‏ Titus 1

COMMENTAIRE SUR L’ÉPÎTRE DE SAINT PAUL A TITE.

AVERTISSEMENT.

Les homélies sur l’épître à Tite furent prononcées à Antioche ; Tillemont le prouve très bien par la citation d’un passage qu’il tire de l’homélie 3°, nombre 2°. Voici ce passage : « Que dire de ces chrétiens qui jeûnent avec les juifs, qui observent les sabbats ; de ceux qui s’en vont à ces rendez-vous « de superstitions païennes, à Daphné, à la grotte dite de la Matrone, à ce lieu consacré à Saturne dans la Cilicie ? Dirons-nous qu’ils ont leur bon sens ? Ils ont donc besoin d’une correction sévère ». Ces paroles s’adressent évidemment aux habitants de la ville d’Antioche dans les environs de laquelle se trouvaient le, bois de Daphné et la grotte de la Matrone. – On remarque un grand soin dans ces Homélies ; les questions y sont traitées largement. Dans la troisième et dans la cinquième il est question des vices et des crimes des Crétois et des philosophes grecs ; dans la sixième, du martyre accompli dans des circonstances singulières, de deux chrétiens que l’orateur ne nomme pas.

HOMÉLIE PREMIÈRE.

PAUL, SERVITEUR DE DIEU ET APÔTRE DE JÉSUS-CHRIST, SELON LA FOI DES ÉLUS DE DIEU ET LA CONNAISSANCE DE LA VÉRITÉ QUI EST SELON LA PIÉTÉ ; SOUS L’ESPÉRANCE DE LA VIE ÉTERNELLE QUE DIEU, QUI NE PEUT MENTIR, AVAIT PROMISE AVANT TOUS LES TEMPS, MAIS QU’IL A MANIFESTÉE EN SON TEMPS PROPRE (SAVOIR) SA PAROLE DANS LA PRÉDICATION QUI M’EST COMMISE PAR LE COMMANDEMENT DE DIEU NOTRE SAUVEUR : A TITE MON VRAI FILS SELON LA FOI QUI NOUS EST COMMUNE, GRACE, MISÉRICORDE ET PAIS DE LA PART DE DIEU ET DE LA PART DE JÉSUS-CHRIST NOTRE SAUVEUR. (I, 1-4)

Analyse.

  • 1. Différents caractères de l’épître à Tite : qu’il y est souvent question de la grâce de Dieu.
  • 2. Que la prédication doit être accomplie avec confiance. – Ce que c’est qu’un vrai fils dans l’ordre de la grâce.
  • 3. De la difficulté de la : charge pastorale. – Malheur à ceux qui élèvent à cette dignité des personnes qui en sont indignes.
  • 4. Que les pasteurs sont en butte à la médisance des peuples, quelques mesures qu’ils prennent pour défendre. Un pasteur peut avoir un soin raisonnable de sa santé.

1. Tite était l’un des plus distingués des compagnons de saint Paul ; s’il n’en avait pas été ainsi, l’apôtre ne lui aurait pas confié une île tout entière ; il ne lui aurait pas prescrit de mettre en bon ordre les choses qui restaient à, régler, car il dit : « Afin que tu mettes en bon ordre ce qui reste » ; il n’aurait pas soumis à son jugement tant d’évêques, s’il n’avait pas eu en lui la plus grande confiance. On dit que c’était un jeune homme, parce que saint Paul l’appelle son fils, mais la raison n’est pas convaincante. Je crois que c’est de lui qu’il est fait mention dans les Actes des apôtres. Il était probablement de Corinthe, à moins qu’il n’y en ait eu un antre du même nom. De plus l’apôtre appelle à lui Zénas et il désire qu’Apollon lui soit envoyé, et non celui-ci ; car il témoignait qu’ils auraient plus de courage en présence de l’empereur. Il me semble que saint Paul était en liberté, lorsqu’il écrivit cette épître. Car il ne parle pas de ses persécutions, et sans cesse il revient sur la grâce de Dieu ; on peut le voir à la fin comme au commencement, et c’est là une exhortation à la vertu toute-puissante sur l’esprit de ceux qui croient. N’était-ce pas un grand encouragement pour eux, que de savoir ce qu’ils méritaient, à quel état ils avaient été élevés par grâce, à quelle dignité ils étaient appelés ? Il s’élève aussi contre les juifs ; et s’il s’emporte contre la nation tout entière, ne vous en étonnez point. Il ne s’y prend pas autrement, lorsqu’il s’agit des Galates. Ne s’écrie-t-il pas « O Galates insensés ! » Ce ne sont point là les paroles d’une haine injurieuse, mais celles d’un amour ardent. S’il avait agi ainsi dans son intérêt, il serait justement blâmable, mais si c’est par ardeur et par zèle pour la prédication, il n’y a point d’injure. Le Christ lui-même a fait mille reproches aux scribes et aux pharisiens, mais était-ce par un motif intéressé non, c’est parce qu’ils perdaient tous les autres. – L’épître est courte, et ce n’est pas sans raison. Par là un hommage est rendu à la vertu de Tite qui nous est représenté comme n’ayant pas besoin de longs discours, mais d’un simple avertissement. Il me semble qu’elle a été écrite avant l’épître à Timothée il a fait celle-ci vers la fin de sa vie, lorsqu’il était dans les fers ; mais au moment où il a composé l’épître à Tite il n’était ni emprisonné, ni enchaîné, car ces mots : « J’ai résolu de passer l’hiver à Nicopolis », prouvent qu’il n’était pas encore dans les liens ; dans son épître à Timothée au contraire il dit souvent qu’il est enchaîné.

Que dit-il donc ? «. Paul, serviteur de Dieu et apôtre de Jésus-Christ, selon la foi des élus de Dieu ». Voyez-vous comme il se sert indifféremment de ces expressions ? il s’appelle tantôt serviteur de Dieu et apôtre de Jésus-Christ, tantôt serviteur de Jésus-Christ : « Paul, serviteur de Jésus-Christ ». Ainsi il n’établit aucune différence entre le Père et le Fils. « Selon la foi des élus de Dieu ». Veut-il dire qu’il avait la foi, ou qu’on avait foi en lui ? Je crois qu’il veut dire que les élus lui ont été confiés ; comme s’il disait : Je ne dois pas ma dignité à mes mérites, à mes fatigues et à mes sueurs, mais je dois tout à la bonté de Dieu, qui a mis en moi sa confiance. Ensuite, pour qu’on n’aille pas croire que la grâce se communique sans raison, puisqu’il faut que l’homme y corresponde, et que ce n’était pas sans raison que Paul avait été préféré à d’autres, il ajoute : « Et la connaissance de la vérité qui est selon la piété ». C’est parce qu’il avait cette connaissance de la, vérité que les élus lui ont été confiés. Mais alors ils lui ont été confiés à bien plus forte raison par la grâce de Dieu, puisque c’est Dieu qui lui a donné cette connaissance. Aussi écoutez Jésus-Christ lui-même : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis ». (Jn 15,16) De même le bienheureux apôtre saint Paul dit dans un autre endroit : « Je connaîtrai selon que j’ai été aussi connu » (1Co 13,12) ; et ailleurs : « Si je puis comprendre de même que j’ai été compris par « Jésus-Christ ». (Phi 3,12) Ainsi, d’abord nous sommes compris, ensuite `nous connaissons ; d’abord nous sommes connus, et ensuite nous comprenons ; d’abord nous sommes appelés, et – ensuite nous obéissons. Lorsqu’il dit : « Selon la foi », il fait entendre qu’il n’est rien que par les élus. C’est comme s’il disait : C’est pour eux que je suis apôtre, je ne le suis pas pour mes mérites, mais pour l’intérêt des élus. C’est ce qu’il dit ailleurs : « Toutes choses sont à vous, soit Paul, soit Apollon ». (1Co 3,22)

« Et la connaissance de la vérité qui est selon la piété ». Il y a en effet une connaissance vraie des choses qui n’est pas selon la piété. Ainsi connaître l’agriculture, connaître les arts, c’est bien véritablement connaître mais la connaissance dont il parle, c’est celle qui est selon la piété. « Selon la foi » peut encore avoir été écrit parce qu’ils ont eu la foi comme les autres élus et qu’ils ont connu la vérité : c’est de la foi que vient la connaissance et non des raisonnements. « Sous l’espérance de la vie éternelle ». Il a dit que la vie présente est toute dans la grâce de Dieu ; il parle maintenant de la vie future, et il met devant nos yeux les récompenses qui nous sont destinées pour les bienfaits que nous avons reçus. Car Dieu veut nous couronner parce que nous avons cru en lui et qu’il nous a dégagés de l’erreur. Vous voyez comme le début de l’épître est rempli de la pensée des bienfaits de Dieu ; toute la suite ressemble à ce commencement, et elle encourage le juste Tite et ses disciples à supporter les peines. Il n’y a rien en effet de plus utile que de se rappeler sans cesse les bienfaits gîte Dieu répand soit sur tous les hommes, soit sur chacun dé nous. Car si notre zèle s’enflamme, lorsque nous recevons un bienfait d’un ami, ou qu’on nous adresse soit une bonne parole, soit un geste bienveillant, combien plus grande ne doit pas être notre ardeur à obéir, lorsque nous voyons à quels dangers nous avons été exposés, et comment Dieu nous en a toujours délivrés. « Et la connaissance de la vérité ». Ici il dit « la vérité » par opposition à la figure. Car auparavant il y avait bien une connaissance, il y avait bien une piété, seulement elle ne consistait pas dans la vérité, encore moins dans le mensonge, mais dans les images et dans les figures. Il dit très bien : « Sous l’espérance de la vie éternelle », parce que l’autre connaissance était pour l’espérance de la vie présente. « Car l’homme qui fera ces choses vivra par elles ». (Rom 10,5) Voyez-vous comme dès le début il donne la mesure de la grâce ? Ceux-là ne sont pas les élus, c’est nous qui le sommes ; et bien qu’autrefois ils aient été appelés les élus, ils ne le sont plus.

