‏ Romans 6

HOMÉLIE X.

C’EST POURQUOI, COMME LE PÉCHÉ EST ENTRÉ DANS LE MONDE PAR UN SEUL HOMME, ET LA MORT PAR LE PÉCHÉ, AINSI LA MORT A PASSÉ DANS TOUS LES HOMMES PAR CELUI EN QUI TOUS ONT PÉCHÉ. (V, 12, JUSQU’À VI, 4)

Analyse.

  • 1. Par Adam, le péché et la mort entrèrent dans le monde ; par Jésus-Christ ; nous obtenons le pardon de nos péchés et la félicité éternelle.
  • 2. Avec le péché originel la grâce efface encore tous les autres. – La justice est la racine de la vie.
  • 3 et 4. La loi de Moise ne pouvait remédier à la ruine qui était une suite du péché d’Adam ; bien plus, depuis cette loi le péché régna avec encore plus de force ; mais par Jésus-Christ, le règne de la grâce est devenu plus étendu et plus fort que celui du péché.
  • 5 et 6. État d’une âme qui se néglige et qui retourne après sa conversion, à sa première vie. – Bonté et charité de Dieu envers ceux qui se convertissent. – Artifices du démon pour perdre les âmes.

1. Comme les bons médecins s’attachent toujours à trouver la racine des maladies et remontent à fa source même du mal, ainsi fait le bienheureux Paul. Après avoir dit que nous sommes justifiés et l’avoir prouvé par le patriarche, par l’Esprit, par la mort du Christ (car il ne serait pas mort, si ce n’eût été pour nous justifier), il confirme encore ces preuves par des démonstrations prises à une autre source ; et prenant le sujet en sens contraire, c’est-à-dire au point de vue de la mort et du péché, il se demande comment et par où la mort est entrée et comment elle a établi sols empire. Comment donc la mort est-elle entrée, et comment a-t-elle établi son empire ? Par le péché d’un seul homme. Mais que veulent dire ces mots : « En qui tous ont péché ? » Adam étant tombé, ceux mêmes qui n’avaient pas mangé du fruit de l’arbre sont tous devenus mortels à cause de lui. « Car le péché a été dans le monde jusqu’à la loi ; mais le péché n’était pas imputé, lorsque la loi n’existait pas (13) ».

Par ces expressions : « Jusqu’à la, loi », quelques-uns pensent que l’apôtre désigne le temps qui a précédé la promulgation de la loi : soit l’époque d’Abel, de Noé, d’Abraham, jusqu’à la naissance de Moïse. Quel était donc alors le péché ? Quelques-uns pensent qu’il s’agit ici du péché commis dans le paradis. car alors, dit-on, il n’était pas encore développé, mais son fruit apparaissait seulement dans sa fleur, et c’est lui qui a introduit la mort, laquelle exerçait sur tous, son empire tyrannique. Pourquoi donc l’apôtre ajoute-t-il : « Mais le péché n’était pas imputé, lorsque la loi n’existait pas ? » D’après l’objection des Juifs (dit-il), ceux qui partagent notre sentiment prétendent que l’apôtre a voulu dire : S’il n’y avait pas de péché avant la loi, comment la mort a-t-elle frappé ceux qui vivaient avant la loi ? Mais ce que je vais dire me semble plus raisonnable, et plus conforme à la pensée de l’apôtre. Qu’est-ce donc ? Après avoir dit que le péché a été dans le monde jusqu’à la loi, il me semble dire que, la loi une fois donnée, le péché né de la transgression, a établi son empire et l’a conservé tant que la loi a existé : car, selon lui, le péché ne pourrait subsister, si la loi n’était plus. Mais, dira-t-on, si c’est le péché né de la transgression qui a engendré la mort, pourquoi ceux qui vivaient avant la loi sont-ils tous morts ? Si la mort a sa racine dans le péché, si le péché n’est pas imputé quand il n’y a pas de foi, comment la mort a-t-elle établi son empire ? Évidemment parce que ce n’est pas le péché né de la transgression de la loi, mais celui de la désobéissance d’Adam, qui a tout perdu. Et quelle en est la preuve ? C’est que tous ceux qui ont vécu avant la loi sont morts. « Mais la mort », nous dit-il, « a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient point péché ». Comment a-t-elle régné ? « Par une prévarication semblable à celle d’Adam qui est la figure de celui qui doit venir (14) ».

Voilà pourquoi Adam est le type du Christ. Comment cela, direz-vous ? Parce que, comme Adam, en mangeant du fruit défendu, est devenu la cause de la mort de ses descendants, bien qu’ils n’eussent point goûté du fruit de l’arbre ; ainsi le Christ est devenu pour ses fils, même prévaricateurs, l’auteur de la justice qu’il nous a procurée à tous par sa croix. C’est pourquoi Paul insiste partout et toujours sur ce point et le ramène sans cesse sous les yeux, en disant : « Comme le péché est entré dans le monde par un seul homme » ; et encore : « Beaucoup sont morts par le péché d’un seul homme » ; puis : « Il n’en est pas de la grâce comme du péché » ; puis : « Le jugement de condamnation vient d’un seul » ; et encore : « Car si par le péché d’un seul la mort a régné par un seul ». Et : « Ainsi donc, comme par le péché d’un seul » ; puis derechef : « De même que par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs ». Il ne perd point de vue ce seul homme ; afin que quand le Juif vous dira : Comment, le Christ seul ayant mérité, le monde entier est-il sauvé ? vous puissiez lui répondre : Comment, Adam seul ayant désobéi, le monde entier a-t-il été condamné ?

Quoique du reste le péché ne soit point l’égal de la grâce, ni la mort de la vie, ni le démon de Dieu, mais qu’il y ait entre eux une distance infinie ; quand donc c’est de la nature des choses, et de la puissance de celui qui entreprend, et de la convenance (car il convient mieux à Dieu de sauver que de punir) ; quand c’est de tout cela, dis-je, que le triomphe et la victoire prennent naissance : quelle raison, dites-moi, quand il dit : « Mais il n’en est pas de la grâce comme du péché. Car si par le péché d’un seul beaucoup sont morts, bien plus abondamment la grâce et le don de Dieu, par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont répandus sur un grand nombre (15) ». C’est-à-dire : Si le péché, et le péché d’un seul homme, a au tant de pouvoir ; comment la grâce, et la grâce de Dieu, et non seulement du Père, mais aussi du Fils, ne serait-elle pas de beaucoup plus puissante ? Car cela est bien plus raisonnable. En effet, que l’on soit puni pour un autre, cela ne semble pas juste ; mais que l’on soit sauvé par un autre, c’est bien plus convenable et bien plus raisonnable. Or si l’un a eu lieu, à plus forte raison l’autre.

2. C’est ainsi que Paul prouve que c’est convenable et raisonnable, et, cela prouvé, il n’y a plus de difficulté à l’admettre. Il s’attache ensuite à prouver que cela, était nécessaire : Comment cela ? « Il n’en est pas », dit-il, « du don comme du péché : car le jugement de condamnation vient d’un seul ; tandis que la grâce de la justification délivre d’un grand nombre de péchés (16) ». Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’un seul péché a pu amener la mort et la condamnation ; tandis que la grâce a effacé non seulement ce péché, mais tous ceux qui ont été commis dans la suite. Et pour que, les mots « comme » et « tandis que » ne semblent pas établir une parité entre les biens et les maux, et que vous ne pensez pas, en entendant parler d’Adam, que, son péché seul a été effacé, il dit que beaucoup de péchés ont – été remis. Quelle en est la preuve ? C’est qu’après les innombrables péchés commis à la suite de celui du paradis, tout a abouti à la justification. Or, partout où est la justice, la vie et les biens infinis se trouvent nécessairement, comme partout où est le péché, la est la mort.

En effet la justice est plus que la vie ; puisqu’elle est la racine de la vie. Mais que beaucoup de biens aient été procurés, et que, outre le péché d’Adam, tous les autres aient été effacés, l’apôtre le prouve en disant : « La grâce de la justification délivre d’un grand nombre de péchés ». D’où suit cette conséquence nécessaire, que la mort a été radicalement détruite. Mais comme il a affirmé que la justice est plus que la vie, il faut encore qu’il le prouve. D’abord il a dit : Si le péché d’un seul nous a donné la mort à tous, à bien plus forte oraison la grâce d’un seul pourra-t-elle nous sauver ; ensuite il a fait voir que la grâce n’a pas seulement effacé le péché d’Adam, mais encore tous les autres : que non seulement les péchés ont été effacés, mais que la justice a été donnée ; que non seulement le Christ a fait autant de bien qu’Adam avait fait de mal, mais qu’il en a fait beaucoup plus. Après de telles affirmations, il a besoin ici l’une preuve plus forte. Comment la donne-t-il ? « Si par le péché d’un seul » ; dit-il, « la mort a régné par un seul, à plus forte raison a ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice régneront dans la vie par un seul, Jésus-Christ (17) ».

