Philippians 2:5-6
HOMÉLIE VI.
QU’ON RECONNAISSE EN VOUS LES SENTIMENTS DE JÉSUS-CHRIST MÊME, QUI ÉTANT L’IMAGE DE DIEU… ET SON ÉGAL,… S’EST ANÉANTI EN PRENANT LA FORME DE SERVITEUR, ETC. (CHAP. 2,5-9)Analyse.
- 1-4. Exorde : Jésus-Christ proposé par lui-même et par saint Paul comme modèle de charité. — Les ennemis de l’Incarnation nommés, leurs hérésies dévoilées, leurs impiétés d’avance réfutées par le texte de saint Paul.- Réfutation spéciale de Sabellius et d’Arius. — Le Fils n’est pas un petit Dieu, inférieur au Père. — Jésus-Christ a pu se croire Dieu, « sans rapine », puisqu’il l’est : l’orateur profite de ce texte, pour établir à la fois la nature divine de Jésus-Christ, et l’essence de l’humilité. — Il explique les mots : « In forma Dei ».
- 4-6. Judas perverti par l’avarice : craignons de succomber sous cette passion.— Mammon et Jésus-Christ se disputent le monde. — L’enfer au bout de l’avarice. Pourquoi l’orateur parle de l’enfer.
▼Les ariens prétendaient que le mot Dieu, qui en grec admet l’article « le Dieu » signifiait le Père ; mais que, sans l’article, Dieu simplement indiquait le Fils. Le saint les réfute victorieusement.
», έν μορφῆ Θεοῦ, sans article, vous prétendez que le Père n’est pas désigné ici, je vous montrerai en maints passages le Père désigné par le mot Dieu sans article. Pourquoi vous annoncé-je d’autres textes ; d’abord, celui-ci m’en donne une preuve immédiate : il n’a pas cru être usurpateur, quand il s’est cru l’égal « de Dieu », et non pas « du » Dieu (Θεῷ simplement) ; il n’a pas mis l’article, bien qu’il parlât du Père. — Volontiers j’ajouterais mes autres citations ; mais je crains de fatiguer vos esprits. Du moins que vos mémoires retiennent ce que nous avons dit pour renverser les systèmes ennemis. Arrachons les épines (du doute et de l’erreur), puis nous sèmerons la bonne semence, après avoir détruit les ronces maudites et rendu à la terre de nos cœurs un champ libre et reposé ; il lui faut, en effet, dépouiller toute la végétation vicieuse des doctrines étrangères, pour qu’elle puisse ensuite recevoir avec pleine vertu les divines semences. 4. Rendons grâces à Dieu pour l’instruction que nous venons d’entendre ; demandons-lui qu’il nous accorde de la garder et de la retenir, afin que, peuple et prédicateur, en recueillent la joie, et les hérétiques la confusion. Supplions-le qu’il daigne aussi, pour la suite de ce discours, nous ouvrir la bouche, et nous inspirer pour l’instruction des mœurs. Prions-le qu’il nous donne une vie digne de notre foi, afin que, vivant pour sa gloire, nous ne fassions jamais par notre faute blasphémer son saint nom. « Malheur à vous », est-il écrit, « parce qu’à cause de vous le nom de Dieu est blasphémé ». Si, lorsque nous avons un fils, (et que pouvons-nous avoir de plus proche qu’un fils?) et que nous sommes, à cause de lui, en butte aux outrages, nous le renions, nous le détestons, nous le rejetons ; combien plus voyant des serviteurs ingrats, blasphémateurs et outrageux, Dieu ne devra-t-il pas les rejeter et les haïr ? Et devenus les objets de cette aversion, de cette haine de Dieu, qui donc recevra, qui protégera ces misérables ? Personne, Satan et les démons exceptés. Et cette proie du démon, quel espoir de délivrance lui reste ? Quelle consolation dans sa triste vie ? Tant que nous sommes dans la main de Dieu, nul ne peut nous en arracher, tant elle est puissante. Mais une fois tombés hors de cette main, de cette puissance secourable, nous sommes perdus, exposés en proie à tous les ravisseurs, jetés sous tous les pieds qui voudront nous fouler, pareils à des murs croulants, à une haie renversée. Quand la muraille est faible, chacun facilement lui donne l’assaut ; et ce que je vais dire de Jérusalem, ne s’applique pas seulement à la cité sainte, mais, sachez-le, à tout homme. Or, qu’est-il écrit de Jérusalem ? « Je