‏ Psalms 147

EXPLICATION DU PSAUME CXLVI.

1. « LOUEZ LE SEIGNEUR, PARCE QU’IL EST BON DE LE LOUER. »

ANALYSE.

  • 1. C’est le propre de Dieu de consoler ceux qui sont dans l’affliction.
  • 2. Que la providence de Dieu est immense comme lui.

1. Plus haut, dans le psaume cent quarante-quatre, le Psalmiste dit : « Le Seigneur est grand et infiniment digne de louanges (Psa 145,3) », et il s’étend sur sa gloire. Ici, maintenant, il montre que c’est un bien même de le louer et que la louange produit des biens sans nombre. En effet, elle éloigne la pensée de la terre, elle redresse l’âme et l’élève, elle rend l’âme moins pesante, elle transporte l’esprit dans le ciel. Aussi Paul disait : « Chantant et psalmodiant du fond de vos cœurs à la gloire du Seigneur. » (Eph 5,19) « Que la louange que l’on donne à notre Dieu, lui soit agréable ! » Un autre texte : « Alleluia ! car c’est un bien que le chant qui s’élève à Dieu. » Que signifie : « Que la louange que l’on donne à notre Dieu, lui soit agréable ? » Cela veut dire, qu’elle soit acceptée de lui. En effet, il ne suffit pas de chanter pour que la louange soit agréable à Dieu, il faut joindre aux chants la conduite, la prière, l’attention de l’esprit. Pour moi, je crois que ce psaume a pour sujet le retour des Juifs. Le Psalmiste le montre par ce qu’il ajoute en disant : « C’est le Seigneur qui bâtit Jérusalem et qui ressemblera tous les enfants d’Israël qui sont dispersés (2). » En effet, quoique ce soit Cyrus qui les ait renvoyés, ce n’est pas la volonté de Cyrus, c’est le pouvoir de Dieu qui seul a tout fait. Un autre interprète, au lieu de : « Qui bâtit », dit : « Qui bâtira. » Quant à : « Tous les enfants d’Israël qui sont dispersés », il remplace cette expression par « Expulsés. » Pourquoi ? C’est que tous n’ont pas été ramenés en même temps, mais, après le retour, peu à peu ils ont été réunis.

« Qui guérit ceux dont le cœur est brisé « et qui bande leurs plaies (3). » Un autre « texte : Leurs fractures. » Il ne fonde pas sa confiance sur sa conduite ; il parle encore de son malheur, et il rappelle la conduite ordinaire de Dieu. C’est en effet l’œuvre de Dieu, de consoler ceux qui sont abattus. De même, quand Paul disait : « Qui vivifie les morts ; » et encore : « Qui appelle ce qui n’est point, comme ce qui est (Rom 4,47) », il racontait l’œuvre ordinaire du Seigneur. De même ici encore : « Qui guérit ceux dont le cœur est brisé », c’est pour montrer que, quelle que soit notre indignité, nous sommes l’ouvrage de Dieu, qui n’abandonnera pas ce qu’il a fait ; Dieu ne se départira pas de son habitude. C’est encore ainsi que Paul disait : « Mais Celui qui console les humbles, nous a consolés. » (2Co 7,6) Autre texte : « Celui qui donne la patience à ceux qui ont l’esprit humble. » (Isa 57,15) Mais voyez le Psalmiste lui-même dans un autre passage : « Dieu ne méprisera pas un cœur contrit et humilié. » (Psa 51,19) Si vous voulez être consolés, rendez-vous humbles, faites-vous un cœur contrit. Donc il est question jusqu’ici de la volonté de Dieu, de sa bonté et de sa clémence ; il est bien entendu que c’est son œuvre propre que de consoler les malheureux. Pour ce qui suit, il s’agit de la puissance : « Qui compte les multitudes des étoiles (4) », c’est-à-dire qui les connaît. En effet, comme il s’agissait d’une multitude dispersée, et qui alors n’apparaissait nulle part, il était convenable de produire cet exemple pour montrer que Dieu peut rassembler, même ce qui est le plus dispersé. Il redresse, il console les cœurs contrits et il connaît exactement les multitudes innombrables des astres. Donc nous aussi, qui devons, selon ses promesses, égaler les astres en nombre, il nous ramènera tous. « Qui les appelle toutes par leurs noms. » Un autre texte « Appelant tous par leurs noms. » Un autre, texte : « Il les appellera, eux tous, par leurs noms. » Je pense que ceci s’applique aux Israélites, et que le Prophète exprime la même pensée qu’Isaïe plus tard : « Ne craignez point, Israël, je vous ai appelé des extrémités de la terre, et j’ai dit : Vous êtes mon fils. » (Isa 41,9) Que signifie, « Il les appellera eux tous par leurs noms ? » Aucun d’eux, dit-il, ne périra ; comme ceux qui appellent en prononçant les noms, ainsi fera Dieu, qui les ramènera tous. « Notre Seigneur est vraiment grand, et sa vertu est grande (5). » Comme il vient d’énoncer une très-grande merveille, que Dieu réunira tant de milliers d’hommes dispersés par toute la terre, il parle ensuite de sa puissance, afin d’amener à la foi les Juifs profondément troublés. « Et sa sagesse n’a point de bornes. » Ne demandez pas comment, ni par quel moyen, car sa grandeur est infinie. Voilà pourquoi le Psalmiste dit ailleurs : « Et sa grandeur n’a point de bornes. » (Psa 145,3) mais de même que sa grandeur est infinie, ainsi encore sa sagesse. Et voilà pourquoi, après avoir dit : « Notre Seigneur est grand », il ajoute, « et sa sagesse n’a point de bornes », bien plus sa science est admirable. Voilà pourquoi il disait : « Votre science est élevée d’une manière merveilleuse au-dessus de moi, elle me surpasse infiniment et je ne pourrai jamais y atteindre. » (Psa 139,6) Et maintenant ses jugements ne peuvent être scrutés, voilà pourquoi il disait : « Vos jugements sont un abîme très-profond. » (Psa 36,7)