Ce qui veut dire : Qu’est-ce qui a armé la mort contre le monde entier ? La faute commise par un seul homme en mangeant du fruit défendu. Si donc la mort a acquis une telle puissance par suite d’une seule faute, lorsqu’on en voit quelques-uns recevoir une grâce et une justice bien plus grande que ce péché, comment pourront-ils encore être sujets à la mort ? Voilà pourquoi il ne dit pas ici : La grâce, mais « L’abondance de la grâce » car nous n’avons pas seulement reçu la mesure de grâce nécessaire pour l’abolition du péché, mais beaucoup plus. En effet nous avons été délivrés du châtiment, nous avons dépouillé toute matière, nous avons été régénérés d’en haut, nous sommes ressuscités après avoir enseveli le vieil homme, nous avons été rachetés et sanctifiés, nous avons été amenés à l’adoption et justifiés, nous sommes devenus les frères du Fils unique, nous avons été établis ses cohéritiers, les membres de son corps, nous lui avons été unis comme le corps l’est à la tête. Tout cela forme ce que Paul appelle l’abondance de la grâce : indiquant que nous n’avons pas seulement reçu le remède capable de guérir notre blessure ; mais aussi la santé, la beauté, l’honneur, la gloire, des dignités bien au-dessus de notre nature. Et chacune de ces choses suffisait par elle-même à détruire la mort ; mais quand toutes sont réunies, on n’aperçoit pas même la trace, pas même l’ombre de la mort, qui a complètement disparu. Si quelqu’un jetait en prison un homme qui lui devrait dix oboles, et, avec lui et à cause de lui, sa femme, ses enfants et ses domestiques ; puis qu’un autre survint et payât non seulement les dix oboles, mais y ajoutât en pardon dix mille talents d’or, conduisit ensuite le prisonnier dans un palais, le plaçât sur un trône élevé, le fit participer aux honneurs suprêmes et l’environnât d’éclat : celui qui aurait prêté les dix oboles n’oserait plus y penser. Ainsi en est-il de nous. Le Christ a payé beaucoup plus que nous ne devions ; c’est un immense océan vis-à-vis d’une goutte d’eau.

Ne doutez donc plus, ô homme, à l’aspect de tant de trésors, et ne demandez plus comment l’étincelle de la mort et du péché s’est éteinte au milieu de cette mer de grâces. C’est à cela que Paul faisait allusion quand il disait : « Ceux qui ont reçu l’abondance de la grâce et de la justice, régneront dans la vie » ; et après l’avoir clairement démontré, il revient à son premier raisonnement et le comme par répétition en disant que : si d’une part tous ont été punis pour le péché d’un seul, de l’autre, tous ont pu être aussi justifiés par un seul. C’est pourquoi il ajoute : « Comme c’est donc par le péché d’un seul que tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi c’est par la justice d’un seul que tous les hommes reçoivent la justification de la vie ». Et il insiste encore là-dessus en ces termes : « Car de même que par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs, de même aussi par l’obéissance d’un seul, beaucoup sont constitués justes (19, 19) ». Ces paroles semblent soulever une question assez grave ; mais avec un peu d’attention, on la résoudra sans peine. Quelle est donc cette question ? C’est que l’apôtre affirme que beaucoup sont devenus pécheurs par la désobéissance d’un seul. Qu’un homme ayant péché et étant devenu mortel, ses descendants le soient aussi, il n’y a rien là d’invraisemblable : mais qu’on détienne pécheur par la désobéissance d’un autre, est-ce logique ? Il semble que personne ne peut être puni que pour une faute personnelle.

3. Que signifie donc ici ce mot « pécheurs ? » c’est-à-dire, ce me semble, sujets au : châtiment et condamnés à mort. Qu’après la mort d’Adam nous soyons tous devenus mortels, l’apôtre l’a prouvé clairement et de plus d’une façon ; mais la question est de savoir pourquoi il en est ainsi. Il ne le dit pas encore, parce que le sujet actuel ne le comporte pas : il combat ici le Juif qui élève des doutes et se moque de la justice obtenue par un seul. C’est pourquoi, après avoir montré que le châtiment s’est, transmis d’un seul homme à tous, il n’en donne point encore la raison : car il n’aime pas les paroles inutiles et ne s’attache qu’au nécessaire. La loi de la discussion ne l’obligeait pas plus que le Juif à résoudre cette difficulté ; aussi la laisse-t-il sans solution que si quelqu’un de vous désire Dette solution, nous lui répondrons que bien loin de souffrir de la mort et de la condamnation, nous gagnons beaucoup, si nous sommes sages, à être devenus mortels : d’abord de ne pas pécher dans un corps immortel ; secondement, de trouver là mille motifs d’être sages. – En effet, la mort toujours présentée, toujours attendue, nous engage à être modérés, à être chastes, à nous contenir, à nous dégager de tous les vices. En outre, elle nous procure d’autres biens en grand nombre et plus considérables que ceux-là. Delà, en effet, les couronnes des martyrs, les palmes des apôtres ; par là Abel fut justifié et aussi Abraham après avoir immolé son fils ; par là Jean fut tué pour le christ ; par là les trois enfants et Daniel triomphèrent. Si nous le voulons, non seulement la mort, mais pas même le démon ne pourra nous nuire : Outre cela il faut encore dire que l’immortalité nous attend ; qu’après quelque temps d’épreuve, nous jouirons, en sécurité des biens à venir ; qu’exercés dans cette vie, comme à une école, par la maladie, l’affliction, la tentation, là pauvreté et fout ce qui semble être un mal, nous deviendrons aptes à posséder ces biens futurs.

« Mais la loi est survenue pour que le péché abondât (20) ». Après avoir montré que le monde a été condamné à cause d’Adam, puis sauvé et délivré de la condamnation par le Christ, il s’occupe très-à-propos de la loi et réfute l’opinion qu’ils en avaient non seulement, leur dit-il, elle n’a servi à rien, non seulement elle n’a été d’aucun secours, mais en survivant elle n’a fait qu’augmenter la maladie. – Le mot « Pour que » ne désigne point ici là cause, mais le résultat. Car elle n’a point été donnée pour augmenter le péché, mais pour le diminuer, et le détruire ; cependant le contraire est arrivé, non par la nature même de la loi, mais parla lâcheté de ceux qui l’ont reçue. Pourquoi ne dit-il pas : La loi a été donnée, mais « La loi est survenue ? » Pour indiquer que son utilité n’était que momentanée, et non majeure ni de première importance ; ce qu’il exprime déjà, mais d’une autre manière, dans son épître aux Galates : « Car avant que la foi vînt, nous étions sous la garde de la loi, réservés pour cette foi qui devait être révélée ». (Gal 3,23) Ainsi ce n’était point pour elle-même, mais pour un autre, que la loi gardait le troupeau. En effet, comme les Juifs étaient grossiers, dissolus, attachés aux seuls dons qu’ils recevaient, la loi leur a été donnée pour les convaincre de leurs péchés, pour leur faire voir clairement en quel état, ils se trouvaient, pour renforcer l’accusation et resserrer encore leur lien. Toutefois ne craignez pas : ce n’est pas pour aggraver le châtiment que ceci a lieu, mais pour mieux faire apparaître la grâce. Aussi l’apôtre ajoute-t-il : « Où, le péché abonde ; la grâce a surabondé ». Il ne dit pas : A abondé, mais : « A surabondé ». Car non seulement elle nous a délivrés du châtiment, mais elle nous a procuré la rémission des péchés et la vie, et tant d’autres avantages dont nous avons souvent parlé ; absolument comme si quelqu’un, non content de débarrasser un fiévreux de sa maladie, le rétablissait encore dans la fleur de l’âge, de la force et dès honneurs, ou comme si quelqu’un, non seulement donnait à manger à un affamé ; mais encore le comblait de richesse : et l’élevait au pouvoir suprême. Et comment, direz-vous, le péché a-t-il abondé ? La loi renfermait des préceptes sans nombre ; et comme il les ont tous violés, le péché a abondé. Voyez-vous quelle distance sépare la grâce de la loi ? Celle-ci fut une aggravation de condamnation ; celle-là est une surabondance de dons.

4. Après avoir parlé de l’ineffable amour de Dieu pour nous, il cherche le principe et la racine de la mort et de la vie. Quelle est la racine de la mort ? Le péché. C’est pour cela qu’il dit : « Afin que, comme le péché à régné par la mort, ainsi la grâce règne par la justice pour la vie éternelle par Jésus-Christ Notre-Seigneur (21) ». Il parle ainsi pour faire voir que le péché exerçait en quelque sorte le rôle de souverain, et que la, mort se tenait à ses ordres comme un soldat armé de par lui. Or, si le péché, armé la mort, il est clair que la justice qui efface le péché et qui est produite par la grâce, non seulement désarme la mort, mais la détruit ; et anéantit son empire, en ce que le sien est plus grand, elle qui a été introduite, non par un homme ni par le démon, mais par Dieu et par la grâce, qui dirige notre vie vers une fin meilleure et des biens infinis, et qui enfin, pour dire davantage encore ; n’aura pas de terme. La mort nous avait chassés de la vie présente : la grâce survenant ne nous l’a point rendue, mais nous en a donné une immortelle et éternelle, et le Christ est l’auteur. Ne doutez donc pas de la vie, puisque vous avez la justice : car la justice est plus grande que la vie, puisqu’elle en est la mère.

