1 Corinthians 3:1-2
HOMÉLIE VIII.
AUSSI, MES FRÈRES, JE N’AI PU MOI-MÊME VOUS PARLER COMME À DES HOMMES SPIRITUELS, MAIS COMME À DES HOMMES CHARNELS, COMME À DE PETITS ENFANTS EN JÉSUS-CHRIST. JE VOUS AI NOURRIS DE LAIT, ET NON DE VIANDES SOLIDES, PARCE QUE VOUS N’EN ÉTIEZ PAS CAPABLES ; ET À PRÉSENT MÊME VOUS NE L’ÊTES PAS ENCORE, PARCE QUE VOUS ÊTES ENCORE CHARNELS. (CHAP. 3, VERS. 1, 2, JUSQU’AU VERS. 11)ANALYSE.
- 1. Que l’on peut encore n’être qu’un homme charnel tout en faisant des miracles.
- 2. Qu’une vie vicieuse empêche de voir la vérité.
- 3. Dans l’œuvre du salut les hommes ne sont rien, Dieu est tout.
- 4. Nécessité de l’union immédiate avec Jésus-Christ. – Danger du désespoir qui est le propre de l’impie.
- 5. Éviter avec soin les petites fautes, parce qu’elles conduisent aux grandes. – Combien la pénitence est rare.
▼Ou du mystère de l’Incarnation.
, et non dans le sens que nous venons d’exposer ; par ministre, il entend celui qui a complété le bienfait, et non celui qui l’a accordé de son fonds. Il ne dit pas : « Qui vous amènent à la foi, mais : « Par qui vous avez reçu la foi » ; leur accordant par là davantage, et faisant voir que les prédicateurs sont des ministres. Mais s’ils n’ont été que des ministres, comment s’attribuent-ils l’autorité ? Considérez qu’il ne les accuse point d’avoir usurpé l’autorité, mais de l’avoir cédée ; car la cause de la faute était dans le peuple ; si les uns se fussent tenus à l’écart, les autres se seraient désistés. Il prend donc, deux sages mesures pénètre là où il fallait détruire le mal, et il agit sans animosité, sans exciter davantage leur jalousie. « Selon le don que le Seigneur a départi à chacun ». Car ce faible avantage ne vient pas d’eux ; mais c’est un don de Dieu. De peur qu’ils ne disent : Quoi ! nous n’aimerons pas ceux qui nous servent ? vous les aimerez, répond-il, mais il faut savoir jusqu’à quel point : car ils n’ont rien d’eux-mêmes, tout leur vient de Dieu. « Moi, j’ai planté, Apollon a arrosé, mais Dieu a donné la croissance ». C’est-à-dire : J’ai le premier semé la parole ; de peur que la semence ne fût desséchée par les tentations, Apollon y a mis du sien, mais le tout a été l’œuvre de Dieu. « C’est pourquoi ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose ; mais « celui qui donne la croissance, Dieu ». Voyez comme il les console, de peur qu’ils ne s’aigrissent, en entendant dire : Qui est celui-ci ? qui est celui-là ? Car il ne leur était pas moins pénible d’entendre dire : Ni celui qui plante, ni celui qui arrose n’est quelque chose, que d’entendre dire : Qui est celui-ci ? qui est celui-là ? Mais comment les console-t-il ? En ce qu’il attire le mépris sur sa propre personne, quand il dit : « En effet, qu’est-ce que Paul ? qu’est-ce qu’Apollon ? » et aussi en ce qu’il rapporte tout au don de Dieu. Car après avoir dit qu’un tel a planté, et que celui qui plante n’est rien, il ajoute : « Mais celui qui donné la croissance, Dieu ». Il ne s’arrête même pas là ; il applique encore un autre remède en disant : « Or, celui qui planté et celui qui arrose sont une seule chose ». Son but est d’empêcher que l’un se glorifie vis-à-vis de l’autre. Il dit qu’ils sont une même chose, en ce sens qu’ils ne peuvent rien sans Dieu qui donne la croissance : Après avoir dit cela ; il ne permet pas même que ceux qui ont beaucoup travaillé se pavanent devant ceux qui ont moins travaillé, ni qu’ils aient de la jalousie les uns envers les autres. Et comme cette conviction que ceux qui avaient beaucoup travaillé ire faisaient qu’une seule chose avec ceux qui avaient moins travaillé, pouvait amener le relâchement, voyez quel correctif il y met, en disant : « Mais chacun recevra sa propre récompense selon son travail ». Comme s’il disait : Ne craignez point parce que j’ai dit qu’ils sont une seule chose : cela est vrai, si on les compare à l’œuvre de Dieu ; cela ne l’est plus, si on les juge d’après leurs travaux mais chacun d’eux recevra