John 19
HOMÉLIE LXXXIV.
C’EST POUR CELA QUE JE SUIS NÉ, ET QUE JE SUIS VENU DANS LE MONDE, AFIN DE RENDRE TÉMOIGNAGE A LA VÉRITÉ : QUICONQUE APPARTIENT A LA VÉRITÉ, ÉCOUTE MA VOIX. (VERS. 37, JUSQU’AU VERS. 15 DU CHAP. XIX)ANALYSE.
- 1. Jésus-Christ nous enseigne la patience. – Pilate cherche d’abord à délivrer Jésus.
- 2. La peur se saisit de Pilate et lui fait prononcer une sentence injuste.
- 3. Avoir toujours présente la passion de Jésus-Christ, la méditer continuellement. – Elle sera un souverain remède à toutes nos afflictions et à tous nos maux. – Jésus-Christ a souffert, afin que nous marchions sur ses pas. – Imiter sa douceur, et celle des apôtres, pour attirer à la pénitence ceux qui nous ont offensés. – La colère et le mensonge viennent du diable. – Nous sommes inutilement venus au monde et pour notre perte, si nous n’y pratiquons pas la vertu. – La foi seule et destituée des œuvres ne fait point entrer dans le ciel, elle attire une plus grande condamnation. – Philosophie, vertu des gentils supérieure à celle des chrétiens : grand sujet de honte et de condamnation. – On peut mourir tous les jours, se tenir prêt : faire ici les provisions nécessaires pour ce voyage : là-haut on n’en trouve point.
▼J’ai traduit ce passage, partie de mon texte, partie sur celui des Septante.
». (Isa 53,70) Pilate donc, sur cette accusation « de s’être fait Fils de Dieu (8) », eut peur que ce qu’on disait ne fût vrai, et qu’il ne parût lui-même mal faire s’il le délivrait. Mais les Juifs, à qui les œuvres et les paroles de Jésus manifestaient la vérité, n’ont point d’horreur de leurs accusations et de leurs poursuites ; et ils font mourir Jésus pour la même raison qui aurait dû les déterminer à l’adorer. Pilate ne lui demande donc plus : « Qu’avez-vous fait ? » Mais, saisi de crainte et de peur, il prend l’enquête de plus haut, et dit : « Êtes-vous le Christ (9) ? » Mais Jésus ne lui fait aucune réponse, parce que, ayant déjà entendu sa réplique à la même question : « C’est pour cela que je suis né et que je suis venu » ; et : « Mon royaume n’est point d’ici » : Pilate, au lieu de s’opposer alors à la fureur des Juifs et de la réprimer, au lieu de le délivrer et le renvoyer absous, avait suivi l’élan donné par eux. Les Juifs, se voyant réfutés, et toutes leurs accusations repoussées par de fortes raisons, ont recours à un autre artifice, et accusent Jésus d’un crime public ▼▼Un crime public : Les Romains distinguaient deux sortes de crimes : les crimes privés, qui ne regardaient que les particuliers, dont la poursuite n’était permise par les lois qu’à ceux qui y étaient intéressés ; et les crimes publics, dont la poursuite était permise à toutes sortes de personnes, quoique non intéressées.