« Que dirons-nous donc ? Demeurerons-nous dans le péché pour que la grâce abonde ? A Dieu ne plaise. (6,12) Il revient ici à un sujet moral, sans dessein prémédité, pour lie pas paraître à charge et fatigant à un grand nombre, mais comme à une conséquence du dogme. S’il varie ainsi ses sujets pour les ménager, pour ne pas les irriter ; (c’était ce qui lui faisait dire : « Cependant j’ai écrit ceci avec quelque hardiesse » (Rom 15,15), c’est qu’il leur eût semblé bien plus dur saris cette précaution. Après leur avoir donc fait voir la puissance de la grâce en ce qu’elle remet de grands péchés, il semblait avoir fourni aux insensés un motif pour pécher. En effet, ils auraient pu se dire : Si la gravité de nos péchés fait paraître la grâce plus grande, continuons à pécher afin que sa puissance éclate encore mieux. Pour empêcher qu’on ne parle ou qu’on ne pense ainsi, voyez comme il détruit l’objection, d’abord par cette négation : « A Dieu ne plaise ! » expression qui s’applique ordinairement aux choses évidemment absurdes ; ensuite en faisant un raisonnement auquel il n’a rien à répondre. Quel est-il ? « Nous qui sommes morts au péché, comment y vivons-nous encore ? » Que signifient ces mots : « Nous sommes morts ? » Ou que nous avions reçu notre arrêt, autant que, cela dépendait du péché ; ou que, croyants et éclairés, nous sommes morts pour lui : ce dernier sens paraît préférable, comme la suite le fait voir. Et qu’est-ce que c’est qu’être mort au péché ? C’est ne lui obéir en rien désormais, c’est ce que le baptême a, fait une fois : il nous a fait mourir au péché ; mais il faut que notre zèle nous maintienne toujours dans cet état, en sorte que, quand le péché nous commanderait mille choses nous n’en exécuterions aucune, mais que nous demeurions immobiles comme un mort.

Du reste, ailleurs il dit que c’est le péché qui est mort, mais son but est alors de prouver que la vertu est facile ; ici, afin d’éveiller l’auditeur, c’est lui qu’il veut faire mourir. Puis comme ses paroles étaient obscures, il les explique avec plus de vivacité. « Ignorez-vous, mes frères », leur dit-il, « que nous qui avons été baptisés dans le Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? Car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir (3, 4) ». Qu’est-ce que cela veut dire : « Nous avons été baptisés en sa mort ? » Pour mourir comme il est mort lui-même : car le baptême est une croix. Ainsi ce que la croix et le sépulcre ont été pour le. Christ, le baptême l’est pour nous ; quoique d’une manière différente ; car le Christ est mort et a été enseveli dans sa chair, et nous devons être l’un et l’autre pour le péché, aussi. Paul ne dit-il point : « Entés » sur sa mort, mais « En la ressemblance de sa mort (5) ». En effet il y a mort ici et là, quoique sur des sujets différents : pour le Christ, mort dans sa chair ; pour nous morts au péché ; mais celle-ci vraie comme celle-là ; néanmoins nous devons donner quelque chose de notre côté : aussi ajoute-t-il : « Afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une nouveauté de vie ».

Ici, en parlant d’une vie régulière, il insinue le dogme de la résurrection. Comment cela ? Vous croyez, dit-il, que le Christ est mort et ressuscité ; croyez donc aussi pour ce qui vous regarde : car il doit y avoir entre Jésus-Christ et vous une entière ressemblance aussi bien dans la résurrection et dans la vie, que dans la croix et dans la sépulture. Si vous avez participé à la mort et à la sépulture, à bien plus forte raison aurez-vous part à la résurrection et à la vie : la question principale, celle du péché, étant résolue, il n’y a plus de doutes à élever sur la question secondaire, celle de la destruction de la mort. Mais Paul abandonne cela pour le moment aux réflexions et à la conscience de ses auditeurs ; pour lui, en présence de la résurrection future, il en demande de nous une autre : une nouvelle vie en ce monde, par le changement de nos mœurs. Quand l’impudique devient chaste, l’avare généreux, le violent pacifique : alors il y a résurrection, prélude de la résurrection future. Et comment y a-t-il résurrection ? En ce que le péché est mort, la justice ressuscitée, l’ancienne vie anéantie, la nouvelle vie, la vie des anges, en vigueur. Sous cette expression de vie nouvelle, il y a bien des changements, bien des conversions à chercher.

5. Pour moi je fonds en larmes et j’éclate en gémissements, quand je pense à la sagesse que Paul exige de nous, et à la lâcheté à laquelle nous nous abandonnons, revenant au vieil homme après, le baptême, retournant du côté de l’Égypte, nous rappelant les oignons après avoir mangé la manne. Dix jours, vingt jours après le baptême, nous voilà changés, nous revenons au passé. Ce n’est pas pendant un nombre de jours limités, même, pendant la vie et entière, que Paul exige de nous la régularité, et nous revenons à nos vomissements ; après avoir été rajeunis par la grâce, nous redevenons vieillards par l’effet du péché. Car l’amour des richesses, le joug des passions déréglées, en un mot toute espèce de péché vieillit ordinairement celui qui le commet ; or de l’âge avancé, de la, vieillesse à la mort, il n’y a qu’un pas. Car, aucun corps miné par le temps, non, aucun, ne saurait offrir l’image d’une âme corrompue, accablée par la multitude de ses péchés. Du reste elle est amenée au dernier degré de l’idiotisme, ne disant plus que des choses insignifiantes, à la manière des vieillards et des personnes en délire ; sujette à la pituite, à la stupidité, à l’oubli, à la chassie, odieuse aux hommes, facile à vaincre pour le démon : tel est l’état de l’âme des pécheurs. Il en est tout autrement des âmes des justes.

Pleines de jeunesse et de vigueur, elles sont toujours à la fleur de l’âge, prêtes, au combat et à la lutte ; tandis que celles des pécheurs tombent au premier choc et périssent. C’est ce que déclare le prophète, quand il dit : « Comme la poussière que le vent soulève de la surface de la terre ». (Psa. 1) Ainsi ils sont mobiles et livrés aux insultés du, premier venu, ceux qui vivent dans le péché. Car leur vue n’est pas saine, ils n’entendent pas clair, ils ne parlent, pas distinctement, ils sanglotent et bavent beaucoup. Et plût au ciel qu’ils ne fissent que rejeter de la salive et point d’inconvenances ! mais ils profèrent des paroles plus puantes que la boue ; et, ce qu’il y a de pire, ils ne peuvent pas même en rejeter l’écume ; mais, chose horrible ! ils la reçoivent dans leurs mains, la pétrissent de nouveau quand elle est épaissie et dure. Peut-être ce tableau excite-t-il votre dégoût ; que serait-ce donc de la réalité ! Si tout cela est désagréable dans le corps, à bien plus forte raison dans l’âme.

Tel était ce jeune homme qui avait dépensé tout son bien, et était descendu si bas dans le vice, qu’il était plus faible qu’un homme malade ou en délire. Mais, dès qu’il le voulut, il redevint jeune, par le seul fait de sa volonté et de son changement. Sitôt qu’il eut dit « Je retournerai chez mon père » (Luc 15,13), ce mot fut pour lui la source de tous les biens ; ou plutôt ce ne fut pas ce mot seulement, mais aussi l’acte qui l’accompagna. En effet il ne se contenta pas de dire : « Je retournerai », et de rester en place : niais il dit : « Je retournerai », et il retourna, et il fit la route tout entière. Agissons de même ; fussions-nous sur la terre étrangère, revenons à la maison paternelle et ne nous rebutons pas de la longueur du chemin. Si nous le voulons, le retour sera facile et très prompt ; seulement sortons de la terre d’exil, de la terre étrangère ; or, cette terre c’est le péché, qui nous emmène loin de la maison de notre père ; quittons donc le péché, pour rentrer vite ad domicile paternel. Car notre père est plein de tendresse, et si nous sommes changés, il ne nous aimera pas moins que ceux qui sont restés sages, il nous aimera même davantage ; puisque le père de l’Enfant prodigue lui fit plus d’honneur qu’à son aîné, et éprouva une joie plus vive pour l’avoir recouvré.

Mais comment retourner, direz-vous ? Commencez seulement, et tout sera fait ; arrêtez-vous dans le vice, n’allez pas plus loin, et vous aurez tout recouvré. Comme, chez les malades, c’est commencer à mieux aller que de ne pas aller plus mal, ainsi en est-il, dans le vice ; n’allez i)as plus loin et votre malice aura son terme. Si vous faites' cela pendant deux jours, le troisième vous aurez plus de facilité à vous abstenir du mal ; puis, à ces trois jours, vous en ajouterez dix, puis vingt, puis cent, puis toute votre vie. Car plus vous, avancerez, plus vous trouverez le chemin facile, et parvenu au faîte, vous jouirez d’une grande abondance de biens : Lorsque le prodigue revint, ce fut un concert de flûtes et de lyres, il y eut des chœurs, des danses et des fêtes ; celui qui avait le droit de demander compte à son fils de sa folle prodigalité et d’une si longue absence, n’en fit rien, le regarda même d’aussi bon œil que s’il se fût bien conduit ; non seulement ne lui fit aucun reproche en paroles, mais ne souffrit pas même qu’il rappelât le passé ; l’embrassa, le combla de caresses, tua le veau gras, le revêtit de la robe et de toute sorte d’ornements.

Nous qui avons ces exemples sous les yeux, prenons donc courage et ne désespérons pas. Car Dieu n’a pas autant de plaisir a être appelé Maître que Père, ni à avoir un serviteur qu’à avoir un fils ; il aime mieux l’un que l’autre. Pour cela il atout fait, il n’a point épargné son fils unique, afin que nous recevions l’adoption et que nous l’aimions, non seulement comme un maître, mais comme un Père. Et s’il obtient cela de nous, il en est comme glorieux et fier, il s’en vante à tout le monde, lui qui n’a nul besoin de ce qui nous appartient.

