Ils étaient à vous et vous me les avez donnés » ; pour effacer la mauvaise impression que cela pouvait faire sur leur esprit, et les empêcher (le croire que son empire sur eux fût tout nouveau, et qu’ils venaient seulement de lui être donnés, écoutons ce qu’il dit : « Tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi, et j’ai été glorifié en eux (l0) ».

Dans ces paroles ne remarquez-vous pas, mes chers frères, l’égalité qui est entre le Père et le Fils ? Car, de peur qu’entendant ces mots : « Vous m’avez donnés », vous ne crussiez que ceux qui avaient été donnés étaient séparés du Père et n’étaient plus sous sa dépendance ; ou qu’auparavant ils n’étaient point sous la puissance du Fils et ne lui appartenaient point, il a écarté ces deux soupçons tout à la fois par ce qu’il a dit, comme s’il fût parlé de la sorte : Quand vous m’entendez dire à mon Père « Vous me les avez donnés », ne croyez pas pour cela que ceux qu’il m’a donnés soient séparés de mon Père et ne soient plus sous sa dépendance : ce qui est à moi est à lui ; et de même, quand vous m’entendez dire : « Ils étaient à vous », ne croyez pas qu’ils fussent séparés de moi ; ce qui est à lui est à moi. Donc ces mots : « Vous m’avez donnés », ne sont dits de cette manière que par condescendance, puisque tout ce qui est au Père est au Fils, et que tout ce qui est au Fils est au Père. Mais cela ne peut se dire du Fils en tant qu’homme, mais seulement du Fils d’un être plus grand, « du Fils de Dieu » : car personne n’ignore que ce qui est au moins grand appartient aussi au plus grand ; mais la réciproque n’est pas vraie. Or, il y a ici une conversion : « Ce qui est au Père est au Fils, ce qui est au Fils est au Père », et c’est cette conversion qui marque l’égalité « du Père et du Fils
Dans ce raisonnement notre saint Docteur fait allusion à ces paroles du divin Sauveur que vient de rapporter notre évangéliste : « Tout ce qui est à moi est à vous ; et tout ce qui est à vous est à moi ». Par où Jésus-Christ établit et confirme l’égalité qui est entre le Père et le Fils. Mais, dit saint Chrysostome, ces paroles : Tout ce qui est, etc, ne peuvent point s’appliquer au Fils en tant qu’homme, mais seulement en tant que plus grand, c’est-à-dire, en tant que Dieu : car il n’y a personne qui ne sache que ce qui est au moindre, est aussi au plus grand, et qu’il n’en est pas ainsi du con traire, ou de ce qui est au plus grand. On dit du Christ-Dieu, qu’il est homme, qu’il a été crucifié, qu’il a souffert : mais on ne dira pas que le Christ-Homme soit égal au Père. Or, dans ces paroles : « Tout ce qui est à moi est à vous ; et tout ce qui est à vous est à moi, on voit une conversion des choses, une pleine communication et communauté, qui marque et désigne l’égalité du Fils et du Père. Je crois que c’est là le sentiment et la pensée de saint Chrysostome, quoiqu’il reste encore quelque difficulté dans les paroles du texte du saint Docteur, dit le Révérend Père Dom Bernard de Montfaucon.
 ». Jésus-Christ, parlant de la connaissance du Père et du Fils, nous a déclaré encore ailleurs cette vérité par ces paroles : « Tout ce qui est à mon Père est à moi ». (Jn 16,15)

Enfin ces mots : « Vous m’avez donnés », et les autres semblables, déclarent que le Fils n’a pas reçu ceux que le Père lui a donnés comme une chose étrangère, mais comme un bien qui lui était propre « et qui lui appartenait également ». Il en apporte ensuite la raison et la preuve, en disant : « Et j’ai été glorifié en eux », c’est-à-dire, ou j’ai un pouvoir sur eux, ou ils me glorifieront lorsqu’ils croiront en vous et en moi, et ils nous glorifieront également. Que si le Fils n’est pas également glorifié en eux, ce qui est au Père n’est plus au Fils. Personne n’est glorifié en ceux sur lesquels il n’a point de pouvoir.

2. Mais comment est-il également glorifié ? Il l’est, parce que tous meurent pour lui, comme pour le Père, et que tous le prêchent ainsi que le Père, et encore, parce qu’en disant que tout se fait au nom du Père, ils lisent aussi de même que tout se fait au nom du Fils. « Je ne suis plus dans le monde, mais » pour eux, « ils sont » encore « dans le monde (11) ». C’est-à-dire, quoiqu’on ne me voie plus dans la chair, je serai glorifié en eux. Pourquoi répète-t-il souvent : Je ne suis plus dans le monde et je les laisse, je vous les recommande ; et, lorsque j’étais dans le monde, je les ai conservés ? Si l’on prend ces paroles à la lettre, il s’ensuivra bien des absurdités. Comment n’est-il plus dans le monde, et, lorsqu’il en sort, les recommande-t-il à un autre ? Ce sont là les paroles d’un pur homme qui se séparerait des siens pour toujours.