« Que Dieu qui ne peut mentir avait promise avant tous les temps », c’est-à-dire, Dieu ne l’a point promise en changeant sa première pensée, mais il a fait cette promesse dès le principe. C’est ce que l’apôtre a exprimé en beaucoup de passages, comme lorsqu’il dit : « J’ai été mis à part pour annoncer l’Évangile « de Dieu », et ailleurs : « Et ceux qu’il a appelés et ceux qu’il a prédestinés » ; il montre par là notre dignité, puisque ce n’est pas d’aujourd’hui que Dieu nous aime, mais qu’il nous a aimés auparavant, et il ne faut pas compter pour peu qu’il nous ait aimés auparavant et dès le principe.

2. « Que Dieu, qui ne peut pas mentir, nous avait promise ». S’il ne peut pas mentir, tout ce qu’il a promis s’accomplira ; s’il ne peut, pas mentir, il ne faut pas douter de sa parole, quand même l’accomplissement n’en aurait lieu qu’après notre mort. « Que Dieu, qui ne peut pas mentir, nous avait promise avant les temps éternels ». Par cela même qu’il dit : « Avant tous les temps », il montre que cette promesse mérite notre foi. Ce n’est point parce que les juifs ne sont pas venus à la foi, dit-il, qu’il en est ainsi, mais c’est ce qui a été figuré dès le principe. Écoutez, en effet, ses propres paroles : « Il l’a manifestée dans son temps propre ». Pourquoi ce retard ? Par une raison providentielle et, pour que toutes choses se fissent au moment convenable. « Il « est temps », dit le Prophète, « que l’Éternel opère ». (Psa 119,126) Par ces mots : « Dans son temps propre », il faut entendre dans le temps qui convenait, dans le temps qu’il fallait, dans le temps favorable. « Il a manifesté en son temps propre sa parole dans la prédication qui m’est commise ». Par là il entend la prédication : car l’Évangile contient toutes choses, les promesses pour le présent et pour l’éternité, la vie, la piété, la foi, tout en un mot. « Dans la prédication », c’est-à-dire ouvertement, avec franchise, car c’est le sens de ces mots : « Dans la prédication ». De même que le héraut élève la voix dans le théâtre en présence de toute l’assistance, de même nous aussi nous prêchons sans rien ajouter du nôtre ; nous ne faisons que répéter ce que nous avons entendu. Car la vertu du héraut consiste à dire à tout le monde comment les choses se sont passées, sans rien retrancher ni ajouter.

Si donc il faut prêcher, il faut le faire avec franchise, autrement serait-ce encore prêcher ? C’est pourquoi le Christ ne dit pas : Parlez sur les toits, mais : « Prêchez sur les toits ». (Mat 10,27) Il montre où et comment il faut prêcher. « Qui m’a été commise par le commandement de Dieu notre Sauveur ». Ces mots : « Qui m’a été commise », ces autres mots : « Par le commandement », montrent que la prédication est digne de foi ; que personne donc ne l’entende d’une manière indigne, ni avec dégoût, ni avec impatience. Mais s’il y a commandement, je ne suis pas maître : c’est un ordre que j’exécute. Parmi nos actions, les unes nous appartiennent, les autres, non. Pour ce que Dieu ordonne de dire, nous ne sommes pas maîtres ; mais pour ce qu’il permet, nous sommes libres dans notre parole. Par exemple : « Celui qui dira à son frère, Raca, sera punissable par le conseil », c’est là un commandement ; ou bien : « Si tu apportes ton offrande à l’autel, et que là il te souvienne que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens et offre ton offrande ». (Mat 5,22-24). C’est encore là un commandement, un ordre, et si quelqu’un ne s’y conforme pas, il y a nécessité qu’il subisse le, châtiment. Mais lorsque Jésus-Christ dit : « Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes », ou bien : « Que celui qui peut comprendre ceci, le comprenne ».(Mat 19,11-12). Ce n’est pas un commandement, car il laisse l’auditeur libre d’écouter ses paroles, il lui donne à choisir ce qu’il doit faire ou ne pas faire, cela reste en notre pouvoir. Il n’en est pas de même pour les commandements, il faut de toute nécessité les remplir, sous peine d’être, puni. C’est ce que saint Paul dit lui-même par ces paroles : « La nécessité m’en est imposée, et malheur à moi si je n’évangélise pas ». (1Co 9,16) Pour moi, je le dirai bien haut, afin que cette vérité éclate à tous les yeux. Ainsi, si celui qui a été préposé au gouvernement de l’Église et qui a été honoré de la dignité d’évêque, n’indique pas au peuplé ce qu’il doit faire, il encourt une grande responsabilité ; mais le laïque n’est tenu par aucune nécessité de ce genre. C’est pour cette raison que l’apôtre Paul dit : « Selon le commandement de Dieu notre Sauveur ». Et voyez comme la suite s’accorde avec ce que je viens de dire. Paul venait de dire : « Dieu qui ne ment point » ; il dit maintenant : « Par le commandement de Dieu notre Sauveur ». Si donc il est notre Sauveur, et qu’il nous donne des commandements, par le désir qu’il a de nous sauver, la prédication n’est point une œuvre d’ambition, c’est une mission de foi, c’est un commandement de Dieu notre Sauveur.

« A Tite mon vrai fils ». Il y a en effet des fils qu’on ne reconnaît point pour ses vrais fils, comme celui dont il est dit : « Si quelqu’un, qui se nomme frère, est fornicateur, ou avare, ou idolâtre, ou médisant, ou ivrogne, ou ravisseur, ne mangez pas même avec un tel homme ». (1Co 5,11) Un tel homme est un fils, mais ce n’est point un vrai fils ; c’est un fils, car il a reçu la grâce une fois et il a été régénéré ; ce n’est point un vrai fils, car il est indigne de son père, car il se met sous un autre maître. En effet, dans l’ordre de la nature, le vrai fils se distingue du fils illégitime par sa mère, et il porte le nom de son père. Dans l’ordre de la grâce il n’en est pas ainsi, c’est par choix qu’on est fils ; aussi appartient-il à celui qui est un vrai fils de ne pas demeurer tel, et à celui qui ne l’est pas, de le devenir. En effet, ce n’est point par la nécessité de la nature que cette question est décidée, c’est par la liberté du choix : de là tant de changements. Onésime, par exemple, était un vrai fils, mais il cessa de l’être pour un temps, parce qu’il devint méchant. Ensuite il le redevint au point que l’apôtre l’appelait ses entrailles.

« A Tite mon vrai fils, selon la foi qui nous est commune ». Qu’entend-il par ces mots : « Selon la foi qui nous est commune ? » Après l’avoir appelé son fils et s’être lui-même donné pour un père ; pourquoi diminue-t-il et affaiblit-il cet honneur ? En voici la raison : « Selon la foi qui nous est commune », ajoute-t-il, c’est-à-dire, selon la foi je n’ai rien de plus que toi ; car elle nous est commune et c’est par elle que toi et moi nous avons été engendrés. Mais alors pourquoi l’appelle-t-il son fils ? C’est ou pour montrer seulement qu’il a l’affection d’un père, ou parce qu’il l’a précédé dans l’apostolat, ou parce que Tite a été baptisé par lui. C’est pour cette raison qu’il appelle les fidèles ses fils et ses frères : ses frères, parce qu’ils ont été engendrés parla même foi ; ses fils, parce qu’ils ont été engendrés à la foi par son ministère. Lors donc qu’il dit : « Selon la foi qui nous est commune », il indique qu’il est le frère de Tite.

« Grâce et paix de la part de Dieu le Père et de Jésus-Christ notre Sauveur ». Après avoir dit : « Mon fils », il ajoute : « De la part de Dieu le Père », pour élever son âme, et lui apprendre de qui il est fils ; il ne se contente pas de dire : « Selon la foi qui nous est commune », il ajoute encore : « De la part de notre Père », et par là il lui montre une fois de plus qu’il est son égal en dignité.

3. Voyez comme il demande pour le maître les mêmes grâces que pour les disciples et la foule des fidèles. C’est qu’il a besoin des mêmes prières, et même il en a plus besoin que les, autres, parce qu’il a un plus grand nombre d’ennemis, parce qu’il lui est plus difficile d’éviter la colère de Dieu. Car plus grande est la dignité de celui qui, est chargé du saint ministère et plus grands sont ses dangers. Il suffit souvent d’une seule grande œuvre apostolique pour l’élever au ciel, comme aussi d’une seule faute pour le précipiter dans l’enfer. En effet, pour passer sous silence ce qui survient tous les jours, si par amitié ou par quelqu’autre motif, il lui arrive d’élever un indigne à l’épiscopat et de lui confier le gouvernement des âmes dans une grande ville, voyez comme il s’expose aux flammes de l’enfer. Il ne sera pas puni seulement pour toutes les âmes qui périssent, parce que celui qu’il a ordonné manque de piété, mais, encore pour toutes les actions de l’évêque indigne. Celui qui dans l’ordre laïque n’était pas religieux, le sera encore, bien moins, lorsqu’un tel homme aura le gouvernement des âmes ; pour celui qui était pieux auparavant, il lui sera difficile de rester tel sous un indigne pasteur. Car la vaine gloire, l’amour des richesses, l’arrogance ont plus de puissance lorsqu’ils s’autorisent des vices de l’évêque, et de même pour les offenses, les outrages, les insultes et mille autres péchés. Si donc quelqu’un n’est pas religieux, il le deviendra moins encore dans ces circonstances. Ainsi, lorsqu’on établit un tel homme prince de l’Église, on se rend responsable de toutes ses fautes et de toutes celles de la multitude qui lui est confiée. Si quelqu’un scandalise une seule âme, il lui vaudrait mieux qu’on lui pendît une meule d’âne au cou et qu’on le jetât au fond de la mer. Que ne souffrira donc pas celui qui scandalise tant d’âmes, des cités, des peuples entiers, des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de citadins, de laboureurs, ceux qui sont dans sa ville, ceux qui lui sont soumis dans d’autres villes ? Si vous dites que sa peine sera triplée, vous ne dites rien, tant sera grand son supplice et son châtiment. L’évêque a donc le plus grand besoin de la grâce et de la paix qui viennent de Dieu ; s’il gouverne la ville sans ce secours, tout est, en ruine, tout est perdu, car il n’a pas de gouvernail. Quand il serait habile dans l’art de gouverner, s’il n’a pas ce gouvernail, je veux dire la grâce et la paix qui viennent de Dieu, navires et navigateurs seront submergés.

