Ephesians 6:2
HOMÉLIE XXI.
ENFANTS, OBÉISSEZ À VOS PARENTS DANS LE SEIGNEUR ; CAR CELA EST JUSTE. HONORE TON PÈRE ET TA MÈRE (C’EST LE PREMIER COMMANDEMENT FAIT AVEC UNE PROMESSE), AFIN QUE BIEN T’ARRIVE, ET QUE TU VIVES LONGTEMPS SUR LA TERRE. (VI, 1-3,4)Analyse.
- 1 et 2. De l’obéissance et du respect filial.
- 3. De l’éducation.— Danger des études profanes quand on n’y allie point celle des saintes Écritures.
- 4. Réfutation de l’objection tirée de ce que l’enfant est destiné à vivre dans le monde. – Exemples divers : le saint solitaire Julien. – Que les parents peuvent être responsables de l’indocilité de leurs enfants.
▼Ce qu’il y a d’obscur ou d’inexact dans ces allusions peut provenir d’une altération de texte, tout aussi bien que d’une ignorance réelle ou feinte.
; tel autre qui s’enivre ; que sais-je encore ? Ce n’est donc pas trop des remèdes dont je parle. 2. N’est-il pas absurde, quand nous avons soin d’envoyer nos enfants à l’école, de les mettre en apprentissage, quand nous ne négligeons rien pour cela, de ne pas les élever dans la discipline et la correction du Seigneur ? Aussi sommes-nous les premiers à recueillir les fruits de cette éducation, et nous avons des fils présomptueux, intempérants, indociles, grossiers. Croyez-moi, procédons autrement, et, suivant l’avis de l’apôtre, instruisons-les dans la science du Seigneur. Donnons-leur l’exemple, et que, dès l’âge le plus tendre, ils lisent, ils étudient les divines Écritures. Hélas ! à force de vous répéter cela, je vous parais radoter. N’importe, je ne cesserai d’accomplir mon œuvre. Pour quelle raison, dites-moi, n’imitez-vous pas les anciens ? Vous surtout, femmes, imitez les femmes admirables de ce temps. Vous avez mis au jour un enfant ? Suivez l’exemple d’Anne : Voyez ce qu’elle fit tout d’abord : elle le conduisit au temple. Qui de vous ne préférerait pas mille fois à une domination exercée sur le monde entier le bonheur d’avoir en son fils un second Samuel ? Et comment faire, dira-t-on, pour le rendre tel ? Pourquoi serait-ce impossible ? Le seul obstacle, c’est que vous ne le voulez pas, que vous ne le remettez pas en des mains capables d’en faire un autre Samuel. Et qui le pourrait ? direz-vous. Dieu : c’est à Dieu qu’Anne confia son fils. Car Héli lui-même n’était pas des plus aptes à cette éducation, puisqu’il ne put pas la donner à ses propres fils ; mais ce qu’il n’avait pu faire, la foi d’une femme, son zèle, l’opéra. C’était son premier, son unique enfant, elle ignorait si elle en aurait d’autres. Pourtant, elle ne dit pas : J’attendrai que mon fils ait grandi, afin qu’il voie le monde ; je le laisserai jouir des années de son enfance. Anne écarta toutes ces pensées, et ne songea qu’à une chose, à consacrer tout d’abord à Dieu cette offrande spirituelle. Hommes, rougissons de trouver chez une femme tant de sagesse : elle offre son fils à Dieu, et le laisse dans le temple. Si son mariage lui valut tant de gloire, c’est qu’elle avait commencé par chercher les biens spirituels, c’est qu’elle avait offert ses prémices : voilà pourquoi son sein devint fécond, et lui donna d’autres enfants encore : voilà pourquoi elle vit Samuel illustre dans le monde même. Car si les hommes reconnaissent les hommages qu’on leur rend, ne doit-il pas en être ainsi de Dieu, à plus forte raison, lui qui fait du bien même à ceux qui le négligent ? Jusques à quand serons-nous chair ? jusques à quand vivrons-nous penchés vers la terre ? Faisons tout passer après les soins que nous devons à nos enfants, après l’éducation qu’il faut leur donner dans la discipline et la correction du Seigneur. Si nous leur apprenons tout d’abord la vraie sagesse, ce sera pour eux une fortune, une gloire qui effaceront les plus brillantes. Vous leur rendrez un moindre service en leur enseignant un métier ou les sciences profanes, qui les mettront en état de s’enrichir, qu’en leur enseignant l’art de mépriser les richesses. Si vous voulez qu’ils soient riches, prenez-vous-y de cette manière. Car le riche n’est