2. Donc, puisque telle est sa grandeur, sa puissance, sa sagesse, bannissez l’indiscrétion qui demande comment cela arrivera-t-il. « Le Seigneur prend dans ses bras ceux qui sont doux, mais il abaisse les pécheurs jusqu’en terre (6). » Les insensés auraient pu dire Que nous importe sa connaissance parfaite de tous les astres ? C’est pour les prévenir que le Psalmiste ajoute donc le soin que Dieu prend des hommes. Et maintenant, il ne dit pas : le Seigneur porte secours à ceux qui sont doux, mais, ce qui est bien plus expressif : « Prend dans ses bras », comme s’il parlait d’un bon père. Que signifie maintenant : « Prend dans ses bras ? » ranime, porte, transporte. Voyez-vous encore ici la plénitude de sa puissance, qui s’exerce de deux manières, c’est-à-dire qui élève les humbles, et qui abaisse les arrogants ? et non seulement il les abaisse, mais il les abaisse profondément, ce que marque cette expression, « jusqu’en terre. » « Chantez les louanges du Seigneur en le confessant (7). » Autre texte : « Énumérez. » Donc, après avoir dit les merveilles de Dieu, il invite de nouveau à le célébrer. « Chantez les louanges du Seigneur, en le confessant », c’est-à-dire, en lui rendant des actions de grâce avec un grand zèle. « Publiez avec la harpe la gloire de notre Dieu. » Un autre texte : « Avec la lyre. C’est lui qui couvre le ciel de nuées et qui prépare la pluie pour la terre (8) », De peur qu’un être dépourvu de sentiment n’aille dire ici : Et que me font à moi les choses célestes ? le Psalmiste s’est empressé d’ajouter ce qui concerne les besoins de l’homme ; il montre tout de suite pourquoi Dieu couvre le ciel de nuées. C’est pour toi, dit-il, pour te préparer la pluie ; et la pluie c’est pour toi, pour faire pousser les herbes à ton usage. Et maintenant, voyez la sagesse du Psalmiste ! Il a dit les biens accordés à tous en général et dont l’abondance est faite pour fermer la bouche à l’impie. Car si telle est la munificence de Dieu pour les infidèles, s’il rassemble pour eux les nuées, s’il verse la pluie, s’il active la fertilité de la terre ; à bien plus forte raison fera-t-il de même pour vous qui vous appelez son peuple.