. « Quiconque se fait roi », disent-ils, « se déclare contre César ». Il fallait donc alors exactement et rigoureusement informer sur une accusation si grave et si importante ; il fallait examiner si véritablement Jésus aspirait à la tyrannie, s’il cherchait à détrôner César. Mais le juge ne fait aucune recherche ni information, voilà pourquoi Jésus ne lui répondit point, sachant que ses questions n’étaient point sérieuses. De plus, ses œuvres lui ayant rendu un témoignage suffisant, il ne voulait pas repousser leurs accusations, ni se justifier par des paroles, pour faire connaître à tout le monde qu’il s’était volontairement livré à la mort. Comme Jésus gardait le silence, « Pilate lui dit : Ne savez-vous pas que j’ai le pouvoir de vous faire attacher à une croix (10) ? » Ne voyez-vous pas, mes frères, comment ce juge se condamne lui-même par ses paroles ? Car on pouvait lui objecter : Si vous avez ce pouvoir absolu, pourquoi, ne trouvant aucun crime en cet homme, ne le renvoyez-vous pas absous ? Lors donc qu’il eut prononcé sa sentence contre Jésus, alors lé Sauveur lui dit : « Celui qui m’a livré à vous est coupable d’un plus grand péché (11) », lui montrant par là qu’il était aussi lui-même coupable de péché. Ensuite, pour rabattre son faste et sa fierté, il ajoute, : « Vous n’auriez aucun pouvoir, s’il ne vous avait été donné » ; par où le Seigneur déclare que ce n’est point par hasard, ni selon l’usage commun que cela s’est fait, mais qu’il y a là-dedans un mystère caché. Et de peur qu’entendant ces paroles : « S’il ne vous avait été donné », il ne se crût exempt de tout crime, Jésus-Christ ajoute : « Celui qui m’a livré à vous est coupable d’un plus grand péché ». Mais si ce pouvoir lui avait été donné, ni lui, ni les Juifs, n’étaient coupables. C’est là parler en vain, car le mot : « donné », est mis ici pour permis ; c’est comme si le Sauveur eût dit : Dieu a permis que cela arrivât. Mais vous n’êtes pas pour cela exempt de péché. Jésus-Christ effraya Pilate par ces paroles, et se justifia clairement et pleinement. C’est pourquoi le juge cherchait un moyen de le délivrer, mais les Juifs crièrent, encore : « Si vous délivrez cet homme, vous n’êtes point ami de César (12) ». Comme il ne leur avait servi de rien d’imputer à Jésus des crimes contre la loi, ils se tournèrent perfidement du côté des lois publiques, disant : « Quiconque se fait roi, se déclare contre César ». Et en quoi Jésus vous a-t-il paru être un usurpateur ? Par quoi pouvez-vous le prouver ? Est-ce par la pourpre, par le diadème, par le manteau, par ce qu’ont fait les soldats ? Ne marchait-il pas toujours seul avec ses douze disciples, n’usait-il pas dans sa nourriture, dans ses vêtements, dans son logement, de tout ce qu’il y a de plus commun et de plus vil ? Mais, ô impudence, ô crainte bien mal placée ! En effet, Pilate, craignant le péril auquel il s’exposerait en négligeant une accusation si importante, sortit véritablement du prétoire, comme pour l’examiner ; car c’est ce que marque l’évangéliste, et disant : « Il s’assit », mais il n’en fit rien, et, sans autre information ni examen, il livra Jésus aux Juifs s’imaginant qu’il les fléchirait par cette conduite. Que ce fût là sa pensée et son intention ;.vous vous en convaincrez si vous écoutez ce qu’il dit : « Voilà votre roi (14) ». Les Juifs ayant crié : « Crucifiez-le », il ajouta encore : « Crucifierai-je votre roi (15) ? » Mais les princes des prêtres se mirent à crier : « Nous n’avons point d’autre roi que César ». Par où l’on voit qu’ils se livrent eux-mêmes volontairement à la vengeance divine. C’est pourquoi Dieu les abandonna lorsqu’ils s’étaient eux-mêmes soustraits les premiers à sa providence et à sa protection ; et les laissa se conduire à leur sens, et se précipiter à leur ruine, lorsque, tout d’une voix et d’un commun accord, ils l’eurent refusé pour leur roi. Et certes, ce que venait de dire Pilate aurait dû étouffer toute leur colère : mais ils craignirent que