Ne voyez-vous pas que le Sauveur parle d’une manière humaine, et pour s’accommoder à la portée et au génie de ceux qui croyaient que sa présence leur était nécessaire, pour être plus en sûreté ? Voilà pourquoi il dit : « Lorsque j’étais avec eux, je les conservais ». Et néanmoins, il ajoute : « Je reviens à vous ». (Jn 14,28) Et : « Je suis moi-même toujours avec vous jusqu’à la fin du monde ». (Mat 28,20) Comment donc parle-t-il de même que s’il allait partir ? Ainsi que je l’ai dit, le Sauveur parle de la sorte pour se conformer à la pensée de ses disciples, et afin qu’ils respirent et prennent courage en lui entendant dire ces choses, et les recommander à son Père. Ils ne se rendaient point à toutes ces paroles de consolation qu’ils avaient entendues, le Sauveur les recommande enfin à son Père, et montre ainsi l’amour qu’il a pour eux ; c’est comme s’il disait : Mon Père, puisque vous m’appelez à vous, mettez-les en sûreté, car je retourne à vous.

Que dites-vous, Seigneur ? Ne pouvez-vous pas vous-même les conserver ? Je le puis. Pourquoi parlez-vous donc de la sorte ? C’est « afin qu’ils aient en eux-mêmes la plénitude de ma joie », c’est afin qu’étant encore bien faibles et bien imparfaits, ils ne se troublent pas néanmoins. Le Sauveur fait voir par ces paroles qu’il n’a parlé en ces termes que pour les consoler, les mettre en repos et leur donner de la joie : autrement, il paraîtrait se contredire.

« Je ne suis plus dans le monde, mais pour eux, ils sont » encore « dans le monde (11) ». C’était là leur pensée, et le divin Sauveur a la bonté de s’accommoder à leur faiblesse. S’il eût dit : Je les conserve moi-même, ils ne l’auraient point cru ; c’est pourquoi il dit : « Père saint, conservez-les en votre nom (11) », c’est-à-dire, par votre secours. « Lorsque j’étais avec eux dans le monde, je les conservais en votre nom (12) ». Jésus-Christ parle encore comme homme et comme prophète. Et même il ne paraît jamais clairement qu’il ait fait quelque chose au nom de Dieu. Il dit : « J’ai conservé ceux que vous m’avez donnés, et nul d’eux ne s’est perdu ; il n’y a eu de perdu que celui qui était enfant de perdition, afin que l’Écriture fût accomplie (12) ». Et ailleurs : « Je ne laisserai perdre aucun de ceux que vous m’avez donnés ». (Jn 18,9) Mais toutefois, non seulement l’enfant de perdition s’est perdu, mais bien d’autres encore se sont perdus dans la suite ; comment dit-il donc : « Je ne laisserai point perdre ? » Autant que je le pourrai, je ne les laisserai point perdre ; et c’est ce qu’il dit plus clairement ailleurs : « Je ne les jetterai point dehors ». (Jn 6,37) Il ne se perdra point par ma faute, il ne se perdra point pour avoir été poussé ou abandonné. Que s’ils se retirent volontairement, je ne les attirerai point par force.

« Mais maintenant, je viens à vous (13) ». Ne voyez-vous pas que Jésus-Christ tempère son discours d’une manière humaine ? C’est pourquoi, si l’on veut se servir (le ces paroles, pour diminuer la grandeur du Fils, on diminuera aussi celle du Père. Car vous avez à observer que dès le commencement Jésus-Christ a parlé, tantôt comme pour enseigner et instruire, tantôt comme pour faire une recommandation ; il enseigne, il instruit par ces paroles : « Je ne prie point pour le monde » ; il recommande par celles-ci : « Je les ai conservés jusqu’à présent, et nul ne s’est perdu » ; et : « vous, mon Père, conservez-les » ; et encore : « Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés » ; et derechef : « Lorsque j’étais dans le monde, je les conservais ». Mais on résout toutes ces difficultés en disant que le Sauveur a parlé de la sorte, pour s’accommoder à la faiblesse de ses auditeurs. Au reste, quand il a dit : « Il n’y a eu de perdu que celui qui était enfant de perdition », il a ajouté : « Afin que l’Écriture fût accomplie ». Quelle Écriture ? Celle qui avait prédit bien des choses de lui. Mais, néanmoins, Judas ne s’est pas perdu, afin que l’Écriture fût accomplie. Nous avons expliqué cela au long ci-dessus : Nous avons dit que c’est une façon de parler de l’Écriture, que de se servir d’expressions qui semblent marquer la cause, lorsqu’elles marquent seulement l’issue. Or, pour bien entendre l’Écriture, il faut faire attention à tout, examiner exactement toutes choses, et le caractère de la personne qui parle, et le sujet, l’idiome et l’usage de l’Écriture, sans quoi on tombe dans de grandes absurdités. « Mes frères, ne soyez point enfants en ce qui regarde la sagesse ». (1Co 14,20)

3. Il faut le suivre, cet avis de l’apôtre, non seulement pour acquérir l’intelligence des Écritures, mais encore pour bien régler sa vie. Les petits enfants ne sont pas curieux des grandes choses, mais ils admirent ce qui n’est d’aucun prix. Ils regardent avec un œil avide et plein de joie un char, des chevaux, un cocher, des roues, le tout en argile. Mais si l’empereur vient à passer sur un chariot d’or, attelé de mulets blancs, et pompeusement orné, ils ne le regardent même pas. Ils habillent et parent avec soin des poupées ; mais qu’une belle personne se présente à leurs yeux, ils ne savent pas l’admirer : et ils font de même à l’égard de plusieurs autres choses.