pas celui qui a beaucoup de besoins et beaucoup de ressources, mais celui qui n’a besoin de rien. Voilà ce que vous devez enseigner à votre fils : nul trésor n’égale celui-là. Ne visez pas à ce qu’il se signale dans les études profanes, mais occupez-vous de lui apprendre à mépriser la gloire du monde vous le rendrez ainsi capable de s’illustrer. Riche ou pauvre, tout le monde peut en faire autant : ce n’est pas affaire d’école ni de doctrine, mais œuvre de la divine parole. Ne visez pas à ce que votre fils vive longuement ici-bas, mais à ce que là-haut il vive éternellement. Assurez-lui les grands biens, sans vous inquiéter des petits. Écoutez Paul qui vous dit : « Élevez-les dans la discipline et la correction du Seigneur ». Ne vous inquiétez pas d’en faire un orateur, mais faites-en un sage. On peut, sans inconvénient, n’être pas un orateur mais si l’on n’est pas un sage, à quoi bon toute la rhétorique du monde ? On a besoin de bonnes mœurs, et non de beau langage ; de vertu, non d’éloquence ; d’œuvres, non de paroles. Voilà ce qui procure le royaume, voilà ce qui assure la possession des biens véritables. Au lieu d’aiguiser votre langue, purifiez votre âme. Ce n’est pas que je proscrive absolument ce genre d’études, mais il ne faut pas qu’on s’y adonne exclusivement. Ne vous figurez pas que les moines seuls aient besoin des leçons des Écritures : il n’est rien qui soit plus nécessaire aux enfants qui vont entrer dans le monde. Si un vaisseau bien équipé, un bon pilote, des matelots sont utiles non à celui qui ne s’éloigne pas du port, mais à celui qui est toujours en mer : il en est de même à l’égard du moine et du mondain. L’un est, pour ainsi dire, dans un port tranquille ; il vit exempt des soucis de la vie, à l’abri de toutes les tempêtes. L’autre est constamment en mer, il passe son existence au milieu des flots, en lutte avec les vagues : il faut qu’il soit prémuni quand bien même il n’aurait pas besoin de défense, ne fût-ce que pour fermer la bouche à autrui. 3. Ainsi donc, plus on sera haut placé dans ce monde, plus on aura besoin de cette éducation. Né dans le palais des rois, on s’y verra entouré de païens, de philosophes, hommes enflés de gloire mondaine, comme dans un lieu rempli d’hydropiques. Tels sont les cours : on n’y trouve qu’orgueil et vanité ; qui n’a pas ces vices, s’efforce de les acquérir. Représentez-vous votre fils entrant dans ce séjour, muni, comme un excellent médecin, de tous les instruments propres à guérir la fièvre générale, s’approchant de chacun, s’entretenant avec lui, et guérissant sa maladie au moyen du contre-poison des Écritures, et du langage de la vraie sagesse. Car, en ce qui regarde le moine, à qui parlera-t-il ? Aux murs, aux toits ? au désert, aux forêts ? aux oiseaux, aux arbres ? Une telle éducation n’est donc pas absolument indispensable au solitaire : néanmoins il tâche de se la donner, non pour la communiquer aux autres, mais dans son propre intérêt. Ce sont donc les gens du monde qui en ont particulièrement besoin : en effet, ce sont eux qui sont le plus exposés au péché. De plus, si vous voulez le savoir, dans le monde même, une telle science sera très avantageuse à votre enfant. Car tous le respecteront après l’avoir entendu parler de la sorte, lorsqu’ils le verront traverser le feu sans se brûler, et rester insensible à l’ambition : alors cette autorité qu’il ne désire point viendra le trouver, et le roi aura une grande déférence pour lui. Un homme pareil ne peut échapper aux regards. Parmi des gens en santé, l’homme sain peut demeurer caché aux yeux ; mais qu’il soit entouré de malades, la renommée ne peut manquer de porter son nom jusqu’aux oreilles du roi, qui chargera cet homme rare d’un vaste gouvernement. Instruits de ces vérités, élevez vos enfants dans la discipline et la correction du Seigneur. Mais un tel est pauvre ? Eh bien ! qu’il reste pauvre : il ne sera pas inférieur pour cela aux habitants des palais : on l’admirera, sans qu’il soit le convive des rois, et bientôt il