« Qui produit l’herbe sur les montagnes. » Voyez la grandeur de la Providence ! Ce n’est pas seulement dans les terres labourées, mais sur les montagnes, que la table est richement servie pour les bêtes de somme, qui ont été créées, afin de nous servir. Et le Psalmiste ajoute : « Qui donne aux bêtes la nourriture qui leur est propre et nourrit les petits des corbeaux qui invoquent son secours (9). » Il exprime ici un autre caractère de cette munificence, qui ne nourrit pas seulement les bêtes de somme au service de l’homme, mais de plus les autres animaux. « Les petits des corbeaux », dit-il, « qui invoquent son secours. » Eh bien ! si les bêtes, les bêtes sauvages, celles qui rendent le moins de services à l’homme, sont l’objet d’une si grande providence, à combien plus forte raison, cette providence s’occupera-t-elle des hommes, des hommes qui la célèbrent par des hymnes et des cantiques de louanges ! Ajoutez encore des hommes que Dieu a appelés son peuple particulier et sa portion. Ce n’est pas tout, les Israélites étaient faibles, sans armes, dépouillés de tout ; pour prévenir le trouble de leurs esprits, voyez le Psalmiste, quel soin il prend de corriger leur faiblesse ; écoutez ses paroles : « Il n’aime point qu’on se fie à la force du cheval, ni que l’homme s’assure sur la force de ses jambes. Le Seigneur met son plaisir en ceux qui le craignent et en ceux qui espèrent en sa miséricorde (10, 11). » Un autre texte : « Qui attendent sa miséricorde. » Si telles sont, dit-il, vos dispositions, la crainte, la parfaite espérance en lui, vous vous attirerez sa bienveillance, et, quand vous l’aurez conquise, vous serez plus forts que tous ceux qui ont des chevaux et des armes. On ne demande donc de vous qu’une seule chose. Ne vous plaignez pas, ne vous troublez pas, mais attendez sa miséricorde. Car voilà surtout ce qui constitue l’espérance, attendre ce qu’on ne reçoit pas aussitôt, attendre avec confiance sans jamais se décourager. Et le Psalmiste a raison de dire : « En sa miséricorde », car les Israélites ne pouvaient pas se fier en leurs couvres ; et pourtant, dit-il, quoique les événements nous aient trahis, espérez en sa miséricorde, vous obtiendrez les effets de sa providence et son secours. Puissions-nous tous les ressentir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

EXPLICATION DU PSAUME CXLVII.

1. « JÉRUSALEM, LOUE LE SEIGNEUR ; SION, LOUE TON DIEU. »

ANALYSE.

  • 1. Dieu ne protège pas seulement son peuple, c’est encore lui qui le nourrit. C’est ce que signifie : Et adipe frumenti satiat te. Sa Providence s’étend sur toute la nature : Velociter currit sermo ejus.
  • 2. Dieu, qui a fait tout, transforme tout.
  • 3. Les hommes n’ont jamais été sans loi ; avant que la loi positive leur eût été donnée, ils avaient la loi naturelle, selon laquelle seront uniquement jugés ceux qui n’en ont pas connu d’autre.
  • 4. Le présent psaume peut aussi s’interpréter anagogiquement, et dès lors la Jérusalem que Dieu protège, c’est l’Église, qui, toujours combattue, grandit toujours et grandira jusqu’à la fin des temps.

1. Ce n’est pas à la ville, c’est aux habitants qu’il s’adresse, et ce qu’il fait dans tous les psaumes, il le fait encore ici ; il ne se lasse pas de les exhorter, de les porter par ses conseils à offrir à Dieu, pour les bienfaits qu’ils en ont reçus, leurs actions de grâces ; à mettre leur confiance, non dans leurs édifices, non dans la solidité de leurs remparts, mais dans sa providence. Une fois ce point établi, il ajoute : « Car il a fortifié les serrures de tes portes, et il a béni tes enfants, au milieu de toi (2). » Que signifie, « Il a fortifié les serrures ? » c’est-à-dire, il t’a mise en sûreté, il t’a rendue inexpugnable. « Il a béni tes enfants ; » c’est-à-dire il l’a fait grandir, de manière à devenir une multitude. Distinguons ce bienfait, de cet autre bienfait : « Au milieu de toi ; » ce qui veut dire, il n’a pas béni des enfants dispersés, séparés les uns des autres, mais il les a réunis, et, au milieu de toi, il en a augmenté le nombre. Le Psalmiste donne ensuite une autre preuve de la Providence : « Il établit la paix sur tes frontières (3). » En effet, on peut être en sûreté, on peut être un grand peuple, et cependant souffrir de la guerre ; mais le Psalmiste montre que les Israélites sont aussi à l’abri de ce malheur. Et non seulement leur cité n’a pas à craindre les attaques de l’ennemi, mais leurs frontières mêmes sont en sûreté. Voyez-vous que de bienfaits il énumère ! Le premier bienfait, sans contredit, le plus grand de tous, c’est ce qu’il exprime ainsi : « Ton Dieu. » Ce mot seul révèle tous les bienfaits du Seigneur. Dieu a fait de toi son ami, son héritier ; le Seigneur commun de tous les êtres, est particulièrement ton Seigneur, à toi ; ce qui est certes la source de tous les biens ; second bienfait : il a mis la ville en sûreté ; troisième bienfait : il a multiplié le peuple ; quatrième bienfait : il a mis à l’abri, et des guerres et des tumultes, non seulement la ville, mais la nation tout entière. Et cela, il ne l’a pas fait une fois, deux fois, trois fois, mais il l’a fait sans interruption. Car, le Psalmiste ne dit pas, il a établi, mais, « Il établit. » Si parfois des guerres sont survenues, ce n’est pas que Dieu les abandonnât, mais c’est qu’eux-mêmes se séparaient de lui ; car, son occupation non interrompue, c’est de fortifier son peuple, de le mettre en sûreté, à l’abri, affranchi de toute guerre et de tout tumulte.