si Jésus-Christ était renvoyé, il n’assemblât de nouveau le peuple, et ils n’épargnaient rien pour l’empêcher. L’amour du pouvoir est une dangereuse passion, et si dangereuse, qu’elle perd l’âme : et c’est cette passion qui a détourné les Juifs d’écouter Jésus-Christ. Pilate veut délivrer Jésus, mais où il devait agir par autorité, il n’emploie que des paroles ; de leur côté, les Juifs pressent et crient. « Crucifiez-le ». Et pourquoi s’acharnent-ils si âprement à poursuivre sa mort ? Parce que mourir sur une croix, c’était mourir d’une mort ignominieuse. Craignant donc qu’on ne conservât dans la suite la mémoire de Jésus, ils s’attachent à lui faire infliger ce honteux, cet infâme supplice, ne sachant point que la vérité franchit tous les obstacles qu’on lui oppose et ; s’élève au-dessus. Pour vous convaincre que c’est là ce qu’ils, pensaient et ce qu’ils craignaient, écoutez ce qu’ils disent : « Nous avons entendu dire à ce séducteur : Dans trois jours je ressusciterai ». (Mat 27,63) Voilà pourquoi ils confondaient, ils renversaient tout afin de le diffamer, de noircir et d’éteindre sa mémoire à perpétuité. Voilà pourquoi, ils ne cessaient point de crier « Crucifiez-le » ; c’est-à-dire, la grossière populace que les princes des prêtres avaient gagnée et corrompue. 3. Mais nous, mes frères, ne nous contentons pas de lire l’histoire de la passion du Sauveur ; portons-la continuellement dans notre esprit et dans notre cœur ; ayons toujours présents à nos yeux la couronne d’épines, le manteau, le roseau, les soufflets, les coups qu’on lui a portés aux yeux, les crachats, les dérisions, les moqueries. La fréquente méditation de ces ignominies apaisera toute notre colère. Si l’on se moque de nous, si l’on nous maltraite injustement, disons alors : « Le serviteur n’est pas plus grand que le maître ». (Jn 15,20) Et rappelons-nous les paroles des Juifs, lorsque ces furieux disaient à notre divin Maître : « Vous êtes possédé du démon », et : « Vous êtes un samaritain » (Jn 8,48) ; et encore : « Cet homme chasse les démons par Belzébuth ». Si Jésus-Christ a souffert toutes ces choses, c’est afin que nous suivions ses pas (1Pi 2,21) et que nous supportions avec fermeté les mots piquants et les railleries qui ont coutume de nous émouvoir et d’allumer le plus notre colère. Et non seulement notre divin Sauveur a souffert tous ces outrages, mais encore il a fait tout ce qu’il a pu, pour délivrer du supplice qui leur était préparé, ceux qui s’étaient rendus si coupables, car il a envoyé les apôtres pour leur salut. Voilà pourquoi vous entendez les apôtres dire ces peuples : « Nous savons que vous avez agi par ignorance » (Act 3,17) ; et par ces ménagements et cette douceur, ils les engagent à faire pénitence. Imitons ces exemples, mes frères ; rien n’est plus propre à apaiser la colère de Dieu que d’aimer nos ennemis et de faire du bien à, ceux qui non font du mal. Lorsque quelqu’un vous a causé du chagrin, ce n’est pas sur lui que vous devez porter vos regards, mais sur le démon, qui l’a ému et excité. Répandez toute votre colère sur le démon et ayez pitié de celui qu’il égare. Si le mensonge vient du diable, à plus forte raison est-ce aussi par son influence qu’on se met en colère sans sujet ; lorsque quelqu’un vous raille, pensez que c’est le diable qui l’animé ; ces sortes de paroles ne peuvent sortir de la bouche d’un chrétien. Un chrétien, à qui il est ordonné de pleurer et qui a entendu ces paroles : « Malheur à vous qui riez » (Luc 6,25), s’il raille, s’il profère des outrages, s’il se met en colère, sûrement il ne mérite pas nos reprochés, mais il est digne de nos larmes. Jésus-Christ lui-même s’est troublé en pensant à Judas. Méditons donc toutes ces choses, mes chers frères, mais méditons-les en les mettant en pratique. Si nous ne les pratiquons pas, nous sommes vainement et inutilement venus en ce monde, ou plutôt nous y sommes venus pour notre, perte. La foi toute seule ne nous peut pas faire entrer dans le