Beaucoup de gens ne sont pas plus sages que ces enfants : parlez-leur des choses célestes, ils ne vous écouteront pas ; présentez-leur des objets de terre et de boue, ils les saisissent curieusement et avidement, comme les enfants ; ils admirent les richesses terrestres et s’y attachent ; ils font grand cas de la gloire et des délices de cette vie. Mais ce sont là de purs jouets, de vraies puérilités : au lieu que les choses célestes nous procurent véritablement la vie, la gloire et le repos. Et encore, comme les enfants pleurent, lorsqu’on leur ôte leurs poupées et leurs jouets, comme ils ne sont même pas capables de désirer les biens réels et véritables ; ainsi font et se conduisent beaucoup de ceux qui se croient des hommes. Voilà pourquoi l’apôtre dit : « Ne soyez pas enfants en sagesse ».

Vous aimez les richesses, dites-moi, et vous n’aimez pas celles qui sont stables et permanentes, mais de frivoles jouets d’enfants ? Ainsi, si vous voyez quelqu’un convoiter une pièce de monnaie de plomb
On trouve encore dans les cabinets des curieux de ces monnaies de plomb des anciens.
, et se baisser pour la ramasser, vous jugez que c’est un homme bien pauvre ? Et vous, qui amassez des choses plus viles encore, vous vous mettez au rang des riches. Cela ne répugne-t-il pas à la raison ? Le vrai riche, c’est l’homme qui méprise toutes les choses présentes. Personne, en effet, non, personne ne se portera à rire et à se moquer de ces choses viles et abjectes, de l’argent, de l’or, et de tout ce qui n’a qu’un prix vain et imaginaire, s’il n’est embrasé de l’amour de ce qui est plus grand et plus relevé ; comme l’on ne méprisera point la monnaie de plomb, si l’on n’a des pièces d’or. Vous donc, lorsque vous voyez un homme passer, sans le regarder, devant toutes les choses d’ici-bas, croyez que ce dédain lui vient de ce qu’il a les yeux dirigés vers un monde supérieur. De même, si le laboureur sacrifie de bon cœur une petite portion de son blé, ce n’est que dans l’espérance d’une riche et abondante moisson. Si donc nous sacrifions ainsi ce que nous possédons, lors même que l’espérance du fruit est encore bien incertaine, nous devons à plus forte raison faire de même, lorsque le profit est assuré.

C’est pourquoi, je vous en prie et je vous en conjure, mes frères, ne nous faisons pas tort à nous-mêmes, et ne nous privons point, pour un peu de terre et de boue, des trésors du ciel, en amenant au port un vaisseau chargé de chaume et de paille. Blâme et censure qui voudra nos fréquentes exhortations : qu’on nous appelle bavards, ennuyeux, importuns, nous ne cesserons point pour cela de vous avertir, et de vous prêcher ces mêmes vérités, ni aussi de vous répéter à vous tous cette parole du prophète : « Rachetez vos péchés par les aumônes, et vos iniquités par les œuvres de miséricorde envers les pauvres, et attachez-les à votre cou
Attachez-les à votre cou : c’est-à-dire, ayez-les toujours présentes : soyez toujours prête à exercer la charité.
 ». (Dan 4,24) Ne faites pas aujourd’hui des aumônes, pour cesser d’en faire demain : le corps a tous les jours besoin de nourriture, et l’âme de même ; ou plutôt l’âme en a encore plus de besoin, et si elle ne donne, et si elle ne fait des œuvres de miséricorde, elle devient et plus infirme et plus hideuse.

Ne la négligeons donc pas dans ses maux, dans sa détresse : tous les jours la cupidité, la colère, la paresse, les injures, la vengeance, l’envie, font de grandes blessures à l’âme ; il faut donc lui appliquer (les remèdes ; et l’aumône est un grand remède qu’on peut appliquer à toutes sortes de plaies. « Donnez l’aumône », dit Jésus-Christ, « et toutes choses vous seront pures ». Donnez l’aumône de vos biens, et non de vos rapines : ce qui vient de rapine ne demeure, ne subsiste point, lors même qu’on le donne aux pauvres. La véritable aumône est celle qui n’est souillée d’aucune injustice : cette aumône purifie tout ; c’est une chose plus excellente que de jeûner et de coucher sur la dure : quoique cela soit plus pénible et plus laborieux, l’aumône cependant est d’un plus grand prix et d’un plus grand profit. Elle éclaire, elle nourrit et embellit l’âme. L’huile ne fortifie point tant les athlètes, que celle-ci donne de force et de vigueur à ceux qui s’exercent aux œuvres de piété et de miséricorde.

Frottons donc nos mains de cette huile, afin que nous puissions les lever courageusement contre notre ennemi. Celui qui prend la ferme résolution d’assister les pauvres, écartera bientôt de lui l’avarice : celui qui persévère dans l’assistance de l’indigent, chassera bientôt la colère, et ne s’enflera jamais d’orgueil. Comme le médecin habitué à soigner des malades, se soumet aisément à un régime, instruit par la vue d’autrui des infirmités auxquelles la nature humaine est sujette ; nous, de même, si nous nous consacrons au soulagement des pauvres, nous nous exercerons plus volontiers à l’étude de la sagesse, nous ne regarderons pas les richesses avec des yeux d’admiration, nous n’estimerons pas les choses présentes comme quelque chose de grand. Mais, méprisant tout ce qui est terrestre, et nous élevant au ciel, nous obtiendrons facilement les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire et au Père, et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

HOMÉLIE LXXXII.

JE LEUR AI DONNÉ VOTRE PAROLE, ET LE MONDE LES A HAÏS, PARCE QU’ILS NE SONT POINT DU MONDE COMME JE NE SUIS POINT MOI-MÊME DU MONDE. (VERS. 14. JUSQU’À LA FIN DU CHAP)

ANALYSE.