Le Psalmiste ajoute encore un autre bienfait : La grande fertilité de l’année, l’abondance des fruits ; il veut encore leur montrer que celte abondance ne doit être attribuée ni à la terre, ni à l’air, mais à la providence de Dieu. Comment s’exerce cette providence ? Il le dit aussitôt : « Il te rassasie du meilleur froment. » Voyez : il ne dit pas seulement, de froment, mais : « Du meilleur froment », pour montrer combien est grande la prospérité. « Le meilleur froment » signifie, ce qu’il y a, dans le fruit, de plus délicat et de plus nourrissant ; tels sont en effet les dons de Dieu, fortifiants et délicats. Donc, Dieu répand sur eux, de la manière la plus magnifique, le meilleur froment ; pour montrer cette magnificence, le Psalmiste ne dit pas, il te donne, mais : « Il te rassasie. Il envoie sa parole à la terre (4). » L’habitude du Psalmiste est de passer du particulier au général, et de revenir du général au particulier ; ce qu’il fait encore ici. Car, à propos de cette parole. « Loue ton Dieu », un insensé aurait pu croire que ce Dieu était seulement le Dieu des Juifs ; le Psalmiste montre comment c’est le Dieu de la terre entière ; comment sa providence s’étend sur tout l’univers, et il laisse le particulier pour ce qui s’applique à tout, pour la providence étendue sur tous en général. Aussi, après avoir dit : « Il envoie sa parole à la terre », le Palmiste ajoute, « Et cette parole court avec vitesse. » Ce qu’il dit, c’est pour montrer que Dieu s’inquiète non seulement de notre pays, mais de la terre entière. Quant au mot « parole », il signifie l’ordre, l’opération par laquelle Dieu pourvoit. Et maintenant pour montrer la facilité, la promptitude de l’action divine, le mot parole ne suffisant pas, l’auteur dit que la parole court, et ce n’est pas encore assez pour lui ; aussitôt il ajoute, avec vitesse. Ce qui revient à dire : Quel que soit l’ordre de Dieu, il s’accomplit avec la plus grande rapidité. C’est à la terre entière qu’il commande, et maintenant, que commande-t-il ? ce qui est nécessaire, pour que nous puissions vivre ; ce qui se rapporte à la nature de l’air, aux changements et aux vicissitudes des saisons, et voilà pourquoi le texte ajoute : « Il envoie la neige, comme de la laine ; la gelée blanche, comme de la cendre (5). » Un autre texte : « Le givre ; » l’hébreu porte « chephor » qui veut dire, pluie fine ou brouillard, et « choepher » qui veut dire rosée condensée. « Il envoie sa glace, divisée en une infinité de parties. « Qui pourra soutenir la rigueur de son froid (6) ? » Un autre texte : « Qui pourra soutenir sa chaleur ? Il enverra sa parole et il fera fondre toutes ces glaces ; son esprit soufflera et les eaux couleront (7). » Il s’agit de cette puissance infinie qui produit ce qui n’est pas ; transforme les créatures, et les façonne comme il lui plaît.