ciel, mais elle ne servira même qu’à attirer une plus grande et plus rigoureuse condamnation à ceux qui vivent mal. « Car le serviteur qui aura su la volonté de son maître et n’aura pas fait ce qu’il désirait de lui, sera battu rudement » (Luc 13,47) ; et encore : « Si je n’étais point venu et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient point le péché » (Jn 15,22) qu’ils ont. Quelle excuse aurons-nous donc, nous qui étant élevés dans le palais du roi, qui ayant le bonheur d’entrer dans son sanctuaire et de participer aux saints mystères, sommes pires que les gentils, qui n’ont reçu aucun de ces avantages ? Si les gentils par vaine gloire ont montré tant de philosophie, à combien plus forte raison est-il juste que nous nous exercions à toutes sortes de vertus, uniquement parce que cela est agréable à Dieu. Nous, nous ne méprisons même pas les richesses, mais eux, ils sont allés souvent jusqu’à mépriser leur vie ; dans la guerre, ils ont sacrifié leurs enfants à la folie des démons (2Ro 3,27) ; et pour les démons, ils ont méprisé leur propre nature. Nous, au contraire, pour Jésus-Christ, nous ne méprisons pas même l’argent ; pour plaire à Dieu, nous n’apaisons pas notre colère ; au contraire, nous nous y abandonnons, et nous ne différons en rien de ceux qui ont la fièvre. De même que ceux qui sont attaqués de cette maladie, sont tout bouillants et pleins de feu ; nous aussi, comme si un feu violent nous dévorait, nous ne mettons jamais de fin à notre cupidité, nous attisons nous-mêmes le feu de notre colère et de notre avarice. C’est pourquoi je rougis et je suis interdit, lorsque je vois que, parmi les gentils, il y a des gens qui méprisent les richesses, et que parmi nous, tous en sont épris jusqu’au délire. Et s’il se trouve quelqu’un parmi vous qui les méprise, il est possédé d’autres vices de la colère ou de l’envie ; c’est une chose très rare et très-difficile de trouver une véritable philosophie, une vertu bien épurée. Voici quelle en est la cause : nous ne nous attachons pas à chercher des remèdes dans les saintes Écritures, nous ne les lisons pas avec un esprit de componction, avec douleur, avec gémissement ; nous les lisons en passant et par manière d’acquit ; nous les lisons, si par hasard il nous reste un moment de loisir. C’est pourquoi un torrent d’affaires inondant tout, emporte le peu de fruit que nous avons ou recueillir. Si celui qui a reçu une blessure, et y applique des remèdes, ne bande point sa plaie avec soin ; si, laissant tomber l’appareil, il expose sa blessure à l’eau, à la poussière, au feu, et à une infinité d’autres influences délétères, sûrement il ne la guérira point ; et cela, non par l’impuissance du remède, mais par sa pure négligence. Voilà ce qui nous arrive aussi, lorsque, ne donnant que peu de temps, et qu’une légère attention aux divins oracles, nous nous livrons entièrement aux choses de ce monde. Ce sont en effet les sollicitudes de ce siècle qui étouffent la semence, et qui sont cause que nous ne recueillons aucun fruit de notre lecture. De crainte donc qu’il ne nous arrive un semblable malheur, ne lisons pas légèrement les saintes Écritures. Levons les yeux au ciel, et abaissons-les ensuite, pour regarder les sépulcres et les tombeaux des morts. Un même sort nous attend, nous mourrons comme eux et peut-être avant le soir. Préparons-nous donc à ce voyage, nous avons besoin de grandes provisions ; dans ce pays-là il y a de grands feux, de grandes chaleurs, une vaste solitude ; nous n’y trouverons ni hôtellerie, ni marché, il faut tout apporter d’ici. Écoutez ce que disent les vierges sages : « Allez à ceux qui vendent » (Mat 25,9), et les vierges folles y ayant été, ne trouvent rien. Écoutez ce que dit Abraham : « Il y a pour jamais un grand abîme entre nous et vous ». (Luc 16,26) Écoutez ce qu’Ézéchiel raconte de ce jour : « Noé, Job, et Daniel ne délivreront ni leurs fils, ni leurs filles ▼▼Dieu veut marquer par là qu’il traitera chacun selon ses œuvres.