C’est ce qu’il faisait à l’égard d’Abraham, répétant partout : « Moi, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » ; c’était aux serviteurs à s’en féliciter ; et c’est le Maître lui-même qui s’en glorifie. C’est pour cela qu’il dit à Pierre : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21,17) ; indiquant par là qu’il n’est rien qu’il désire davantage de notre part. Pour cela aussi, il ordonne à Abraham d’immoler son, fils, pour faire voir à tout le monde qu,'il est grandement aimé du patriarche. Or, le désir d’être vivement aimé provient lui-même d’un vif amour. Pour cela encore il disait à ses apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi ; n’est pas digne de moi ». (Mat 10,37)

6. C’est pour cela qu’il exige que ce que nous avons de plus cher ; notre âme, ne tienne que le second rang après son amour, parce qu’il veut être souverainement aimé de nous. Quand nous n’aimons pas vivement quelqu’un, nous ne nous soucions pas beaucoup de son amitié, fût-il d’ailleurs grand et glorieux ; mais quand nous aimons véritablement, vivement, ne fût-ce qu’un homme de basse condition ; de peu de valeur, nous tenons à grand honneur d’être payés de retour. C’est pourquoi le Christ donnait le nom de gloire, non seulement à : l’amour que nous lui portons mais aux opprobres qu’il a soufferts à cause de nous. Or, l’amour seul leur donnait ce caractère ; tandis que ce que nous souffrons pour lui mérite d’être appelé glorieux, et l’est réellement ; non seulement à cause de l’amour qui l’inspire, mais à cause de la grandeur, et de la dignité de celui que nous aimons.

Pour lui, courons donc aux périls comme à de magnifiques couronnes, et ne regardons point comme choses pénibles et désagréables ; la pauvreté, la maladie, les injures, la calomnie, dès que nous les supportons à cause de lui. Si nous sommes sages, nous tirerons de tout cela de très-grands profits ; et si nous ne le sommes pas, nous ne recueillerons aucun avantage de la situation contraire. Examinez un peu : quelqu’un vous injurie et vous fait la guerre ? Il vous oblige par là à vous tenir sur vos gardes, et vous donne l’occasion de ressembler à Dieu. Si vous aimez l’homme qui vous tend des pièges, vous serez semblable à celui « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». (Mat 5,45) Un autre vous enlève votre fortune ? Si vous le supportez avec courage, vous recevrez la même récompense que ceux qui ont tout donné aux pauvres. « Car », nous dit Paul ; « vous avez supporté avec joie l’enlèvement de vos biens, sachant que vous avez une richesse meilleure et permanente ». (Heb 10,34)

Quelqu’un a mal parlé de vous et vous a déshonoré ? Que cela soit vrai, que cela soit faux, si vous supportez l’injure avec douceur, on vous a tressé une magnifique couronne. D’une part, le calomniateur nous procure une grande récompense. [« Réjouissez-vous », est-il écrit, « et tressaillez de joie, quand on a dit faussement toute sorte de mal de vous, parce que votre récompense est grande dans les cieux] » (Mat 5,12) ; de l’autre, celui qui dit la vérité nous est aussi très-utile, pourvu, que nous la supportions avec patience. En effet, le pharisien était dans le vrai en parlant mal du publicain, et pourtant, du publicain il a fait un juste. Qu’est-il besoin d’entrer dans plus de détails ? On peut tout apprendre là-dessus, en étudiant attentivement l’histoire de Job. C’est ce qui fait dire à Paul : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rom 8,31.} Comme, avec du zèle, nous tirons parti de ceux mêmes qui nous affligent ; ainsi, par, notre lâcheté, nous ne profitons pas de ceux qui veulent nous être utiles. En quoi, je vous prie, a servi à Judas la compagnie du Christ ? En quoi la loi a-t-elle été utile aux Juifs ? À Adam, le paradis ? Moïse, à ceux qui étaient dans le désert ? Rom 8,31.} Comme, avec du zèle, nous tirons parti de ceux mêmes qui nous affligent ; ainsi, par, notre lâcheté, nous ne profitons pas de ceux qui veulent nous être utiles. En quoi, je vous prie, a servi à Judas la compagnie du Christ ? En quoi la loi a-t-elle été utile aux Juifs ? À Adam, le paradis ? Moïse, à ceux qui étaient dans le désert ?

C’est pourquoi, laissant de côté tout le reste nous ne devons nous attacher qu’à une chose ; à bien régler notre vie ; et alors, le démon lui-même ne pourra bous vaincre ; il nous deviendra au contraire très-utile, en nous obligeant à veiller sur nous. C’était en dépeignant sa cruauté, que Paul réveillait les Éphésiens. Mais nous, nous dormons, nous ronflons, quoiqu’en présence d’un si méchant ennemi. Si nous savions qu’un serpent est caché près de notre lit, nous mettrions tout en œuvre pour le tuer ; le démon est caché dans nos âmes, et nous ne croyons pas nous en trouver mal, et nous succombons. La raison en est que nous ne le voyons pas des yeux du corps ; et pourtant ce devrait être un motif de plus pour veiller et nous tenir sur nos gardes il est facile en effet de se précautionner contre un ennemi visible ; mais nous échappons difficilement à l’ennemi invisible, à moins que nous ne soyons armés de toutes pièces, surtout parce qu’il n’attaque jamais directement, (autrement il serait bientôt pris), et qu’il ingère souvent son cruel poison sous le masque de l’amitié. Ainsi il détermina la femme de Job à donner son pernicieux conseil, sous l’apparence d’une vive affection ; ainsi, en s’adressant à Adam, il feint de vouloir lui être utile et de prendre à cœur ses intérêts : « Vos yeux s’ouvriront du jour où vous aurez mangé du fruit de cet arbre ». (Gen 3,5) Ainsi, sous prétexte de piété, il persuada à Jephté d’immoler sa fille, d’offrir un sacrifice criminel. Voyez-vous ces pièges ? Voyez-vous des aises de guerre ? Tenez-vous donc en garde, revêtez-vous de pied en cap des armes spirituelles, étudiez soigneusement ses machines de guerre, afin qu’il ne puisse vous surprendre et que vous puissiez facilement le déjouer. C’est ainsi que Paul, savant dans cet art, a su le vaincre. Aussi disait-il : « Car nous n’ignorons pas ses desseins ». (2Co 2,11) Tâchons donc, nous aussi, de connaître et d’éviter ses embûches, afin qu’après en avoir triomphé, nous soyons proclamés vainqueurs dans ce monde et dans l’autre, et que nous obtenions les biens immortels par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, l’empire, l’honneur, appartiennent au Père comme au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE XI.

SI, EN EFFET, NOUS AVONS ÉTÉ ENTÉS
Vieux français pour greffer
EN LA RESSEMBLANCE DE SA MORT, NOUS LE SERONS AUSSI EN CELLE DE SA RÉSURRECTION. (VI, 5, JUSQU’À 18)

Analyse.

  • 1. Quoique par Jésus-Christ la grâce ait pris un empire d’autant plus grand que le péché était plus puissant, il ne s’ensuit pas que celui qui a été justifié par la vraie foi, doive continuer de pécher ; loin de là, la justification par la foi implique une vie sainte.
  • 2. C’est ce que signifie le baptisme, qui est une figure de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, et qui ainsi nous engage à nous défaire du péché, et à commencer une vie nouvelle et sainte. Jésus-Christ est venu redresser la volonté et non changer la nature.
  • 3. Le corps est comme une arme dans la main de la volonté qui peut en faire un usage bon ou mauvais.
  • 4. Et cette vie de sainteté doit être durable, parce que Jésus-Christ vit désormais d’une vie immortelle, et elle peut l’être, parce que le péché ne domine plus sur nous, attendu que nous ne sommes plus sous la loi pure, mais que nous sommes devenus participants aux trésors de grâces de Jésus-Christ.
  • 5. Qu’il y a divers genres, de mort.
  • 6. Le pécheur ne comprend pas sa misère. – Contre la superfluité des ameublements.

1. Je l’ai déjà dit plus haut et je le répète encore aujourd’hui : l’apôtre fait souvent des digressions dans la morale, non cependant comme dans ses autres épîtres ; qu’il divise en deux parties : l’une destinée aux dogmes ; et l’autre à la direction des mœurs. Ici il ne procède point de même ; mais il passe alternativement de l’un à l’autre genre, afin de faire accepter facilement ses paroles. Il déclare donc qu’il y a deux espèces de mort : lune opérée par le Christ dans le baptême, et l’autre qui doit être le résultat de nos propres efforts. En effet, que nos anciens péchés aient été ensevelis, c’est là le don de Dieu ; mais qu’après le baptême nous restions morts au péché, ce doit être l’œuvre, de notre zèle, quoique nous y voyions encore en très-grande partie le secours divin, non seulement le baptême a la vertu d’effacer les péchés passés, mais il nous prémunit encore contre les péchés à venir. Comme donc vous avez apporté la foi pour effacer les premiers, ainsi montrez dans la suite un changement de volonté, afin de ne pas vous souiller de nouveau. Ce sont ces conseils et d’autres semblables que l’apôtre donne, en disant : « Si, en effet, nous avons été entés en la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi en celle de sa résurrection ». Voyez-vous comme il relève son auditeur, en l’amenant tout d’abord à son maître et en s’efforçant de faire voir entre eux, beaucoup de traits de ressemblance ? C’est pour cela qu’il ne dit point : En sa mort, de peur qu’on ne le contredise : « Mais en la ressemblance de sa mort » ; car, notre substance n’est pas morte, mais bien l’homme né du péché, c’est-à-dire le vice. Il ne dit point non plus : Si nous avons participé à la ressemblance de sa mort ; que dit-il donc ? « Si en effet nous avons été entés », indiquant par ce mot « Entés », les fruits que cette mort a produits en nous. Car comme le corps du Christ enseveli en terre a produit pour fruit le salut du monde, ainsi le nôtre, enseveli dans le baptême a produit pour fruit la justice, la sanctification, l’adoption, des biens sans nombre, et produira en dernier lieu le don de la résurrection.