  • 1. Les disciples de Jésus-Christ ne sont pas du monde, Jésus-Christ est égal à Dieu son Père. – Je me sanctifie veut dire je me sacrifie.
  • 2. Jésus-Christ recommande à ses disciples la paix et l’union qui attireront à eux les hommes plus que les miracles mêmes.
  • 3. Nul ne connaît Dieu, sinon ceux qui connaissent le Fils.
  • 4. Croire en Dieu, et l’aimer. – L’infidèle plus charitable que le chrétien. – Combien Dieu nous a donné d’occasions de faire le bien. – À quoi on prodigue son argent et son bien. – Énumération des vices des chrétiens ; on ne va à l’église que pour voir et pour être vu. – Dureté envers les pauvres, tandis que l’on fait mille dépenses superflues. – On voit le mal, personne ne le corrige ; au contraire, plusieurs portent envie à ceux qui le font, et sont fâchés de n’en pouvoir faire autant.

1. Lorsque les gens de bien sont persécutés par les méchants, lorsque ceux qui exercent la vertu et la recherchent sont l’objet des dérisions et des railleries de ces hommes, ils ne doivent nullement s’en offenser ni s’en affliger. C’est le propre de la vertu d’attirer de toutes parts la haine des méchants. Comme ils portent envie à ceux qui vivent bien, et qu’ils croient se couvrir et se cacher en ternissant la gloire d’autrui ; ils les haïssent et n’épargnent rien pour les déshonorer, parce qu’ils marchent par une autre voie, parce qu’ils mènent une vie toute différente de la leur. Mais ne nous en affligeons point, mes chers frères, c’est là un des signes auxquels se reconnaît la vertu. Voilà pourquoi Jésus-Christ dit : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui » (Jn 15,19) ; et en un autre endroit : « Malheur à vous lorsque tous les hommes diront du bien de vous ! » (Luc 6,26) Voilà pourquoi il dit encore ici : « Je leur ai donné votre parole et le monde les a haïs ». Et il explique pour quelle raison ils sont dignes que le Père ait d’eux un si grand soin ; c’est pour vous, dit-il, c’est parce qu’ils gardent votre parole qu’ils sont haïs ; ils sont donc tout à fait dignes de votre providence et de votre protection.

« Je ne vous prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du mal (15) ». Le Sauveur explique encore sa parole et la rend plus claire et plus intelligible. Par là il veut déclarer simplement qu’il a un grand soin de ses disciples, puisqu’il les recommande avec tant de zèle et d’ardeur. Mais cependant il leur avait dit que tout ce qu’ils demanderaient à son Père, son Père le leur donnerait (Jn 16,23) ; pourquoi donc prie-t-il pour eux ? Il ne prie, comme j’ai dit, que pour leur montrer son amour.

« Ils ne sont point du monde, comme je ne suis point moi-même du monde (16) ». Pourquoi a-t-il donc dit ailleurs : « Ceux que vous avez pris du monde pour les donner étaient à vous ? » (Id 17,6) Là, le Sauveur parlait de leur nature ; ici, sous le nom de monde, il parle des mauvaises œuvres que font les méchants, et il fait un grand éloge de ses disciples ; premièrement, il dit qu’ils ne sont point du monde ; en second lieu, que le monde les hait parce que c’est lui qui les lui a donnés, et qu’ils gardent sa parole. Que si Jésus-Christ dit : « Comme je ne suis point moi-même du monde », ne vous troublez point. Ce mot « Comme », ne marque pas ici une similitude exacte. Si le mot « comme », dit du Père et du Fils, marque alors une grande égalité, à cause de l’unité de nature, c’est bien différent quand il est dit du Fils et de nous, parce qu’alors, entre les deux natures mêmes, il y a une infinie distance. En effet, « Jésus-Christ n’ayant point commis d’iniquités, et le mensonge n’ayant jamais été dans sa bouche » (Isa 53,9), comment lui pourrait-on comparer les apôtres ? Que veut donc dire ceci : « Ils ne sont point du monde ? » Ils ont d’antres vues, d’autres désirs, ils n’ont rien de commun avec la terre, ils sont devenus citoyens du ciel. Le Sauveur louant ainsi ses disciples devant son Père, et les lui recommandant, leur témoigne son amour.

Mais quand il dit : « Conservez-les », il ne prie pas seulement son Père de les délivrer des périls et du mal, il demande encore qu’ils demeurent fermes dans la foi ; c’est pourquoi il a ajouté : « Sanctifiez-les dans votre vérité (27) », rendez-les saints par l’infusion du Saint-Esprit et par la vérité de l’Évangile et la certitude de votre parole. Comme il a dit : « Vous êtes purs à cause des instructions que je vous ai données » (Jn 15,3), maintenant il dit de même : instruisez-les, enseignez-leur la vérité. Mais Jésus-Christ avait déjà dit que le Saint-Esprit le ferait ; pourquoi prie-t-il donc son Père de le faire ? Pour vous montrer encore l’égalité des personnes. Jésus-Christ dit enseignez-leur la vérité, parce que la saine doctrine et les justes sentiments qu’on a de Dieu sanctifient l’âme. Ne vous étonnez donc point qu’il dise qu’on est sanctifié par la parole. Au reste, que ce soit de la doctrine qu’il parle ici, on n’en peut douter, ce qui suit l’insinue : « Votre parole est la vérité » ; c’est-à-dire, il n’y a point de mensonge en elle, la parole de Dieu ne passe point, elle s’accomplit infailliblement. Le Sauveur montre encore qu’il n’y a en elle rien de figuré ou de corporel, ainsi que saint Paul dit de l’Église : « Le Seigneur l’a sanctifiée par la parole ». (Eph 5,26) Car la parole de Dieu a coutume de purifier.