». (Eze 14,14) Mais à Dieu ne plaise que nous nous entendions dire de semblables paroles ! fasse plutôt le ciel, qu’ayant fait les provisions nécessaires pour la vie éternelle, nous comparaissions sans crainte devant Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, la gloire ; l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il. HOMÉLIE LXXXV.
ALORS DONC PILATE LE LEUR ABANDONNA POUR ÊTRE CRUCIFIÉ. – AINSI ILS PRIRENT JÉSUS, ET L’EMMENÈRENT. – ET PORTANT SA CROIX, IL VINT AU LIEU APPELÉ DU CALVAIRE, QUI SE NOMME EN HÉBREU GOLGOTHA : OU ILS LE CRUCIFIÈRENT. (VERS. 16, 17, 18, JUSQU’AU VERS. 9 DU CHAP. XIX)ANALYSE.
- 1. Jésus est crucifié entre deux voleurs. – À quoi devait servir l’inscription de la croix de Jésus-Christ.
- 2. Tunique de Jésus-Christ sans couture. – Pourquoi Jésus-Christ recommande sa mère à son disciple.
- 3. La mort de Jésus-Christ n’est point une honte, mais une gloire.
- 4. Ardent amour de Marie-Madeleine.
- 5. Saint Chrysostome condamne le faste et la pompe des funérailles et la dépense qu’on y fait. – Description de ces sortes d’excès. – On expose les morts à demeurer nus sur la terre et sans sépulture. – Ne point mêler les choses saintes avec les choses profanes. – Ceux qui ont répandu de riches parfums sur le corps de Jésus-Christ n’avaient point encore de connaissance de la résurrection. – Jésus-Christ n’a point dit : Vous ne m’avez point enseveli, mais : Vous ne m’avez point donné à manger, etc. Rendre aux morts les derniers devoirs, et prescrire le faste et les dépenses superflues. – Faux et vrais témoignages de compassion pour les morts : les aumônes leur sont utiles et profitables. – Le superflu défendu aux vivants, à plus forte raison à l’égard des morts. – Dans le deuil et dans les funérailles, se conduire par la raison, c’est ce qui attire des louanges et des couronnes. —- Vertu, puissance de Jésus-Christ crucifié, d’avoir persuadé à ceux qui meurent que la mort n’est point une mort. – Troupe de pleureuses aux enterrements. – Ensevelir les morts de manière que cela tourne à la gloire de Dieu : répandre pour eux de grandes aumônes. – Mettre Jésus-Christ au nombre de ses héritiers, c’est se faire à soi et à eux une grande protection. – Une âme qui sort de ce monde nue et destituée de la vertu, est plus déshonorée que le corps qu’on a laissé sans sépulture et qu’on a jeté par terre.
▼Sur ces paroles de Jésus-Christ : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? Marcion, les Montanistes, les Manichéens, les Valentiniens, et leurs sectateurs, soutenaient que la sainte Vierge n’était pas la mère de Jésus-Christ, et qu’il ne s’était pas véritablement incarné ; mais que tout ne s’était fait qu’en apparence, etc.