Aussi, je m’étonne lorsque j’en vois qui désirent un tel fardeau. Homme malheureux, homme infortuné, ne vois-tu donc pas ce que tu désires ? Si tu vivais pour toi seul d’une vie inconnue et sans gloire, quand tu commettrais mille péchés, au moins tu n’aurais à rendre compte que d’une seule âme. Voilà à quoi se réduirait ta responsabilité. Mais que tu viennes à obtenir une telle dignité, vois de combien d’âmes tu es responsable au jour du châtiment) Écoute saint Paul : « Obéissez », dit-il, « à vos conducteurs et soyez-leur soumis, car ils veillent sur vos âmes, comme devant en rendre compte ». (Heb 13,17) Et cependant tu désires la dignité du commandement. Quel plaisir trouveras-tu donc dans cette dignité ? Je n’en vois pas, car personne dans cette dignité n’est véritablement maître. Comment cela ? C’est qu’il est remis à la liberté de ceux qu’on commande, d’obéir ou de désobéir, et s’il veut voir au fond des choses, celui qui a cette ambition, bien loin de marcher vers le commandement, sera l’esclave de mille maîtres, tous opposés dans leurs désirs comme dans leurs paroles. Ce qui est loué par l’un est blâmé par l’autre ; ce qui est critiqué par celui-ci, est admiré par celui-là. Qui faut-il écouter ? à qui obéir ? il est impossible de le voir. L’esclave acheté à prix d’argent s’irrite lorsque son maître lui donne un ordre qui le contrarie, mais toi, lorsque tant de maîtres te donneront les ordres les plus contraires, si tu le supportes avec peine, pour cela même tu seras puni et tu déchaîneras toutes les langues contre toi. Est-ce là, je t’en prie, est-ce là une dignité ? est-ce là un commandement ? est-ce là un pouvoir ?

4. L’évêque ordonne qu’on donne de l’argent ; si celui qui lui est soumis s’y refuse, non seulement il n’en apporte pas, mais pour qu’on ne puisse pas lui reprocher la tiédeur de son zèle, il accuse l’évêque. Il vole, dit-il, il pille, il absorbe la substance des pauvres, il dévore les ressources des indigents. Mets fin à ses injures et dis-lui : Jusqu’à quand médiras-tu ? Tu ne veux pas donner d’argent ? Personne ne t’y force, personne n’emploie la violence, pourquoi t’emporter en injures contre celui qui te conseille et qui t’exhorte ? Mais quelqu’un tombe dans la misère, et il ne lui tend pas la main, soit qu’il ne le puisse pas, soit qu’il ait autre chose à faire. On ne lui fait pas grâce, ce sont de nouvelles récriminations, pires encore que les premières. Est-ce là gouverner ? dit-on. Et il ne peut pas même se venger, car les fidèles sont ses entrailles. Or, de même que si les entrailles se gonflent et donnent mal à la tête et à tout le reste du corps, nous n’osons pas nous venger, car nous ne pouvons pas prendre le fer pour les déchirer : de même si quelqu’un de ceux qui nous sont soumis tient cette conduite, et par des accusations de ce genre nous fait souffrir et gémir, nous n’osons pas nous venger, car cela est loin des sentiments d’un père, il nous faut supporter notre douleur, jusqu’à ce qu’ils reviennent à de bonnes pensées.

L’esclave acheté à prix d’argent a une tâche qui lui est imposée ; lorsqu’il l’a finie, il est le reste du temps maître de lui-même. Mais l’évêque est tiraillé de toutes parts, on exige de lui beaucoup de choses qui dépassent ses forces ; s’il n’est pas éloquent, ce ne sont que des murmures ; s’il est éloquent, ce sont de nouvelles accusations, c’est un homme vain ; s’il ne ressuscite pas les morts, c’est un homme de rien, celui-ci est un juste, mais lui non. S’il prend une nourriture modérée, autres accusations, il devrait suffoquer, dit-on ; si quelqu’un l’a vu prendre un bain, nombreux reproches, il n’est pas digne de voir la lumière du soleil. Car s’il fait les mêmes choses que moi, s’il se baigne, s’il boit et s’il mange, s’il a des habits, s’il prend soin de sa maison et de ses serviteurs, pourquoi est-il élevé au-dessus de moi ? Voilà qu’il a des domestiques pour le servir, un âne pour le traîner : pourquoi est-il élevé au-dessus de moi 7 – Dis-moi donc : ainsi il ne faut pas qu’il ait un serviteur, mais il doit allumer son feu lui-même, aller chercher son eau, couper son bois, aller au marché ? quelle honte ! Les apôtres, ces saints hommes, ne veulent pas que celui qui est assidu dans la prédication se mette au service des veuves, ils croient que c’est une occupation indigne de lui, et toi tu le rabaisses au nombre de tes domestiques ! Mais puisque tu lui traces ainsi sa conduite, pourquoi ne te présentes-tu pas pour t’occuper de ces soins ? Dis-moi : ne te rend-il pas de plus grands services que toi qui t’occupes des choses du corps ? Pourquoi n’envoies-tu pus ton esclave potin le servir ? Le Christ a lavé les pieds de ses disciples : crois-tu donc faire quelque chose de si admirable, parce que tu fournirais à son train de maison ? Mais tu n’y fournis pas et tu l’empêches d’y fournir. Quoi donc ? Est-ce qu’il doit vivre du ciel ? Dieu ne le veut pas ainsi. Mais tu vas me dire Les apôtres ont-ils eu des hommes libres pour les servir ? Veux-tu donc savoir comment les apôtres ont vécu ? Ils voyageaient, et des hommes, des femmes libres s’employaient corps et âme pour leur donner du repos. Écoute l’exhortation et les paroles de D’apôtre Paul : « Ayez de l’estime pour ceux qui sont tels que lui. Car il a été proche de la mort pour le service de Jésus-Christ, n’ayant eu aucun égard à sa propre vie, afin de suppléer au défaut de votre service envers moi ». (Phi 2,29) Entends-tu ce qu’il dit ? Toi cependant tu n’oses pas, je ne dis point supporter un péril, mais même prononcer une seule parole en faveur de ton père spirituel. Mais, dis-tu, il ne doit pas prendre de bains. Pourquoi, dis-moi ? où cela est-il défendu ? Ce n’est certes pas une belle chose que la malpropreté. Nulle part nous ne voyons qu’on fasse un crime de ces soins, pas plus qu’on ne les admire.

Ce n’est pas sur ces choses, mais sur d’antres que portent les prescriptions faites aux évêques par l’apôtre Paul ; il veut qu’ils soient irrépréhensibles, tempérants, décents, hospitaliers, savants dans la doctrine. Voilà ce qu’exige l’apôtre, ce qu’il faut demander à l’évêque et rien de plus. Tu n’es pas plus diligent que saint Paul, que dis-je ? tu n’es pas plus diligent que le Saint-Esprit. S’il est violent, adonné au vin, cruel et inhumain, accuse-le ; voilà des vices indignes d’un évêque. S’il vit dans la mollesse, tu peux encore lui en faire un crime. Mais s’il prend soin de son corps pour te servir et t’être utile, l’en blâmeras-tu ? Ne sais-tu pas que la mauvaise santé du corps ne nuit pas moins à nous-même et à l’Église que la mauvaise santé de l’âme ? Pourquoi saint Paul s’en occupe-t-il dans son épître à Timothée ? « Use d’un peu de vin à cause de ton estomac et des maladies que tu as souvent ». (1Ti 5,23) Voilà ce qu’il dit, car si, polir exercer la vertu, nous n’avions besoin que du seul secours dé l’âme ; il serait inutile de soigner son corps. Demandons-nous pourquoi nous sommes ainsi nés. Mais du moment que le corps est très utile, le négliger ne serait-ce pas d’une extrême démence ? Car supposons un homme honoré de la dignité épiscopale, chargé du gouvernement de l’Église, vertueux et orné de toutes les qualités que doit avoir un évêque, mais d’une santé débile et toujours au lit, à quoi pourra-t-il être bon ? Quel voyage pourra-t-il entreprendre ? Quelle inspection pourra-t-il faire ? Qui pourra-t-il blâmer ? Qui pourra-t-il avertir ?