Pour moi, il me semble que ce mot : « Sanctifiez-les », signifie encore une autre chose, à savoir : séparez-les et préparez-les pour l’œuvre de la parole et de la prédication. Ce qui se voit clairement par ce qui suit : « Car comme vous m’avez envoyé dans le monde », dit-il, « je les ai aussi envoyés dans le monde (18) ». Saint Paul le dit de même. « C’est lui qui a mis en nous la parole de réconciliation ». (2Co 5,19) C’est pour cette parole que Jésus-Christ a quitté la terre et est monté au ciel ; c’est aussi pour cette même parole que les apôtres ont parcouru toute la terre. Mais ce mot « comme » ne marque pas une égalité entre Jésus-Christ et les apôtres ; autrement, comment aurait-il pu les envoyer ? Jésus-Christ a coutume de parler de ce qui doit arriver comme d’un fait déjà accompli.

« Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’ils soient aussi sanctifiés dans la vérité (19) ». Que veut dire : « Je me sanctifie ? » Je vous offre un sacrifice. Or, tous les sacrifices sont appelés saints, les choses saintes étant proprement celles qui sont consacrées à Dieu. Et comme, dans l’Ancien Testament, les hommes étaient sanctifiés en figure par l’immolation d’une brebis, maintenant dans le Nouveau ils ne le sont plus en figure, mais en réalité ; c’est pourquoi le Sauveur dit : « Afin qu’ils soient sanctifiés dans votre vérité ». Je vous les consacre, dit-il, et je vous en fais une oblation ; soit qu’il entende cela de l’oblation du chef ou de celle des membres, car ils devaient aussi s’immoler. « Offrez vos corps à Dieu », dit l’Écriture, « comme une hostie vivante, sainte ». (Rom 12,1) Et : « Nous sommes regardés comme des brebis destinées à la boucherie ». (Psa 44,24) Ainsi le Seigneur fait des siens une hostie et une oblation, sans les immoler. La suite montre évidemment que Jésus-Christ parlait de son immolation et de sa mort, en disant : « Je me sanctifie. Je ne prie pas seulement pour eux, mais encore pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole ». En effet, comme c’était pour eux qu’il mourait, il a dit : « Je me sanctifie moi-même pour eux » ; de peur qu’on ne crût qu’il mourait seulement pour les apôtres, il a ajouté : « Je ne prie pas seulement pour eux, mais encore pour ceux qui doivent croire en moi par leurs paroles (20) ».

2. Jésus-Christ faisant ainsi connaître à ses apôtres que beaucoup se convertiraient et deviendraient ses disciples, relève encore leur esprit et les encourage. Car en cela même qu’il rend commun ce qui leur était particulier, il leur donne un nouveau sujet de consolation, leur montrant qu’ils seront eux-mêmes la cause du salut des autres. Et après leur avoir parlé de leur salut, leur avoir appris qu’ils se sanctifieraient par la foi, par les souffrances et par l’immolation de leurs corps, il les entretient enfin de l’union qui doit être entre eux, et par là il termine son discours, le finissant par où il l’avait commencé.

Il l’avait commencé par ces paroles : « Je vous fais un commandement nouveau » (Jn 13,34), il le continue par celles-ci « Afin qu’ils soient un tous ensemble, comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en vous, qu’ils soient de même un en nous (21) ». Observez encore que le mot « comme » ne marque pas ici une exacte égalité, car ils ne pouvaient pas être un de même, mais autant qu’il est possible aux hommes, comme lorsqu’il dit : « Soyez pleins de miséricorde, comme votre Père ». (Luc 6,36) Que veut dire cela : « en nous ? » Dans la foi en nous. Comme rien ne trouble tant les hommes que la désunion, Jésus-Christ fait en sorte qu’ils soient un. Quoi donc ? le Sauveur ne l’a-t-il pas fait ? Oui, sûrement, il l’a fait. Tous ceux qui ont cru par la parole des apôtres sont un, quoique quelques-uns d’entre eux se soient séparés. Et Jésus-Christ ne l’a point ignoré, il l’a prédit et il a déclaré que cela viendrait de leur lâcheté.

« Afin que le monde croie que vous m’avez a envoyé ». Le Seigneur l’avait dit au commencement de son discours : « C’est en cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». (Jn 13,35) Et comment était-ce par là que les hommes devaient croire ? Parce que, dit-il, vous êtes le Dieu de paix. S’ils gardent donc la doctrine qu’ils ont apprise, par les disciples les auditeurs connaîtront le Maître. Mais au contraire, s’ils sont désunis, les hommes ne les diront pas les disciples du Dieu de paix. Si je ne suis pas pacifique, les hommes ne reconnaîtront pas que vous m’avez envoyé. Ne voyez-vous pas, mes frères, que, jusqu’à la fin, le divin Sauveur déclare et montre son union avec son Père ?