chanterai au peuple que j’aime le cantique que mon bien-aimé a composé pour sa vigne. — Mon bien-aimé avait une vigne sur une colline, dans un lieu fertile. — Je l’ai close, je l’ai environnée d’un fossé, et j’ai planté un cep de Sorech ; j’ai bâti une tour au milieu, j’y ai construit un pressoir, et j’ai attendu qu’elle me produisît des raisins, et elle n’a produit que des épines. — Maintenant donc, vous, habitants de Jérusalem, et vous, hommes de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne. — Qu’ai-je dû faire de plus à ma vigne, et que je n’aie point fait ? Car j’ai attendu qu’elle produisît du raisin ; elle n’a produit que des épines. — Maintenant donc je vous montrerai ce que je veux faire à ma vigne. J’en arracherai la haie, et elle sera exposée au pillage ; j’en détruirai la muraille, et elle sera foulée aux pieds. — Et j’abandonnerai ma vigne ; elle ne sera plus taillée ni labourée ; les épines y monteront, comme dans une terre inculte, et je commanderai aux nuées de ne plus lui épancher leurs ondes. — La vigne du Seigneur des armées, c’est la maison d’Israël, c’est l’homme de Juda, autrefois son plant choisi. — J’ai attendu qu’ils fissent des actions de droiture, ils n’ont en faute que l’iniquité ; et au lieu de la justice que j’attendais, j’entends la clameur qui les accuse ». (Isa 5,1-7) Toute âme trouve ici sa leçon. Car lorsque le Dieu de toute bonté a comblé la mesure de ses bienfaits ; et que l’âme, au lieu de raisin, a produit les épines, Dieu arrache la haie, détruit le mur, et nous sommes en proie aux ravisseurs. Écoutez comment et avec quelle douleur un autre prophète a dépeint cet état : « Pourquoi, mon Dieu, avez-vous détruit sa muraille ? Pourquoi est-elle ravagée par tous les passants du chemin ? Le sanglier de la forêt l’a dévastée ; toute bête sauvage y a pris sa pâture ». (Psa 80, 13-14) Sans doute, il parle plus haut du Mède et du Babylonien ; mais ici il ne le désigne même pas. Ce sanglier, cette bête solitaire et sauvage, c’est le démon et ses puissances infernales. « Solitaire et sauvage sanglier » désigne et dépeint son impureté et sa férocité. Pour donner une image de ses instincts rapaces, les saints livres le comparent au « lion qui rôde en rugissant, cherchant qui il pourra dévorer ». (1Pi 5,8) Pour nous signaler ses poisons dangereux et mortels, ils l’appellent serpent et scorpion. « Foulez aux pieds », est-il dit, « les serpents, les scorpions, et toute la puissance de l’ennemi ». (Luc 10,19) Pour nous faire comprendre à la fois son poison et sa force, ils le nomment dragon ; ainsi dans ce passage : « Le dragon que vous avez fait pour s’y jouer ». (Psa 104,26) Au reste, dragon, serpent, aspic, sont des noms que l’Écriture lui donne partout ; comme à une bête tortueuse, d’aspects variés et de force redoutable, qui agite, trouble, bouleverse toutes choses dans les hauteurs comme dans les abîmes. Toutefois ne craignez pas, ne perdez pas courage ; veillez seulement, et il ne sera plus qu’un faible passereau. « Foulez aux pieds », a dit le Seigneur, « les serpents et les scorpions ». Lui-même, si nous le voulons, le jettera sous nos pieds comme une vile poussière. 5. Mais qu’il est ridicule, ou plutôt qu’il est malheureux de voir qu’un être destiné à ramper sous nos pieds, plane en vainqueur sur nos têtes ! Et comment cela se fait-il ? Par notre faute ! Il grandit, si nous voulons ; et si nous voulons, il se rapetisse. Soyons bien à nos intérêts, serrons-nous autour de notre Roi : dès lors, il s’amoindrit, et n’a pas plus de pouvoir contre nous qu’un petit enfant. Mais si nous nous éloignons de notre Roi suprême, il se redresse, il frémit, il aiguise ses dents homicides, parce qu’il nous trouve privés de ce puissant auxiliaire. Il n’attaque, en effet, que dans la mesure que Dieu permet. S’il n’osait, par exemple, envahir un troupeau de pourceaux, avant