Si j’ai tenu ce discours, c’est pour que vous appreniez à ne plus blâmer témérairement vos pasteurs, mais à les entourer de déférence et dé respect, et que, si quelqu’un est rempli du désir d’obtenir une telle dignité, la considération de toutes ces accusations éteigne son désir. Car c’est assurément un grand péril et pour lequel il est besoin de la grâce et de la paix de Dieu. Je vous en prie, demandez-la pour nous comme nous la demandons pour vous, afin que les uns et les autres, couronnés par la vertu, nous obtenions les biens qui nous ont été promis en Jésus-Christ qui partage avec le père et le Saint-Esprit la gloire, la puissance et l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE II.

LA RAISON POUR LAQUELLE JE T’AI LAISSÉ EN CRÈTE, C’EST AFIN QUE TU METTES EN BON ORDRE LES CHOSES QUI RESTENT A RÉGLER, ET QUE TU ÉTABLISSES DES PRÊTRES DE VILLE EN VILLE, SUIVANT CE QUE JE T’AI ORDONNÉ ; NE CHOISISSANT AUCUN HOMME QUI NE SOIT IRRÉPRÉHENSIBLE, MARI D’UNE SEULE FEMME, ET DONT LES ENFANTS SOIENT FIDÈLES ET QUI NE SOIENT PAS ACCUSÉS DE DISSOLUTION, NI DÉSOBÉISSANTS. (I, 5, 6-11)

Analyse.

  • 1. Travaux auxquels se livraient les apôtres. – Devoirs des pasteurs.
  • 2. Portrait de l’évêque tel que le veut saint Paul. – Que saint Paul a eu plus de pouvoir que Platon et tous les philosophes.
  • 3. Combien est difficile le mépris des honneurs.
  • 4. Ce n’est pas l’honneur et la gloire de ce monde que l’on doit rechercher.

1. Toute la vie des anciens était en action et en lutte ; il n’en est pas de même de la nôtre, elle est pleine de négligence. Ceux-là savaient qu’ils avaient été mis au monde pour travailler en se conformant à la volonté du Créateur ; mais nous, il semble que : nous soyons nés pour manger, boire et vivre dans la mollesse, tant nous faisons peu de cas des choses spirituelles ! Je ne parle pas des apôtres seulement, mais encore de ceux qui sont venus après eux. Voyez-les donc parcourir tous les pays, et, se livrant tout entiers à cette occupation, vivre toujours sur la, terre, étrangère : on croirait qu’ils n’avaient pas de patrie sur la terre.

Écoutez ce que dit le bienheureux Paul : « La raison pour laquelle je t’ai laissé en Crète » : il semble que se distribuant le monde tout entier, comme ils eussent fait pour une seule maison, ils administraient ainsi toutes choses et étendaient leur vigilance à tous les lieux, l’un se chargeant de telle région et l’autre de telle autre. – « La raison pour laquelle je t’ai laissé en Crète, c’est afin que tu mettes en bon ordre les choses qui restent à régler ». Il ne prend pas un ton de commandement, : « Afin que tu mettes en bon ordre », dit-il. Voyez-vous comme il a l’âme pure de toute jalousie, comme il recherche partout l’intérêt de ses disciples, comme il ne se demande pas si c’est lui ou un autre qui gouvernera ? Là où il y avait le plus de dangers et de difficultés il allait en personne mettre les choses en ordre. Mais ce qui rapportait plus de gloire sans mériter autant d’éloges, il le confie à son disciple, j’entends par là l’ordination des évêques et toutes les autres choses qui avaient besoin d’être redressées, ou plutôt, pourrait-on dire, qui avaient besoin d’une plus grande perfection. – Que dis-tu, je t’en prie ? Il mettra en bon ordre ce qui t’est soumis, et tu ne regardes pas cela comme une honte ni comme un déshonneur pour toi ? Pas le moins du monde, car je ne pense qu’à l’intérêt de l’Église ; et que ce soit par moi ou par un autre que tout aille bien, peu m’importe. – Tels doivent être les sentiments d’un bon pasteur, il ne doit pas rechercher sa propre gloire, mais l’utilité de tous. – « Et que tu établisses des prêtres de ville en ville », cela veut dire des évêques, comme nous l’avons expliqué ailleurs. – « Suivant que je t’ai ordonné, ne choisissant aucun homme qui ne soit irrépréhensible ». – « De ville en ville », dit-il, car il ne voulait pas que toute l’île fût à la charge d’un seul, mais chacun devait avoir sa part de soucis et d’inquiétudes. En effet, la fatigue serait moins grande et les fidèles seraient gouvernés avec plus de sollicitude du moment qu’un seul maître ne se contenterait pas de parcourir un grand nombre d’églises, mais que chacune d’elles serait confiée à un évêque et embellie par ses soins.

« Ne choisissant aucun homme qui ne soit irrépréhensible, mari d’une seule femme, et dont les enfants soient fidèles, et qui ne soient pas accusés de dissolution, ni désobéissants ». Pourquoi nous offre-t-il ce portrait ? Il ferme la bouche aux hérétiques qui condamnent le mariage, en montrant que l’union des époux n’est point blâmable, et qu’elle est au contraire si honorable qu’un homme marié peut monter sur le siège épiscopal. Mais en même temps il flétrit les incontinents en ne leur permettant pas d’obtenir cette dignité après un second mariage. Car comment l’homme qui n’a gardé aucun amour pour la femme qu’il a perdue, pourra-t-il être un bon pasteur de l’église ? Quels reproches ne l’atteindront pas ? Vous savez tous en effet, vous savez qu’un mariage en secondes noces, bien qu’il ne soit pas interdit par les lois, offre pourtant matière à de nombreuses accusations. – Ainsi il ne veut point qu’un pasteur se présente devant les fidèles avec une seule tache. C’est pourquoi il dit : « Aucun homme « quine soit irrépréhensible ». C’est-à-dire dont la vie soit pure de toute faute et qui n’offre aucune prise à celui qui voudra l’examiner. Écoutez les paroles de Jésus-Christ : « Si la lumière qui est en toi n’est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres mêmes ». (Mat 6,23) —. « Dont les enfants soient fidèles et qui ne soient pas accusés de dissolution, ni désobéissants ». Considérons comme il porte sa sage prévoyance jusque sur les enfants. En effet, comment celui qui n’a pu former ses enfants, formerait-il les autres ? Si ceux qu’il a eus dès leurs premiers jours avec lui, qu’il a nourris, et sur lesquels la loi et la nature lui donnent autorité, il n’a pas pu les instruire, comment pourra-t-il être utile aux autres ? Si le père n’avait pas eu la plus grande négligence, il n’aurait pas souffert que ceux qui étaient sous son autorité devinssent méchants. Il n’est pas possible, non il n’est pas possible qu’après avoir été élevé dès les premières années avec la plus grande sollicitude, qu’après avoir été entouré des plus grands soins, on devienne pervers : car il n’y a pas de défauts naturels que ne puisse vaincre une telle diligence. Si, ne plaçant qu’en seconde ligne l’éducation de ses enfants, un père s’applique à acquérir des richesses et a plus d’amour pour elles que pour sa famille, c’est un homme indigne. Car si malgré la loi de la nature il a eu tant d’insensibilité ou de démence qu’il s’est montré plus inquiet pour ses biens que pour ses enfants, comment pourrait-il monter sur le trône épiscopal et mériter une telle dignité ? S’il n’a pas pu corriger ses enfants, quelle insouciance ne peut-on pas lui reprocher ? S’il ne s’en est pas occupé, quelle insensibilité ne peut-on point blâmer en lui ? Comment donc celui qui n’a pas pris soin de ses enfants, prendra-t-il soin des étrangers ?

Et l’apôtre ne dit pas seulement que les fils de l’évêque ne doivent pas être dissolus, mais il ne veut pas même qu’on puisse les accuser de l’être ni qu’ils aient une mauvaise réputation. « Car il faut que l’évêque soit irrépréhensible, comme étant dispensateur dans la maison de Dieu, non superbe, non colère, non sujet au vin, non batteur ».

2. Un prince séculier, qui commande par la loi et par la contrainte, ne gouverne pas souvent d’après les désirs de ceux qui lui sont soumis, et c’est naturel. Mais un évêque qui doit son autorité à des gens qui la lui ont accordée de leur plein gré et qui lui sont reconnaissants de l’avoir acceptée, s’il se conduit de telle sorte qu’il ne fasse rien que par ses propres idées, sans rendre aucun compte à personne, il exerce bien plutôt un pouvoir tyrannique qu’une magistrature populaire. « Car il faut », dit l’apôtre, « que l’évêque soit irrépréhensible, comme étant dispensateur dans la maison de Dieu, non attaché à son sens propre, non colère ». Comment en effet apprendra-t-il aux autres à vaincre un vice qu’il n’a pas pu s’apprendre à détruire en lui ? Sa charge le fera entrer dans nombre de difficultés qui aigriraient et mettraient hors de lui un homme plus patient : elle lui donnera mille occasions de céder à la colère. S’il n’y est pas préparé d’avance, on ne pourra pas le souffrir, et le plus souvent dans, l’exercice de son ministère il portera le trouble et la ruine partout. – « Non porté au vin, non batteur ». II parle ici de l’évêque qui injurie : or il faut plutôt agir par l’exhortation que par le reproche, mais par l’injure, jamais. Car, dites-moi, quelle nécessité y a-t-il d’injurier ? Il faut effrayer par la menace de l’enfer et inspirer une grande terreur. Mais celui qu’on injurie, prend plus d’audace encore et méprise davantage celui qui le traite ainsi. Rien ne porte au mépris comme l’injure : elle déshonore celui qui s’en rend coupable, et ne lui permet pas d’inspirer le respect. Il faut que l’évêque parle avec une grande piété, qu’il rappelle les pécheurs à la pensée du jugement dernier, et que jamais l’injure ne le souille, S’il y en a qui l’empêchent de remplir son ministère, alors il doit agir avec toute son autorité. « Non batteur », dit-il. Le maître est le médecin des âmes, or le médecin ne frappe point, il ranime et guérit celui qui a été frappé.