: S’il n’était pas né de Marie selon la chair, si elle n’était pas sa mère, pourquoi a-t-il eu un si grand soin d’elle seule « Après cela, Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies (28) » ; C’est-à-dire, qu’il ne manquait rien à la dispensation de l’Incarnation, le Sauveur prenait grand soin de faire connaître, par tout ce qu’il faisait et ce qu’il disait, que sa mort était une mort tonte nouvelle. En effet, celui qui mourait tenait tout en son pouvoir, et la mort n’est advenue à son corps que lorsqu’il l’a voulu ; or, il l’a voulu, lorsqu’il a accompli toutes choses. C’est pour cela qu’il avait dit : « J’ai le pouvoir de quitter la vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre » (Jn 10,18) « Jésus, sachant donc que toutes choses étaient accomplies, dit : J’ai soif ». En quoi il accomplit encore une prophétie. Pour vous, considérez, je vous prie, mes frères, la barbarie et la scélératesse de ceux qui sont autour de Jésus. Nous, quelque grand nombre d’ennemis que nous ayons, quelques outrages et quelques maux qu’ils nous aient fait subir, si nous voyons qu’on les fasse mourir, nous les plaignons et nous les pleurons ; mais ces misérables, rien n’a pu les fléchir : les douleurs, les tourments qu’endure Jésus ne les ont point attendris ; au contraire, toujours plus cruels, plus furieux, ils inventent de nouvelles moqueries, ils emplissent une éponge de vinaigre et la lui présentent à la bouche ; ils lui donnent à boire, comme on le faisait pour ceux qui étaient condamnés à mort, car c’est pour cela qu’ils lui présentent ce bâton d’hysope. « Jésus ayant donc pris le vinaigre, dit : « Tout est accompli ». Vous le voyez, mes frères, Jésus, sans se troubler, sans s’émouvoir, fait tout avec autorité, ce qui suit le montre évidemment : « Car toutes choses étant accomplies, baissant la tête » (car il n’y avait point de clous qui la retinssent), « il rendit l’esprit », c’est-à-dire, il expira. Cependant, ce n’est pas après qu’on a baissé la tête qu’on expire ; mais ici, c’est tout le contraire : Jésus n’a pas baissé la tête après avoir expiré, comme cela se voit généralement ; mais après avoir baissé la tête, il a expiré. Par toutes ces circonstances, l’évangéliste montre que ce crucifié était le Seigneur et le Maître de l’univers. 3. Mais les Juifs qui filtraient un moucheron et qui avalaient un chameau (Mat 23,24), ces Juifs qui n’ont pas craint de commettre un sacrilège si énorme, sont inquiets sur la fête, et se consultent sur ce qu’ils feront, pour n’en pas violer la sainteté. « Or, de peur que les corps ne demeurassent à la croix le jour du sabbat, parce que c’en était la veille et la préparation, les Juifs prièrent Pilate qu’on leur rompit les jambes (31) ». Remarquez-vous combien la vérité est forte et puissante ? Le soin et la précaution des Juifs servent à l’accomplissement de la prophétie, et une autre prédiction s’accomplit aussi. « Car il vint des soldats qui rompirent les jambes des autres (32) », mais celles de Jésus, ils ne les rompirent pas (33). Cependant ces mêmes soldats, par complaisance pour les Juifs, ouvrirent son côté avec une lance (34), et ne craignirent point d’outrager jusqu’à son cadavre. O action infâme et exécrable ! Mais, mes chers frères, ne vous troublez point, ne vous abattez point. Ce que viennent de faire les Juifs, par une mauvaise intention et une horrible méchanceté, établit et confirme la vérité de la prophétie, qui disait : « Ils verront celui qu’ils ont percé (37, et Zac 12,10) ». Et cette action impie a servi non seulement à l’accomplissement de la prophétie, mais encore à prouver dans la suite aux incrédules, comme à Thomas et à d’autres, la vérité du crucifiement et de la résurrection de Jésus. De plus encore, par là s’accomplit un grand et ineffable mystère : car « il en sortit