que le Seigneur ne lui en eût donné permission, bien moins le ferait-il sur les âmes humaines. Dieu permet ses attaques, d’ailleurs, ou pour instruire, ou pour punir, ou même pour glorifier davantage ses élus. Voyez-vous, par exemple, que loin de provoquer Job, le démon n’osait même approcher de lui, qu’il le craignait, qu’il tremblait ? Mais que parlé-je de Job ? Judas, Judas lui-même ne devint la proie du démon et son entière conquête ; que quand Notre-Seigneur eut retranché ce traître du collège sacré des apôtres. Jusque-là Satan le tentait au-dehors, et n’osait faire irruption jusque dans son âme. Mais dès qu’il le vit retranché du saint bercail, il l’attaqua plus furieusement qu’un loup ne ferait jamais, et il ne lâcha cette proie qu’après lui avoir donné une double mort. Ce douloureux chapitre a été, du reste, écrit pour notre instruction. Ne demandez pas ce que nous avons gagné à savoir que Jésus-Christ ait été trahi par l’un des douze intimes quel est ici notre profit, quel est notre avantage ? Il est grand, vous répondrai-je. Si nous comprenons bien le motif, qui détermina ce perfide à un pareil complot, nous veillerons à ne pas nous laisser entraîner par une cause semblable. Comment donc Judas en vint-il à se perdre ? Par avarice. Il était voleur, et cette maladie le rendit fou au point de lui faire livrer Notre-Seigneur pour trente pièces d’argent. Quelle plus honteuse folie ! rien au monde n’égalait, rien ne pouvait valoir l’objet sacré de cette trahison ; et « Celui » devant qui les nations sont comptées comme un néant, il le livre pour trente pièces d’argent ! Tant est lourde la tyrannie de l’avarice, tant elle est capable de dégrader une âme ! L’ivresse même produit dans l’âme un délire moins grand que l’avarice. La folie, l’idiotisme frappent moins fort que la passion de l’argent. Car, dis-moi, aveugle apôtre, quelle raison a déterminé ta perfidie ? Obscur et inconnu, tu fus, par le Seigneur, appelé, placé même au rang des douze ; il te communiqua sa doctrine, il te promit des biens inappréciables, il te fit produire des miracles même ; sa table, ses voyages, sa conversation, il partageait tout avec toi, comme avec tes collègues de l’apostolat. Tant de bienfaits ne suffirent donc pas à t’arrêter ? Quel si grand mobile alors te rendit traître ? Avais-tu, scélérat, le moindre sujet de plainte ; ou plutôt de quels biens ne t’avait-il pas accablé ? Connaissant ton infâme dessein, il ne cesse de te donner tout ce qu’il a. Souvent il répète : « Un de vous me trahira » (Mat 26,21) ; souvent il te désigne, en t’épargnant toujours ; il sait ce que tu es, et ne te chasse pas du sacré collège. Il te supporte encore, et comme si tu étais toujours un membre légitime de ce corps vénérable, un des douze intimes, il t’honore, il te chérit. Enfin, ô crime, tu le vois ceint d’un linge, et de ses pures mains lavant tes pieds impurs ; rien ne t’arrête ; tu continues à voler le bien des pauvres ; et le Seigneur le supporte encore pour t’empêcher de faire le dernier pas ; mais rien ne peut changer ta détermination. Et pourtant, quand tu serais une bête féroce, une pierre même, tant de bienfaits reçus, tant de miracles opérés, cette doctrine sublime de l’Évangile enfin, ne devait-elle pas te fléchir ? Hélas ! jusque dans cette dégradation bestiale, le Seigneur te poursuit de ses appels ; malgré cette pétrification de ton cœur plus dur que les rochers, ses œuvres merveilleuses t’invitent au retour : mais en vain ; tout cela ne peut amender Judas. Peut-être, mes frères, cet excès de folie dans un traître vous étonne ; ah ! que sa plaie honteuse vous fasse trembler ! La cupidité, l’amour de l’argent l’a fait ce que vous voyez. Arrachez de vos cœurs cette passion, qui enfante de telles maladies de l’âme, qui fait les impies, qui nous conduirait, même après mille bienfaits de la bonté de Dieu, à