« Non porté à un gain honteux, mais hospitalier, aimant les gens de bien, sage, juste, saint, continent, retenant fortement la parole de la vérité comme elle lui a été enseignée (8, 9) ». Voyez-vous quelle haute vertu il requiert ? « Non porté à un gain déshonnête », c’est-à-dire montrant un grand mépris pour les richesses. « Hospitalier, aimant les gens de bien, sage, juste, saint » : il fait entendre qu’il doit abandonner tout son bien à ceux qui ont besoin. « Continent » : il n’entend point par là celui qui se livre au jeûne, mais celui qui réprime les désirs coupables de sa langue, de sa main, de ses yeux. Car la continence consiste à ne se laisser entraîner par aucun vice. « Retenant fortement la parole fidèle de la vérité, comme elle lui a été enseignée ». Par « fidèle » il veut dire vrai ou qui nous a été transmis par la foi, qui n’a besoin ni de raisonnements ni de recherches. « Retenant fortement ». C’est – à – dire, prenant d’elle un soin inquiet, faisant d’elle toute son occupation. Mais quoi, s’il n’a aucune culture profane ? C’est pour cela qu’il dit : « La parole comme elle lui a été enseignée. Afin qu’il soit capable d’exhorter et de convaincre les contradicteurs » ; il n’est donc pas besoin de l’éclat des expressions, ce qu’il faut c’est l’intelligence, c’est la connaissance des Écritures, c’est la force des pensées.

Ne voyez-vous pas que saint Paul qui a converti le monde, a eu plus de pouvoir que Platon et que tous les autres ensemble ? Mais c’est par les miracles, direz-vous ? Ce n’est point par les miracles seuls, car si vous parcourez les Actes des apôtres, vous le verrez en beaucoup d’endroits remporter la victoire même avant tout miracle. – « Afin qu’il soit capable d’exhorter par la saine doctrine », c’est-à-dire pour protéger les fidèles et pour renverser les ennemis. – « Et de convaincre les contradicteurs », c’est qu’en effet sans cela il n’y a rien. Car celui qui ne sait pas combattre un adversaire, asservir toute intelligence à l’obéissance de Jésus-Christ, et faire tomber les faux raisonnements ; celui qui ne sait pas enseigner la vraie doctrine, que celui-là s’éloigne du trône apostolique. Les autres qualités requises on les trouvera dans les fidèles, comme d’être irrépréhensible, d’avoir des enfants obéissants, d’être hospitalier, juste, saint : mais ce qui est surtout le propre du docteur, c’est qu’il puisse instruire par sa parole ; cependant c’est ce dont on ne prend aucun souci aujourd’hui.

« Car il yen a plusieurs qui ne veulent point se soumettre, vains discoureurs et séducteurs d’esprits, principalement ceux qui sont de la circoncision (10), auxquels il faut fermer la bouche ». Voyez – vous comme il montre la cause de leur perversité ? C’est qu’ils voudraient commander au lieu d’être commandés, car c’est là ce que l’apôtre a fait entendre. Si donc tu ne peux pas les persuader, ne leur donne pas les saints ordres, mais impose-leur silence dans l’intérêt des autres. De quelle utilité seraient-ils, s’ils n’obéissent pas, que dis-je, s’ils sont insoumis ? Mais pourquoi leur fermer la bouche ? C’est qu’il y va de l’intérêt des autres.

« Et qui renversent les maisons tout entières, enseignant pour un gain déshonnête des choses qu’on ne doit point enseigner (11) ». Si celui qui a reçu mission d’enseigner, n’est pas capable de les combattre et de leur imposer silence lorsqu’ils se conduisent si effrontément, il deviendra lui-même cause de la perdition de tous ceux qui périront. Car si l’on nous exhorte par ces paroles. « Ne cherche pas à devenir juge, si tu ne peux détruire l’injustice » (Sir 7,6), on pourrait dire ici avec bien plus de raison encore : Ne cherche pas à devenir évêque, si tu n’es pas capable d’une telle dignité ; au contraire, si l’on te forçait à l’être, refuse. Voyez-vous comme partout c’est l’amour de l’argent et le désir d’un gain déshonnête qui est le principe de tous les désordres ? « Ils enseignent pour un gain déshonnête des choses qu’on ne doit point enseigner ».

3. Il n’y a rien que ces vices n’ébranlent, car de même qu’un vent violent, lorsqu’il s’abat sur une mer calme, la trouble jusque dans ses profondeurs, au point que les flots charrient le sable, de même ceux-ci, une fois entrés dans l’âme, la bouleversent de fond en comble, l’aveuglent et lui enlèvent sa clairvoyance. Cela est surtout vrai du fol amour de la gloire. Pour les richesses il est facile à qui le veut de les mépriser, mais dédaigner un honneur qui nous est accordé par un grand nombre d’hommes, voilà qui exige un grand courage, une grande philosophie, une âme angélique et qui s’élève jusqu’au sommet du ciel. Il n’y a pas, non il n’y a pas un seul vice qui ait une puissance aussi tyrannique, et qui règne ainsi partout. Car il règne partout, ici plus, là moins, mais partout cependant. Comment pourrons-nous donc le vaincre, sinon tout à fait, au moins en partie ? Ce sera en nous tournant vers le ciel, en ayant l’image de la Divinité sous les yeux, en élevant notre pensée au-dessus des choses de la terre. Toutes les fois que vous vous sentirez tenté du désir de la gloire, pensez que vous l’avez acquise, considérez à quoi elle se termine enfin, et comprenez qu’elle n’est rien. Voyez quels maux elle traîne après elle et de quels biens elle nous prive. Vous supporterez les fatigues, vous affronterez les dangers, mais le prix de vos efforts, mais la récompense vous échappera. Songez que la plupart des hommes sont méchants, et méprisez leur gloire. Car prenez-les un à un, voyez quels ils sont, vous trouverez que les honneurs sont ridicules, et qu’ils sont moins une gloire qu’une honte : ensuite élevez votre pensée vers le trône de Dieu. Lorsque vous aurez fait une bonne action, si vous pensez que vous devez la montrer aux hommes, si vous recherchez des spectateurs pour qu’elle soit vue, songez que Dieu la voit, et réprimez tous ces désirs. Éloignez votre pensée de la terre pour la porter vers le céleste séjour.

Si les hommes vous louent, plus tard ils vous blâmeront, ils vous porteront envie, ils vous déchireront ; supposons qu’il n’en soit rien, du moins leurs éloges ne vous rapporteront aucun avantage. En Dieu rien de semblable : il aime à nous louer de nos bonnes œuvres. Vous avez bien parlé et vous avez été applaudi : quel profit en retirez-vous ? Si vous avez été utile à ceux qui vous applaudissent, si vous les avez convertis, si vous les avez rendus meilleurs, si vous les avez guéris de leurs plaies, il faut vous réjouir assurément non pas des éloges qu’ils vous donnent, mais d’une conversion si belle et si merveilleuse. Mais si malgré leurs louanges continuelles et le tumulte de leurs battements de mains, ils ne retirent aucun fruit de ce qu’ils louent, il faut plutôt gémir sur leur sort, en voyant que leurs applaudissements seront leur condamnation. Du moins votre piété sera-t-elle une gloire pour vous ? Si vous êtes pieux et que vous n’ayez conscience d’aucune faute, vous devez être content non point de paraître ce que vous êtes, mais d’être ce que vous paraissez. Que si, sans être pieux, vous êtes honoré par les hommes, songez que vous ne les aurez pas pour juges au dernier jour, mais gîte Celui qui vous jugera connaît les ténèbres et leurs mystères. Oui, si, lorsque vous avez conscience de vos fautes, vous paraissez pur à tous les yeux, non seulement il ne faut pas vous réjouir, mais bien plutôt devez-vous pleurer et pleurer amèrement sur vous-même, en pensant à ce jour où tout sera révélé, où les ténèbres montreront leurs secrets à la lumière. Vous possédez de la gloire ? dépouillez-vous-en, dans la conviction qu’il vous faudra payer ces hommes. Personne ne vous honore ? Eh bien, vous devez même vous en réjouir : car Dieu n’ajoutera pas un nouveau reproche à tous ceux qu’il vous fera, il ne pourra pas vous blâmer d’avoir joui de la gloire. Ne voyez-vous pas en effet que l’Éternel, dans l’énumération de tant de bienfaits méconnus, met encore ceci en ligne de compte ? « J’ai », dit-il par la bouche d’Amos : « suscité quelques-uns d’entrevous pour être prophètes, et quelques-uns d’entre vos jeunes gens pour être nazaréens ». (Amo 2,11) Ainsi, pour tout le moins vous aurez cet avantage, que vous ne serez pas exposé à de plus grands supplices. Car n’êtes-vous pas honoré en cette vie ? êtes-vous méprisé ? ne fait-on de vous aucun cas ? que dis-je ! êtes-vous insulté et outragé ? ce dédommagement vous reste ; qu’on ne vous demandera pas compte des honneurs que vous auront accordés vos compagnons d’esclavage. Mais vous retirez de là bien d’autres avantages : rabaissé et humilié comme vous l’êtes, vous ne pouvez pas, quand même vous le voudriez, céder à l’orgueil, lorsque vous portez votre attention sur vous-même. Pour celui au contraire qui jouit de grands honneurs, outre qu’il aura de terribles dettes à solder, il se laisse aller à l’arrogance et à la vaine gloire, et il se fait l’esclave des hommes. De plus, à mesure que sa puissance s’étend, il est obligé de faire beaucoup de, choses qui lui déplaisent.