du sang et de l’eau (34) ». Ce n’est point sans sujet ou par hasard que ces deux sources ont coulé de l’ouverture du sacré côté du Sauveur : c’est d’elles que l’Église a été formée. Ceux qui sont initiés, ceux qui ont reçu le saint baptême, entendent bien ce que je dis : eux qui ont été régénérés par l’eau, et qui sont nourris de ce sang et de cette chair. C’est de cette heureuse et féconde source que coulent nos mystères et nos sacrements, afin que, lorsque vous approcherez de notre redoutable coupe, vous y veniez de même que si vous deviez boire à ce sacré flanc. Zac 12,10) ». Et cette action impie a servi non seulement à l’accomplissement de la prophétie, mais encore à prouver dans la suite aux incrédules, comme à Thomas et à d’autres, la vérité du crucifiement et de la résurrection de Jésus. De plus encore, par là s’accomplit un grand et ineffable mystère : car « il en sortit du sang et de l’eau (34) ». Ce n’est point sans sujet ou par hasard que ces deux sources ont coulé de l’ouverture du sacré côté du Sauveur : c’est d’elles que l’Église a été formée. Ceux qui sont initiés, ceux qui ont reçu le saint baptême, entendent bien ce que je dis : eux qui ont été régénérés par l’eau, et qui sont nourris de ce sang et de cette chair. C’est de cette heureuse et féconde source que coulent nos mystères et nos sacrements, afin que, lorsque vous approcherez de notre redoutable coupe, vous y veniez de même que si vous deviez boire à ce sacré flanc. « Celui qui l’a vu en rend témoignage, et a son témoignage est véritable (35) ». C’est-à-dire, je ne l’ai pas appris des autres, mais je l’ai vu de mes yeux, étant présent, et mon témoignage est véritable. Rien de plus juste : ce disciple raconte l’outrage qu’on a fait à son Maître ; il ne vous rapporte pas quelque chose de grand et d’admirable que vous puissiez révoquer en doute et soupçonner de faux ; mais, considérant le trésor que renferment et produisent ces sources, il fait en détail le récit de ce qui s’est passé : par où il ferme la bouche aux hérétiques ; il prédit et annonce les mystères qui doivent s’opérer dans la suite. De même, cette prophétie : « Ils ne briseront aucun de ses os (36 ; Exo 12,46) », a trouvé son accomplissement. Car, quoique cela ait été dit de l’agneau de la pâque des Juifs, ce n’était là pourtant qu’une figure destinée à précéder la vérité, à la prédire, et qui a eu son parfait accomplissement en Jésus-Christ : c’est pourquoi l’évangéliste cite la prophétie. Dans la crainte que s’il s’était donné partout pour témoin, il n’eût pas paru digne de foi, il apporte le témoignage de Moïse, pour insinuer que cela ne s’est point fait par hasard, mais que longtemps auparavant il avait été prédit dans l’Écriture, où il est dit : « Vous ne briserez aucun de ses os ». Et en même temps il donne une autorité nouvelle à la parole du prophète : j’ai rapporté ces choses, dit-il, pour vous apprendre et vous faire connaître qu’il y a un grand rapport et une grande liaison entre la figure et la vérité. Ne voyez-vous pas, mes frères, quelles mesures, quelles précautions prend ici l’évangéliste, pour faire croire ce qui paraît honteux et ignominieux ? Car, qu’un soldat eût fait un outrage à ce corps, c’était quelque chose de pire et de beaucoup plus infamant que de l’avoir attaché à une croix ; et néanmoins, je l’ai rapporté, et avec beaucoup de soin, « afin que vous le croyiez ». Que personne donc ne refuse de le croire ; que la honte ne pousse personne à rejeter ce témoignage, au détriment de notre cause. Car ce qui paraît le plus honteux et le plus ignominieux, est ce qui nous élève à une plus grande gloire, et la, source de tous les biens que nous recevons. « Après cela vint Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus (33) ». Non des douze, mais peut-être des soixante-dix. Ces