« Et je leur ai donné la gloire que vous m’avez donnée (22) ». C’est-à-dire, par le don des miracles, par ma doctrine et par l’union que j’ai mise entre eux. Car la gloire consiste à être un, et cette gloire est plus grande et plus excellente que celle des miracles. Comme nous admirons Dieu de ce que dans cette divine nature, il n’y a nulle désunion, nulle dissension ; comme c’est là la plus grande gloire : de même il faut, dit-il, que mes disciples se rendent illustres par cette sorte de gloire. Et pourquoi, direz-vous, Jésus-Christ prie-t-il son Père de leur donner cette gloire, puisqu’il prétend la, leur donner lui-même ? Qu’il parle des miracles, de l’union ou de la paix, on voit que c’est lui qui leur donne ces choses. Tout cela vous prouve évidemment qu’il n’a fait cette prière à son Père : « Afin que je sois en eux comme vous êtes en moi (21) », que pour consoler ses disciples. Comment leur a-t-il donné la gloire ? En venant en eux, et ayant son Père avec lui, pour les unir ensemble. Mais ailleurs il ne parle pas de la même manière ; il ne dit pas que le Père soit venu par lui ; il dit qu’il est venu lui-même avec le Père, et qu’il demeure avec le Père : par où il réfute d’une part l’hérésie de Sabellius, et de l’autre celle d’Arius
Jésus-Christ réfute l’hérésie de Sabellius, en disant qu’il est Venu avec le Père, par où il montre qu’il a son hypostase, qu’il est une personne distincte du l’ère ; ce que Sabellius confondait, soutenant que le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit, n’était que la même personne sous ces différentes dénominations : et ne reconnaissant en Dieu qu’une seule personne, il réfute Arius, en disant qu’il demeure avec son Père : ce qui marque l’égalité des personnes, et la consubstantialité que cet hérésiarque combattait, etc.
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« Afin qu’ils soient consommés en l’unité, afin que le monde connaisse que vous m’avez envoyé (23) ». Le Sauveur répète souvent ces paroles pour montrer que la paix et l’union attirent plus les hommes que les miracles mêmes. Comme les contestations désunissent, ainsi la concorde et la paix lient les cœurs et les unissent. « Et je les ai aimés comme vous m’avez aimé ». Avec le mot : « comme », il faut sous-entendre encore ici autant que les hommes peuvent être aimés : or, que Jésus-Christ se soit livré lui-même pour eux, c’est là le témoignage et la marque assurée de son amour. Le Sauveur ayant donc déclaré à ses disciples qu’ils seraient en sûreté, que rien ne pourrait ni les abattre ni les renverser, qu’ils seraient saints, que beaucoup croiraient par eux, et encore qu’ils jouiraient d’une grande gloire ; qu’il ne les avait pas aimés lui seulement, mais que son Père les aimait aussi ; le Sauveur, dis-je, leur déclare enfin maintenant ce qui leur doit arriver après leur sortie de ce monde, après cette vie ; il leur parle des couronnes et des récompenses qui leur sont réservées, et il dit :

« Mon Père, je désire que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés y soient aussi avec, moi (24) ». C’est donc là ce que les disciples demandaient continuellement, en disant : Où allez-vous ? Mais, Seigneur, que dites-vous ? Ce royaume que vous promettez, vous ne l’avez point encore ; vous l’obtenez par la prière. Pourquoi donc leur disiez-vous : « Vous serez assis sur douze trônes ? » (Mat 19,28) Pourquoi leur avez-vous fait d’autres promesses et plus grandes et plus considérables ? Ne voyez-vous pas, mes frères, que Jésus-Christ dit toutes ces choses par condescendance, et pour s’accommoder à la portée de ses auditeurs ? Si cela n’était pas ainsi, comment aurait-il répondu affirmativement à Pierre : « Vous me suivrez après ? (Jn 13,30) Mais, en un mot, le Sauveur n’a fait cette prière et cette réponse, que pour donner à Pierre et à tous ses disciples un plus grand et plus authentique témoignage de son amour

Les apôtres, en disant : « Où allez-vous » ? voulaient savoir quel était le but des paroles de Jésus-Christ. Et saint Chrysostome veut prouver ici que, quoique le Sauveur désire que les apôtres soient avec lui où il sera lui-même, et qu’il semble l’ignorer en faisant cette prière pour eux, néanmoins il ne l’a fait que pour leur donner un témoignage plus authentique de son amour, sans qu’on puisse inférer de cette prière, qu’il ait ignoré que ses apôtres seraient avec lui, et pendant cette vie, et dans les siècles à venir.

En un mot, Jésus-Christ prie pour ses apôtres. À l’occasion de cette prière, le saint Docteur apostrophe Jésus-Christ, et fait voir que les hérétiques ne peuvent point se prévaloir de cette prière pour nier la divinité de Jésus-Christ ; puisqu’elle ne peut prouver que le témoignage de son amour à leur égard, et non qu’il ait rien ignoré ; au lieu que les apôtres, en demandant « Où allez-vous ? » faisaient voir le désir qu’ils avaient de connaître ce que Jésus-Christ leur disait mais en même temps ils montraient leur ignorance ; ce qu’on ne peut dire de Jésus-Christ. Et le saint Docteur répond par là à cet argument implicite ; la prière de Jésus-Christ suppose de l’ignorance en lui ; car pourquoi prierait-il, s’il savait que Dieu le Père mettra ses apôtres avec lui ? Saint Chrysostome répond : Cette prière ne suppose aucune ignorance, mais elle marque seulement l’amour de Jésus-Christ pour ses apôtres, et qu’il leur parle humainement et selon leur portée, etc.

