Ephesians 3:5-6
« C’est pour cela que moi, Paul, je suis le prisonnier du Christ Jésus, pour vous, gentils. (3, 1) » Il a dit l’infinie sollicitude du Christ : il passe maintenant à la science, petite sans doute, nulle en comparaison de la première, mais suffisante elle-même à gagner les âmes. Voilà pourquoi moi-même, dit-il, je suis enchaîné. Car si mon Maître a été crucifié pour vous, à bien plus forte raison suis-je enchaîné. non seulement il a été lié, mais il permet encore que ses serviteurs le soient pour vous, les gentils. Voilà qui donne à penser : non seulement nous ne vous détestons point, mais nous sommes enchaînés à cause de vous, et moi j’ai obtenu cette grâce inestimable. « Car vous avez appris sans doute que Dieu m’a confié la dispensation de sa grâce en votre faveur (2) ». Il fait allusion à la prédiction que Dieu avait faite à Damas touchant lui-même à Ananie : « Va, car cet homme m’est un vase d’élection pour porter mon nom devant les gentils et les rois ». Par « Dispensation de sa grâce », il entend la révélation. C’est comme s’il disait : Ce ne sont pas les hommes qui m’ont instruit, Dieu a daigné me faire une révélation particulière à cause de vous. « Il m’a dit : Va, parce que je t’enverrai loin chez les gentils ». (Act 22,21) C’est justement qu’il emploie ce mot de « Dispensation ». En effet, c’était une grande marque de providence que d’appeler d’en haut celui que rien ne pouvait convaincre, de lui dire : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? » et de l’aveugler de cette lumière ineffable. « Car vous avez appris sans doute que Dieu m’a confié la dispensation de sa grâce en votre faveur, puisque, par révélation, il m’a fait connaître ce mystère, comme je vous l’ai écrit plus haut en peu de mots (3) ». Sans doute il les en avait informés par quelques personnes, ou il leur avait écrit peu de temps auparavant. Il montre ici que tout vient de Dieu, que nous n’avons contribué pour rien. En effet, dites-moi, ce grand, cet admirable Paul, qui avait étudié la loi, qui avait reçu une instruction si parfaite aux pieds de Gamaliel, n’est-ce point la grâce qui le sauva ? C’est à bon droit qu’il nomme cela mystère : c’est bien un mystère que d’avoir élevé subitement les gentils à une noblesse supérieure à celle des Juifs. – « Comme je, vous l’ai écrit plus haut en peu de mots ». – « De sorte que, lisant, vous pouvez comprendre (4) ». Ah ! ainsi il n’écrivait pas tout, ni tout ce qu’il fallait écrire. Mais ici c’était la nature de la chose qui le voulait : ailleurs, c’était la perversité, comme chez les Hébreux, comme chez les Corinthiens. « De sorte que, lisant, vous pouvez comprendre l’intelligence que j’ai du mystère du Christ… ». En d’autres termes, comment j’ai compris ou que Jésus est assis à droite, ou de semblables paroles de Dieu. Ensuite, il fait valoir leur privilège ; comment « Dieu n’a pas fait ainsi à toute nation » ; et il poursuit en montrant, quel est ce peuple à qui Dieu a fait ainsi. « Mystère qui, dans les autres générations, n’a pas été découvert aux enfants des hommes, comme il est maintenant révélé par l’Esprit à ses saints apôtres et aux prophètes (5) ». Qu’est-ce donc, dites-moi, que les prophètes ne savaient pas ? Comment donc le Christ peut-il dire que Moïse et les prophètes avaient voulu parler de lui ; et encore : « Si vous aviez cru en Moïse, vous auriez cru en moi » ; et ailleurs : « Scrutez les Écritures, puisque vous pensez avoir en elles la vie éternelle, car ce sont elles qui rendent témoignage de moi ». (Jn 5,46, 39) Il veut dire, ou que tous les hommes n’ont pas reçu cette révélation ; car il ajoute : « Mystère qui, dans les autres générations, n’a pas été découvert aux enfants des hommes, comme il est maintenant révélé » ; ou que la chose n’a pas été révélée aussi clairement par les faits, quelle est maintenant révélée à ses