2. C’est ce qu’exprimait aussi un autre prophète, en disant : « Qui fait toutes choses, et les transforme. » (Amo 5,8) La nature a des bornes invariables ; cependant quand Dieu commande, ces bornes disparaissent. Toutes choses en effet se plient à sa volonté. Quelquefois il change les substances ; d’autres fois, les substances persistent, mais il les fait servir à d’autres fins. Il laisse sommeiller en elles la vertu qui leur est propre, et il leur donne une vertu contraire ; ce qu’il a fait à propos de la fournaise. II y avait là du feu qui ne brûlait pas, et ceux qui étaient jetés dans la fournaise, y sentaient la rosée la plus agréable. Les Juifs traversaient la mer, et les flots ne les engloutissaient pas, et le peuple trouvait un sol plus résistant que la pierre. Dathan et Abiron sentaient bien la terre sous leurs pieds ; cette terre toutefois ne les supporta pas, et les engloutit plus vite que la mer. La verge d’Aaron était du bois sec, et elle porta un plus beau fruit que les arbres plantés en pleine terre. L’ânesse de Balaam était, de tous les animaux, le plus stupide, et cependant, frappée par Balaain, elle se défendit aussi bien que l’homme le plus sage. Quand Daniel fut jeté dans la fosse, il y avait des lions, qui montrèrent la douceur des brebis ; leur nature ne fut pas détruite, mais leurs œuvres furent changées. On peut voir bien d’autres merveilles, même dans les êtres inanimés. Ces prodiges, qui se répètent chaque année, qui tombent sous nos yeux, ne sont pas pour cela moins dignes d’admiration. Considérez, en effet, ce prodige de la neige qui bientôt devient de l’eau, et subit, en si peu d’instants, de si grandes transformations. Il ne faut pas perdre le sens des choses au point d’attribuer ces changements à l’action naturelle des éléments, au point de les considérer comme s’ils en étaient uniquement les causes. Voilà pourquoi le Psalmiste montre ici avec tant de soin quel est Celui qui commande, et la puissance de son commandement. « Il enverra sa parole et il fera fondre toutes ces glaces. » Sa parole, veut dire son ordre ; ce n’est pas la force des vents qui opère ces effets, mais Dieu, Dieu qui a fait les vents. Et maintenant si le Psalmiste a parlé des éléments, des changements qui s’accomplissent dans les éléments, c’est pour faire comprendre aux Juifs, épais et stupides, la puissance de Dieu ; il la leur fait voir par les œuvres qui se répètent chaque année ; il leur montre qu’il est facile à Dieu de faire, des choses, ce qui lui plaît ; de changer les contraires en leurs contraires. De même, en effet, que si la tempête, que si le froid glacial est insupportable, il est facile à Dieu de ramener la sérénité qui fond toutes les glaces ; de même, quand les Juifs étaient emmenés en servitude, tourmentés par leurs ennemis, il lui était facile de leur rendre la paix, leur patrie, leur première prospérité. Le Psalmiste ne se contente pas de ces pensées ; il en est une autre qu’il insinue ; quelle est-elle ? De même que ces intempéries, quoique incommodes, ont souvent leur utilité ; de même les malheurs qui frappèrent les Juifs, leur furent utiles, et eurent pour eux de grands avantages. Toutefois, pour ne pas les fatiguer, le Psalmiste leur parle d’un changement plus agréable. Mais que signifient ces exemples ? Il ne dit pas seulement, « Il envoie la neige », mais il ajoute, « Comme de la laine ; » ni, « la gelée blanche », mais il ajoute, « Comme de la cendre ; » ni, « Il envoie sa glace », mais il ajoute, « Divisée en une infinité de parties. » Il me semble avoir voulu signifier, par là, combien tout est facile pour Dieu, et se fait vite. « Il annonce sa parole à Jacob (8). » Autre texte : « Ses statuts ; » autre texte : « Ses ordres. Ses jugements et ses ordonnances à Israël ; il n’a point traité de la sorte toutes les autres nations ; » un autre texte ; « Semblablement. Et il ne leur a point manifesté ses jugements. » Voyez comme, ici encore, il passe du général au particulier, à ce qui était le plus important chez les Juifs, parce qu’il veut ranimer leur ardeur. Au commencement du psaume, il a parlé des choses sensibles, utiles au corps, de la sûreté, de la fertilité de l’année, de la paix ; mais ici maintenant il élève son discours à de plus hautes pensées ; il leur parle de la loi qui leur a été donnée, ce qui est le plus grand bienfait, pour les écarter du vice, les conduire à la vertu, éclairer leur âme. Aussi Moïse, reprenant cette pensée en tout sens, disait : « Quel peuple est semblable à ce peuple ? Quelle grande nation a un Dieu aussi près d’elle, comme le Seigneur notre Dieu est près de nous, présent à toutes nos prières ? » (Deu 4,7) Et David encore : « Le Seigneur fait ressentir les effets de sa miséricorde, et il fait justice à tous ceux qui souffrent la violence. Il a fait connaître ses voies à Moïse, et ses volontés aux enfants d’Israël. » (Psa 103,6-7) Et Jérémie
Par erreur : la citation est de Bar 3,36-37.
 : « C’est notre Dieu, aucun autre que lui ne sera regardé comme Dieu ; il a trouvé toutes les voies de la science, et il les a montrées à Jacob son fils, et à Israël son bien-aimé. »