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« Afin qu’ils contemplent ma gloire que vous m’avez donnée (34) ». C’est encore ici une preuve de l’union du Fils avec son Père, et une preuve véritablement plus relevée et plus sublime que la première. « Vous m’avez aimé », dit-il, AVANT LA CRÉATION DU MONDE, mais néanmoins empreinte encore de condescendance, témoin ces mots : « Vous m’avez donnée ». Sinon, que nos adversaires, que les hérétiques qui prétendent le contraire, me répondent : Celui qui donne, donne certainement à quelqu’un qui préexistait ; donc le Père, ayant auparavant engendré son Fils, lui aurait donné ensuite la gloire, et l’aurait laissé sans gloire jusqu’alors, jusqu’au moment qu’il la lui a donnée ? Mais cela peut-il être ? Cela peut-il se soutenir ? Convenez donc que le mot : « Vous m’avez donnée », signifie : vous m’avez engendré.

3. Mais pourquoi le Sauveur n’a-t-il pas dit « Afin qu’ils participent » ; mais seulement : « Afin qu’ils voient ma gloire ? » C’est qu’il a voulu leur faire entendre que la félicité, que la gloire parfaite consiste à contempler le Fils de Dieu, et que c’est là ce qui rend illustre et heureux, comme le dit saint Paul. « Pour nous, n’ayant point de voile qui nous couvre le visage, et contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image ». (2Co 3,18) Comme ceux qui, dans un temps serein, contemplant la brillante lumière du soleil, ont du plaisir par les yeux, ainsi nous serons heureux dans l’autre vie : ou plutôt cette contemplation leur procurera un plaisir bien plus grand. Le Sauveur leur fait aussi connaître qu’il n’est pas ce qu’ils voient au-dehors, mais qu’il est une substance redoutable, une majesté qui fait trembler.

« Père juste, le monde ne vous a point connu (25) ». Que veut dire cela ? Quelle suite y a-t-il ici ? Le Sauveur déclare que nul ne connaît Dieu, sinon ceux qui connaissent le Fils ; c’est comme s’il disait : Je voudrais que tous vous connussent, mais ils ne vous ont point connu, quoiqu’ils ne vous puissent faire aucun reproche. Car c’est ce que signifie ce mot : « Père juste ». Et l’on voit qu’il dit cela avec peine, songeant qu’ils n’ont pas voulu connaître celui qui est si bon et si juste. Comme les Juifs disaient qu’ils connaissaient Dieu et que Jésus ne le connaissait point, le Sauveur les a en vue, en disant : « Vous m’avez aimé avant la création du monde » : et par là il se justifie de leurs accusations. Comment Jésus-Christ serait-il contraire au Père, lui qui en a reçu toute sa gloire, lui qui en a été aimé avant la création du monde, lui qui a voulu les rendre témoins et participants de cette même gloire ? Il n’est donc pas vrai, comme le prétendent les Juifs, que ce sont eux qui vous connaissent, et que je ne vous connais point ; mais c’est tout le contraire. je vous connais, et ils ne vous connaissent point mais « ceux-ci ont connu que vous m’avez envoyé ». Vous le voyez, mes frères : le Sauveur fait allusion ici à ceux qui disaient qu’il n’était point envoyé de Dieu, et il les a uniquement en vue dans tout ce qu’il dit ici.

« Je leur ai fait connaître votre nom, et je le leur ferai connaître (26) » encore. Vous avez pourtant dit que la parfaite connaissance vient du Saint-Esprit. Oui, mais tout ce qui est au Saint-Esprit est à moi. « Afin que l’amour dont vous m’avez aimé demeure en eux, et que je demeure moi-même en eux ». S’ils apprennent qui vous êtes, alors ils sauront que je ne suis point séparé de vous, que je suis votre bien-aimé, votre Fils, uni étroitement à vous. Ceux qui croiront cela, comme il est juste de le croire, auront une véritable foi en moi, et m’aimeront d’un véritable amour. S’ils m’aiment comme il faut, je demeurerai en eux. Ne remarquez-vous pas bien, mes frères, que le divin Sauveur finit son discours par ce qu’il y a de plus excellent : Par l’amour, qui est la source de toutes sortes de biens ?

Croyons donc en Dieu, mes chers frères, croyons en Dieu, et aimons-le, de peur qu’on ne dise de nous : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres » (Tit 1,16) ; et encore : « Il a renoncé à la foi, et est pire qu’un infidèle ». (1Ti 5,8) L’infidèle assiste ses serviteurs, ses proches, et même les étrangers ; mais vous, vous n’avez même pas le moindre soin de votre famille. Quelle excuse aurez-vous un jour, vous qui êtes cause qu’on blasphème et qu’on outrage Dieu ? Considérez, examinez sérieusement, combien le Seigneur vous a donné d’occasions de faire le bien : ayez pitié de celui-ci, vous dit-il, comme de votre sang ; ayez pitié de celui-là, comme de votre ami ; de celui-là, comme de votre voisin ; de l’autre, comme de votre concitoyen ; et de cet autre, parce qu’il est homme. Que si rien de tout cela n’est capable de vous toucher, ni de vous faire remplir votre devoir ; que si vous rompez tous ces liens, écoutez saint Paul qui vous dit que vous êtes pire qu’un infidèle ; puisque l’infidèle, encore qu’il n’ait pas entendu parler de l’aumône, ni des choses célestes, vous a surpassé en humanité. Il vous est ordonné d’aimer vos ennemis, et vous regardez vos proches comme vos ennemis, et vous ménagez plus votre argent que le corps de vos frères.. Toutefois ces richesses, quand vous les aurez dispersées et consumées, ne souffriront aucun dommage ; mais celui-ci périt, parce que vous l’avez négligé, parce que vous lui avez refusé votre secours. Quelle est donc cette manie d’épargner ainsi votre bien, et de ne tenir nul compte de vos parents ? Comment cette passion pour les richesses s’est-elle si fortement allumée dans votre cœur ? D’où vous vient tant d’inhumanité et aine si grande cruauté ?