saints apôtres et aux prophètes par l’Esprit. Voyez en effet : Pierre, s’il n’avait pas été averti par l’Esprit, ne serait point allé chez les gentils. Écoutez en effet ses paroles : « Ainsi Dieu leur a donné l’Esprit-Saint comme à nous », S’il dit : « Par l’Esprit », c’est que Dieu a voulu qu’ils reçussent la grâce par l’Esprit. Les prophètes parlaient, mais ils ne se rendaient point de ces merveilles un compte précis ; puisque les apôtres eux-mêmes ne les comprenaient pas parfaitement après en avoir été instruits : car cela dépassait de beaucoup la raison humaine et la commune espérance. « Que les gentils sont cohéritiers, membres d’un même corps et participant avec eux de la promesse (6) ». 3. Qu’est-ce à dire : « Cohéritiers, participant avec eux de la promesse, et membres d’un même corps ? » Voilà la grande chose, cette réunion en un seul corps, ce complet rapprochement. On savait que les gentils seraient appelés ; mais que ce devait être à ces conditions, on l’ignorait. De là cette expression : « Mystère de promesse ». Les Israélites avaient part, les gentils avaient part également à la promesse de Dieu. « Dans le Christ par l’Évangile ». En d’autres termes, par son envoi vers eux, et par leur conversion : car il ne dit pas seulement : « Dans le Christ », mais ajoute : « Par l’Évangile ». Mais c’est peu : Paul nous révèle quelque chose de plus grand ; à savoir que cela était ignoré non seulement des hommes, mais des anges, des archanges eux-mêmes, de toute puissance créée : c’était un mystère, et personne n’en avait eu la révélation. « Comprendre l’intelligence que j’ai ». Sans doute il fait allusion à ce qu’il leur a dit dans les actes, que s’il invite les gentils eux-mêmes, c’est en lui l’effet d’une certaine intelligence. Il veut parler de l’intelligence du mystère dont il a parlé, à savoir que Jésus créera en lui-même et formera un seul homme nouveau. Il a appris par révélation, ainsi que Pierre, qu’il ne faut pas avoir les gentils en abomination, et saint Pierre le déclare lorsqu’il se justifie d’avoir été chez les gentils. « Dont j’ai été fait le ministre en vertu du don de la grâce de Dieu, qui m’a été donnée par l’opération de sa vertu (7) ». Il a dit qu’il est prisonnier, ce qui ne l’empêche pas ici de faire honneur de tout au Seigneur, en disant : « En, vertu du don de la grâce de Dieu » ; car c’est par la vertu de ce don que cet honneur lui a été fait. Mais le don ne suffisait pas, si la force ne lui avait été communiquée en même temps. Car c’était vraiment le fait d’une grande force ; et un zèle humain n’aurait pu y suffire. Paul apporta trois choses à la prédication : un zèle bouillant et intrépide, une âme prête à tout supporter, et enfin l’intelligence et la sagesse ; car ce n’eût pas été assez du courage, d’une vie irréprochable, s’il n’avait reçu en outre la vertu de l’esprit. Voyez-en la preuve chez lui-même d’abord, ou plutôt, écoutez ce qu’il écrit : « Afin que notre ministère ne soit pas censuré » (2Co 6,3) ; et encore : « En effet, notre prédication a été exempte d’erreur, d’impureté, de paroles de flatterie, de prétexte d’avarice ». (1Th 2,3,5) Voyez-vous qu’elle était irréprochable. Et ailleurs : « Ayant soin de faire le bien, non seulement devant Dieu, mais encore devant les hommes ». (Rom 12,17) Ensuite : « Chaque jour je meurs, oui, par la gloire que je reçois de vous en Jésus-Christ Notre-Seigneur ». (1Co 15,31) Et encore : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, la détresse ou la persécution ? » (Rom 8,35) Et ailleurs : « Par une grande patience dans les tribulations, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons ». (2Co 6,4-5) Puis sa conduite pleine de sagesse : « Je me suis fait Juif avec les Juifs, avec ceux qui sont sous la loi comme si j’eusse été sous la loi ». (1Co 9,20-21) Il se rase et se soumet à mille pratiques. Mais ce