Mais comme nous avons été ensevelis dans l’eau et lui dans la terre, nous par rapport au péché, et lui par rapport à son corps, l’apôtre ne dit pas : Entés en sa mort ; mais « Entés en la ressemblance de sa mort » : car il y a mort ici et là, mais non dans le même sens. Si donc, nous dit-il, nous avons été entés en sa mort, nous le serons aussi en sa résurrection ; il parle ici de sa résurrection future. Plus haut, quand il parlait de la mort et qu’il disait : « Ignorez-vous, mes frères, que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? » il ne s’est point expliqué clairement sur la résurrection, mais seulement sur le genre de conduite à tenir après le baptême, prescrivant de marcher dans une vie nouvelle ; c’est pourquoi reprenant ici le même sujet, il nous annonce enfin la résurrection future. Et pour vous convaincre que c’est bien de cette résurrection qu’il s’agit, et non de celle par le baptême, après avoir dit : « Si en effet nous avons été entés en la ressemblance de sa mort », il n’ajoute point : Nous le serons en la ressemblance de sa résurrection, mais bien : « En sa résurrection » ; de peur que vous ne disiez « Comment ressusciterons-nous comme lui, si nous ne sommes pas morts comme lui ? Quand il a parlé de la mort, il n’a pas dit : Entés en sa mort, mais : « En la ressemblance de sa mort » ; puis quand il parle de la résurrection, il ne dit pas : En la ressemblance de sa résurrection : mais, nous le serons en sa résurrection même. Il ne dit pas non plus : Nous avons été, mais : « Nous serons », indiquant encore une fois par cette expression qu’il s’agit de la résurrection future, de celle qui n’a pas encore eu lieu. Et voulant rendre sa parole digne de foi ; il parle ici de la résurrection qui précède la dernière, afin de vous faire croire à celle-ci par celle-là. Car après avoir dit que nous serons entés en sa résurrection, il ajoute : « Sachant bien que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit, détruit », indiquant en même temps la résurrection future et sa cause, il ne dit pas : A été crucifié, mais : « A été crucifié avec lui », rapprochant ainsi le baptême de la croix. Aussi disait-il plus haut : « Nous avons été entés en la ressemblance de sa mort, afin que le corps du péché soit détruit », appliquant cette expression, non à notre corps, mais à toute espèce de vice. En effet comme il donne le nom de vieil homme à toute espèce de vice (Cor 3,9), ainsi appelle-t-il corps du vieil homme cet ensemble de malice formé des diverses formes du péché. Et pour que vous ne preniez point ceci pour une conjecture, écoutez Paul s’expliquant lui-même dans ce qui suit. Car après avoir dit « Afin que le corps du péché soit détruit », il ajoute : « Et que désormais nous ne soyons plus esclaves du péché ». Je veux que l’homme soit mort au péché, non en ce sens qu’il cesse de vivre et meure réellement, mais en ce sens qu’il ne pèche plus, Et allant plus loin, il dit encore plus clairement : « Attendu que celui qui est mort, est justifié du péché (6, 7) ». Et il dit de tout homme : Que comme celui qui est mort, cesse enfin de pécher puisqu’il est étendu sans vie, ainsi en doit-il être de celui qui sort du baptême, parce que, étant mort là une fois ; il doit rester mort au péché boute sa vie.

2. Si donc vous êtes mort dans le baptême, restez mort : car quiconque est mort, ne peut plus pécher ; et si vous péchez encore, vous gâtez le don de Dieu. Après avoir exigé de nous une si ; grande sagesse, il nous montre aussitôt la couronne ; en, disant : « Si donc nous sommes morts avec le Christ ». Avant le dernier couronnement, c’est déjà une très-belle couronné d’étre en communauté avec le maître. Et pourtant, nous dit-il, je vous propose une autre récompense, laquelle ? La vie éternelle : « Nous croyons que nous vivrons aussi avec lui ». Et quelle en est la preuve ? « Sachant bien que le Christ, ressuscité des morts, ne meurt plus ». Voyez encore la ténacité de Paul et comme il prouve ceci par les contraires ! Comme il était probable que ces doctrines de croix et de mort jetteraient le trouble chez quelques-uns, il démontre que c’est là même, qu’il faut puiser des motifs de confiance. N’allez pas vous imaginer, leur dit-il, que parce qu’il est mort une fois, le Christ soit mortel ; c’est pour cela même qu’il reste immortel ; car sa mort est devenue la mort de la mort : c’est parce qu’il est mort qu’il ne meurt plus ; puisque, par cette mort : « Il est mort pour le péché (8-10) ». Qu’est-ce que cela veut dire : « Pour le péché ? » Cela veut dire que, n’ayant pas commis le péché, il est mort pour les nôtres. Il est mort pour détruire le péché, pour briser ses nerfs et toute sa puissance.

Voyez-vous comme il les épouvante ? Car si le Christ e meurt pas une seconde fuis, il n’y pas de second baptême ; et s’il n’y a pas de second baptême, ne vous laissez plus aller au péché. Il dit tout cela pour combattre cette erreur. « Faisons le mal pour qu’il en arrive du bien » ; et encore : « Nous persévérerons dans le péché pour que la grâce abonde ». Son but ici est donc de détruire radicalement cette opinion. « S’il vit », dit-il, « il vit pour Dieu » : c’est-à-dire, il est indissolublement uni à la vie, en sorte que la mort ne peut plus exercer sur lui son empire. Car si, quoique innocent, il est mort une première fois pour les péchés d’autrui, à bien plus forte raison ne mourra-t-il plus, puisqu’il a détruit le péché. C’est ce que dit encore l’apôtre dans son épître aux Hébreux : « Car il a paru une seule fois à la consommation des siècles, pour détruire le péché, en se faisant lui-même victime. Et comme il est décrété que tous les hommes doivent mourir une fois, le Christ offert une fois pour effacer les péchés d’un grand nombre, apparaîtra une seconde fois, sans avoir plus rien du péché, aux yeux de ceux qui l’attendent pour leur salut ». (Heb 9,26-28) Il montre tout à la fois la valeur d’une vie selon Dieu, et, la puissance du péché : la valeur d’une vie selon Dieu, en ce qu’elle n’est plus sujette à la mort ; la puissance du péché, puisque, s’il a pu faire mourir celui qui était innocent, comment ne perdrait-il pas les coupables ? Ensuite, comme il a parlé de la vie du Christ, de peur qu’on ne dise ; Que nous importe ce qu’on dit la ? Il ajoute : « Ainsi pour vous, estimez que vous êtes morts au péché, mais vivants à Dieu dans le Christ Jésus Notre-Seigneur ». Il a raison de dire : « Estimez », parce qu’il n’est pas encore possible de rendre ce qu’il vient de dire, visible aux yeux. Et qu’estimerons-nous, demande-t-il ? Que « Nous sommes morts au péché, mais vivants à Dieu dans le Christ Jésus Notre-Seigneur ». En effet celui qui vit de la sorte, possédera toutes les vertus ; ayant Jésus pour auxiliaire dans le combat : c’est le sens de ces mots « dans le Christ ». Si en effet le Christ nous a ressuscités quand nous étions morts, à plus forte raison pourra-t-il nous conserver en vie.

« Que le péché donc ne règne point dans a votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à ses convoitises (11, 12) ». Il ne dit pas : Que la chair ne vive pas, qu’elle n’agisse pas ; mais : « Que le péché ne règne pas » ; car le Christ n’est pas venu détruire la nature, mais régler la volonté. Ensuite pour montrer que ce n’est point nécessairement ni par force, mais volontairement, que nous sommes esclaves du péché, il ne dit pas : Que le péché ne vous tyrannise point, ce qui emporterait l’idée de la violence, mais « qu’il ne règne « point ». En effet il est absurde d’avoir le péché pour roi, quand on est destiné au royaume du ciel, de préférer l’esclavage du péché, quand on est appelé à régner avec le Christ ; c’est comme si un roi, jetant bas son diadème, se faisait l’esclave d’une femme furieuse, mendiante et couverte de haillons. Ensuite comme il est difficile de vaincre le péché, voyez comme il s’efforce de faire disparaître cette difficulté et d’adoucir la peine, en disant : « Dans votre corps mortel ». Ce mot indique en effet que les combats sont passagers et auront bientôt leur fin ; et en même temps, il nous rappelle les maux passés, et la racine de la mort : car c’est par le péché que le corps est devenu mortel dès le commencement. Mais il est possible de ne point pécher, même quand on a un corps mortel. Voyez-vous comme la grâce du Christ est puissante ? Adam, avec un corps qui n’était pas encore mortel, a failli ; et vous qui avez reçu un corps mortel, vous pouvez, être couronné. Mais comment, direz-vous, le péché règne-t-il ? Ce n’est point par sa propre vertu, mais par l’effet de votre lâcheté. Aussi, après avoir dit : « Qu’il ne règne point », Paul nous fait-il voir en quoi consiste cette royauté, quand il ajoute « En sorte que vous obéissiez à ses convoitises ». Car ce n’est point un honneur de tout céder au corps librement ; c’est au contraire le dernier degré de l’esclavage et du déshonneur. En effet, quand il fait ce qu’il veut, il perd toute liberté ; lorsqu’on le contient, il conserve sa dignité propre : « N’abandonnez point vos membres au péché, comme des instruments d’iniquité, mais comme des instruments de justice (13) ».