le méconnaître et à le renier. Arrachez cette passion, je vous en supplie ; ce n’est pas une maladie légère ; elle sait produire mille morts très cruelles. Nous avons vu le mal de Judas : craignons d’y succomber nous-mêmes. Son histoire a été écrite pour nous préserver de tels malheurs ; tous les évangélistes l’ont racontée, pour nous apprendre le désintéressement. Fuyez donc, et de loin, le vice contraire : l’avarice se reconnaît non seulement dans le désir de beaucoup d’argent, mais dans le simple désir de l’argent. C’est déjà avarice grave, que de demander au-delà du besoin. Sont-ce des talents d’or qui ont poussé Judas à la trahison ? Trente deniers lui ont suffi pour livrer le Seigneur. Ne vous souvient-il plus de ce que j’ai dit déjà, que le désir exagéré de l’argent se manifeste non pas seulement en acceptant une somme considérable, mais plus encore en recevant une somme chétive ? Voyez quel grand crime commet Judas pour un peu d’or ! que dis-je pour un peu d’or, pour quelques pièces d’argent ! 6. Non, non, jamais l’avare ne contemplera Jésus-Christ face à face ; c’est là, je le répète, une impossibilité. L’avarice est la racine de tous les péchés. Que s’il suffit d’un seul, pour perdre la gloire éternelle, où donc sera placé celui qui apportera, au jugement de Dieu, la racine de tous les péchés ? Le serviteur de l’argent ne peut être le vrai serviteur de Jésus-Christ. C’est lui-même qui a proclamé cette incompatibilité absolue. « Vous ne pouvez », a-t-il dit, « servir Dieu et Mammon » ; et encore : « Nul ne peut servir deux maîtres » (Mat 6,24), car leurs volontés sont contraires. Jésus-Christ vous dit : Pitié pour les pauvres ! Mammon reprend : Prenez ce qu’ils possèdent. Jésus-Christ : Donnez-leur ce que vous avez ! Mammon : Ravissez même ce qu’ils ont. Voyez-vous le combat ? Voyez-vous la guerre ? Faut-il vous montrer comment personne ne peut servir ces deux maîtres, mais comment l’un des deux sera nécessairement méprisé ? N’est-ce pas là une vérité d’une clarté qui n’a pas besoin de commentaire ? Comment ? c’est qu’en fait nous voyons Jésus-Christ méprisé et Mammon en honneur ! Sentez-vous déjà l’amertume de ces paroles ? Et si les paroles sont amères, que ne sont pas les faits eux-mêmes ? mais la maladie qui nous travaille, nous empêche de sentir la gravité des faits. Dès que nous commencerons à nous dégager des étreintes de cette passion, notre esprit jugera sainement des choses. Mais une fois sous l’empire de cette fièvre de l’or, notre âme se complaît dans son mal, perd absolument la faculté de juger, et voit se corrompre le tribunal même de sa conscience. Jésus-Christ prononce : « Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple ». (Luc 14,33) Mammon réplique : Arrache le pain à l’indigent. Jésus-Christ : Habillez sa nudité ! Mammon : Volez-lui jusqu’à ses haillons. Jésus-Christ : Ne méprisez pas votre propre sang et ceux de votre maison. Mammon : Pour ton sang et ta maison, point de pitié ; quand ce serait un père, quand ce serait une mère, méprise-les. Et que parlé-je de père et de mère ? Sacrifie, je le veux, jusqu’à ton âme. Il commande, on l’écoute. Hélas ! hélas ! ce maître qui vous impose des lois si cruelles, si inhumaines, si sauvages, nous trouve obéissants, plutôt que Celui dont le joug est léger et les commandements si salutaires. De là, l’enfer ; de là, le feu ; de là ce fleuve de flammes et ce ver qui ronge éternellement. Je le sais : beaucoup ici ne sont point charmés de nous voir traiter ce sujet menaçant ; mais moi-même, c’est malgré moi que j’y touche : qu’ai-je, enfin, à y gagner ? Ah ! bien mieux aimerais-je à vous entretenir continuellement des biens du royaume céleste, de ce repos, de ces ondes qui désaltèrent pleinement, de ces pâturages verdoyants et joyeux, comme les appelle le prophète : « Il m’a élevé auprès des eaux rafraîchissantes, il