qui passe avant tout, c’est qu’il agissait par la vertu de l’Esprit-Saint. « Car je n’oserai parler d’aucune des choses que le Christ n’a pas faites par moi ». (Rom 15,18) Car en quoi avez-vous été inférieurs aux autres Églises ? enfin : « Car je n’ai été inférieur en rien aux plus éminents apôtres, quoique je ne sois rien. ». (2Co 12,13,11) Sans cela la chose eût été impossible. Ce n’est point par des miracles qu’il convertit : les miracles n’y faisaient rien : Ce n’est pas, de cela qu’il croyait devoir se prévaloir, mais d’autres choses. Il faut être irrépréhensible, sage, hardi, persuasif. C’est par là qu’il réussit en général : et dès qu’il avait cela, les miracles devenaient superflus. Nous voyons du moins que, même avant d’avoir opéré aucun miracle, il avait fait mille choses de ce genre. Et nous, sans avoir rien de tout cela, nous voulons réussir en tout. Or, ôtez l’une de ces choses, le reste devient inutile. Car à quoi bon être hardi, si l’on est sujet aux reproches dans sa conduite ? « Si la lumière qui est en toi est ténèbres, les ténèbres elles-mêmes, que seront-elles ? » Et que sert d’avoir une vie irréprochable, si l’on est paresseux et nonchalant ? « Si quelqu’un ne porte pas sa croix, et ne marche pas à ma suite, il n’est pas digne de moi ». Et encore : « Si quelqu’un ne donne pas sa vie pour les brebis », et la suite. Et que sert de réunir ces deux conditions, si l’on manque d’adresse pour répondre à chacun comme il convient ? Or, si les signes ne dépendent pas de nous, ces deux choses sont en notre pouvoir. Paul, tout en s’attribuant toutes ces qualités, en reportait néanmoins tout l’honneur à la grâce. C’est le fait d’un serviteur reconnaissant. Et nous ne connaîtrions pas même ses grandes actions, s’il n’eût été forcé de nous en instruire. Est-ce que nous sommes dignes, même de nous souvenir de Paul ? Bien qu’il eût la grâce avec lui, il ne se tenait pas néanmoins pour content, et affrontait pour sa part mille dangers. Et nous, qui n’avons point le même crédit, sur quoi compter, dites-moi, ou pour garder ceux qui nous sont confiés, ou pour gagner ceux qui se tiennent encore à l’écart, nous, hommes adonnés à la mollesse, avides de repos à tout prix, incapables de résister, même en songe, à un péril, ou plutôt, incapables de le vouloir, nous, aussi éloignés de la sagesse de Paul que le ciel est éloigné de la terre ? Si ceux qui sont sous notre direction restent si loin des hommes d’alors, c’est que les disciples d’alors valaient mieux que les docteurs d’aujourd’hui : ils étaient circonvenus de tous côtés par les peuples et les tyrans ; la guerre les assiégeait de toutes parts : et rien ne pouvait les abattre ni les fléchir. 4. Écoutez du moins ce que dit Paul aux Philippiens : « Puisqu’il vous a été donné touchant le Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui ». Aux Thessaloniciens : « Vous êtes devenus imitateurs des Églises de Dieu qui sont en Judée ». Aux Hébreux : « Vous avez supporté avec joie l’enlèvement de vos biens ». Aux Colossiens : « Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Jésus en Dieu » : et il témoigne en même temps de beaucoup de périls courus par le même peuple. Aux Galates : « Vous avez souffert tant de maux sans motifs, si toutefois c’est sans motif ». Et vous les voyez tous appliqués à faire le bien. Voilà pourquoi la grâce agissait alors, pourquoi ils vivaient dans les bonnes œuvres. Écoutez encore ce qu’il écrit aux Corinthiens, auxquels il adresse mille reproches : ne leur rend-il pas également témoignage en disant : « Mais votre zèle, mais votre désir ? » (2Co 7,11) Tous les témoignages qu’il leur rend à ce sujet, on ne trouverait plus aujourd’hui lieu de les appliquer, même aux maîtres : de sorte que tout a fui, tout est perdu. La raison en est dans le refroidissement de la charité, dans ce que les pécheurs ne sont plus châtiés (« Reprends les pécheurs devant tous », écrit Paul à Timothée), dans la corruption des chefs : car, dès que la tête n’est point saine, comment le reste du corps demeurerait-il en bonne santé ? Voyez l’étrange renversement ! Ceux à qui une vie pure pourrait donner plus de confiance, ont gagné le sommet des montagnes ; ils se sont éloignés de la ville comme d’un pays ennemi, ils se sont arrachés à leur propre corps comme s’il leur était étranger. Au contraire, des hommes pervers, souillés de tous les vices, se sont jetés sur les Églises : les dignités sont devenues vénales. De là, des maux infinis. Personne ne réprime les abus, personne ne punit les coupables, mais on a mis un certain ordre dans le désir. Quelqu’un a-t-il péché, est-il accusé, il ne cherche pas à établir son innocence, mais à trouver des complices de son crime. Et pourtant il y a un enfer ! Croyez-moi, si Dieu n’avait réservé ses vengeances à la vie future, vous verriez tous les jours au milieu de nous des châtiments plus tragiques que toutes les calamités qui ont écrasé la nation juive. Que personne ne se fâche, je ne désigne personne. Si quelqu’un avait reçu le don de lire clairement dans la vie des autres, et qu’entré dans l’église, il eût à se prononcer sur ceux qui la remplissent en ce moment avec vous ; que dis-je, en ce moment ? sur tous ceux qui, le jour de Pâques, reçoivent le baptême, il y trouverait des crimes plus grands que ceux des Juifs ; des gens qui croient aux augures, aux charmes, aux sortilèges, qui emploient les maléfices, des fornicateurs, des adultères, des ivrognes, des médisants. Je passe sous silence les spoliateurs, de peur de blesser quelqu’un ici. Si l’homme dont je parle scrutait les cœurs de tous ceux qui approchent de nos autels dans le monde entier, quelles horreurs ne verrait-il pas ? Et, pour ne parler que des chefs, il les trouverait avides de gain, trafiquant des charges publiques, jaloux ; vaniteux, fourbes, esclaves de leur ventre ou de l’argent. L’impiété étant si grande, quels châtiments n’avons-nous pas à redouter ? Pour vous faire une idée de la terrible punition encourue par ces pécheurs, rappelez-vous l’Ancien Testament : un soldat vola une propriété sacrée, et tous périrent ; vous savez l’histoire ? Je parle de ce Charmi qui déroba l’anathème. Alors, dit le prophète : Leur pays fut rempli d’augures, comme celui des étrangers. (Isa 2,6) Maintenant les maux abondent, et nul ne s’en effraie. Tremblons : car Dieu confond les justes mêmes dans le châtiment des impies, comme il est arrivé pour Daniel, pour les trois enfants, pour des milliers d’autres, comme il arrive encore dans les guerres présentes. Car les uns se déchargent par là de tous leurs péchés, les autres en demeurent chargés. Pour tous ces motifs, veillons sur nous-mêmes. Ne voyez-vous pas la guerre multiplier ses ravages ? N’entendez-vous pas le cri des malheurs publics ? N’est-ce pas assez pour vous instruire ? Des cités, des nations entières disparaissent du monde ; des milliers d’hommes libres sont esclaves chez les barbares. Si ce n’est la crainte de l’enfer, que ces cruels fléaux, du moins, nous avertissent et nous corrigent. Sont-ce de pures menaces ? ne sont-ce pas des faits réels ? D’autres ont été gravement punis ; nous le serons plus qu’eux, nous à qui leurs malheurs n’ont pas servi de leçon… Ce langage est importun, je le sais : mais il est utile, si l’on sait y faire attention… Nos discours ne sont pas faits pour plaire, mais pour faire rentrer l’âme en elle-même, et lui inspirer la sagesse. Car c’est ainsi qu’on obtient les biens éternels : auxquels puissions-nous tous parvenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui la gloire, l’empire, l’honneur appartiennent au Père et en même temps au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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