son propre salaire. Il prend même encore un largage plus doux, dès l’instant qu’il a atteint son but ; il est généreux là où il est permis de l’être : « Car nous sommes les coopérateurs de Dieu ; vous êtes le champ que Dieu cultive, l’édifice que Dieu bâtit ». Voyez-vous quelle œuvre considérable il leur attribue, après avoir d’abord établi que tout appartient à Dieu ? Comme il recommande toujours d’obéir aux chefs, il ne les rabaisse pas trop. « Vous êtes le champ que Dieu cultive ». Ayant d’abord dit : « J’ai planté », il persiste dans sa métaphore. Or, si vous êtes le champ de Dieu, il est juste que vous portiez son nom, et non celui des laboureurs. En effet, un champ porte le nom de son propriétaire et non de celui qui le laboure. « Vous êtes l’édifice que Dieu bâtit ». La maison appartient au propriétaire, et non à l’ouvrier. Que si vous êtes un édifice, il ne faut pas vous diviser, mais vous faire un rempart de la concorde. « Selon la grâce que Dieu m’a donnée, j’ai, comme un sage architecte, posé le fondement ». Ici il s’appelle sage, non par vaine gloire, mais pour leur donner un modèle et leur montrer qu’il est d’un sage de ne poser qu’un seul fondement. Du reste, voyez sa modestie. S’il se dit sage, il ne permet pas qu’on le lui attribue ; il ne se donne ce nom qu’après s’être rapporté à Dieu tout entier : « Selon là grâce que Dieu m’a donnée, j’ai, comme un sage architecte, posé le fondement ». Il fait voir en même temps que tout appartient à Dieu, et que la grâce consiste surtout en ce qu’il n’y a pas de division, mais que tout reposé sur un seul fondement. « Un autre a bâti dessus ; que chacun donc regarde comment il y bâtira encore » Ici il me semble les engager à combattre pour régler leur conduite, puisqu’il les a unis en un seul corps. « Car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus ». On ne peut poser le fondement qu’il n’y ait un architecte ; une fois le fondement posé, l’architecte disparaît. 4. Voyez comme il emploie des notions vulgaires pour démontrer son sujet. Voici ce qu’il veut dire : J’ai annoncé le Christ, je vous ai donné 1e fondement : voyez comment vous bâtissez dessus, si c’est pour la vaine gloire, pour attirer des disciples à des hommes. Ne faisons donc aucune attention aux hérésies car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé. Bâtissons donc sur lui, attachons-nous-y comme à un fondement, comme le sarment à la vigne, et qu’il n’y ait point d’intermédiaire entre le Christ et nous car, s’il s’en trouve un, notre ruine est immédiate. Le sarment tire de la sève parce qu’il tient au tronc ; un bâtiment reste debout parce que ses parties sont unies ; si elles viennent à se disjoindre, il tombe, faute d’appui. Ne tenons pas seulement au Christ, mais collons-nous à lui, en quelque sorte ; si une fois nous nous en, séparons, nous sommes perdus. Il est écrit : « En vérité, ceux qui s’éloignent de vous, périront ». (Psa 73,27) Collons-nous donc au Christ, mais par les œuvres : il nous dit lui-même : « Celui qui garde mes commandements, demeure en moi ». (Jn 14,21) Il emploie une foule de comparaisons peur nous prouver la nécessité de l’union. Voyez : il est la tête, et nous les membres ; or, peut-il y avoir un espace vide entre la tête et le reste du corps ? Il est le fondement, et nous l’édifice ; il est la vigne et nous les sarments ; il est l’époux, et nous l’épouse ; il est le berger, et nous les brebis ; il est la route, et nous les voyageurs ; nous sommes le temple, il en est l’habitant ; il est le premier-né, nous sommes les frères ; il est l’héritier, nous sommes les cohéritiers ; il est la vie, et c’est nous qui vivons ; il est la résurrection, et c’est nous qui ressuscitons ; il est la lumière, et c’est nous qui sommes éclairés. Tout cela nous représente l’unité et n’admet aucun intermédiaire, aucun vide, si petit qu’il soit. Car celui qui est quelque peu séparé, le sera bientôt beaucoup. Si peu que le corps soit divisé par le