parviendra à cette dignité que le libre arbitre confère, et non l’élection. Si des hommes qui ne valent pas trois oboles, des cyniques, professant une philosophie qui ne vaut pas davantage (je parle de la philosophie des païens), ou plutôt en affichant le nom, font rentrer bien des gens en eux-mêmes, avec leur grossier manteau, et leur chevelure inculte, que sera-ce du philosophe véritable ? Si une vaine apparence, si une ombre de philosophie possède un tel pouvoir, qu’adviendra-t-il, du moment que nous aurons embrassé la vraie, la pure philosophie ? Ne serons-nous pas les objets du respect général ? Ne nous confiera-t-on pas avec pleine sécurité biens, femmes, enfants ? Mais il n’y a pas, non, il n’y a pas aujourd’hui de philosophe pareil : c’est donc en vain que nous chercherions quelque part un exemple. Il en est parmi les moines, il n’en est pas dans le monde. Qu’il y en a parmi les solitaires, j’en pourrais produire de nombreuses preuves : je me bornerai à vous en fournir une. Vous connaissez sans doute, ou de vue, ou, tout au moins, par ouï-dire, l’homme dont je veux parler : l’admirable Julien. C’était un paysan, de basse naissance, de basse condition ; absolument étranger aux études profanes, mais tout rempli de la philosophie véritable. Quand il entrait dans les villes, ce qui arrivait rarement, l’affluence était plus grande que s’il se fût agi d’un rhéteur, d’un sophiste, de quelque personnage que ce fût. Mais que dis-je ? son nom même n’est-il pas encore aujourd’hui plus glorieux que celui du plus illustre monarque ? Eh bien ! si l’on voit de pareilles choses dans ce monde, dans ce monde où le Seigneur ne nous a promis aucun bien, où il nous a proclamés étrangers, songeons quelles sont aux cieux les récompenses réservées à de pareils hommes. S’ils obtiennent tant d’honneurs dans un séjour qu’ils ne font que traverser, de quelle gloire ne jouiront-ils pas dans leur patrie ? S’ils rencontrent tant de vénération aux lieux où la tribulation leur est promise, quel repos ne goûteront-ils pas là où les vrais honneurs leur sont promis ? Vous voulez maintenant que je vous cite des mondains ? Mais, à l’heure qu’il est, les exemples nous font défaut : non qu’il manque absolument de mondains vivant honnêtement ; mais aucun n’a atteint le faîte de la sagesse. Je vous renverrai donc aux exemples donnés par les saints de l’ancien temps. Combien d’hommes ayant femmes et enfants ont égalé ceux que je vous cite ! Mais il n’en est plus ainsi « à cause de la détresse présente », comme dit notre saint. Qui voulez-vous donc que je vous nomme ? Noé, ou Abraham ? le fils du premier, ou celui du second ? ou encore Joseph ? Ou bien voulez-vous que je passe aux prophètes ? à Moïse ? à Isaïe ? 4. Si vous le trouvez bon, nous nous porterons du côté d’Abraham, que l’on nous cite toujours entre tous. N’avait-il pas une femme ? N’avait-il pas des enfants ? Je ne fais que vous renvoyer ce que vous nous dites à nous-mêmes, Il avait une femme, mais ce n’est pas en cela qu’il était admirable : il était riche, mais ce n’est pas pour cela qu’il plut à Dieu ; il eut des enfants, mais ce n’est pas comme père qu’il a mérité le nom de bienheureux ; il avait trois cent dix-huit esclaves, mais ce n’est pas pour cette raison qu’on l’admirait. Pour quelle raison, alors ? Pour son hospitalité, son dédain des richesses, sa modération. Quel est en effet, dites-moi, le propre d’un sage ? n’est-ce pas de mépriser l’argent et la gloire ? de s’élever au-dessus de l’envie, de toutes les passions ? Eh bien ! faisons comparaître Abraham au milieu de nous, examinons-le, et montrons quel philosophe c’était. D’abord il comptait pour rien sa patrie : « Sors de ton pays, et de ta famille », lui fut-il ordonné ; et aussitôt il s’en alla. Il n’était pas attaché à sa maison, ni par habitude, ni autrement : sans quoi il ne l’eût pas quittée. Plus que personne il faisait bon marché de la gloire et des richesses ; vainqueur dans une guerre, pressé de recueillir les dépouilles de l’ennemi, il dédaigna de