4. Supposons ici, mes frères, qu’un homme assis sur un trône extrêmement élevé, découvre de là tout-le monde ; ou plutôt, si vous le voulez, considérons seulement ce qui se passe dans cette ville : supposons quelqu’un assis sur une haute éminence, d’où il verrait et contemplerait toutes les actions des hommes. Quels excès, quelles folies ne découvrirait-il pas en eux ! que de larmes il verserait, que d’éclats de rire. Il jetterait ! quelle haine ne concevrait-il pas ? de quelle horreur son âme ne serait-elle pas saisie ? Car nous faisons des choses qui sont dignes de risée, de colère, de larmes, d’indignation et de haine. Celui-ci nourrit des chiens pour prendre des bêtes sauvages, et il se rend sauvage lui-même : celui-là nourrit des ânes et des taureaux pour transporter des pierres, tandis qu’il refuse du pain à des hommes qui meurent de faim. Tel autre dépense un argent immense à faire des hommes de pierre ; et les véritables hommes, qu’il délaisse, deviennent aussi des hommes de pierre dans leur détresse profonde. Cet autre amasse à grands frais des lames d’or, pour en couvrir ses murailles, et voit-il un pauvre tout nu, il n’en est nullement touché. D’autres ajoutent habits sur habits, en inventent tous les jours de nouveaux, pendant que ce malheureux n’a pas de quoi couvrir sa nudité.

Les tribunaux sont pleins de gens qui se dévorent les uns les autres. Celui-ci dissipe son bien avec des femmes débauchées et des parasites, celui-là avec des comédiens et des danseurs ; un autre se ruine à bâtir de superbes édifices ; un autre, à acheter des terres et des maisons. Celui-ci suppute des intérêts, celui-là des intérêts d’intérêts. Celui-là rédige des contrats homicides, il passe les nuits sans dormir, et ne veille qu’à la destruction et à la ruine des autres. Le jour venu, l’un court à un trafic injuste, un autre à des débauches et à des dissolutions ; un autre à des concussions et à des rapines. Nous sommes vifs et ardents pour les choses inutiles ou défendues, et pour les choses nécessaires nous n’avons ni âme ni sentiment.

Les juges n’ont que le nom de juges ; au fond ils sont des voleurs et des homicides. Si l’on examine les procès et les testaments, on y trouve mille injustices, fraudes, vols, perfidies. Tout le temps se passe à ces sortes d’occupations. On n’en a point à donner aux choses spirituelles, dont on ne fait aucun cas. On n’encombre nos églises que par curiosité mais est-ce là ce que nous vous demandons ? Nous vous demandons de bonnes œuvres et un cœur pur. Que si après avoir passé toute la journée à un commerce d’avarice et d’usures, vous entrez sur le soir à l’église pour y faire quelques courtes prières, certainement vous n’apaisez point la colère de Dieu ; vous ne faites, au contraire, que l’irriter davantage. Si vous voulez apaiser le Seigneur et vous le rendre propice, produisez des œuvres ; informez-vous de la misère et du nombre des misérables, ayez des yeux charitables pour ceux qui sont nus, pour ceux que la faim dévore, pour ceux qu’on outrage et qu’on opprime : le Seigneur vous a donné bien des moyens d’exercer l’humanité.

Ne nous trompons donc pas nous-mêmes en menant une vie oisive et inutile ; et ne nous négligeons pas aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui nous nous portons bien. Mais, nous souvenant que nous sommes souvent tombés dans de grosses maladies, et que, nous étant vus à la dernière extrémité, nous sommes presque morts d’effroi à la pensée de notre sort à venir, songeons encore aujourd’hui que le même avenir nous attend, vivons dans la même crainte, et devenons meilleurs ; car notre conduite actuelle mérite la condamnation la plus sévère. Ceux qui sont établis pour juger les autres, sont semblables aux lions et aux chiens, les marchands sont semblables aux renards. Quant à ceux qui n’ont ni charges ni affaires, ceux-là mêmes n’usent pas bien de leur loisir : ils passent tout leur temps au théâtre et à d’autres amusements non moins criminels.

Et, ce qui est étonnant, personne ne les reprend et ne les corrige de ces désordres ; mais plusieurs leur portent envie et sont au désespoir de n’en pouvoir faire autant, en sorte que ceux-ci sont aussi punissables que les autres, quoiqu’ils ne fassent pas le mal ; car, dit l’apôtre : « Non-seulement ceux qui les font sont « dignes de mort, mais aussi quiconque approuve ceux qui les font ». (Rom 1,32) En effet, leur cœur est également corrompu. D’où l’on voit que la volonté même peut être punissable. Tous les jours je vous dis ces choses, et je ne cesserai point de vous les redire. Si quelques-uns les écoutent, ils en profiteront, et si vous ne les écoutez pas maintenant, sûrement vous les entendrez au jour du jugement, lorsque vous n’en pourrez plus profiter, et alors vous vous condamnerez vous-mêmes ; mais nous, nous serons exempts de blâme et de tout reproche. Mais, à Dieu ne plaise que nous ne rapportions pour tout fruit de nos discours que notre unique justification ! Fasse plutôt le ciel que vous soyez notre gloire et notre couronne devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que nous jouissions tous ensemble des biens éternels, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire, et au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.
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