glaive, il périt ; si peu que l’édifice se crevasse, il tombe en ruine : si peu que le sarment soit séparé de la racine, il devient inutile. Ainsi, ce peu n’est pas peu, mais presque tout. Donc, quand nous avons un peu péché, ou été un peu lâches, ne négligeons pas ce peu ; autrement il deviendra beaucoup. Ainsi, un manteau qui commence à se déchirer et qu’on néglige de réparer, se déchire en entier ; ainsi un toit dont quelques tuiles sont tombées sans qu’on se donne la peine de les remettre, détruit toute, la maison. Songeons à tout cela et ne négligeons jamais les petites fautes, pour ne pas tomber dans les grandes ; mais si nous les avons négligées et que nous soyons tombés au fond de l’abîme, ne désespérons cependant pas encore, de peur que notre tête ne s’appesantisse. Car, à moins d’une extrême vigilance, il sera bien difficile de remonter de là, non seulement à cause de la longueur de l’espace, mais à raison de la situation même. En effet, le péché est un abîme profond, où l’on est entraîné et brisé dans la chute. Comme ceux qui tombent dans un puits ont de la peine à en sortir et ont besoin que d’autres les retirent, ainsi en est-il de ceux qui s’enfoncent dans l’abîme du péché. Jetons-leur donc des cordes et retirons-les ; non seulement il en faut pour les autres, mais aussi pour nous-mêmes, afin de nous lier et de remonter, non seulement de tout ce que nous sommes descendus, mais de beaucoup plus si nous voulons. Dieu nous aide ; lui « qui ne veut pas 1a mort du pécheur, mais qu’il se convertisse ». (Eze 23,3) Que personne donc ne désespère, que personne ne se laisse atteindre par le vice des impies : car, « quand l’impie est descendu au fond de l’abîme, il méprise ». (Pro 18,3) Ainsi ce n’est pas la multitude des péchés ; mais le sentiment de l’impiété, qui produit le désespoir. Eussiez-vous commis tous les crimes possibles, dites-vous à vous-mêmes : Dieu est bon et il désire notre salut. « Car quand vos péchés seraient rouges comme l’écarlate », nous dit-il, « je les rendrai blancs comme la neige » (Isa 1,13) ; je les changerai en un état contraire. Donc ne désespérons pas ; car tomber n’est pas aussi grave que de persévérer dans sa chute ; être blessé est moins terrible que de ne pas vouloir laisser guérir sa blessure. Et « qui se vantera d’avoir le cœur pur ? Qui osera se dire exempt de péchés ? » (Pro 20,9) Je dis cela, non pour favoriser votre négligence, mais pour vous empêcher de tomber dans le désespoir. 5. Voulez-vous savoir combien notre maître, est bon ? Un publicain chargé d’iniquités, monte au temple, et pour avoir dit ces simples mots : « Ayez pitié de moi ! » (Luc 18,13), il en sort justifié. Et Dieu nous dit, par la bouche du prophète : « Je l’ai un peu contristé à cause de son péché, et voyant qu’il s’en allait affligé et triste, j’ai corrigé ses voies ». (Isa 57,17-18) Quelle charité égale celle-là ? Parce qu’il était triste, nous dit-il, j’ai remis son péché. Pour nous, nous n’agissons pas ainsi ; et c’est par là que nous provoquons surtout la colère de Dieu. Celui que la moindre chose rend propice, a raison de s’irriter quand il ne rencontre pas cette disposition, et de tirer de nous la plus dure vengeance : car c’est le signe d’un extrême mépris. Mais qui s’attriste du péché ? qui en gémit ? Qui s’en frappe la poitrine ? qui s’en inquiète ? Personne, ce me semble. On pleure très longtemps la mort d’un serviteur, une perte d’argent ; et quand tous les jours nous donnons la mort à notre âme, nous n’en avons pas le moindre souci. Comment vous rendrez-vous Dieu propice, si vous ne savez pas même que vous avez péché ? Mais, dites-vous ; j’en conviens, j’ai péché. Oui, c’est un aveu de votre bouche ; mais faites-le aussi de cœur, et après l’avoir fait, gémissez, afin d’avoir toujours bon courage. En effet, si nous nous affligions de nos péchés, si nous gémissions de nos fautes, nous n’éprouverions aucune autre douleur, car celle-là écarterait toutes les autres. En