4. Convaincus qu’il est préférable pour nous d’agir ainsi, ne recherchons pas les dignités, et si on nous les offre, rejetons-les, faisons effort pour nous en éloigner, et étouffons nos désirs ambitieux. Je le dis à ceux qui gouvernent comme à ceux qui sont gouvernés. Car l’âme qui désire les honneurs et la réputation, ne verra pas le royaume des cieux. Ce n’est pas moi qui le dis, ce ne sont point mes paroles, ce sont celles du Saint-Esprit ; elle ne le verra pas ; quand même elle aurait pratiqué la vertu. Car, dit l’Écriture, « ils ont reçu leur récompense ». (Mat 6,5) Mais pour celui qui n’a pas eu sa récompense, comment ne verrait-il pas le royaume des cieux ? Je ne défends pas qu’on recherche la gloire, mais je veux que ce soit la vraie gloire, celle qui vient de Dieu : « Sa gloire », dit l’apôtre, « n’est pas des hommes, mais de Dieu ». (Rom 2,29) Soyons pieux loin des regards, sans faste, sans appareil, sans hypocrisie. Au loin la toison de la brebis ! Efforçons-nous plutôt d’être des brebis véritables. Il n’y a rien de plus vil que la gloire humaine. Car, dites-moi, si vous voyiez une multitude d’enfants encore à la mamelle, désireriez-vous leurs louanges ? Vous devez avoir ces sentiments à l’égard de tous les hommes pour ce qui concerne les honneurs ; et voilà pourquoi on les appelle une vaine gloire. Voyez les masques que les comédiens portent sur la scène : comme ils sont beaux et brillants ! comme on les a façonnés avec le dernier soin pour leur donner la perfection de la forme ! Pourriez-vous dans la vie réelle me montrer tant de beauté ? Non sans doute. Mais quoi ? votre amour se porte-t-il sur quelque chose de semblable ? Non, dites-vous. Pourquoi ? Parce que ces masques sont vains, et qu’ils imitent, sans l’avoir, la vraie beauté.

Il en est de même de la gloire, et cette beauté qu’elle imite, elle ne l’a pas. Seule la vraie gloire subsiste, c’est celle qui est dans le fond de notre nature. Mais pour celle qui brille au-dehors, elle cache souvent la laideur, elle la cache, dis-je, dans les hommes, et souvent jusqu’au soir. Mais détruisez le théâtre, arrachez les masques, et chacun paraît ce qu’il est. N’allons donc pas chercher la vérité polir ainsi dire sur la scène et dans l’hypocrisie. Dites-moi en effet ce qu’il y a d’utile à être vu de la multitude ? C’est une vaine gloire et. Rien de plus ; car rentrez chez vous, et trouvez-vous seul, la voilà tout entière évanouie aussitôt. Vous vous êtes montré dans l’agora, et tous les regards se sont tournés vers vous : eh bien, et après ? Il n’y a plus rien, elle s’est éclipsée, elle a fui comme la fumée, qui se dissipe. Pouvons-nous aimer ainsi l’instabilité même ? Quelle démence ! quelle folie ! ne pensant qu’à une chose, demandons-nous seulement quelles louanges nous donnera Dieu. Si c’est là ce qui fixé notre attention, jamais nous ne rechercherons les honneurs qui viennent des hommes ; et, s’ils viennent d’eux-mêmes à nous, nous les dédaignerons, nous nous en moquerons, nous les mépriserons ; et quand nous trouverons un lingot d’or, nous aurons les sentiments que nous éprouverions devant de la boue. Que personne donc ne vous loue, car cela ne vous servira de rien, et s’il vous blâme, cela ne saurait vous nuire. A la louange qui vous viendra de Dieu sera jointe une récompense, et à son blâme un châtiment : mais de la part des hommes, blâme et louange, tout est vain.

C’est même en cela que nous sommes égaux à Dieu, car Dieu n’a pas besoin des louanges des hommes : « Je ne tire point ma gloire des hommes », dit-il. (Jn 5,41) Est-ce là peu de chose, dites-moi ? Lorsque vous ne pourrez pas arriver à mépriser la gloire, dites-vous qu’en la méprisant vous serez égaux à Dieu et aussitôt vous la mépriserez. Il n’est pas possible que celui qui est esclave de l’honneur, ne le soit pas de toutes choses, il est même plus esclave que les esclaves eux-mêmes. Car nous ne faisons pas faire à nos esclaves tout ce que la gloire exige de ceux qu’elle tient sous ses lois. Elle nous force â dire et à souffrir des choses honteuses, pleines de déshonneur ; et c’est surtout lorsqu’elle voit qu’on lui obéit, qu’elle se montre plus tyrannique dans ses ordres. Fuyons donc, fuyons, je vous en prie, cette servitude. Mais, dira-t-on, comment le pourrons-nous ? Si nous avons de sages pensées sur ce monde, si nous le regardons comme un rêvé et une ombre, et rien de plus, nous en viendrons facilement à bout, et nous ne nous laisserons prendre par la gloire ni dans les petites, ni dans les grandes choses. Mais si nous ne la méprisons pas dans les petites, nous succomberons facilement dans les grandes. Écartons donc loin de nous les sources de cette funeste passion, je veux dire la sottise et la bassesse de l’âme. Si nous prenons des sentiments sublimes, nous pourrons mépriser la gloire qui vient de la multitude, élever notre pensée vers le ciel, et gagner les récompenses éternelles. Puissions-nous les, obtenir tous parla grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui partage avec le Père et le Saint-Esprit la gloire, la puissance et l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE III.

QUELQU’UN D’ENTRE EUX, QUI ÉTAIT LEUR PROPRE PROPHÈTE, A DIT : LES CRÉTOIS SONT TOUJOURS MENTEURS, DE MAUVAISES BÊTES, DES VENTRES PARESSEUX. CE TÉMOIGNAGE EST VÉRITABLE ; C’EST POURQUOI REPRENDS-LES VIVEMENT, AFIN QU’ILS SOIENT SAINS EN LA FOI, NE S’ADONNANT PAS AUX FABLES JUDAÏQUES ET AUX COMMANDEMENTS DES HOMMES QUI SE DÉTOURNENT DE LA VÉRITÉ. (I, 12,13 ; II, 1)

Analyse.

  • 1. Citation d’un poète grec : sens de cette citation, et pourquoi saint Paul y a recours.
  • 2. Rois-mages, pourquoi conduits par une étoile.
  • 3. En quoi consistent la véritable pureté et la véritable impureté.
  • 4. Que toutes les impuretés marquées autrefois par la loi n’étaient que des figures et des ombres. – Qu’il n’y a proprement que le péché qui soit impur.

1. Il y a ici plusieurs choses à se demander, d’abord, quel est celui – qui a parlé ainsi ; ensuite, pourquoi, saint Paul s’est servi de ces paroles ; enfin, pourquoi il s’est appuyé sur un témoignage profane. En expliquant encore quelques autres points, nous donnerons ainsi la réponse qui convient. Comme l’apôtre parlait un jour aux Athéniens, il leur cita l’inscription qu’il avait lue sur un autel : « Au Dieu inconnu », et un peu plus loin il ajouta : « Car nous sommes aussi sa race, selon ce que quelques-uns même de vos poètes ont dit ». C’est Epiménide qui parlait ainsi des Crétois, et lui-même était Crétois. Mais il faut vous dire pour quelle raison il a parlé ainsi ; or voici comment les choses se sont passées. Les Crétois ont un tombeau de Jupiter avec cette inscription : Ici repose Zas, qu’on appelle Zeus (Jupiter). Le poète, rapportant cette inscription, trouva une occasion de se moquer des mensonges des Crétois ; mais dans ce qui suit il poussa encore plus loin la moquerie : « 0 roi, les Crétois t’ont construit un « tombeau, toi cependant tu ne meurs pas, « car tu es immortel ». Si ce témoignage est vrai, voyez combien est grave la conséquence qui en découle. En effet, si le poète est dans la vérité, lorsqu’il leur reproche de mentir parce qu’ils prétendent que Jupiter est mort, et c’est ce que rapporte l’apôtre, le danger est grand. Prêtez ici toute votre attention, je vous prie, mes frères. Le poète dit que les Crétois mentent lorsqu’ils prétendent que Jupiter est mort, et le témoignage de l’apôtre confirme le sien ; donc d’après le témoignage de l’apôtre Jupiter est immortel. Il dit enfin : « Ce témoignage est vrai ». Que devons-nous donc penser ? Ou plutôt comment résoudrons-nous cette difficulté ? Le voici : l’apôtre ne parle pas en son nom, il accepte simplement ce témoignage et il l’applique à leur habitude de mentir. Car pourquoi – n’a-t-il pas aussi ajouté : « O roi, les Crétois t’ont construit un tombeau ? » Cela, l’apôtre ne le rapporte pas, il dit seulement qu’Epiménide a eu raison d’appeler les Crétois des menteurs. Ce n’est pas la seule raison sur laquelle nous nous appuyons pour déclarer que – Jupiter n’est pas Dieu. Nous en avons mille autres preuves ailleurs, et nous n’avons pas besoin du témoignage des Crétois. Du reste saint Paul ne dit pas que c’est en ceci qu’ils ont menti. S’ils ont menti, c’est bien plutôt lorsqu’ils ont dit que Jupiter était un dieu ; ils croyaient du reste qu’il y avait encore d’autres dieux. Voilà pourquoi l’apôtre dit qu’ils sont menteurs.