3. Le corps est donc mitoyen entre le vice et la vertu, comme les armes elles-mêmes ; il peut faire les œuvres de l’un ou de l’autre, au gré de celui qui l’emploie. C’est ainsi que le soldat qui combat pour la patrie et le voleur qui attaque les habitants d’une maison, usent des mêmes armes : ce n’est pas la faute des armes elles-mêmes, mais de ceux qui en font un mauvais usage. C’est ce qu’on voit aussi dans la chair, qui devient ceci ou cela, selon la volonté de l’âme, et non par sa propre nature. Si vous considérez avec trop de curiosité une beauté étrangère, votre œil devient un instrument d’iniquité, non par une opération qui lui soit propre (car l’œil est fait pour voir, et non pour voir diane manière criminelle), mais par la malice de la pensée qui lui commande ; si vous le retenez au contraire, il devient un instrument de justice. Ainsi en est-il de la langue, ainsi des mains et de tous les autres organes. C’est avec raison que l’apôtre appelle le péché, injustice ; car celui qui pèche est injuste envers lui-même ou envers le prochain, et plus encore envers lui-même qu’envers le prochain. Puis nous ramenant du vice à la vertu, il nous dit : « Mais offrez-vous à Dieu, comme devenus vivants, de morts que vous étiez ». Voyez comme il emploie les termes simples pour exhorter, nommant là, le péché, ici Dieu. Après avoir montré la distance qui sépare ces deux souverains, il déclare indigne de tout pardon le soldat qui abandonne Dieu et désire être assujetti à l’empire du péché. Non content de cette preuve, il en donne encore une autre dans les paroles suivantes : « Comme devenus vivants, de morts que vous étiez ». Par là il fait voir le tort causé par le péché et la grandeur du don de Dieu. Songez, leur dit-il, à ce que vous étiez et à ce que volts êtes devenus. Qu’étiez-vous ? Morts, irrémédiablement perdus : car personne ne pouvait vous venir en aide. Et de morts que vous étiez, qu’êtes-vous devenus ? Vivants d’une vie immortelle. Et par qui ? Par Dieu qui peut tout. Il est donc juste que vous vous mettiez à ses ordres avec toute l’ardeur qu’on peut attendre de morts redevenus vivants. « Et vos membres à Dieu comme des instruments de justice ». Le corps n’est donc pas mauvais, puisqu’il peut devenir un instrument de justice. Il emploie le mot d’instrument (d’arme) pour indiquer qu’il s’agit d’une guerre terrible. Aussi avons-nous besoin d’une forte armure, d’une volonté généreuse parfaitement au courant de ce genre de combat, et surtout d’un chef. Or le chef est là, toujours prêt à nous seconder, à l’abri lui-même de toute atteinte ; et il nous a préparé des armes puissantes ; mais il est besoin d’une volonté qui sache les manier convenablement, obéir au chef et combattre pour la patrie.

Après nous avoir exhorté à de si grandes choses, nous avoir parlé d’armes, de combat et de guerre, voyez comme il encourage encore le soldat et excite son ardeur, en disant : « Car le péché ne vous dominera plus, parce « que vous n’êtes plus sous la loi, mais sous la grâce (14) ». Or, si le péché ne doit plus nous dominer, pourquoi donc nous faire tant de recommandation et nous dire : « Que le péché ne règne plus dans votre corps mortel » ; et encore : « N’abandonnez point vos membres au péché comme des instruments d’iniquité ? » Que signifie ce qu’il vient de dire ? Ici il répand pour ainsi dire sa parole comme une semence ; il l’expliquera plus tard et l’appuiera de preuves nombreuses. Que dit-il donc ? Avant la venue du Christ, notre corps tombait facilement sous le joug du péché. À la suite de la mort, un essaim de passions s’y était introduit ; en sorte qu’il était peu apte à entrer dans la carrière de la vertu. L’Esprit n’était point encore là pour lui prêter secours, ni le baptême pour le mortifier ; mais comme un cheval impatient du frein, il courait et s’égarait souvent ; bien que la loi indiquât ce qu’il fallait faire et ce qu’il fallait éviter, elle n’aidait guère qu’en paroles ceux qui soutenaient la lutte. Mais depuis que le Christ a paru, le combat est devenu plus facile ? Toutefois le secours étant plus abondant, les luttes proposées sont plus importantes. Aussi le Christ nous dit-il : « Si votre justice n’est plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux ». (Mat 5,20) Mais l’apôtre s’explique là-dessus plus clairement dans la suite ; en attendant il y fait ici allusion en peu de mots, en montrant que le péché ne saurait nous vaincre, à moins que nous ne nous abandonnions entièrement nous-mêmes. Car nous ne sommes plus seulement sous l’empire de la loi, mais sous celui de la grâce, laquelle remet le passé et fortifie pour l’avenir. La loi ne promettait la couronne qu’après le travail ; la grâce couronne d’abord, puis mène au combat : Ici l’apôtre ne me semble pas faire allusion à la vie entière du fidèle, mais seulement établir la différence entre le baptême et la loi ; ce qu’il exprime ailleurs en ces termes : « Or la lettre tue, tandis que l’Esprit vivifie ». (2Co 3,6) Car la loi prouve la prévarication, mais la grâce l’efface. La loi donne lieu au péché en le condamnant, la grâce en le pardonnant, le détruit ; en sorte que vous êtes doublement dégagé de ce joug tyrannique, en ce que vous n’êtes plus assujetti à la loi et que vous jouissez de la grâce.

4. Après avoir ainsi fait respirer son auditeur, Paul le fortifie encore, en tirant un avertissement, d’une objection, dans les termes suivants : « Quoi donc ? Pécherons-nous parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce ? À Dieu ne plaise ! » Il commence par une négation, à raison de l’absurdité de la chose ; puis il en vient à une exhortation et montre que le combat est très-facile, en disant : « Ne savez-vous pas que, lorsque vous vous rendez esclaves de quelqu’un pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché pour la mort, soit de l’obéissance pour la justice (15,16) ? » Je ne parle pas encore de l’enfer, leur dit-il, ni de ses affreux supplices ; mais de la honte qui vous couvre quand vous êtes esclaves, et esclaves volontaires, et esclaves du péché, et sans espoir d’une autre récompense que de mourir une seconde fois. Car si avant le baptême, le péché avait produit la mort corporelle ; si la blessure a exigé un tel remède que le Maître de toutes choses a dû descendre pour mourir, et guérir ainsi le mal : quels effets le péché ne produira-t-il pas en vous, si, après un tel bienfait, après que vous avez recouvré la liberté, vous vous abandonnez de nouveau et volontairement à sa domination ? Ne vous précipitez donc pas dans un tel abîme, ne vous livrez pas vous-mêmes. Dans les combats, souvent les soldats sont livrés malgré eux ; mais ici personne ne vous vaincra, si vous ne passez vous-mêmes à l’ennemi. Après les avoir fait rougir par un sentiment de décence, il les épouvante par les résultats du combat, qu’if met en face l’un de l’autre, la justice et la mort ; non pas, la mort ordinaire, mais une autre mort bien plus terrible. Car si le Christ ne meurt plus, qui rachètera de cette mort ? Personne. Il faudra donc de toute nécessité subir le supplice ; et ce ne sera, plus, comme ici, la mort sensible, qui sépare l’âme du corps et donne à celui-ci le repos : « Or le dernier ennemi détruit sera la mort ». (1Co 15,26) D’où il suit que le châtiment sera immortel, mais non pour ceux qui auront écouté la voix de Dieu : car pour eux la récompense sera la justice et tous les biens qui en dérivent.

« Mais grâces soient rendues à Dieu de ce qu’ayant été esclaves du péché, vous avez obéi du fond du cœur à ce modèle de doctrine sur lequel vous avez été formés (17) ». Après les avoir fait rougir de leur ancien esclavage, puis effrayés et exhortés par l’aspect des récompenses, il les relève de nouveau par le souvenir des bienfaits qu’ils ont reçus. Par là il leur fait voir qu’ils ont été délivrés de grands maux, mais non par leurs propres efforts, et que désormais ils rencontreront moins de difficultés. Comme un homme qui, ayant arraché un captif aux mains d’un cruel tyran, l’exhorterait à n’y plus retomber, et lui rappellerait son horrible esclavage ; ainsi Paul, tout en rendant grâces à Dieu, leur dépeint avec énergie les maux passés. Il n’était, leur dit-il, au pouvoir d’aucun être humain de nous délivrer de tous ces maux ; mais grâces soient rendues au Dieu qui l’a voulu et qui l’a pu ! Il a raison de dire : « Votes avez obéi du fond du cœur » ; car vous n’y étiez pas forcés, on ne vous a point fait violence, mais vous, avez rompu avec le mal librement, de bonne volonté. Il y a ici tout à la fois un éloge et un avertissement. En effet, puisque vous êtes venus spontanément, sans avoir subi aucune contrainte, quelle serait votre excuse, si vous retourniez à votre ancien état ? Et pour vous faire comprendre que le résultat n’est point seulement dû à leurs bonnes dispositions, mais qu’il est entièrement l’œuvre de la grâce, après avoir dit : « Vous avez obéi du fond du cœur », il ajoute : « A ce modèle de doctrine sur lequel vous avez été formés ». L’obéissance du fond du cœur indique le libre arbitre ; mais ce mot « être formés n insinue l’idée du secours de Dieu. Quelle est la marque de la doctrine ? Une vie réglée et parfaite.