sorte que nous retirerions encore de la confession ce nouvel avantage de n’être jamais absorbés par les calamités de la vie présente, ni enflés par le succès et la prospérité : et par là nous nous rendrions Dieu plus propice, au lieu de l’irriter par notre conduite, comme nous le faisons maintenant. Dites-moi : si vous aviez un serviteur qui eût éprouvé beaucoup de mauvais traitements de la part de ses compagnons et n’en tînt aucun compte, uniquement occupé à ne pas irriter son maître, cela ne suffirait-il pas à apaiser votre colère ? Mais si, au contraire, sans s’inquiéter de ses torts à votre égard, il ne s’occupait que de ceux qu’il a eus envers ses compagnons, ne le puniriez-vous pas avec plus de sévérité ? C’est ainsi que Dieu se conduit quand nous nous soucions peu de son courroux, nous l’augmentons ; quand nous nous en inquiétons, nous l’adoucissons. Nous l’apaisons même entièrement : car il veut que nous nous punissions nous-mêmes de nos péchés, et, dans ce cas, il renonce à nous en punir lui-même. C’est dans cette vue qu’il nous menace, afin que la crainte nous empêche de le mépriser. Quand la menace suffit à nous détourner du mal, il ne permet pas qu’elle s’accomplisse. Voyez ce qu’il dit à Jérémie : « Ne voyez-vous pas ce qu’ils font ? « Leurs pères allument le feu ; leurs fils apportent du bois ; leurs femmes pétrissent la farine ». (Jer 7,17-18) Il est fort à craindre qu’on n’en dise autant de nous. Personne ne cherche les intérêts de Jésus-Christ ; chacun cherche les siens propres. (Phi 2,21) Leurs fils courent au libertinage ; leurs pères à l’avarice et à la rapine ; leurs femmes aux caprices du siècle ; elles excitent leurs époux, bien loin de les retenir. Tenez-vous sur la place publique ; interrogez les allants et les venants, vous n’en verrez pas un montrer de l’empressement pour des choses spirituelles, mais tous s’agitent pour des intérêts matériels. Quand deviendrons-nous sages ? Combien de temps resterons-nous dans notre sommeil léthargique ? Ne sommes-nous pas rassasiés de maux ? À défaut de paroles, l’expérience nous apprend assez que tout est vanité et affliction ici-bas. Des hommes qui n’avaient que la sagesse du dehors et ne savaient rien de l’avenir, ont pu se convaincre du peu de valeur des choses présentes et par cela seul s’en détacher. Quel pardon pouvez-vous espérer, vous qui rampez à terre, qui n’avez pas la force de mépriser des biens futiles et passagers, et de les abandonner pour un bonheur immense et éternel ; vous qui êtes instruit et éclairé là-dessus par Dieu lui-même et avez reçu de lui de si grandes promesses ? Ceux qui, en dehors de ces promesses, ont su s’abstenir des biens de ce monde, nous prouvent assez par leurs exemples qu’il n’y a pas là de quoi enchaîner nos affections. En effet, quelles richesses espéraient-ils, en embrassant la pauvreté ? Aucune. Ils savaient seulement que la pauvreté est préférable aux richesses. Quelle vie espéraient-ils en renonçant aux plaisirs, en menant une existence austère ? Aucune. Mais pénétrant la nature des choses, ils sentaient que cela rendait l’âme plus sage et le corps plus sain. Animés donc des mêmes pensées ; et portant toujours en nous l’espérance des biens futurs, détachons-nous du présent, afin d’obtenir ces biens à venir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent, au Père et au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. HOMÉLIE IX.
QUE SI ON ÉLÈVE SUR CE FONDEMENT UN ÉDIFICE D’OR, D’ARGENT, DE PIERRES PRÉCIEUSES, DE BOIS, DE FOIN, DE CHAUME, L’OUVRAGE DE CHACUN SERA MANIFESTÉ. CAR LE JOUR DU SEIGNEUR LE METTRA EN LUMIÈRE, ET IL SERA RÉVÉLÉ PAR LE FEU ; AINSI LE FEU ÉPROUVERA L’ŒUVRE DE CHACUN. SI L’OUVRAGE DE CELUI QUI À BÂTI SUR LE FONDEMENT DEMEURE, CELUI-CI RECEVRA SA RÉCOMPENSE. SI L’ŒUVRE DE QUELQU’UN BRÛLE, IL EN SOUFFRIRA LA PERTE ; CEPENDANT IL SERA SAUVÉ, MAIS COMME PAR LE FEU. (IBID. 12, 13, 14, 15, JUSQU’À 17)
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