Mais, peut-être objectera-t-on, puisqu’il n’a rien révélé aux autres hommes, comment peut-il les punir ? Que le Seigneur punisse, et ceux qui ont existé avant la loi, et les pécheurs répandus par tout l’univers, c’est ce que manifestent les paroles du Christ : « La reine du midi s’élèvera et condamnera cette génération ; » et encore : « Les Ninivites s’élèveront, et condamneront cette génération. » (Mat 12,42.41) Le sens de ces paroles, c’est que ces anciens hommes aussi doivent rendre compte de manière à mériter les uns, la gloire, les autres, les châtiments. – Et maintenant, si on ne leur avait pas montré la conduite qu’ils devaient tenir, comment leurs juges peuvent-ils les condamner ? Comment l’Écriture dit-elle encore : « Le sang répandu sera vengé par le sang. Depuis le sang du juste Abel, jusqu’au sang de Zacharie ? « (Mat 23,35) Comment dit-elle encore : « Au jour du jugement, Sodome et Gomorrhe seront traitées moins rigoureusement ? » (Mat 11,24) Cette expression « moins rigoureusement » ne montre pas qu’il n’y aura aucun supplice, mais que le supplice ne sera pas aussi rigoureux, que les fautes l’exigeaient. Si les coupables qui ont été punis, ont encore à rendre un compte si sévère, parmi les autres, qui évitera le châtiment ?

3. Eh bien ! maintenant, nous pouvons voir au nombre de ceux que les châtiments attendent, ceux qui ont été punis par le déluge, et beaucoup d’autres, et Caïn lui-même ; Paul aussi exprime cette pensée, par ces paroles : « On y découvre aussi la colère de Dieu, qui éclatera du ciel contre tonte l’impiété et l’injustice des hommes qui retiennent la vérité de Dieu dans l’injustice ; parce qu’ils ont connu ce qui peut se découvrir de Dieu, Dieu même le leur ayant fait connaître. Car les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles, depuis la création du monde, par la connaissance que ses créatures nous en donnent. Sa puissance éternelle et sa divinité brillent de manière à ôter toute excuse. » (Rom 1,18, 20) Il parle ensuite de leur vie de manière à montrer qu’ils auront des comptes à rendre ; c’est ainsi qu’il dit ; « Et après avoir connu la justice de Dieu, ils n’ont pas compris que ceux qui font ces choses, méritent la mort ; et non seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font. Vous donc qui condamnez, ceux qui les commettent, et qui les commettez vous-mêmes, pensez-vous pouvoir éviter la condamnation de Dieu ? Est-ce que vous méprisez les richesses de sa bonté, de sa patience, et de sa longue tolérance ? Ignorez-vous que la bonté de Dieu vous invite à la pénitence ? Et cependant, par votre dureté, et par l’impénitence de votre cœur, vous vous amassez un trésor de colères, pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra, à chacun, selon ses œuvres ; en donnant la vie éternelle à ceux qui, par leur persévérance dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l’honneur et l’immortalité ; et, répandant sa fureur et sa colère sur ceux qui ont l’esprit contentieux, et qui ne se rendent point à la vérité, mais qui embrassent l’iniquité. L’affliction et le désespoir accableront l’âme de tout « homme qui fait le mal, du juif première ment, et puis du gentil. » (Rom 1,32 ; 2, 3,9)