« Ainsi affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice (18) ». Il indique ici doux bienfaits de Dieu : il nous a délivrés du péché et soumis à la, justice ; ce qui est préférable à toute espèce – de liberté. Dieu a fait ce que ferait celui qui, adoptant un enfant orphelin, emmené par des barbares sur la terre étrangère, non seulement le délivrerait de la captivité, mais se constituerait son père et son tuteur et l’élèverait au faîte des honneurs. Voilà ce qui nous est arrivé. Car non seulement Dieu nous a affranchis des maux passés ; mais il nous a initiés à la vie des anges ; il nous a tracé une excellente règle de conduite, en nous confiant à la garde assurée de la justice, en faisant disparaître les maux d’autrefois, en faisant mourir le vieil homme, en nous menant comme par la main à une vie immortelle. Continuons donc à vivre die cette vie ; car beaucoup semblent respirer et se mouvoir, qui sont dans un état plus misérable que les morts.

5. Il y a en effet différentes espèces île morts l’une est la mort du corps, selon laquelle Abraham était mort, et ne l’était point.: car il est écrit : « Dieu n’est point le Dieu des morts, mais des vivants » (Mat 22,32) ; l’autre est la mort de l’âme, à laquelle le Christ fait allusion quand il dit : « Laissez les morts ensevelir leurs morts ». (id. 8,22) Il y en a une troisième qu’il faut louer, et qui est le fruit de la sagesse ; celle dont Paul a dit : « Faites mourir vos membres qui sont sur la terre ». (Col 3,5) Une autre encore, principe de celle-ci, s’opère dans le baptême : « Notre vieil homme », dit l’apôtre, « à été crucifié ».(Rom 6,6) Instruits de tout cela, fuyons donc l’espèce de mort par laquelle on meurt, quoique en vie ; et ne craignons point celle qui est commune à tout le monde. Mais choisissons et embrassons les deux autres, dont l’une, donnée par Dieu, est le comble, du bonheur, et dont l’autre, produit de notre volonté et de la grâce de Dieu, est digne de tout éloge. L’une d’elles a été déclarée heureuse par David en ces termes : « Heureux ceux dont les iniquités sont effacées » (Psa 32,11) ; l’autre est l’objet de l’admiration de Paul, qui écrit aux Galates : « Ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair ». (Gal 5,24) Quant aux deux autres, l’une d’elles a été proclamée méprisable par le Christ, qui a dit : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme » (Mat 10,28) ; et l’autre effrayante : « Mais craignez celui qui peut précipiter l’âme et le corps dans l’enfer ». (Id) Évitons donc celle-ci, et choisissons celle qui est déclarée heureuse et admirable, pour éviter encore et craindre chacune des deux autres.

Il n’y a aucun profit pour nous à voir le soleil, à manger et à boire, si nous n’avons pas la vie des bonnes œuvres. De grâce, de quoi sert à un roi d’être revêtu de la pourpre, de parier des armes, s’il n’a point de sujets, et si le premier venu peut impunément l’insulter et l’injurier ? De même il n’y a aucun avantage pour le chrétien à avoir reçu la foi et le bienfait du baptême, s’il est soumis à toutes les passions ; au contraire l’injure deviendra plus sensible et la honte plus grande. Comme ce roi orné du diadème et de la pourpre, non seulement ne retire aucune gloire personnelle de l’éclat de son manteau, mais fait rejaillir sur lui son propre déshonneur ; ainsi le fidèle qui mène une vie déréglée, ne retire aucun honneur de sa foi, mais n’en devient que plus méprisable. « Car », dit l’apôtre, « tous ceux a qui ont péché sans la loi, périront sans la loi ; et tous ceux qui ont péché sous la loi, seront jugés par la loi ». (Rom 2,12) Il disait encore, en écrivant aux Hébreux : « Celui qui a violé la loi de Moïse meurt sans aucune miséricorde sur la déposition de deux ou trois témoins. Combien donc pensez-vous que mérite de plus affreux supplices celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu ? » (Heb 10,28-29) Et c’est très-juste : car, nous dit le Christ, par le baptême je t’avais soumis toutes les passions. Qu’est-il donc arrivé, pour que tu aies profané un si grand don, et sois devenu tout autre que tu ne devais être ? J’ai détruit, j’ai enseveli, comme des vers, tes premières prévarications : pourquoi en as-tu engendré d’autres ? Et encore les péchés sont pires que les vers : car ceux-ci ne nuisent qu’au corps, et ceux-là nuisent à l’âme, en exhalent une odeur plus fétide. Mais nous ne la sentons pas : voilà pourquoi nous ne nous empressons pas de la faire disparaître. L’homme ivre ne connaît pas non plus la puanteur du vin corrompu : mais celui qui n’est pas ivre la connaît parfaitement. Ainsi en est-il des péchés : L’homme sage couinait très-bien cette boue ; cette tache ; mais celui qui s’est livré au vice, assoupi par une sorte d’ivresse, ne sait pas même qu’il, est malade.

Et c’est là ce qu’il y a de plus terrible dans le vice, c’est qu’il ne permet pas à ceux qui y sont tombés de voir la profondeur de leur mal ; ils sont couchés dans la boue, et croient. respirer l’odeur des parfums ; aussi ne peuvent-ils point sortir de leur état, et pendant qu’ils fourmillent de vers, ils en sont fiers comme s’ils étaient ornés de pierres précieuses. Voilà pourquoi ils ne veulent point les tuer, mais ils les nourrissent ; ils en augmentent le nombre, jusqu’à ce que ceux-ci les fassent passer aux vers du siècle à venir. Car les uns ne sont que les courtiers des autres, non seulement les courtiers, mais les pères des vers gui ne doivent pas mourir. Car il est écrit : « Leur ver ne meurt pas ». (Mrc 9,24) Ce sont eux qui allument la géhenne qui ne doit plus s’éteindre : Pour que cela n’arrive pas, détruisons la source du mal, éteignons la fournaise, et extirpons entièrement la racine de l’iniquité. Si vous coupez un mauvais arbre par le sommet, vous n’avez rien gagné, puisque la racine reste en terre, et qu’elle peut repousser des rejets. Quelle est donc la racine des maux ? Apprenez-le du bon agriculteur, de celui qui est si expert dans ces matières, qui cultive la vigne spirituelle, qui est le laboureur du monde entier. Quelle est donc, selon lui, la racine de tous les maux ? L’ambition des richesses. « La racine de tous les maux », nous dit-il, « est la cupidité ». (1Ti 6,10) De là les combats, les inimitiés et les guerres ; de là les contestations, les injures, les soupçons, les outrages ; de là les meurtres, les larcins, les vols sacrilèges ; par là, non seulement les villes et les contrées, mais, les routes, les lieux habités ou inhabités, les montagnes, les vallées, les collines, en nu mot toute la terre regorge de sang et de carnage. La mer même n’échappe point à ce fléau ; sur elle aussi, il exerce en plein sa fureur, les pirates l’assiégeant, pour ainsi dire, de toutes parts et s’étudiant à trouver toujours de nouveaux modes de brigandage. Par elle, les lois, de la nature sont renversées, les relations de parenté ébranlées, les droits de ta chair même violés.

6. En effet ce n’est pas seulement contre les vivants, mais aussi contre les morts, que cette passion tyrannique arme des mains criminelles ; la mort elle-même n’est point respectée on brisé les tombeaux ; d’odieux scélérats s’en prennent aux cadavres, et le sépulcre n’est point un abri contre leurs embûches. Tous les maux que vous rencontrerez dans les maisons, sur les places publiques, dans les tribunaux, dans les, assemblées délibérantes, dans les palais, en quelque lieu que ce soit, vous vous apercevrez qu’ils ont pris là leur origine. C’est ce vine, c’est lui, qui a tout rempli de sang et de meurtres, c’est lui qui a allumé les flammes de l’enfer, c’est lui qui a rendu la situation des villes aussi triste, pire peut-être que celle des déserts. Ilest en effet plus facile de se garantir des voleurs de grands chemins, parce qu’ils n’attaquent pas toujours mais leurs imitateurs du milieu des villes sont d’autant plus à craindre qu’il est plus difficile de se tenir en garde contre eux et qu’ils osent faire ouvertement ce que les autres ne font qu’en secret. Se faisant un point d’appui des lois mêmes qui sont portées contre eux, ils ont rempli les villes de meurtres et de crimes. N’est-ce pas un meurtre, dites-moi, et quelque chose de pire qu’un meurtre, de livrer un pauvre aux horreurs de la faire, de le jeter en prison, et de lui infliger, outre la faim, mille tortures et mille mauvais traitements ? Et bien que vous ne fassiez pas cela vous-même, dès que vous êtes cause que cela se fait, vous en êtes plutôt l’auteur que ceux qui vous servent d’instruments. En effet l’homicide enfonce le glaive, il est vrai, mais ne cause qu’une douleur passagère et ne pousse pas plus loin sa cruauté ; et vous, en changeant pour vos victimes la lumière en ténèbres par vos calomnies, par vos injures, par vos embûches, en les mettant dans le cas de se souhaiter mille fois la mort, songez combien de morts vous leur faites souffrir au lieu d’une !