Maintenant il faut rechercher pourquoi saint Paul emprunte des témoignages aux Grecs. C’est que nous les réfutons mieux lorsque nous avons à leur montrer leurs propres témoignages, leurs propres accusations, lorsque nous leur opposons pour les condamner ceux mêmes qu’ils admirent. Aussi l’apôtre dit-il dans un autre endroit : « Au Dieu inconnu ». En effet, comme les Athéniens n’ont – pas eu dès l’origine tous leurs dieux, mais qu’ils en ont reconnu quelques nouveaux dans la suite des temps, par exemple ceux qui leur sont venus des contrées du Nord, et que c’est ainsi qu’ils ont institué le culte de Pan, les petits et les grands mystères, ils ont été amenés par là à croire qu’il y avait probablement un autre Dieu qui leur était inconnu, et, pour être pieux envers lui, ils lui ont élevé un autel avec cette inscription : « Au Dieu inconnu », comme s’ils avaient voulu dire qu’il y avait peut-être un autre Dieu qu’ils ne connaissaient pas. L’apôtre leur dit donc : Le Dieu que vous avez reconnu d’avance, je viens vous l’annoncer. Quant à ces mots : « Car nous sommes aussi sa race », c’est Aratus qui s’était ainsi exprimé, en parlant de Jupiter. Après avoir dit d’abord : La terre est pleine de Jupiter, la mer en est pleine, il ajoute : « Car nous sommes aussi sa race » ; il veut montrer par là, selon moi, que c’est Dieu qui nous a créés. Comment donc saint Paul a-t-il appliqué au Dieu, qui gouverne toutes choses, ce qui avait été dit de Jupiter ? Il n’applique pas à Dieu ce qui a été dit de Jupiter ; mais ce qui appartenait à Dieu, ce qu’on ne pouvait pas attribuer raisonnablement à Jupiter, il l’a rendu à Dieu. Ainsi le nom de Dieu n’appartient qu’à Dieu lui-même, et il est injustement donné aux idoles. Du reste sur qui se serait-il appuyé pour leur parler ? Sur les prophètes ? Mais ils ne l’auraient pas cru. C’est ainsi que même en s’adressant aux juifs, il ne leur dit rien qu’il tire des Évangiles, il emprunte tout aux prophètes : « Je me suis fait juif avec les juifs, avec ceux qui sont sans la loi, comme si j’étais sans la loi ; avec ceux qui vivent sous la loi, comme si j’étais sous la loi ». (1Co 9,11)

2. C’est ainsi que Dieu agit lui-même, comme par exemple dans l’histoire des mages. Car ce n’est point par un ange qu’il les guida, ni par un prophète, ni par un apôtre, ni par un évangéliste. Par quoi donc ? Par une étoile. Comme ils étaient versés dans l’astronomie, c’est par cet art qu’il les prend. C’est ce que nous montrent encore les vaches qui traînent l’arche. Si elles suivent ce chemin, disent les devins, l’indignation de Dieu contre nous est véritable. (1Sa 6,9) Les devins disent-ils donc vrai ? Il s’en faut de beaucoup, mais Dieu les réfute et les confond par leurs propres paroles. Il en est de même pour la pythonisse : car comme Saül avait eu foi en elle, Dieu lui fit annoncer par sa bouche le sort qui l’attendait. (1Sa 28,8) Pourquoi donc saint Paul impose-t-il silence au démon qui disait : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu souverain et ils vous annoncent la voie du salut ? » Pourquoi Jésus-Christ lui-même empêche-t-il les démons de parler ? (Act 16,17 ; Mrc 1,25) C’est parce que saint Paul avait déjà fait des miracles qui avaient témoigné pour lui ; quant à Jésus-Christ ce n’était plus une étoile qui l’annonçait, mais lui-même qui se révélait au monde. Or les démons ne l’adoraient pas, et il ne devait pas souffrir qu’une idole parlât de manière à entraver son action. Mais Dieu laissa parler Balaam sans l’en empêcher c’est ainsi que toujours il condescend à nos besoins. Vous en étonnez-vous ? Il a souffert qu’on se fit de lui une idée grossière et indigne, par exemple, qu’il était matériel, qu’il était visible. Mais il combat cette opinion par ces paroles : « Dieu est esprit ». (Jn 4,24) C’est ainsi encore qu’il se réjouissait des sacrifices, ce qui ne peut convenir à sa nature, et qu’il aurait proféré des paroles qui ne peuvent s’accorder entre elles, et mille autres choses semblables. C’est que ce n’est jamais sa dignité, mais toujours notre utilité qu’il considère. Un père tient-il compte de sa dignité ? il balbutie avec ses petits enfants, il ne désigne pas les mets, les plats, les coupes par leurs noms grecs, il se sert d’un langage enfantin et barbare, c’est ce que Dieu fait d’une manière plus complète encore. Dans les reproches qu’il adresse par la bouche du Prophète, il se sert de mots que nous puissions comprendre : « Si une nation change de dieux », dit-il. (Jérémie, 2,11) Partout dans les Écritures, les choses mêmes aussi bien que les mots sont mis à notre portée.

C’est pourquoi reprends-les vivement, afin « qu’ils soient sains en la foi ». Si l’apôtre parle en ces termes, c’est que dans leurs mœurs ils étaient impudents, fourbes, incorrigibles. Ils étaient rongés de mille vices. Aussi comme ils étaient prompts au mensonge, accoutumés à la fourberie, adonnés à leur ventre, plongés dans la paresse, il était besoin de paroles fortes et frappantes. Un tel caractère en effet ne peut pas être mené par la douceur. « C’est pourquoi reprends-les ». Il ne s’agit pas ici de ceux qui sont étrangers à la foi, mais bien des fidèles. « Vivement », ajoute-t-il, c’est-à-dire frappe-les de coups qui fassent des blessures profondes. Il faut se comporter en effet, non pas de la même façon avec tous, mais de différentes manières, selon la diversité des circonstances. Nulle part en cet endroit il ne se – sert de douces exhortations. Car si en adressant de durs reproches à un homme d’un caractère tendre et noble, on le déchire, on le perd, en flattant celui quia besoin d’être repris avec véhémence, on le corrompt, on l’empêche de se relever. « Afin », dit saint Paul, « qu’ils soient sains dans la foi ». Être sain, c’est n’avoir aucun élément impur, aucun élément étranger à notre nature. Que si ceux mêmes qui observent les prescriptions judaïques touchant les viandes, ne sont pas sains dans la foi, mais s’ils sont faibles et malades, « quant à celui qui est faible en la foi, « recevez-le et n’ayez point avec lui de contestations ni de disputes » (Rom 14,1), que dira-t-on de ceux qui jeûnent avec les juifs, de ceux qui observent le sabbat, de ceux qui vont dans les lieux consacrés par les païens, qui se rendent à Daphné dans la caverne de la Matrone ; ou en Cilicie dans le sanctuaire dédié à Saturne ? Comment ceux-là seraient-ils sains dans la foi'? C’est pour cela qu’il faut leur porter des coups sensibles. Pourquoi l’apôtre n’a-t-il pas la même conduite avec les Romains ? C’est qu’ils n’avaient pas les mêmes mœurs et qu’ils avaient une meilleure nature.

« Et qu’ils ne s’arrêtent pas aux fables judaïques ». C’est que ces fables sont doublement des fables, et parce qu’elles sont fausses, et parce qu’elles sont sans à propos ; ainsi ce sont de pures fables. Il ne faut pas s’y adonner, et si l’on s’y adonne, c’est se nuire à soi-même. Ce sont donc des fables et des fables inutiles. C’est pourquoi il ne faut pas plus s’adonner aux unes qu’aux autres, car on ne serait plus sain selon la « foi. Si l’on croit à la foi, pourquoi ferait-on appel à autre chose, comme si la foi ne suffisait pas ? Pourquoi s’asservirait-on, se soumettrait-on à la loi ? N’aurait-on pas confiance en la foi ? Cela est d’un esprit malade et incrédule ; car, lorsqu’on est ferme dans la foi, on ne doute pas ; or, agir ainsi, c’est douter. « Toutes choses sont pures pour ceux qui sont purs ». Voyez-vous où tendent ces paroles ? « Mais rien n’est pur pour les impurs et les infidèles ».

3. Les choses pures ou impures ne sont donc pas telles par elles-mêmes, et-les le sont par l’intention de ceux qui les font. « Mais leur entendement et leur conscience sont souillés. Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le nient par leurs œuvres, car ils sont abominables, rebelles, et réprouvés pour toute bonne œuvre ». Ainsi le porc lui-même est pur ; pourquoi donc est-il défendu d’en manger, comme si c’était un animal, impur ? Ce n’est point par sa propre nature qu’il est impur, car toutes choses sont pures. Rien n’est plus impur que le poisson qui se nourrit des corps des hommes, et cependant il est permis d’en manger, il a paru pur. Rien n’est plus impur qu’une poule, puisqu’elle avale des vers ; rien n’est plus impur qu’un cerf, car le nom qu’on lui a donné en Grèce vient de ce qu’il dévore des serpents ; et cependant il est permis d’en manger. Pourquoi donc défend-on de manger du porc et de certains autres animaux ? Ce n’est pas qu’ils soient impurs, mais Dieu a voulu : nous priver d’une grande partie des plaisirs du ventre. S’il avait donné cette raison il n’aurait pas persuadé, tandis que les regardant comme impurs, nous avons peur d’en goûter. Qu’y a-t-il, je vous prie, de plus impur que le vin, si vous y faites bien attention ? Qu’y a-t-il dé plus impur que l’eau ? Cependant c’est surtout l’eau qui servait à purifier. Il était défendu de toucher un cadavre, et c’était par des cadavres qu’on se purifiait, car les victimes qu’on immolait étaient des cadavres, et c’est en sacrifiant des victimes qu’on se délivrait de ses fautes. N’étaient-ce pas là des prescriptions puériles ? Prêtez-moi votre attention : le vin rie vient-il pas du fumier ? En effet, si la vigne pompe l’humidité qui est dans la terre, elle boit en même temps la graisse du fumier qui la couvre. Enfin, si nous voulons y regarder attentivement, tout est impur. Mais si nous y faisons également attention, bien loin qu’il y ait rien d’impur, tout est pur ; Dieu, en effet, n’a rien créé d’impur, et il n’y a d’impur que le péché, car il touche l’âme et la souille. C’est là, du reste, un préjugé ; « mais rien n’est pur », dit l’apôtre, « pour les impurs et les infidèles, car leur entendement et leur conscience sont souillés ».