Vous voyez, par tous ces textes que tous les hommes sans exception, même avant la loi, sont punis de leurs péchés ; que tous ceux qui ont pratiqué la vertu, et se sont abstenus de l’impiété, jouissent des biens du Seigneur. Comment donc châtiments ou récompenses sont-ils possibles, si les hommes ne savaient pas la conduite qu’ils devaient tenir ? Et maintenant, m’objecte-t-on, si les hommes connaissaient la conduite qu’ils devaient tenir, comment l’Écriture dit-elle : « Il n’a point traité de la sorte toutes les autres nations, et il ne leur a point manifesté ses jugements ? » Écoutez ce qui est écrit, et ce que le texte signifie : le Seigneur n’a donné de loi écrite à aucun autre peuple ; tous, en effet, avaient la loi naturelle, qui détermine ce qui, est bien, ce qui est mal. Car lorsque Dieu fit l’homme, il mit aussitôt en lui ce tribunal incorruptible, la conscience qui, dans chaque homme, porte ses jugements ; quant aux Juifs, il leur accorda le privilège de connaître, par le moyen de paroles écrites, les prescriptions de la loi. Aussi, le Psalmiste ne dit pas : Il n’a rien fait pour aucune autre nation, mais, « il n’a point traité de la sorte », c’est-à-dire, il n’a donné aux autres nations, ni des tables ni des écrits, ni un Moïse législateur, ni tout ce qu’on a vu sur le Sinaï ; les Juifs seuls, par un privilège unique, ont joui de tout ce surcroît de secours ; mais la nature humaine, tous les hommes, sans exception, avaient la loi suffisante de la conscience. Ce que Paul, à son tour, exprimait ainsi : « Lors donc que les Gentils, qui n’ont, point la loi, font naturellement les choses que la loi commande, n’ayant point la loi, ils se tiennent à eux-mêmes lieu de loi. » (Rom 2,14) Et voilà pourquoi les Juifs méritent une condamnation plus sévère ; avec ta loi naturelle, ils ont reçu la loi écrite, et ils se sont souillés de tous les crimes, de sorte que l’excès même de la bienveillance de Dieu est, pour eux, l’occasion d’une condamnation plus rigoureuse, parce qu’ils y ont répondu parleur négligence. En ce qui concerne le sens littéral du psaume, il suffit de l’explication que nous cri avons donnée. Si maintenant on désire que nous interprétions, dans le sens anagogique, nous ne refuserons pas de marcher dans cette voie, sans faire violence à l’histoire, loin de nous d’y penser, mais en nous servant de l’histoire pour offrir cet enseignement aux plus studieux, autant que possible. « Jérusalem, loue le Seigneur ; Sion, loue ton Dieu. » Paul entend par là, la Jérusalem céleste, de laquelle il dit : « La Jérusalem d’en haut est vraiment libre, et c’est elle qui est notre mère. » (Gal 4,26) De même que Sion représente pour lui l’Église quand il dit : « Vous ne vous êtes pas approchés d’une montagne sensible, d’un feu brûlant, d’un nuage obscur et ténébreux, des tempêtes ; mais vous vous êtes approchés de la ville de Sion, de l’Église des premiers-nés, qui sont écrits dans le ciel. » (Heb 12,18, 22, 23) C’est donc ainsi que l’on peut dira par anagogie : « Jérusalem, loue le Seigneur ; Sion, loue ton Dieu. Car il a fortifié les serrures de tes portes, et il a béni tes enfants au milieu de toi. » Il l’a fortifiée, en effet d’une manière plus solide que Jérusalem ; il n’y a pas mis des verrous et des portes ; rempart c’est la croix, c’est la déclaration qu’il a faite du pouvoir qui lui est propre, par lequel il a partout élevé son enceinte, quand il a dit « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. » (Mat 16,18)