le faire. Son fils, de même, ne dut pas sa gloire à ses richesses, mais à son hospitalité ; à ses enfants, mais à son obéissance ; à sa femme, mais à la stérilité de sa femme. Ils comptaient pour rien la vie présente, ne thésaurisaient point, dédaignaient tout. Dites-moi, quelles sont les plus précieuses des plantes ? ne sont-ce pas celles qui tirent leur force d’elles-mêmes, qui ne redoutent ni la pluie, ni la grêle, ni les vents, ni aucune intempérie de ce genre, et qui, debout, bravent tous ces assauts, sans avoir besoin de rempart ni d’échalas ? Voilà le sage, voilà la richesse dont je parle : le sage ne possède rien, et possède tout : il a tout, et n’a rien. Un mur est une chose extérieure, une haie n’est pas un rempart naturel, mais une défense d’emprunt. Mais, dites-moi, qu’est-ce qu’un corps vigoureux ? n’est-ce pas celui qui jouit d’une santé parfaite, qui peut résister et à la faim, et à la réplétion, et à la chaleur, et au froid ? ou bien celui qui est exposé à toutes ces influences, et a besoin de cuisiniers, de tisserands ; de chasseurs, de médecins, pour se maintenir en santé ? Le riche, le vrai sage, c’est l’homme qui sait se passer de toutes ces choses. Voilà pourquoi notre saint a dit : « Élevez-les dans la discipline et la correction du Seigneur ». Ne vous environnez donc point de remparts : la gloire, la richesse, les voilà… Que l’échalas vienne à tomber, ce qui ne manque pas, la plante reste nue et sans défense ; et ces précautions passées, loin de lui rendre aucun service, lui ont été, au contraire, nuisibles. Car ce sont précisément ces remparts qui, en l’empêchant de s’accoutumer à braver les assauts des vents, sont cause qu’elle succombe maintenant. Ainsi donc la richesse nous est plus nuisible que profitable, en ce qu’elle nous empêche de nous exercer à braver les vicissitudes de la vie. Mettons donc nos enfants en état de résister à tout, de ne pas se laisser déconcerter par les accidents ; élevons-les dans la discipline et la correction du Seigneur : nous en serons amplement récompensés. Si l’on voit combler d’honneurs les hommes qui font la statue des rois ou peignent leur image : nous, qui parons en nous-mêmes l’image de Dieu, ne jouirons-nous pas de mille biens, si nous atteignons à la ressemblance ? Cette ressemblance, c’est la vertu, à laquelle nous parviendrons si nous enseignons à nos enfants à être hommes de bien, exempts de colère et de ressentiment ; comme Dieu lui-même, bienfaisants, charitables, indifférents aux biens du monde. Appliquons-nous de toutes nos forces à les façonner ainsi que nous-mêmes, à les régler sur le devoir : songeons, en effet, avec quelle assurance nous pourrons alors comparaître au tribunal du Christ. Si celui qui a des enfants indociles est indigne de l’épiscopat, à bien plus forte raison l’est-il du céleste royaume. Eh quoi ! dira-t-on : si notre femme, si nos enfants sont insoumis, nous aurons à en rendre compte ? Oui, si nous n’avons pas fait scrupuleusement tout ce qui était en nous ; car il ne suffit pas pour notre salut que nous ayons été vertueux nous-mêmes. Si celui qui n’avait pas placé l’unique talent fut puni par cela même, il est clair qu’il ne suffit pas pour notre salut que nous ayons été vertueux de notre côté. Occupons-nous donc de nos femmes, veillons avec le plus grand soin sur nos enfants, sur nos serviteurs, sur nous-mêmes, et dans nos efforts pour régler notre conduite et la leur, prions Dieu afin qu’il nous vienne en aide. S’il nous voit occupés, empressés à cette œuvre, il nous secondera : s’il nous trouve indifférents, il ne nous tendra pas la main. Car Dieu ne nous porte pas secours quand nous dormons : il ne nous assiste que lorsque nous faisons effort nous-mêmes. On n’aide pas une personne qui se repose. Mais c’est au bon Dieu qu’appartient le pouvoir d’assurer le succès de notre œuvre, afin que nous soyons tous jugés dignes d’obtenir les biens promis, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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