Comment, en effet, trouverait-on quelque chose d’impur dans ce qui est pur ? Mais celui dont l’âme est malade souille tout. Si donc on s’arrête à ce scrupule de vouloir discerner quelles sont les choses pures, et quelles les impures, on ne trouvera rien de pur. Pour ces personnes, ni les poissons, ni les autres animaux ne sont purs, mais ils sont tous impurs. « Leur entendement et leur conscience sont « souillés ». Mais quoi donc ! Tout est impur ? Loin de nous cette pensée. Ce n’est pas celle de saint Paul. Il rejette toute l’impureté sur les méchants : Il n’y a rien d’impur, dit-il, si ce n’est eux, si ce n’est leur pensée et leur conscience, et rien n’est plus impur. « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le nient par leurs œuvres, car ils sont abominables, rebelles, et réprouvés pour toute bonne œuvre. Mais toi, enseigne les choses à qui conviennent à la saine doctrine ». Voilà en quoi consiste l’impureté, voilà ceux qui sont impurs, mais ne te tais pas pour cela. Quand ils ne t’écouteraient pas, dit l’apôtre, fais ton devoir ; quand ils ne t’obéiraient pas, exhorte-les, conseille-les ; et par là, il les accable plus encore. Ceux qui sont fous croient que rien ne reste en place ; mais ce ne sont pas les choses qu’ils voient qui leur donnent cette idée, ce sont leurs yeux qui voient ainsi les choses. Car, comme ils sont sans cesse en mouvement et qu’ils sont aveuglés, il leur paraît que toute la terre tourne, tandis qu’elle ne tourne pas et qu’elle reste ferme. Cette démence vient de l’état où ils se trouvent eux-mêmes, et non de l’état où se trouvent les éléments. Il en est de même ici : lorsque l’âme est impure, elle croit impures toutes choses. La pureté ne se révèle point par des scrupules superstitieux, mais par la confiance à manger de tout. Car celui dont la nature est pure ose tout, mais celui qui est souillé, n’ose rien.

C’est ce qu’on peut dire encore contre Marcion. Ne voyez-vous pas que la vraie pureté consiste à s’élever au-dessus de toutes ces pensées, d’impureté, et qu’au contraire l’impureté consiste à s’abstenir de certaines choses comme impures ? Il n’en est pas autrement pour Dieu même : il a osé se faire chair, c’est marque de pureté ; s’il ne l’avait pas osé, t’eût été signe d’impureté. Celui qui ne mange pas certaines choses parce qu’elles lui paraissent impures, celui-là est impur et malade ; il n’en est nullement de même de celui qui les mange. N’appelons donc pas purs ceux qui ont de vains scrupules : ceux-là sont les impurs ; l’homme pur est celui qui mange de tout. Il faut montrer cette piété scrupuleuse en écartant ce qui peut souiller l’âme, car c’est là l’impureté, c’est là ce qui tache ; dans tout le reste, il n’y a rien d’impur. Ainsi, avons-nous la bouche malade, tous les aliments nous paraissent impurs, mais cela provient de notre maladie ; il faut donc connaître à fond la nature des choses pures et des impures.

4. Qu’y a-t-il donc d’impur ? C’est le péché, la méchanceté, l’avarice, la perversité. « Lavez-vous, nettoyez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions. – Créez en moi un cœur pur, ô Dieu. – Retirez-vous d’au milieu d’eux, séparez-vous, et ne touchez à aucune chose souillée ». (Isa 1,16 ; Psa 51,12 ; Isa 52,11) Les prescriptions suivantes figuraient les choses pures d’une manière symbolique : « Ne touche pas un cadavre ». (Lev 11,8) C’est qu’en effet le péché ressemble à un cadavre d’une odeur nauséabonde. « Le lépreux. », dit le Lévitique, « est impur ». (Lev 13,15) C’est-à-dire, la variété, la diversité, c’est le péché. C’est ce que font entendre les saintes Écritures, comme le montre ce qui suit. Si, en effet, la lèpre couvre tout le corps, celui qui en est atteint est pur ; si elle ne le couvre qu’en partie, il est impur. Ne voyez-vous point par là que c’est ce qui est varié, ce qui change qui est impur ? De même celui qui est atteint d’une gonorrhée est impur dans son âme ; considérez comme atteint de gonorrhée celui gui perd de la semence spirituelle de la parole de Dieu. Celui qui n’est pas circoncis est également impur. Il ne faut voir là que des figures, et entendre que celui-là est impur qui n’a pas retranché de son âme la méchanceté. Celui qui travaille – dans le jour du sabbat est lapidé ; c’est-à-dire, celui qui n’est pas entièrement dévoué à Dieu, périt. Voyez-vous combien il y a de sortes d’impuretés ? « La femme qui a ses règles est impure ». (Lev 15,19) Pourquoi donc ? N’est-ce pas Dieu qui a fait la semence et qui préside à la génération ? Pourquoi donc cette femme est-elle impure ? Il faut qu’il y ait là un sens caché. Quel est-il ? Dieu veut faire naître la piété dans nos âmes et nous éloigner du libertinage. Car si la mère de famille est impure, combien plus la prostituée ne l’est-elle pas ? S’il n’est pas très pur de s’approcher de sa femme, combien n’est-il pas impur de souiller le lit d’autrui ? « Celui qui revient d’un enterrement est impur » ; combien plus ne l’est-il pas, celui qui revient du meurtre et de la guerre ? On pourrait trouver beaucoup de manières d’être impur, si on voulait les rechercher toutes. Mais maintenant nous ne sommes plus soumis à ces prescriptions : du corps, tout est passé à l’âme. Comme les objets matériels sont plus à notre portée, Dieu, pour ce motif, s’est d’abord servi d’images sensibles. Il n’en est plus ainsi, car on ne devait pas s’arrêter à des figures et s’attacher à des ombres, il fallait qu’on possédât la vérité et qu’on la retînt.

L’impureté, c’est le péché, fuyons-le, abstenons-nous-en : « Si tu vas vers lui, il te recevra ». (Sir 22,2) Rien n’est plus impur que la cupidité. Qu’est-ce qui le prouve ? Ce sont les faits eux-mêmes. Car, que ne souille-t-elle pas ? Elle souille les mains, l’âme, la maison même où elle dépose ce qu’elle a ravi. Pour les juifs, ce vice-là n’est rien. Cependant Moïse transporta les os de Joseph, Samson a trouvé de l’eau dans une mâchoire d’âne, et du miel dans le corps d’un lion mort ; Élie a été nourri par des corbeaux et par une femme veuve. Mais quoi, je vous prie, si nous voulions faire attention à tout, y a-t-il rien de plus exécrable que les membranes des livres ? Ne les tire-t-on pas des cadavres des animaux ? Ainsi, ce n’est pas seulement le débauché qui est impur, mais il en est d’autres plus coupables encore. L’adultère est également souillé. Si l’adultère et le débauché sont impurs, ce n’est pas pour avoir eu un commerce charnel ; car, par la même raison, l’homme marié qui s’approche de sa femme serait impur ; c’est pour avoir violé le droit, pour avoir cédé à la cupidité, pour avoir dérobé à un frère ce qu’il avait de plus précieux. Ne voyez-vous pas que c’est la perversité qui est impure ? Celui qui avait deux femmes n’était pas impur, car David, qui en avait plusieurs, ne l’était pas ; mais lorsqu’il s’en donna une seule autre injustement, il se souilla ; pourquoi ? Parce qu’il avait commis une injustice, parce qu’il s’était laissé aller à la cupidité. Pour le débauché, s’il est impur, ce n’est pas davantage pour avoir eu un commerce charnel, mais pour l’avoir eu contre la loi, parce qu’il viole une pauvre créature ; ils se font torts réciproquement, ceux qui ont une femme en commun, et ils renversent les lois de là nature. Car une femme doit n’être qu’à un seul homme. « Il les créa mâle et femelle », dit l’Écriture. « A eux deux, ils ne seront qu’une même chair ». (Gen 1,27, et 2, 24) Il n’est pas dit : Plusieurs, mais. « Deux en une même chair ». Ici donc encore, il y a injustice, et par conséquent cette action est mauvaise. Lorsque la colère passe les bornes ; elle rend encore l’homme impur, non point parce qu’elle est colère, mais parce qu’elle passe les bornes. En effet, l’Évangile ne dit pas seulement : « Celui qui se met en colère », mais il ajoute. « Sans cause ». (Mat 5,22) Ainsi, en toutes choses, avoir des désirs excessifs, c’est être impur. Car l’impureté vient d’une cupidité insatiable. Veillons donc, je vous en conjure, et devenons véritablement purs pour mériter de voir Dieu, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui partage avec le Père et le Saint-Esprit, la gloire, etc.

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