4. Aussi, dans le principe, empereurs et rois, tous, peuples et cités, les armées des anges déchus, toute la puissance du démon assaillirent l’Église de mille manières ; cependant tous ces efforts ont été déjoués ; tous ces ennemis, réduits au néant ; l’Église, au contraire, a grandi et s’est élevé si haut que sa tête domine au-dessus des cieux. « Il a béni tes enfants, au milieu de toi. » De même qu’aux premiers jours du monde, Dieu avait dit : « Croissez, et multipliez, et remplissez la terre (Gen 1,28) », et la terre entière a entendu cette parole ; de même, plus tard : « Allez et instruisez toutes les nations (Mat 28,19) ; » et : « Cet évangile sera prêché dans le monde entier (Mat 26,13) ; » et il est arrivé que les extrémités de la terre, en un instant, ont été envahies par le commandement du Seigneur ; voilà pourquoi le Seigneur même disait : « Si le grain de froment ne meurt pas après qu’on l’a jeté en terre, il demeure seul ; mais quand il est mort il porte beaucoup de fruits ; » et plus loin « Quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tout à moi. » (Jn 12,21, 32) Et aux premiers jours du monde, un grand nombre d’hommes sont sortis d’un seul, la multitude s’est accrue d’après la loi de la nature, de là vient que les progrès ont été lents ; mais, au temps des apôtres, ce n’est pas par la loi de la nature, c’est par la grâce que la multitude a grandi, et voilà pourquoi, d’un seul coup, en un seul jour, trois mille bientôt, et bientôt cinq mille hommes, et bientôt des multitudes innombrables, et bientôt l’univers tout entier s’est transformé, régénération magnifique ; la foule s’est accrue et multipliée, et a témoigné, par la réalité même des choses, de la bénédiction qu’elle avait reçue. « Ces hommes-là, en effet, ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair. » (Jn 1,13) C’est la grâce de Dieu qui les a fait naître : « Il établit la paix sur tes frontières (3). » Ce qui s’applique, avec une admirable propriété, à l’Église, car, ce qu’on ne peut trop admirer, c’est qu’au sein de la guerre, elle jouissait de la paix ; quand les ennemis l’entouraient de toutes parts, elle jouissait de toutes les délices de la sécurité parfaite. Aussi le Seigneur dit-il lui-même : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. » (Jn 14,27) « Et il te rassasie du meilleur froment. » Ce qui peut se prendre aussi pour l’aliment spirituel de l’Église, car l’Église nous donne le pain de la vie. « Il envoie sa parole à la terre et cette parole court avec vitesse (1). » Quelle est cette parole, répondez-moi, je vous en prie ? Celle qui, portée par les apôtres, a pris partout son essor, plus rapide que l’oiseau, ce que David exprime dans un autre passage, en disant : « Le Seigneur remplira de sa parole les hérauts de sa gloire, afin qu’ils l’annoncent avec une grande force. » (Psa 68,12) A l’insensé qui douterait ici, les éléments doivent suffire, pour démontrer la vérité. Comment la neige tombe-t-elle, en si grande quantité, et si subitement, de manière à couvrir, en un instant, toute la terre ? et il ne faut pas de longues heures pour due la surface envahie soit tout entière couverte. Le Psalmiste était un prophète ; il convenait qu’il prédit l’avenir et en même temps qu’il s’exprimât par des figures, et il devait développer les images que fournissent tes éléments. Or, ce qu’il dit revient à ceci : Il arrivera que la terre entière sera fortifiée par la parole de Dieu, et rapidement, et dans un instant bien court. Ensuite, pour prévenir les doutes qui pouvaient résulter de ce que les Juifs, si longtemps l’objet d’une providence si attentive, y ont répondu par des égarements si coupables ; pour prévenir cette objection : comment les habitants dispersés à la surface de l’univers pourront-ils, en un temps si court, se réunir dans la vertu, dans la conformité de la modération et de la sagesse ? Comme confirmation de la vérité qu’il démontre, le Psalmiste emprunte ses exemples aux éléments, à la neige, au brouillard, à la glace qui se forme en un instant. Ne refusez donc pas votre foi, quelle que soit la mobilité de l’esprit des Juifs. Mais les contradicteurs sont nombreux ! Eh bien ! eux aussi, ils disparaîtront, ils se soumettront. Le froid facile à supporter devient plus vif, et personne n’y résiste, et tous se retirent et cèdent la place ; à bien plus forte raison, cèdent à la parole, et au commandement du Seigneur, toutes les résistances qui la combattent ; car il peut changer les substances, mettre au jour ce qui n’existe pas et fortifier ce qui existe par lui, au point de faire de ses créatures des puissances auxquelles rien ne résiste. « Il annonce sa parole à. ses jugements et ses ordonnances à Israël (8). » Il faut encore ici entendre ce Jacob dans le sens spirituel, et Israël c’est celui que Paul a reconnu en disant : « Paix à vous et à l’Israël de Dieu ! » (Gal 6,16) A lui la gloire dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

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