Et ce qu’il y a de plus grave en tout cela c’est que vous volez, vous dépouillez, sans y être poussé par la pauvreté, ni forcé par la faim, mais pour couvrir d’or le frein de votre cheval, le toit de votre maison, les chapiteaux de vos colonnes. – Plonger dans un abîme de malheur un frère, un homme qui participe avec nous aux saints mystères, et est honoré jusqu’à ce point par votre Maître, et cela pour orner des pierres, un pavé, le corps d’animaux stupides qui ne sentent pas même l’honneur qu’on leur fait : quel enfer ne mérite pas un tel crime ? On entoure un chien de soins et d’égards ; et pour ce chien, ou pour ce que nous venons de dire, on réduit un homme, que dis-je ? le Christ lui-même, aux extrémités de la faim ! Qu’y a-t-il de pire qu’un tel renversement ? Qu’y a-t-il de plus affreux qu’une telle iniquité ? Quels torrents de feu suffiront à punir une telle âme ? Un homme fait à l’image de Dieu, est devenu méconnaissable par votre inhumanité ; mais la tête des mules qui portent votre femme est chargée d’or, aussi bien que les cuirs et les bois qui forment la charpente de votre toit ; s’il s’agit d’orner un siège, un escabeau, on y emploie l’or et l’argent ; mais le membre du Christ, celui pour qui il est descendu du ciel et a versé son précieux sang, est privé de la nourriture nécessaire par le fait de votre ambition. Vos lits resplendissent partout de l’éclat de l’argent, et les corps des saints n’ont pas les vêtements nécessaires ; le Christ est pour vous le plus méprisable des êtres, au-dessous de vos serviteurs, de vos mulets, d’un lit, d’un siège, d’un escabeau. Je passe sous silence des meubles plus vils encore, et vous les laisse à penser. Mais si cela vous fait frissonner, abstenez-vous de le faire, et mes paroles ne tomberont point sur vous ; abstenez-vous, renoncez à cette folie : car il y a, dans cette passion, une folie évidente.

La rejetant donc, élevons, quoique tard, nos yeux vers le ciel, rappelons-nous le jour, qui approche : songeons au terrible tribunal, au compte sévère, au jugement impartial ; pensons que Dieu, qui voit tout cela, ne lance point sa foudre, quoique cette conduite mérite encore un plus grand châtiment. Il ne le fait cependant pas, il ne jette point contre nous les flots de la mer, il n’entr’ouvre pas la terre parle milieu, il n'éteint pas le soleil, il ne précipite point en bas le ciel avec ses astres, en un mot il ne fait pas tout disparaître ; mais il laisse chaque chose en son ordre, et permet que toute la création soit à notre service. En pensant à cela, redoutons l’étendue même de cette bonté ; revenons à notre noblesse propre car, maintenant, nous ne valons pas mieux que les brutes, nous sommes même bien au-dessous d’elles : en effet elles aiment les animaux de leur espèce, et la communauté de nature suffit à créer en elles un attachement réciproque.

Et vous, qui outre la communauté de nature, avez mille raisons de vous unir étroitement à vos propres membres : l’honneur d’être doué de raison, le lien d’une même religion, la participation à des biens sans nombre, vous êtes plus cruels que les bêtes sauvages, quand vous mettez le plus grand soin à des choses inutiles, dédaignez les temples de Dieu en proie à la faim et à la nudité, et souvent même les précipitez dans un abîme, de maux. Si vous agissez par amour de la gloire, encore devriez-vous bien plutôt soigner un frère qu’un cheval. Plus celui à qui vos bienfaits s’adressent est grand, plus sera brillante la couronne que ces bienfaits mêmes vous tresseront ; tandis qu’en tenant une conduite toute contraire, vous vous attirez, sans vous en apercevoir, des milliers d’accusateurs. Qui ne dira pas de mal de vous ? Qui ne vous accusera pas d’extrême barbarie et d’inhumanité, en vous voyant mépriser l’espèce humaine, préférer à des hommes des animaux, puis une maison, puis des meubles ? N’avez-vous pas entendu les apôtres dire que ceux qui reçurent la parole les premiers vendaient leurs maisons et leurs champs, pour nourrir leurs frères ? Et vous, vous volez des maisons et des champs, pour orner un cheval, du bois, des peaux, des murs, un pavé !

Et ce qu’il y a de plus grave, c’est que ce ne sont pas seulement des hommes, mais, des femmes, qui sont en proie à cette folie, qui poussent les hommes à ces futilités, et les forcent à dépenser pour tout plutôt que pour les choses nécessaires ; et si on leur en fait un reproche, elles s’excusent d’une manière tout à fait blâmable. On fait l’un et l’autre, dit-on. Quoi ! vous n’avez pas honte de dire cela ? de mettre le Christ, mourant de faim, au, des chevaux, des mulets, des lits, des escabeaux ? et pas même à ce niveau, puisque vous faites à ces objets la plus grande part, tandis que vous lui en réservez à peine une petite ? Ne savez-vous pas que tout est à lui, et vous, et ce qui vous appartient ? Ne savez-vous pas qu’il a formé votre corps, qu’il vous a donné une âme, et arrangé pour vous le monde entier ? Et vous ne le payez pas du moindre retour ! Si vous avez loti une petite maison, vous exigez sévèrement le prix convenu ; et quand vous jouissez de la création entière ; quand vous habitez un si vaste univers, vous refusez de payer à Dieu le moindre prix, vous vous livrez, vous et tout ce qui vous appartient, à la vaine gloire : car la vaine gloire est la source d’où tout cela dérive. Un cheval n’en est ni meilleur ni plus vigoureux pour être paré de ces ornements ; on en peut dire autant de celui qui le monte, quelques fois même il en est moins honoré. Car beaucoup de gens perdent de vue le cavalier pour fixer leurs yeux sur les harnais du cheval, sur les domestiques qui vont en avant et en arrière et écartent la foule ; quant au maître, ils le prennent en aversion et s’en détournent comme d’un ennemi commun.

Il n’en est pas ainsi quand vous prenez soin d’orner votre âme ; alors les hommes, les anges, le Maître même des anges, vous, tressent tous ensemble une couronne. Donc, si vous aimez la gloire, cessez de faire ce que vous faites ; embellissez votre âme, et non votre maison, afin de devenir illustre et glorieux ; car il n’y a rien de plus misérable que vous, si, ayant l’âme nue et désolée, vous vous glorifiez de la beauté de votre maison. Que si mes paroles vous déplaisent, écoutez ce qu’a fait certain païen, et que là sagesse profane vous couvre de honte. On raconte qu’un de ces philosophes entrant dans une magnifique demeure, où l’or brillait de tout côté, toute resplendissante de l’éclat des marbres et de la beauté des colonnes, et voyant le parquet couvert partout de somptueux tapis, cracha sur le visage du maître de la maison, et répondit, au reproche qu’on lui en faisait, que n’ayant pas trouvé à le faire ailleurs, il s’était vu dans la nécessité de jeter cet affront à la face du propriétaire
Il s’agit d’Aristippe. Voyez Diogène Laërce, via d’Aristippe.
. Voyez-vous combien est ridicule celui qui ne s’attache qu’à orner l’extérieur, et comme il est méprisable aux yeux des hommes de sens ? Et ce n’est que juste. Si quelqu’un, laissant votre femme couverte de haillons, habillait magnifiquement vos servantes, vous ne le supporteriez pas patiemment, vous en seriez outré de colère et regarderiez cela comme le plus grand des affronts. Faites à votre âme l’application de ce raisonnement. Quand vous embellissez des murs, des pavés, des meubles ou d’autres objets de ce genre, et que vous ne faites point d’abondantes aumônes, que vous né pratiquez point la vraie sagesse, vous ne faites pas autre chose que ce que nous venons de dire, vous faites même bien pis. Car entre une maîtresse et une servante, il n’y a pas de différence ; mais, entre l’âme et la chair, il y en a une très-grande, et une bien plus grande encore entre l’âme et une maison, entre l’âme et un lit ou un escabeau. Comment donc seriez-vous excusable de revêtir d’argent tous les objets, et de laisser votre âme couverte de haillons, malpropre, mourant de faim, percée de blessures, déchirée par des chiens sans nombre, puis de vous croire après cela, fort honoré de ces embellissements extérieurs ? C’est certainement là le comble de la folie, d’être un objet de dérision, d’injure et d’opprobre, d’encourir les derniers châtiments, et de se complaire encore dans ces futilités. C’est pourquoi, je vous en prie, réfléchissons à tout cela, redevenons sages quoique bien tard, rentrons en nous-mêmes, et reportons sur notre âme ces ornements extérieurs. Par là ils ne pourront plus se flétrir, ils nous rendront semblables aux anges et nous procureront les biens immuables. Puissions-nous tous avoir ce bonheur, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui la gloire appartient dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Voir le début du chap. suivant.
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