disciples, croyant que la croix avait apaisé la haine et la colère des Juifs, furent librement demander le corps à Pilate, et eurent soin de l’ensevelir. Joseph fut donc trouver Pilate ; il le pria de lui permettre d’enlever le corps de Jésus, et Pilate lui accorda cette grâce ; pourquoi la lui aurait-il refusée ? Alors Nicodème se joignit à Joseph d’Arimathie, et l’aida à détacher et à porter le corps, et ils l’ensevelirent avec magnificence. Car ils ne voyaient encore en Jésus-Christ rien autre chose qu’un homme. Ils mirent le corps dans des linceuls avec des aromates des plus forts et des plus précieux, tels qu’ils pouvaient sûrement le conserver longtemps, et l’empêcher de se corrompre aussitôt ; en quoi ils montraient bien qu’ils n’avaient pas de lui cette haute opinion qu’ils en devaient avoir ; mais, néanmoins, ils lui donnaient des marques d’un grand amour. Mais pourquoi aucun des douze ne fut-il à cette sépulture, ni Jean ni Pierre, ni aucun autre des plus remarquables ? Le disciple qui a écrit cette histoire ne le cache point. Si l’on dit que c’est par crainte des Juifs, on répondra que ceux-ci les craignaient aussi : l’évangéliste rapporte de Joseph qu’il était disciple de Jésus, mais en secret, parce qu’il craignait les Juifs. Et l’on ne saurait dire qu’il agit de la sorte par mépris pour les Juifs, puisque nous voyons au contraire qu’il ne vint pas sans crainte. Mais Jean lui-même, qui s’était tenu debout auprès de la croix de son Maître, et qui l’avait vu expirer, ne parut point et ne fit rien de semblable : que faut-il donc dire ? 11 me semble que Joseph était des plus qualifiés et des plus illustres d’entre les Juifs, comme il y paraît par la dépense qu’il fit pour ces funérailles : qu’il était connu de Pilate, et que c’est pour cela qu’il obtint le corps et qu’il l’ensevelit, non comme un condamné, mais comme les Juifs avaient coutume d’ensevelir un grand et une personne de considération. 4. Et comme le temps les pressait (Jésus étant mort vers la neuvième heure ▼▼C’est-à-dire, sur les trois heures après midi.
), Joseph ensuite ayant été chez Pilate, de là lui et Nicodème étant allés détacher et prendre le corps, il y a toute apparence que le soir approchait ; et alors, la fête commençant, il n’était point permis de travailler : comme donc le temps les pressait, ils déposèrent le corps dans le tombeau le plus proche. Et il arriva, par une disposition de la divine Providence, que ce corps fut déposé dans un sépulcre tout neuf, où personne n’avait encore été mis, afin qu’on ne crût pas que c’était un autre mort enseveli avec lui qui était ressuscité : et afin que les disciples pussent facilement y aller et assister à l’événement, ce lieu étant proche de la ville : et encore, afin que non seulement les disciples de Jésus, mais aussi ses ennemis fussent témoins de sa résurrection. En effet ; la précaution qu’avaient prise les Juifs de s’assurer du sépulcre, d’en sceller la pierre et d’y mettre des soldats pour le garder (Mat 27,66), était un témoignage bien sûr que Jésus y était enseveli. Jésus-Christ n’eut pas moins de soin que sa sépulture fût publiquement reconnue que sa résurrection. Les disciples aussi s’attachent fortement à établir et à confirmer cette vérité, que Jésus était véritablement mort ; car, dans la suite des temps la résurrection devait être suffisamment prouvée. Mais si l’on eût pu répandre des doutes et des ténèbres sur la mort, et même si elle n’eût été tout à fait certaine et évidente, les preuves de la résurrection auraient été obscurcies. Ce n’est donc pas pour ces raisons seulement que le corps fut enseveli dans ce lieu voisin de la ville, mais encore afin que le bruit, que les disciples l’avaient furtivement enlevé, se montrât absolument faux.
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