m’a placé au milieu de gras pâturages ». (Psa 23,2) Oui, j’aimerais à vous parler de ce lieu, d’où sont bannis la douleur, le deuil, les chagrins. J’aimerais raconter le bonheur qu’on goûte dans un séjour avec Jésus-Christ, bien qu’il dépasse tout langage et même toute pensée. J’aimerais néanmoins à user toutes mes forces sur cet éternel et délicieux sujet, mais que ferais-je alors ? Car il n’est pas possible de parler de royaume à un malade brûlé par la fièvre. Tant que dure son périlleux état, il faut traiter de sa guérison ; tant que la peine et le châtiment le menacent, il messiérait de lui parler de gloire. On n’a qu’un but, en ce cas ; c’est de le sauver de la peine, du supplice ; si nous n’atteignons ce premier résultat, comment espérer l’autre ? Continuellement donc je vous entretiens du mal à redouter, pour vous faire arriver au bien que vous désirez. Car si Dieu lui-même nous a menacés de l’enfer, c’est pour que personne ne tombe en enfer ; c’est pour que tous nous arrivions à la couronne. Ainsi nous-mêmes nous ne cessons pas de vous parler d’enfer, pour vous relever jusqu’à l’espoir d’un trône, pour fléchir d’abord vos cœurs sous la crainte et les décider à pratiquer ce qui fait mériter la palme. Veuillez donc supporter sans chagrin le poids de nos paroles. Ce poids de ma parole aura l’avantage d’alléger vos âmes du fardeau de leurs péchés. Le fer, aussi, les marteaux ont du poids ; et cependant on fabrique avec eux les vases d’or et d’argent ; on redresse les objets tors ; si les outils étaient moins lourds, ils deviendraient impuissants à redresser un corps tordu. Ainsi le poids de nos reproches peut façonner vos âmes au bien. Ne cherchez donc pas à éviter ni leur pesanteur, ni leurs coups salutaires ; on ne vous blesse jamais pour briser et déchirer vos âmes, mais pour les corriger. Nous savons, en effet, grâce à Dieu, dans quelle mesure il faut frapper, et quelle doit être l’intensité de nos coups, afin que, sans jamais briser le vase, ils puissent le guérir, le restaurer, le remettre en état de servir au divin Maître ; de telle sorte que la réparation le présente avec un nouveau lustre, avec une forme et une ciselure irréprochable, au grand jour où doit couler le fleuve de feu, et qu’il ne devienne pas la pâture du bûcher que l’éternité entretiendra. Si vous ne passez ici-bas par le feu de la parole, vous passerez infailliblement dans l’autre vie par le feu de l’enfer, puisque « le jour du Seigneur se révélera par le feu ». (1Co 3,13) Mieux vaut qu’un instant notre parole vous brûle, que la flamme dont parle ici l’apôtre. Cet avenir éternel, en effet, est d’une certitude absolue ; souvent je l’ai prouvé par des raisons sans réplique ; les saintes Écritures suffiraient pour vous en donner la pleine conviction. Mais plusieurs étant portés à la discussion, nous y avons ajouté maints raisonnements. Rien n’empêche que maintenant même nous ne les apportions encore. — Qu’avions-nous dit ? Dieu est juste, nous l’avouons ; gentils et juifs, hérétiques et chrétiens. Or, bien, des pécheurs sortent de ce monde sans être punis ; bien des hommes de vie vertueuse en sont sortis de leur côté après avoir subi mille calamités. Donc, si Dieu est juste, en quel lieu donnera-t-il aux uns la récompense, aux autres le supplice, s’il n’y a pas d’enfer, s’il n’y a pas de résurrection ? Ce raisonnement, répétez-le toujours aux autres et à vous-mêmes ; il ne vous laissera pas un doute sur la résurrection. Or, quand on croit à la résurrection, sans ombre de doute, on apporte tous les soins, toute l’attention possible à mettre son âme en état de gagner les biens éternels. Puissions-nous tous y parvenir, par la grâce et bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, en l’unité du Père et du Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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